Le secret d'Elecia

Cela faisait près d'une semaine qu'ils avaient quitté les Terres de l'Aube. Ils étaient sans cesse restés sur leurs gardes, à l'affut du moindre bruit. Devon les suivait et ils le savaient. Elecia connaissait trop bien Devon pour dire qu'il ne les traquerait pas. Il ferait tout pour les retrouver et aller jusqu'à l'autre bout du monde, affronter des tempêtes et des raz-de-marée ne lui faisait pas peur.

On ne pouvait pas dire que les Terres d'Opale avaient été clémentes avec eux. Plus ils marchaient et plus la neige et le froid étaient présents. Ils se retrouvaient sans cesse à devoir trouver un abri creusé dans la roche, en espérant ne déranger aucun animal sauvage, pour se protéger des nombreuses tempêtes de neige et autres blizzards.

–Tu te rends compte de ce qu'on fait pour toi bâtard ? Avait plaisanté Murzol un soir alors qu'ils se réchauffaient au coin du feu.

–Je ne suis pas le seul que vous escortez, avait rétorqué le jeune homme avant de faire un signe de tête vers Azlore.

Ils se tournèrent tous les quatre vers le garçon en pleine méditation. Il planait à quelques centimètres du sol de la grotte, sa tunique et ses cheveux flottaient autour de lui et une étrange lumière bleue émanait de lui.

–Ouais mais je ne dirais rien de lui, chuchota l'orque pour que l'apprenti druide ne l'entende pas, il pourrait me maudire ou quelque chose dans le genre. Je me méfie de la magie. D'ailleurs, si tu pouvais t'éloigner un peu plus de moi Elecia je me sentirais rassuré.

La jeune femme lui lança un regard noir et Murzol se ratatina sur lui-même.

–Il va falloir qu'on reparle de ça, lança Torestrin en allumant sa pipe, tu as quand même foutu le feu à un bordel et seuls les Dieux savent comment.

Tous les regards convergèrent vers elle et elle ne savait quoi dire.

–On s'est déjà tout dit, répondit-elle en reportant son attention sur l'épée qu'elle était en train d'affuter.

–Oh vraiment ? Continua le nain. C'est pour ça qu'on ne sait toujours pas pourquoi tu nous as caché ça aussi longtemps, ni ce que tu es réellement. Qui es-tu ?

Elle s'arrêta dans son œuvre et releva la tête. Son regard croisa celui de Durlan qui ne cessait de la fixer, les flammes du feu de camp donnant une lueur étrange à ses yeux.

–Je vous l'ai déjà dit, mes parents étaient...

–Des fermiers de deux races différentes qui ont été tués par des brigands, on l'avait compris, la coupa Torestrin. Mais de quelle race ? Et comment se fait-il que tu puisses pratiquer la magie ? Et parler cette langue étrange ? J'ai posé la question à Azlore et ce mot que tu as prononcé ne figure dans aucun des livres de druides. Ça fait des années que je te connais et tu n'as pas pris une seule ride et tu n'as aucun cheveu blanc, tu dis que ce que tu as sur les bras ne sont que des tatouages mais si ça avait été le cas tu ne t'obstinerait pas à les cacher et je n'ai jamais vu personne se battre comme toi. Je me suis toujours tu mais aujourd'hui j'en ai assez !

Le nain en avait lancé sa pipe qui atterrit directement dans les flammes. Elecia resta sans voix, se trouvant dans l'incapacité de répondre. C'est alors que des souvenirs de ses parents lui revinrent à l'esprit. Elle qui s'était efforcé d'oublier, se rappeler lui faisait mal. Elle se leva d'un seul coup et tourna les talons sans rien ajouter.

–Tu peux fuir mais nous connaîtrons la vérité tôt ou tard !

Elle ferma les yeux un instant et s'éloigna le plus possible des autres, étouffant. Elle s'assit à l'entrée de la grotte, assez loin pour ne plus entendre ses compagnons, et resserra les pans de sa cape autour d'elle pour s'apporter un peu de chaleur. La tempête s'était calmée mais un épais brouillard cachait les montagnes au loin et la vallée. Tout autour d'elle était enneigé.

Son regard s'arrêta sur une biche qui s'était arrêter pour la regarder, immobile. Elles restèrent toutes les deux ainsi à se regarder durant de longues minutes. Elecia trouvait dans cet animal un certain calme et une majesté. Mais ce moment ne dura pas longtemps. Lorsqu'une pierre bougea près de la jeune femme, la biche s'en alla aussi vite qu'elle le put, disparaissant entre les sapins.

Quelqu'un vint s'asseoir auprès d'elle mais elle n'eut pas la force de regarder de qui il s'agissait. À l'odeur, ce n'était pas Murzol.

–Est-ce que tout va bien ?

Durlan. Est-ce que cela l'étonnait ? Pas le moins du monde. Cela dit, ils n'avaient pas vraiment échangé depuis l'épisode du Fleur de Macadam, mais elle ne savait pas si elle voulait réellement lui parler. À vrai dire, elle préférait rester seule mais elle savait qu'elle ne pourrait pas se débarrasser de lui aussi facilement.

–Je ne compte pas me morfondre dans tes bras, fit-elle, je ne suis pas une de tes dames Durlan.

–Je sais mais parler fait parfois du bien.

–À toi sans doute mais pas à moi alors laisse-moi.

Elle avait eu beau employer un ton ferme, le jeune homme ne bougea pas pour autant. Elle trouvait qu'il prenait un peu trop de liberté depuis qu'elle l'avait autorisé à l'embrasser, et cela ne lui plaisait pas.

–Si tu comptes me demander qui je suis, reprit-elle, tu peux retourner en débattre avec Torestrin et Murzol, puisqu'ils semblent avoir développé une nouvelle passion pour mon identité.

–Je me fiche pas mal de qui tu es, rétorqua-t-il. S'il y a bien une chose que j'ai apprise avec toi c'est de se foutre éperdument des autres tant que ça ne t'impacte pas toi-même.

Elecia l'observa un instant. Dans ces mots elle avait du mal à reconnaître le jeune homme apeuré qu'ils avaient trouvé dans la forêt quelques mois plus tôt.

–On dirait que le prince altruiste est devenu égoïse finalement, lâcha-t-elle en reportant son attention sur la montagne.

–Il faut croire que vous avez eu plus d'influence sur moi que je ne l'aurais pensé, plaisanta-t-il.

Elle ne put réprimer un sourire. Durlan se mit alors à bouger, changeant trop régulièrement de position. Elle avait remarqué qu'il le faisait systématiquement lorsqu'il était gêné et qu'il avait quelque chose à dire.

–Tais-toi, fit-elle.

–Pardon ? S'étonna-t-il en se stoppant. Mais je...

–Je sais de quoi tu allais me parler et ne le fais pas, laisse les choses comme elles sont.

–D'accord.

Elle fut surprise par sa réponse. Elle avait l'habitude qu'il insiste, ce qui la mettait en colère à chaque fois, alors le voir capituler aussi tôt l'étonnait. Mais elle ne releva pas, appréciant ce silence qu'il lui offrait, c'était trop rare pour ne pas le faire.

–Euh... Elecia ?

Elle grogna. Ce répit fut trop court à son goût.

–Pourquoi est-ce que tu t'obstine à parler tout le temps ?

–Je ne l'aurais pas fait si ce qu'il se passe n'était pas inquiétant.

Elle se tourna vers lui, les sourcils froncés. Elle ne voyait pas où il voulait en venir. Il pointa alors ses cheveux du doigts.

–Tes cheveux sont en train de devenir blancs, déclara-t-il.

Son cœur loupa un battement. Elle baissa les yeux, affolée, et prit sa tresse entre ses doigts. Il avait raison, quelques mèches de ses cheveux avaient blanchis. Elle se releva d'un seul coup et regarda vers le ciel. Avec les derniers évènements, elle avait manqué la pleine lune. Fais chier !

–J'ignorais que tu pouvais vieillir aussi vite, plaisanta-t-il.

Elle lui jeta un regard noir, elle n'était définitivement pas d'humeur à plaisanter.

–T'es stupide Durlan, ce n'est pas drôle !

Elle se rua à l'extérieur, affrontant le vent violent de la montagne.

–Attends, je ne voulais pas te blesser ! Elecia !

Elle l'ignora et se mit à courir entre les conifères regardant tout autour d'elle. Des animaux s'enfuyaient, effrayés par le vacarme qu'elle faisait. Elle regarda une nouvelle fois ses cheveux : c'était de pire en pire. À force de courir et de chercher désespérément, elle trouva un lac gelé au bord duquel elle s'accroupit. Elle enleva alors ses gants et posa ses deux mains à plat sur la glace.

Krær, souffla-t-elle.

Un petit nuage sortit de sa bouche et une épaisse fumée sortit de ses mains, brisant peu à peu la glace et réchauffant l'eau qui entra en ébullition. Satisfaite d'elle elle tourna les talons et se rua vers un arbre. Autour d'elle il n'y avait que des sapins, elle dût alors se frayer un chemin entre les épines qui écorchaient sa peau pour décrocher du tronc de l'écorce. Elle revint ensuite au bord de l'eau et posa les écorces sur la neige. Elle s'empara ensuite de sa dague et se coupa la paume de la main gauche puis dessina avec son sang des runes tout autour de l'écorce, tâchant ce tapis blanc immaculé.

Elle récitait ces paroles par automatisme, elle l'avait fait des milliers de fois. Les runes ensanglantées s'illuminèrent et le sang rejoignait de lui-même m'écorce de l'arbre qui s'en imprégnait et qui s'agrandissait et prenait la forme d'un calice. Une fois le récipient stabilisé, elle s'en empara et puisa de l'eau du lac dans laquelle elle laissa tomber trois gouttes de son sang. Pas une de plus, pas une de moins. Elle porta le calice à ses lèvres et en but l'entièreté du contenu d'une traite. Le goût était horrible mais elle n'avait pas le choix.

Une fois le liquide avalé, elle brûla le calice et regarda vers le ciel alors que les flammes avalaient lentement le bois. La lune n'était pas pleine, les effets de la magie ne seraient pas aussi puissants que d'ordinaire mais c'était la seule option qu'elle avait, elle devrait simplement faire attention.

Elle resta longtemps à regarder les flammes, assise dans la neige et emmitouflée dans son manteau. Ses cheveux étaient redevenus bruns et elle ne sentait presque plus toute sa magie affluer en elle. La retenir lui assurait sa sécurité, c'était là le seul moyen qu'elle avait trouvé. Ne jamais révéler ce qu'elle était. Mais Torestrin, Murzol, Durlan et même Azlore allaient lui poser des questions à son retour. Elle ne voulait pas y répondre, elle ne pouvait pas. Que se passerait-il si cela se savait ? Elle ne pouvait pas se permettre de se mettre autant en danger pour apaiser ses compagnons. Elle inventera une excuse ou alors elle restera muette et s'en ira se coucher en espérant qu'ils la laissent dormir.

Elle attendit que les flammes disparaissent et se releva, recouvrant les traces de sang avec de la neige. Elle regarda le lac dans lequel la lune et les étoiles se reflétaient. Les natifs de l'Opale allaient trouver cela étrange que la glace ait disparut mais après tout, qu'en avait-elle à faire ? Absolument rien. À l'aube ils seraient déjà en route pour Enkawa.

Lentement, elle fit demi-tour et, se servant de ses traces de pas dans la neige pour retrouver son chemin, elle rejoignit la grotte. Elle hésita un instant à rentrer et tendit l'oreille. Aucun bruit ne provenait de l'intérieur, ils devaient être en train de dormir. Alors elle entra et se dirigea vers la lumière du feu de camp. Elle trouva ses quatre compagnons endormis et elle s'en trouvât rassurée. Au moins, personne ne lui poserait de question. Elle alimenta le feu de quelques brache et s'assit sur sa paillasse, pensive.

Elle savait qu'au moins Durlan allait lui demander des comptes, étant de nature curieuse voir envahissante. Elle se voyait mal lui expliquer pourquoi d'un seul coup ses cheveux étaient devenus blancs. Et s'il avait vu ses yeux ? Non, il faisait trop sombre pour qu'il remarque une différence. Alors elle s'allongea et resserra les pans de sa cape et s'endormi pour sombrer dans un énième cauchemar.

–Putain de froid, grommela Murzol. Si je perds un doigt je t'en prends un Durlan !

Pour une fois, Elecia se trouvait à l'arrière. Plus ils approchaient d'Enkawa, plus elle avait l'impression de faire une erreur.

–Et tu en feras quoi ? Rétorqua le jeune homme.

–Un cure-dents tient !

–Tu en aurais bien besoin d'un, se moqua Torestrin.

–Vous vous êtes ligués contre moi ou quoi tous les deux ? S'indigna l'orque. Non mais je rêve, tu es tombé bien bas Durlan ! Azlore, tu es de mon côté toi au moins !

Le garçon semblait soudainement au bord de la crise de panique. Il regardait un peu partout dans l'espoir de trouver un peu d'aide. Mais si Elecia avait appris quelque chose après tant d'années auprès de Murzol et Torestrin c'est qu'il ne fallait en aucun cas se mêler de leurs histoires.

–Et bien je...

–Arrête de traumatiser ce garçon avec ton horrible face ! S'exclama le nain.

Murzol s'indigna davantage, si bien que plus aucun son n'arrivait à sortir de sa bouche. Azlore baissa la tête et regarda le sol, comme honteux. Prise d'un élan d'altruisme, chose qu'elle n'avait pas l'habitude de ressentir, à croire que Durlan déteignait sur elle, elle avança sa monture jusqu'à lui.

–T'inquiète pas, il ne faut jamais leur répondre lorsqu'ils sont comme ça, fit-elle en regardant ses deux compagnons se disputer sous le regard amusé du bâtard. Tu ne ferais que t'attirer davantage de problèmes.

–Je n'ai jamais été très doué pour parler aux gens, je suis toujours maladroit.

Elecia était déjà exaspérée. Il fallait croire que son altruisme avait ses limites.

–Si tu parlais un peu moins et que tu réfléchissais avant d'ouvrir ta bouche peut-être que ce serait plus facile, lui dit-elle.

–Je suis désolé mais mon maître ne parlait pas beaucoup lui non plus, alors je comblais le vide comme je pouvais. C'est une moche habitude que j'ai pris de parler sans cesse.

–Crois-moi, en dire trop apporte toujours des problèmes.

–C'est pour cela que vous ne répondez jamais lorsqu'on vous pose des questions sur vos origines ?

La jeune femme se raidit instantanément. Leur obstination à tous l'énervait au plus haut point.

–Pardon, s'excusa-t-il en voyant sa réaction, je ne voulais pas vous mettre en colère.

–Quand je te dis de réfléchir avant de parler ce n'est pas pour rien, lança-t-elle avant d'inciter sa monture à aller de l'avant.

Azlore était un druide en devenir et avait le Don, il possédait donc l'habilité de ressentir la magie sous toutes ses formes. Une chance que son maître ne connût pas la magie qu'elle pratiquait.

Les jours se ressemblaient, incessamment coupés par des blizzards et des tempêtes de neiges. Ils avaient l'impression que leur voyage dans les Monts Tongwei s'éternisait et ils n'en voyaient pas le bout. Ils étaient tous épuisés et leurs provisions s'amaigrissaient à une vitesse folle, et dans cette neige il leur était impossible de trouver des fruits sauvages ou de chasser. Elecia avait passé des heures à traquer un cerf sans succès : une tempête l'avait rattrapée et elle fût forcée de revenir sur ses pas, ne voyant pas à plus d'un mètre autour d'elle. Ils n'avaient croisé aucun village ni aucuns natifs des montagnes. Il était pourtant connu que les Monts Tongwei et les Sommets du Namyong regorgeaient de sauvages vivant en clan, loin des autres civilisations, cachés dans les grottes et au cœur des montagnes.

Ce n'est que trois semaines après être entrés dans les Terres d'Opale qu'ils aperçurent enfin le palais royal et la capitale enfoncée dans la montagne. On disait que le château d'Enkawa avait été construit tout de cristal et était aussi haut que la montagne elle-même. Elecia ne voyait là qu'un immense château aux façades blanches et aux gigantesques fenêtres dans lesquelles le soleil se reflétait, lui donnant un air magique, formant une flèche qui pointait vers le ciel.

–Bienvenus à Enkawa ! Fit nonchalamment Torestrin.

–Du moment qu'il y a de quoi manger et se réchauffer moi je me fiche bien où nous sommes, grommela Murzol.

Ils sortirent de la forêt et s'engagèrent sur la route principale menant aux portes de la ville.

–Attendez !

Les quatre hommes furent surpris de son intervention et même quelques paysans emmitouflés dans leurs épais manteaux de fourrure se retournèrent. Elecia sortit de la sacoche de son cheval une corde et approcha sa monture jusqu'à celle de Durlan.

–On ne peut pas demander une rançon pour un homme libre, fit-elle en liant ses mains devant lui.

–Je vais devoir être attaché moi aussi ? Demanda Azlore.

La jeune se tourna vers lui et le scruta de haut en bas. Insulter les druides en ligotant l'un des leur pour aucune raison valable n'était pas la meilleure des idées. Et puis le garçon n'avait pas l'air de ceux qui iraient mentir pour les mettre dans la merdre. À vrai dire il faisait pâle figure avec sa tunique déchirée sur le bas et les manches et ses cheveux blonds en bataille et bien plus longs qu'ils ne l'étaient lorsqu'ils se sont rencontrés.

–Non, toi ça ira.

Il poussa un soupir de soulagement.

–Ouf ! Non mais parce que j'ai une peau un peu sensible et avoir des marques rouges sur mes poignets ça ne m'enchante pas vraiment. Bon après je peux toujours utiliser un sort de guérison mais maître Ogshan m'a toujours dit de ne pas me servir de ma magie pour des choses aussi futiles alors...

–Azlore ? Lança Elecia. Tais-toi.

Le garçon ouvrit sa bouche pour la refermer immédiatement et regarder le sol.

–Oui pardon.

Murzol explosa de son rire gras, ce qui attisa les foudres des paysans aux alentours.

Elecia, tenant les rênes du cheval d'un Durlan attaché, passa devant l'orque et le nain et continua son chemin pendant que Murzol charriait Azlore.

–Au fait, je n'ai rien dit à personne à propos de l'autre soir, lui confia Durlan alors qu'ils s'étaient éloignés des trois autres.

Elecia jeta un rapide coup d'œil derrière elle afin de vérifier que personne n'avait entendu. La dernière chose dont elle avait besoin était de nouvelles questions.

–Merci, souffla-t-elle en reportant son attention droit devant elle.

Ils durent rapidement s'arrêter, attendant leur tour pour se faire inspecter par les gardes de la porte. Quelques marchands les regardaient étrangement, ils devaient avoir reconnus Durlan ou devaient se demander ce qu'ils faisaient tous ensemble. Les nains et les orques n'étaient pas réputés pour leur bonne entente, et les humains avec les autres races non plus. La neige recommençait à tomber et quelques flocons virent se déposer sur ses gants et sa capuche. Le froid commençait à lui ronger la peau si bien qu'elle ne sentait presque plus ses doigts et ses orteils.

Quand enfin leur tour fut arrivé, les deux soldats les regardèrent étrangement. Les habitants de l'Opale ne devaient pas voir souvent des orques, peut-être un peu plus leurs voisins les nains ou les humains de l'Aube mais leur présence ici devait rester occasionnelle. Ils durent descende de leurs montures pour faire face aux sentinelles.

–Que faites-vous par ici ? Demanda l'un d'eux. Et lui, que fait-il attaché ?

–Il s'agit du Bâtard de l'Aube, répondit Elecia, je viens négocier sa vie avec Sa Majesté le roi Jungdu.

–Vous vous trompez, fit l'autre, c'est auprès du roi de l'Aube qu'il faut voir cela, Sa Majesté notre roi n'a jamais demandé sa tête.

–Mais voyez-vous, le bâtard tient à sa vie, lança la jeune femme en s'approchant. Et dans un geste d'altruisme j'ai décidé de la lui laisser. Je sais que Sa Majesté connaissait et appréciait Son Altesse la princesse Gweirith alors je me suis dit que la vie de son fils pouvait lui importer. Mais nous pouvons tout aussi bien repartir et le livrer au roi Berengar, mais je doute que Sa Majesté le roi Jungdu apprécierait de savoir qu'il aurait pu sauver la vie du fils d'une de ses amies, une princesse royale, et surtout qu'il est mort parce que deux de ses gardes lui ont refusé l'accès à sa demeure.

Elle releva le menton et leur adressa un sourire en coin, confiante. Elle savait que cela allait marcher, cela fonctionnait toujours. Le plus grand des deux capitula et appela un messager qui accourut vers lui.

–File au château et préviens le roi que des chasseurs de primes réclament une audience et qu'ils ont avec eux le fils de la princesse royale Gweirith de l'Aube.

–J'oubliais, ajouta Elecia, dites-lui également que nous avons un apprenti druide, l'élève du druide Ogshan.

Les soldats jetèrent un coup d'œil vers un Azlore peu confiant, puis le plus grand fit un signe de tête vers le messager qui partit en courant vers un cheval. La seconde sentinelle rédigea rapidement un papier qu'il roula et cacheta avant de le remettre à Elecia.

–Lorsque Sa Majesté vous recevra, donnez-lui ceci.

–Je vous remercie.

Elle jeta un coup d'œil derrière elle et passa sous la grande porte. Elle aurait pu se sentir soulagée d'être enfin arrivée à Enkawa après tout ce qu'il leur était arrivé mais elle eut une sensation étrange. Quelque chose n'allait pas. Elle ressentait comme une sorte de force, une magie semblable à la sienne. Elle s'arrêta soudainement au milieu de la rue et son regard se fixa sur le château. Il ne fallait surtout pas qu'elle s'y rende, elle le savait.

–Murzol, je te confie Durlan, lâcha-elle. Négociez un bon prix pour lui et Azlore.

–Comment ça ? S'étonna l'orque. Tu ne viens pas ?

–Non j'ai... des choses à faire ici. On se rejoindra dans une auberge, je saurais vous retrouver.

Elle tourna les talons et commença à partir mais fut vite rattrapée par Torestrin.

–Il se passe quoi là ? Tu viens avec nous, tu es celle qui négocie le mieux et tu connais l'étiquette, tu t'en sortiras bien mieux que nous avec le roi. Si on veut être grassement payés, tu dois être là.

–Et je ne vais certainement pas abandonner quelques potentielles pièces d'or pour ton caprice, ajouta Murzol. Si tu as quelque chose à faire tu le feras après, en attendant tu viens.

Elle regarda ses deux compagnons tour à tour. Cette sensation de mal-être qu'elle ressentait s'intensifiait de plus en plus. Elle ne devait y aller sous aucun prétexte, mais ils n'allaient pas la lâcher aussi facilement, quitte à ce que Murzol la porte sur son épaule. Tant qu'à rencontrer la Cour, autant le faire dignement.

–D'accord mais on ne reste pas longtemps, j'ai un mauvais pressentiment.

Murzol et Torestrin se jetèrent un regard suspicieux. Ils n'avaient pas l'habitude de l'entendre exprimer ses émotions de la sorte. Mais ils n'avaient pas de temps à perdre à lui poser des questions, ils voulaient l'argent. Le regard d'Elecia croisa celui de Durlan qui se montrait inquiet. Mais elle détourna rapidement les yeux par peur qu'il ne lise ses sentiments. Alors ils progressèrent dans la ville en silence. Plus ils approchaient du palais et plus elle avait envie de prendre ses jambes à son cou. Je ne devrais pas être ici, je dois partir au plus vite. Mais elle ne voyait aucune échappatoire.

Ils arrivèrent rapidement aux portes du château et purent rentrer facilement grâce au sceau sur le parchemin de la sentinelle. Ils traversèrent la cour, entourés de soldats dont l'armure était de cuir épais et de fourrure, et entrèrent dans l'enceinte du palais. Avant de rentrer dans la salle du trône, ils durent laisser leurs armes aux gardes, enlever leurs manteaux et se nettoyer un minimum. L'intérieur du bâtiment était tout aussi immaculé que l'extérieur, blanc du sol au plafond avec, pour fantaisie, quelques détails en argent.

La salle du trône s'avéra tout aussi simpliste avec deux grandes cheminées, un toit de verre, de fines colonnes de pierre et d'immenses fenêtres laissant les rayons du soleil se répercuter sur le marbre blanc. Le trône était plus haut que large et décoré de pierres d'opale, se trouvait devant une immense rosasse blanche et bleue. Dans cette pièce, le mauvais pressentiment d'Elecia s'intensifia. Elle regardait tout autour d'elle, cherchant la source de son malaise, mais mêmes les galeries en hauteur étaient vides. Il n'y avait que leur petit groupe et les gardes postés de chaque côté.

L'attente était interminable, si bien que Torestrin alluma sa pipe qu'il avait soigneusement caché dans ses vêtements, Murzol s'allongea sur le sol, Durlan jouait avec ses liens et Azlore s'amusait à faire voler quelques flocons de neige résistants. Elecia, elle, était bien trop préoccupée pour faire quoi que ce soit. Ce n'était pas normal qu'elle ressente une pareille chose, elle ne l'avait jamais senti auparavant. Elle fit le rapprochement avec le rituel qu'elle avait effectué. La lune n'était pas pleine, sans doute que sa magie cherchait à lui faire comprendre qu'elle n'avait pas fait les choses correctement.

Et puis le roi fit son entrée, habillé d'une longue tunique blanche et coiffé de sa couronne d'argent, suivit de toute sa Cour. Le peuple de l'Opale avait un physique bien différent de celui de l'Aube. Leurs yeux étaient sombres et bridés, leurs cheveux lisses et noirs et leur teint était aussi blanc que la neige qui recouvrait leur terre.

Le roi Jungdu prit place sur le trône et à ses côtés se trouvaient sa femme, la reine Jaliqai, son héritier, le prince Jaghatai, et ses filles, les princesses Muunokhoi, Narantuyaa et Yisugei. D'autres personnalités importantes de la Cour prirent place près d'eux et se tenaient parfaitement droit. Ils respiraient le calme et la bonté mais Elecia ne pouvaient s'empêcher de se sentir mal. Quelque chose n'allait pas. Le messager de la porte vint leur demander le papier cacheté pour l'apporter au souverain, après que le petit groupe ait rapidement abandonné leurs occupations.

–Chers chasseurs de primes, commença le roi en remettant le papier qu'il venait de lire au messager, bienvenus sur les Terres d'Opale. Durlan, c'est un plaisir de vous revoir.

–Plaisir partagé, répondit le bâtard, même si j'aurais aimé que ce fut dans d'autres circonstances.

–Oui je sais, le roi Berengar s'est montré particulièrement dur avec toi.

–Et c'est pour cela que nous sommes ici, intervint Torestrin. Nous avons assuré la protection du garçon jusqu'ici et l'avons épargné.

–Et vous souhaitez une récompense.

Murzol et Torestrin se tournèrent vers Elecia qui n'arrivait plus à réfléchir. Cette force grandissait de plus en plus.

–Une élevée, répondit finalement l'orque. Le roi Berengar a promis dix mille pièces d'or pour sa tête, nous espérions en obtenir davantage, surtout que nous avons aussi un apprenti druide.

–C'est ce que j'ai cru comprendre, fit Jungdu avant de porter son attention sur Azlore. Qui es-tu mon garçon ?

Il leva les yeux et triturait un pan de sa tunique, visiblement stressé.

–Azlore de Kioriven, Vôtre Majesté, répondit-il sans aucune assurance. J'étais l'apprenti du druide Ogshan mais il a malheureusement été tué par un troll sur les Terres de l'Aube. Et si les chasseurs de primes n'étaient pas intervenus, je serais moi-aussi mort.

–Je suppose que ton maître a dû te parler du sorcier à ma Cour, le druide Troyorn.

D'un signe de la main, il invita l'homme à s'avancer. Le druide en question était un homme trapu aux cheveux gris et à la barbe hirsute, portant une longue tunique et le collier de l'Ordre des Druides.

–Bien sûr ! S'extasia Azlore. J'ai beaucoup entendu parler de vous, maître Ogshan me disait que vous étiez son plus grand ami !

Le vieil homme sourit et ouvrit la bouche pour lui répondre mais un bruyant claquement de porte résonna dans la salle et le stoppa net.

–Je sais qu'elle est là ! C'est elle !

La voix remplie d'espoir d'un vieil homme fit écho et le cœur d'Elecia s'arrêta. Elle pourrait reconnaître cette voix entre mille. C'est impossible ! Malgré elle, des larmes virent embuer ses yeux et elle se retrouva tétanisée. C'est alors que le vieil homme en question fit irruption dans la pièce. Il avait de longs cheveux blancs, des oreilles pointues, des yeux violets malvoyants et portait une longue toge blanche. Il était suivi de près par un groupe de gens qui lui étaient semblables et qui lui courraient après pour le rattraper. Elecia tourna immédiatement le dos, le cœur battant et les yeux perdus dans le vide. Durlan remarqua son trouble et se pencha vers elle.

–Elecia ? Murmura-t-il. Qu'est-ce qu'il se passe ?

Sa gorge était beaucoup trop serrée pour qu'elle prononce le moindre mot. Elle n'arrivait pas à réaliser ce qu'il se passait et ne voulait pas y croire. Ils étaient tous morts, elle le savait.

–Nylathria, continua le vieillard, montrez-vous. Cessez de vous cacher.

–Lamruil, Nylathria est morte, vous le savez bien.

Elle ne reconnaissait pas la voix de l'homme qui venait de parler.

–Vous vous souvenez de la lettre ? Elle nous a quitté.

Par contre, cette voix féminine lui était familière. Mais elle ne voulait toujours pas y croire, elle était certainement en train de rêver, tout ceci n'avait rien de réel.

–Non, non, elle est là, vous ne la voyez pas ?

Plus personne ne parlait à part eux trois, et ce silence était lourd.

–Pardonnez-nous Vôtre Majesté, reprit la femme, mais Lamruil n'a plus toute sa tête. Nous allons le ramener dans ses appartements.

–Je vais parfaitement bien ! Se défendit le vieil homme de sa voix chevrotante. Nylathria est bien vivante, je ressens sa magie ! Elle est là, ouvrez donc vos yeux !

Le silence s'abattit de nouveau et elle sentait tous les regards converger vers elle, mais elle n'osait pas se retourner. Elle n'avait juste qu'à attendre qu'elle se réveille parce que tout ceci n'était qu'un putain de rêve.

–Bon, madame, tournez-vous je vous prie qu'il voit que vous n'êtes pas celle qu'il croit.

Ses mains se mirent à trembler et elle ferma les yeux pour essayer de se calmer. Lentement, elle obéit et croisa le regard de Lamruil, dont le visage s'illumina d'un sourire.

–Vous voyez, elle n'a rien de Nyla, tentait de le résonner le jeune homme. Elle a les yeux bleus et les cheveux bruns. Et puis elle était une princesse, elle ne serait jamais tombée aussi bas.

Piquée à vif, elle se tourna vers le jeune homme dont elle reconnut les traits.

–C'est elle, souffla le vieil homme. Vôtre Altesse, je suis ravi de vous revoir.

Il s'approcha d'elle et lui accorda une révérence. Elecia recula de quelques pas, les yeux rivés sur lui.

–Je suis désolée, fit-elle, mais vous faîtes erreur. Je ne suis pas cette femme.

–Voilà, écoutez-la Lamruil ! Ajouta le jeune homme. Nylathria est morte. Et même si elle avait survécu, elle n'aurait pas cette apparence.

–De la magie, souriait Lamruil. Elle utilise de la magie pour cacher son identité. Mais aucune magie ne peut cacher ce qui est déjà magique. Montrez-leur vos marques.

Il fit de nouveau quelques pas vers elle mais elle restait tétanisée. C'est surréaliste !

–Écoutez, s'énerva-t-elle, votre Nylathria est morte, je ne suis pas elle ! Je ne suis personne. Je suis juste venue ici pour récupérer mon argent, dès demain je serais de nouveau sur la route. Alors laissez-moi faire mon boulot de chasseur de prime.

Elle se tourna ensuite vers le roi Jungdu.

–Si vous ne voulez pas du bâtard, je vais l'amener à Irindor, là au moins je sais que je toucherai mon or. Vous pouvez garder le bébé druide si ça vous chante.

Le roi se leva et descendit les quelques marches du trône, les mains croisées devant lui et l'air calme.

–Le sage Lamruil est réputé pour être clairvoyant et il ne s'est jamais trompé, commença-t-il, je trouve donc cela étrange qu'il puisse se méprendre, surtout qu'il clame depuis des années que la princesse est vivante. Et il est vrai que moi-même j'ai pu apercevoir au loin un dragon, dragon que le sage Lamruil prétendait être celui de la princesse. Alors si vous n'êtes pas cette femme et que vous n'avez rien à cacher, montrez-lui vos bras et prouvez-lui qu'il a tort. Durlan restera ici et vous serez payés quinze mille pièces d'or pour lui et Azlore de Kioriven.

Son regard resta rivé sur le souverain. Le seul moyen pour qu'elle reparte avec l'argent était d'obéir. Il venait de la piéger.

–Elecia qu'est-ce que qu'il se passe à la fin ? Lança Torestrin.

–Vous allez avoir les réponses à vos questions, répondit-elle.

Résignée, elle détacha la longue veste, qui fit apparaitre les marques noires dans son cou, et la laissa tomber au sol. Puis elle desserra son corsage et fit glisser sa chemise sur ses bras. Des personnes dans les tribunes s'avancèrent pour admirer le spectacle et des murmures s'élevèrent. Elle venait de montrer qui elle était.

–C'est impossible, souffla la femme.

–Rien ne nous dit que c'est elle, ajouta le jeune homme, tous les elfes ont ces marques noires.

–Mais elle a les runes, continua la femme, elle fait partie de la famille royale.

–Elle a très bien pu se les dessiner elle-même.

–Tu sais très bien qu'elles n'auraient pas cette apparence si cela avait été le cas, Castien.

Elecia avait visé juste, il s'agissait bien là du prince Castien, neveu de l'empereur Eroan.

–Nylathria était la seule femme encore en vie à être une Guerrière du dragon, fit Lamruil. Montrez-leur Vôtre Altesse, montrez-leur votre main droite.

Durlan, qui ne l'avait pas quitté des yeux depuis le début de l'échange, écarquilla les yeux. Il avait compris. Il avait vu la marque sur sa main au Fleur de Macadam. Mais Elecia refusait de leur donner ce plaisir de la voir de nouveau parmi eux. Ils ne l'avaient jamais aidé, n'avaient jamais cherché à la retrouver et ils l'avaient abandonné.

–Je ne mentais pas tout à l'heure, lâcha-t-elle en balayant la salle du regard, Nylathria est morte. Elle est morte lors du Fléau avec ce qui était supposé être toute sa famille. Je ne suis plus cette fille de onze ans qui a été abandonnée par les siens !

–Nous ne vous avons jamais abandonné, lui dit Lamruil.

–Si vous l'avez fait, j'ai cru que vous étiez tous morts et vous, vous profitiez de la deuxième chance que vous avait offerte Mère Nature ici, à vous prélasser dans un putain de château. Vous ne savez pas ce que j'ai dû endurer parce que je croyais être seule au monde ! J'ai vu tout le monde mourir, j'ai vu l'O'retaesi brûler, j'ai entendu Mère Nature hurler et la magie elfique s'affaiblir. Je n'avais même pas onze ans et j'étais livrée à moi-même alors que vous auriez pu me retrouver. Vous voulez savoir si je suis bien la princesse ?

Elle enleva le gant de sa main droite et exposa la marque en forme de tête de dragon encrée dans sa paume.

–Oui, oui c'est moi ! Mais vous savez quoi ? Je suis loin d'être une princesse. Parce que vous m'avez abandonné, j'ai dû changer pour survivre. Parce que je croyais être la dernière de ma race j'ai dû cacher ma vraie identité pendant plus de deux siècles par peur que les elfes noirs ne me retrouvent. J'ai dû vivre en me sentant coupable d'être en vie. Alors maintenant que vous le savez, je veux récupérer mon or et me casser d'ici.

Elle tendit la main vers le roi dans l'espoir d'y accueillir une bourse remplie des quinze mille pièces qu'il lui devait.

–Tu ne peux pas partir.

Elle se tourna vers son cousin et planta son regard dans le sien.

–Et en quel honneur ? demanda-t-elle froidement.

–Ton empereur te l'ordonne.

Elecia laissa échapper un rire sardonique. Castien était resté le même et elle n'en était même pas étonnée.

–Empereur de quoi ? De ruines et de cendres ? Je n'ai d'autre empereur que mon père ou mes frères et ils sont morts là où toi aussi tu aurais dû mourir, Castien, cracha-t-elle. Je suis l'héritière du trône, n'oublie pas que tu passeras toujours après moi. Mais tu sais quoi ? Garde ta stupide chaise et ta couronne si ça te chante, je me fiche bien que tu te fasses appeler empereur mais ne m'impose pas ton stupide titre. J'ai vécu deux cent cinq ans sans souverain et je ne compte pas ployer le genou devant qui que ce soit, et surtout pas toi.

Enfants, ils n'avaient jamais pu se supporter. Castien était persuadé qu'elle ne pouvait pas devenir chevalier et qu'en tant qu'homme il avait l'ascendant sur elle. Mais son père, l'empereur, avait toujours démentit. Le visage de son cousin se referma, et ile releva le menton, tentant certainement de l'impressionner.

–Tu as toujours été sauvage de toute façon, lança-t-il, sauvage et insupportablement obstinée. Une princesse qui devient chevalier ? Ton père t'avais mis des étoiles plein les yeux. Et tu t'acharnais à aller t'entraîner avec ce garçon, le fils d'une sentinelle. Tu étais avec lui le jour de l'attaque, n'est-ce pas ? C'est pour ça que tu n'étais pas avec nous. Et je suppose qu'il est mort, cet incapable. Finalement, tu étais juste comme lui, une lâche qui a fuit dès l'attaque. Tous les Guerriers du dragon sont allés se battre et sont morts pour l'Empire, tous sauf toi. Si tu avais essayé de nous rejoindre, tu n'aurais pas à te plaindre que nous t'avons abandonné.

Elecia serra les poings et se retint de le frapper.

–Moi ? Une lâche ? Dis-moi comment tu as réussi à arriver jusqu'ici. Tu as fui alors que tu aurais dû te battre. Quel âge avais-tu ? Seize ans ? Tu étais en âge de te battre et pourtant tu t'es empressé de t'enfuir pendant que nos pères et mes frères se battaient corps et âme pour leur famille. Et ce n'était pas de mon plein gré que je suis partie, Olvaar m'y a forcé. Il m'a emmené loin du massacre alors que j'essayais de rejoindre le château. Tu ne sais absolument pas ce qu'il s'est passé et tout ce que j'ai dû faire alors n'essaie pas de te rendre plus intelligent que tu ne l'es réellement.

–En parlant de ton dragon, la nargua-t-il, où est-il ? Après tout, il est le dernier de son espèce, ou du moins le seul qui soit sorti de son œuf.

Il la provoquait pour la forcer à faire quelque chose qu'elle pourrait regretter, quelque chose qui, devant ce qu'il restait du peuple des elfes, la discréditerait.

–Je n'en sais rien et je ne veux pas savoir, rétorqua-t-elle.

–Majesté, Altesse, intervint Lamruil, je pense que le moment est mal choisi pour régler vos comptes. Le plus important c'est que vous soyez de retour princesse.

Elecia porta son attention sur le vieil homme, toujours animée par la colère qu'avait déclenché Castien.

–Je ne suis plus votre princesse, surtout si cela implique que je change et que je cohabite avec Castien. Il est l'héritier mâle de la maison Balsandoral, vous n'avez aucunement besoin de moi pour perpétuer ce nom. Tout ce que je demande c'est mon argent et qu'on me laisse tranquille pour les siècles à venir.

–Je vous en prie, fit le roi Jungdu, restez quelques jours avec nous. Vous avez fait un long voyage pour venir jusqu'ici et il semblerait que vous ayez quelques différents à régler avec votre peuple. Et je suis sûr, Vôtre Altesse, que vos amis sont épuisés du voyage.

Elle se tourna vers ses compagnons qui ne savaient plus où se mettre. Azlore ne cessait de la regarder avec une pointe d'admiration qu'elle détestait déjà, Murzol semblait ne rien comprendre, Torestrin se frottait le menton pensivement et Durlan gardait ses yeux rivés sur elle, semblant chercher à percer tous ses secrets comme il avait l'habitude de le faire.

–C'est d'accord, capitula-t-elle, mais nous ne resterons que trois jours, le temps de nous reposer et de faire le plein de provisions. Dans trois jours à l'aube nous ne serons plus qu'un lointain souvenir et j'entends bien le rester.

Elle lança un regard rempli de reproches et de haine vers son cousin.

–C'est parfait, s'extasia le roi de l'Opale, un banquet sera organisé en votre honneur ce soir !

–Et tâche de venir en tant que princesse elfe, railla Castien, pas comme une vagabonde.

Sur ces mots, il tourna les talons et s'en alla suivi de toute sa Cour, la laissant plantée là, rageuse. Deux siècles avaient beau s'être écoulés, il n'avait pas changé.

–Nous allons vous attribuer les meilleures chambres et vous donner de nouveaux vêtements, annonça Jungdu, en espérant que votre séjour ici sera des plus agréables.

Un soldat vint détacher les liens de Durlan qui frotta ses poignets irrités par la corde. Elecia ne cessait de fixer la porte par laquelle son peuple venait de sortir. Elle avait beau savoir qu'il s'agissait de son peuple, sa famille, elle ne se sentait pas comme l'une des leur. Elle n'allait certainement pas oublier qu'ils l'avaient abandonné, elle la fille de leur défunt empereur et Guerrière du dragon, avec ces retrouvailles des plus calamiteuses. Tu n'es plus l'une des leur, tu n'es personne. 

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