La vérité

–Ça ne s'arrêtera donc jamais !

Murzol pestait dans sa barbe alors qu'un énième tremblement survenait. Nylathria les avait comptés, il y en avait eu quatre, en plus de celui ressenti lors du chemin jusqu'à Irindor. Les chevaux étaient paniqués et Durlan manqua de vider les étriers. Puis la terre se calma enfin et ils purent reprendre la route.

Ces tremblements leur donnaient une raison de plus de s'éloigner au plus vite de la capitale de l'Aube, et même de ce royaume. Ils craignaient que des forces ennemies les surprenne, ils ne feraient alors qu'une bouchée d'eux. Il était évident, magie ou non, dragon ou non, qu'ils ne feraient pas le poids face à une armée de la même taille que celle qui avait attaqué les forces de l'Ambre.

Ils ne savaient pas vraiment où aller. Personne ne voudrait héberger une traîtresse dans les terres qui allaient se battre contre les elfes noirs et l'empire elfique n'avait aucun village qui pourrait les accueillir. Nylathria se disait qu'ils pourraient trouver refuge sur les Terres de Nephtys, auprès des nymphes. Là-bas, ils pourraient couler des jours heureux sans que personne ne vienne les chercher, du moins si les elfes noirs étaient vaincus. Elle était certaine que Murzol et Torestrin ne verraient pas d'inconvénient à aller vivre, même temporairement, chez les nymphes.

Pour le moment, ils se contentait de garder le cap vers l'est. Un fois arrivés dans l'empire ils pourraient décider quoi faire mais Nephtys semblait être leur meilleure option. Il y avait bien les Terres d'Arkil, au sud de l'empire, mais ce royaume constitué essentiellement de marécages est abandonné depuis l'extinction des nagas. Au sein de l'empire, on disait aux enfants que d'étranges créatures monstrueuses y avaient fait leur nid, mais Nylathria était certaine qu'il ne s'agissait là que d'histoires pour effrayer les enfants et leur faire comprendre de ne pas s'y rendre.

Elle essayait de se rappeler de ces histoires que ses frères adoraient lui raconter le soir pour lui faire peur. Elles parlaient de vouivres, de basilics, de cocatrix ou encore de chimères. Belanor les racontait en faisant de grands gestes pour l'effrayer davantage. Elle se réfugiait sous sa couette et son frère faisait exprès de se jeter sur elle pour imiter l'une de ces créatures.

Ils s'arrêtaient tous les soirs à la tombée de la nuit et montaient leur campement, restant attentifs au moindre bruit. Murzol avait chassé une biche qu'ils avaient dépecé et mit à rôtir au-dessus du feu. Torestrin, lui, avait déjà allumé sa pipe et Durlan revenait avec du bois.

–Vous croyez que les nains et les demi-elfes sont repartis ? Demanda l'orque.

–Peut-être que les autres auront réussi à les convaincre de ne pas le faire, répondit Durlan, le regard perdu dans les flammes.

Olvaar posa sa tête près de Nylathria, fermant déjà les yeux pour s'endormir. La jeune femme se mit à le caresser doucement entre ses deux cornes. En se concentrant sur le feu de camp, elle remarqua que les flammes dansaient d'une façon étrange, anormale, comme si elles essayaient de lui montrer quelque chose. Elle regarda rapidement ses compagnons qui ne semblaient pas le remarquer avant de reporter son attention sur le feu qui grandissait peu à peu, s'enroulant autour du bois. Elle vit alors quelques silhouettes de femmes et d'hommes qui couraient. Certains tombaient au sol en hurlant, d'autre se retournaient pour se battre contre d'autres qui arrivaient derrière eux. Une des silhouettes semblait se diriger vers elle mais fut arrêtée par une lance qui la transperça dans le dos.

C'est alors qu'elle entendit une voix murmurer son nom près de son oreille. Elle se retourna mais ne vit personne. De nouveau on l'appela et la voix, qu'elle reconnaissait, provenait de la forêt. Elle se leva d'un seul coup, surprenant ses compagnons, et se mit à sonder le bois plongé dans l'obscurité. Lui aussi alarmé par l'inquiétude grandissante de Nylathria, Olvaar releva la tête et émit un grondement sourd lorsqu'une branche se brisa.

–Bhaklur, je sais que vous êtes là ! S'exclama-t-elle en langue elfique. Montrez-vous !

Les trois hommes la regardaient étrangement, cherchant à comprendre ce qu'il se passait. Elle sentit la main de Durlan se poser sur son épaule mais ne cilla pas. Elle était certaine qu'il était là, elle le sentait.

–Montrez-vous à nous, pas seulement à moi, continua-t-elle, ils savent que vous existez.

Olvaar grogna un peu plus fort et sa gorge grossissait lentement, indiquant qu'il s'apprêtait à cracher ses flammes.

–Je suppose qu'ils peuvent entendre ce que j'ai à te dire.

Tous se retournèrent et virent l'elfe noir près du feu, les yeux rivés sur Nylathria.

–Vous parlez la langue commune, fit-elle.

Un fin sourire se dessina sur les lèvres de Bhaklur.

–Bien sûr, un prince elfe doit savoir la parler ne serait-ce que pour des raisons diplomatiques.

Nylathria ressentit une vive colère monter en elle. Après l'avoir appelé tant de fois sans jamais qu'il ne réponde, il se montrait au moment où ses explications ne lui servaient plus à rien. Le choix dont lui avait parlé Edelra, elle l'avait fait, c'était trop tard.

–Qu'est-ce que vous me voulez ? Lança-t-elle amèrement. Cela fait des semaines que je n'ai pas eu de nouvelles de vous et vous vous pointez comme une fleur maintenant alors que c'est inutile.

–Inutile ? S'étonna Bhaklur. La bataille n'a toujours pas commencé et tant qu'elle n'est pas terminée tout ce que nous ferons pourra être utile.

–Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

–Parce que je t'avais demandé de parler au sage Lamruil, ce que tu n'as pas fait malheureusement.

–Edelra a parlé pour lui.

–Edelra ? Intervint Durlan. Qui est-ce ?

Le jeune homme posa sa main sur son bras pour avoir son attention mais les yeux de Nylathria restaient rivés sur l'elfe noir.

–Edelra n'aurait jamais dû intervenir, l'ignora Bhaklur. Je suis désolé si elle t'a déstabilisé.

–Au contraire, elle a fait ce que VOUS auriez dû faire. Elle m'a dit clairement les choses et me les a montrées alors que vous ne parliez que vaguement d'une vérité que je n'aurais jamais pu découvrir par moi-même. Alors maintenant vous allez terminer de m'éclairer sur cette fameuse vérité et vous ne partirez pas tant que vous ne l'aurez pas fait si vous voulez toujours que je vous aide.

Il ne répondit pas tout de suite, se contentant de l'observer. Puis il s'assit sur une souche, face au feu et les invita à s'asseoir.

–Parfait, fit-t-il, je vais tout vous expliquer depuis le départ, même si j'aurais préféré que votre sage avoue les erreurs des elfes lui-même.

Durlan et Nylathria reprirent place par terre, Torestrin s'installa plus confortablement avec sa couverture et sa pipe et Murzol, toujours sur ses gardes, semblait tout de même intéressé. Olvaar, quant à lui, ne quittait pas Bhaklur des yeux.

–Contrairement à ce qu'on vous apprend, commença-t-il, les elfes noirs existent depuis le Premier Âge et ont été créés par la Mère en même temps que nos cousins les elfes. Nos ancêtres ne ressemblaient pas à ce que moi, je ressemble. Les cheveux blancs et les yeux noirs ne sont que le fruit de la malédiction de mon père. Lorsque ma mère nous montrait son véritable visage à mon frère et à moi, elle avait les yeux blancs et les cheveux violets puisque c'était la vraie apparence des elfes noirs.

Il marqua une pause. Tout le monde l'écoutait attentivement.

–Comme vous le savez, lorsque les elfes, les elfes noirs et les nymphes ont été créés au début de Premier Âge par Mère Nature, le monde était sauvage et uniquement peuplé d'animaux et créatures. Nos trois peuples vivaient ensemble en harmonie, prenant leur énergie de la nature. La seule différence, outre physique, entre les elfes et les elfes noirs résidaient en leur manière de prier la Mère. Notre magie était différente tout comme nos croyances. Alors que les elfes commençaient à ériger des cités, mon peuple ne souhaitait pas souiller la terre de la Mère en construisant des bâtiments et en abandonnant cette vie nomade qu'ils aimaient tant.

« Puis la Mère créa les humains qui se détournèrent rapidement d'elle, s'inventant de faux dieux et décidant de faire souffrir la nature avec leurs engins. Peu à peu les elfes, observant l'efficacité des machines des humains, se tournèrent vers elles pour agrandir leurs cités et renforcer leur puissance. Mon peuple avait l'impression que ce comportement trahissait la Mère et tenta de dissuader les elfes. Comme réponse, les elfes se mirent à pourchasser les elfes noirs, les considérant comme des horreurs de la nature puisque notre magie était différente de la leur et puisait dans le sacrifice.

Durlan eu un mouvement de recul alors que Torestrin grimaçait.

–Je sais ce que vous vous dîtes, reprit Bhaklur, mais sachez que la mort est aussi naturelle que la vie et que parfois, la Mère demande à ce que quelqu'un lui soit rendu pour l'aider à façonner le monde. Nous ne sacrifions que des personnes volontaires et c'était pour nous un grand honneur que de rejoindre la Mère. Nous n'avons, en revanche, jamais touché aux animaux qui eux, ne demandaient rien. Mais puisque certaines personnes mourraient lors des cérémonies, les elfes se sont mis à penser que nous nous détournions de la Mère et nous ont persécuté, tentant de nous obliger à croire de la même manière qu'eux. Mais mon peuple s'est révolté, défendant ses croyances et critiquant celles des elfes.

« Mais alors que mon peuple était resté nomade, les elfes eux avaient développé leurs cités et leurs armées qu'ils ont lancées sur nous. De nombreux elfes noirs ont été massacrés et ceux qui avaient eu la chance d'avoir été enfermés durant le massacre, ont été exilés sur une île sauvage, loin de tout, loin de la terre que nous avait donnée Mère Nature. Mon peuple était terriblement malheureux, mais il était loin d'être stupide. Alors en prévention d'une nouvelle attaque des elfes, ils érigèrent à leur tour des cités sur cette fameuse île et s'entraînèrent au combat.

« Des siècles plus tard, durant le Troisième Âge, malgré les interdictions, deux elfes noirs, un frère et une sœur, réussirent à s'échapper de l'île et vivre parmi les elfes en changeant leur apparence pour leur ressembler. Tous deux réussirent à entrer dans la Cour de l'empereur Ralnor qui tomba amoureux de la sœur. Contre l'avis de son frère, la jeune femme l'épousa et devint l'impératrice Naevis. Ils eurent un mariage heureux scellé par la naissance de jumeaux, mon frère Adorellan et moi. Plus nous grandissions et plus nous nous rendions compte que notre magie était différente de celle des autres elfes et notre mère faisait tout pour que nous n'utilisions pas cette partie-là de nous, sans qu'on ne comprenne plus tard. La seule chose qu'elle nous disait c'était que personne ne devait savoir que nous étions différents parce que les gens n'aiment pas la différence.

« Pendant toutes ces années, ma mère avait gardé contact avec son peuple et en faisait venir quatre tous les ans et les invitait à venir auprès d'elle à la Cour pour qu'ils apprennent les traditions des elfes avant de pouvoir vivre seuls. Puis un jour, notre oncle Vurzan fut arrêté. Sa femme et sa fille, Edelra, avaient réussit à fuir et avaient rejoint l'île grâce aux connaissances de Vurzan. Des soldats virent arrêter ma mère et mon père lui jeta la tête de son frère à ses pieds avant de la condamner à mort. Aveuglée par l'amour qu'elle portait à l'empereur et qu'elle avait développé pour les elfes, elle avait baissé sa garde et l'une de ses femmes de chambre l'avait vu prier la Mère d'une étrange façon, ses cheveux devenus violets, et l'a dénoncé. Ma mère fut exécutée devant une petite assemblée composée de mon père, quelques soldats, le conseil, mon frère et moi.

Il reprit son souffle et sembla repousse quelque chose.

–Alors que la tête de notre mère roulait sur le sol, l'empereur ordonna notre arrestation mais Adorellan, fou de colère et de chagrin a utilisé la magie que nous devions refouler, blessant tout le monde autour de nous. Nous nous sommes enfuis et avons vécus comme des bandits, constamment suivis. Mon épouse, mon fils et la femme d'Adorellan étaient gardés en otage au palais alors que notre père, enragé d'avoir été trompé par notre mère et notre oncle, a ordonné de trouver tous les elfes noirs et de les tuer jusqu'au dernier, spécifiant qu'il voulait être celui qui nous prendrait notre tête à mon frère et moi.

« Mais ce que mon père n'avait pas prévu c'était l'évasion d'Edelra et sa mère qui, une fois arrivées sur l'île où notre peuple avait été exilé, ont appelé au combat. Alors les elfes noirs sont montés à bord de leurs navires, ont chevauchés leurs dragons et ont attaqué l'empire. La guerre a duré un an. Une année durant laquelle Adorellan et moi n'avions aucun pouvoir, trop elfes pour les elfes noirs et trop elfes noirs pour les elfes. Chacun des camps pensait que nous étions des traîtres. Mais finalement, les elfes noirs ont réussi à nous accepter avec l'appui d'Edelra et tous deux nous avons lancé la dernière attaque contre Gaaldorei. Moi à dos de mon dragon Eoghan à la tête des dragonniers et Adorellan menant l'attaque par le sol. Mais malheureusement nous avons perdu cette bataille. L'entraînement des troupes des elfes noirs n'était pas aussi perfectionné que celui des elfes et nous avons été écrasés après un an de combat.

« Néanmoins, Adorellan refusait de s'avouer vaincu et voulait la tête de notre père. Nous avons réussi à nous introduire dans le palais et à atteindre les appartements impériaux. Mais nous n'avions pas prévu que notre père nous attendait, accompagné des mages de l'Ordre des druides. Nous venions de tomber dans un piège. Lorsque nous sommes entrés, les druides nous ont jeté une malédiction. Nos cheveux ont blanchi, nos yeux sont devenus complètements noirs et brûlaient au contact de la lumière du soleil et nous étions condamnés à vivre pour l'éternité, seul l'héritier au trône de l'empire pouvant nous libérer. De nouveau, notre peuple a été renvoyé sur cette île où nous étions privés de soleil et autour de laquelle avait été érigée une barrière. Personne ne pourrait plus jamais entrer ni sortir de l'île.

« L'empereur Ralnor est mort quelques mois plus tard d'une maladie et a nommé mon fils comme étant son successeur, ordonnant à ce que jamais sa nature d'elfe noir ne lui soit révélée, à lui comme au monde entier. Le sage a accédé à sa dernière demande et a changé l'histoire pour faire passer les elfes noirs comme un peuple sanguinaire et à présent disparut grâce au grand empereur Ralnor Balsandoral. Les portes du palais impérial furent fermées alors que le sage et le conseil venaient de couronner Adorellan fils de Ralnor comme empereur, afin de nourrir leur histoire remplie de mensonge. N'est-il pas connu que l'empereur Adorellan ne soit jamais apparu en public, soi-disant rongé par la trahison de son frère ?

Bhaklur leva les yeux vers elle. Il était vrai que l'empereur Adorellan avait décidé de fermer les portes de son palais, honteux des horreurs commises par son propre frère. Le château fut enfin rouvert sous le règne de son successeur Ivasaar, le fils de Bhaklur adopté par Adorellan.

–Vous connaissez la suite, reprit l'elfe noir en prenant son silence pour réponse. Mon fils, soi-disant adopté par mon frère, est devenu empereur. La vérité c'est que durant toutes ces années pendant lesquelles il était trop jeune pour régner, le conseil, ma femme et celle d'Adorellan prenaient toutes les décisions. À présent que vous connaissez toute la vérité, vous prenez nous toujours pour des monstres ?

–Comment savoir que vous dîtes la vérité ? Demanda Murzol.

–Personne ne serait assez fou pour inventer une telle histoire, répondit Bhaklur sans ciller.

Nylathria sentait qu'elle pouvait lui faire confiance et avait l'infime conviction que ce qu'il disait était vrai. Mais sans savoir pourquoi, elle éprouvait toujours une certaine perplexité.

–Si vous êtes des innocents dans cette histoire, lança Durlan, pourquoi avoir massacré les elfes ? Et pourquoi vouloir anéantir les humains ?

Bhaklur prit un air grave.

–Sache que je n'ai jamais voulu attaquer les elfes, j'étais contre ce massacre. Mais le cœur d'Adorellan s'est assombri le jour de la mort de notre mère et il a développé cette haine envers les elfes et leurs alliés qui les ont aidés à nous chasser, les humains et les demi-elfes. Il voulait leur faire subir le même sort et a réussit à convaincre les nôtres alors que je ne cessais de lui dire que si nous attaquions, cela ne ferait qu'alimenter les dires sur nous. Mais il voulait leur rendre la monnaie de leur pièce. Il a trouvé un moyen de détruire la barrière qui entourait notre île, s'est emparé des Terres des trolls et a enrôlé des orques et des humains pour attaquer l'empire elfique. Depuis, il a totalement asservi les Terres des orques et y a érigé sa tour.

Nylathria ne savait plus quoi penser. On lui avait menti sur quelque chose d'aussi gros et toute cette haine est partie d'une différence dans la religion. Dans un monde parfait, les gens pourraient croire en tout ce qu'ils voulaient de la manière qu'ils souhaitaient, mais ce monde n'était pas celui dans lequel elle vivait.

–Je vous crois, fit-elle, mais je ne comprends toujours pas en quoi je pourrais vous aider. Adorellan a soif de vengeance, moi seule je ne peux rien faire.

–Tu seras loin d'être seule, Olvaar et tes amis seront là. Et moi aussi je me tiendrais à tes côtés avec Eoghan. Je pense que beaucoup me suivront dans les rangs des elfes noirs, mais Adorellan sera fou de rage. J'entends me battre aux côtés des humains mais seulement si tu es là Nylathria. Le monde t'écoute et même si tu les as abandonnés en partant, lorsque tu arriveras, les gens te verront comme un miracle et accepteront d'écouter ce que tu as à dire, appuyé par mon propre témoignage. Mais malheureusement, si tu refuses de te battre, je serais dans l'obligation de combattre aux côtés de mon frère pour ne pas voir ma tête être séparée de mon corps lorsqu'il remportera la victoire.

–Adorellan refuseras d'abandonner, fit la jeune femme.

–C'est pourquoi nous devrons le tuer.

–Je ne suis pas l'héritière du trône, Castien est l'empereur.

Bhaklur sourit de nouveau. Dans la pénombre, ses yeux semblaient inexistants.

–Castien est sur le trône mais tout le monde sait que c'est toi qui devrais l'être, répondit-il.

Elle pesait le pour et le contre, réfléchissant à toute vitesse. Elle refusait de laisser les elfes noirs dans cette injustice et souhaitait réellement l'aider et réparer les erreurs de ses ancêtres.

–Que se passera-t-il si nous gagnons ? Intervint Durlan. Que désirerez-vous ?

–Seulement un peu de terres pour que nous puissions nous établir et vivre de nouveau sur la terre de la Mère.

Bhaklur était sincère et ne souhaitait que le bien de son peuple qui avait déjà tant souffert.

–C'est d'accord, lança-t-elle, je vais me battre.

Le sourire de l'elfe noir s'agrandit.

–Bon et bien je suppose qu'on va nous aussi y aller, fit Torestrin.

–On ne vous oblige à rien.

Murzol et Torestrin explosèrent de rire, si bien que le nain manqua de s'étouffer avec la fumée de sa pipe.

–Tu rigoles ou quoi ? S'exclama l'orque. On ne va certainement pas louper une occasion de se battre.

–Je veux bien mais nous sommes seulement cinq en comptant Olvaar, précisa Durlan. Nous serons de bien maigres renforts.

–N'y aurait-il pas un moyen de recruter des hommes ? Demanda Bhaklur.

Nylathria réfléchit. Ils pourraient recruter des mercenaires et il s'avérait qu'elle connaissait parfaitement bien le chef de la plus grande compagnie.

–Est-ce que ça vous dirait de rendre une petite visite à notre cher Devon le sanglant ?

Dès l'aube ils s'étaient remis en route, Olvaar cherchant depuis les airs Devon et toute sa troupe mercenaire pour les guider. Bhaklur était retourné auprès de son frère juste après leur discussion. Nylathria était plus décidée que jamais, elle allait tout réparer.

Le dragon revint en milieux de matinée et leur indiqua le chemin jusqu'à Devon qui avait levé le camp sur la frontière entre l'Aube et l'empire. Ils chevauchèrent tout le reste de la journée, s'arrêtèrent le soir venu et repartir le lendemain matin le plus tôt possible. Ils atteignirent le campement de Devon dans la journée et ne furent pas vraiment bien accueillis par toute la brochette de mercenaires. Malgré cet accueil qui n'était pas des plus chaleureux, personne ne leur dit rien.

Nylathria descendit de cheval et se dirigea vers le milieu du camp car c'était à cet endroit là que Devon exigeait que sa tente soit montée. On n'eut pas le temps de l'annoncer, elle rentra comme une flèche, trouvant Devon assis devant une table à siroter du vin en compagnie de son mage Bezahr.

–Nylathria, quelle surprise ! S'exclama-t-il en posant sa coupe et en se levant. Que me vaut l'honneur de ta visite.

Bezahr la regardait avec ce regard étrange qu'il avait toujours eut, le genre de regard à vous faire froid dans le dos et vous donner des frissons. Personne ne savait ce qu'il pensait vraiment, et Nylathria s'était toujours promis de ne pas essayer de deviner.

–J'ai un marché à te proposer, déclara-t-elle en reportant son attention sur le mercenaire.

Murzol, Durlan et Torestrin entrèrent à leur tour.

–Là tu m'intéresse ma chère, fit Devon, un sourire carnassier plaqué sur les lèvres.

Il fit le tour de la table et s'y appuya une fois devant la jeune femme.

–Je t'en prie, reprit-il, je me languis d'entendre ce que tu as à me proposer.

–Toi et tes hommes vous allez venir vous battre avec nous, annonça-t-elle.

Devon éclata de rire et Bezahr esquissa un léger sourire, presque imperceptible. Après l'avoir côtoyé durant des années, Nylathria savait que ce sourire était pour lui synonyme d'hilarité.

–Ah ! S'exclama le mercenaire. Ta franchise m'avait manqué mon amour. Mais je suis désolé, je vais être obligé de briser ton petit cœur de pierre. C'est non, je ne battrais pas contre les elfes noirs.

–Ça tombe bien, lança-t-elle, moi non plus.

Devon fronça les sourcils.

–Tu comptes te battre contre les humains ? Demanda-t-il.

–Non plus, répondit-elle fièrement. Je compte me battre pour réconcilier les elfes noirs avec le reste du monde. Je n'ai pas le temps de t'expliquer maintenant, nous devons partir immédiatement, je le ferais en route.

Elle tourna les talons mais il la rattrapa par le poignet et l'obligea à lui faire de nouveau face.

–Attends une seconde, qu'est-ce que j'y gagne moi ?

–Bats-toi avec moi et nous deviendrons de nouveau des alliés, lança-t-elle. Pas comme avant bien entendu, mais je pense que tu pourrais tirer beaucoup d'avantage dans le fait de pouvoir faire appel à moi et mon dragon quand tu le veux, et bien évidemment ma magie sera également à ton service si jamais tu en as besoin.

La proposition était alléchante et elle savait qu'elle venait de piquer la curiosité de Devon.

–Je suis content que nous puissions de nouveau travailler ensemble très chère.

Il lui sourit avant de se redresser et se diriger à l'extérieur en aboyant des ordres à ses hommes pour qu'ils rangent le campement au plus vite.

–Tu es sûre de ce que tu fais ? Murmura Durlan.

La jeune femme jeta un coup d'œil vers Bezahr.

–Parfaitement.

Nylathria rejoignit Devon dehors et vit les mercenaires s'activer un peu partout, prenant leurs armes et armures au passage.

–Dis-leur qu'ils n'auront pas besoin de leurs armes, lâcha-t-elle, nous allons passer à Gaaldorei.

Cela faisait des jours qu'ils voyageaient dans l'empire en compagnie de tous ces mercenaires. Elle connaissait la plupart, ceux qui n'avaient pas été tués depuis son départ de la compagnie, et les autres qu'elle considérait comme les nouveaux la voyaient encore comme la mercenaire qu'elle avait été aux côtés de Devon, certainement bercé depuis leur arrivée par toutes ces histoires.

En arrivant à Gaaldorei, tous étaient impressionnés par l'immensité de la ville et du palais dans les hauteurs. Les plus superstitieux pensaient que la ville était hantée et commençaient à traumatiser tout le monde avec leurs histoires infondée, mais ils furent rappelés à l'ordre par un Olvaar rugissant. Ils traversèrent la ville très rapidement, il n'y avait pas de temps à perdre. Ils abandonnèrent leurs montures à l'entrée du palais et Nylathria s'enfonça dans la salle du trône.

Elle ne laissa pas aux mercenaires le temps d'admirer les lieux et fonça vers l'armurerie qui se situait dans la partie est du château. La pièce était immense, à l'image du reste de la cité, et était encore remplie d'armes en tout genre et d'armures, toutes forgées en or blanc. Un tas de poussière couvrait l'endroit mais les mercenaires étaient comme des fous, s'emparant de tout ce qu'ils trouvaient. Devon leur aboyait dessus, ordonnant à voir les armes en premier pour prendre les meilleures.

Nylathria ne s'occupa pas d'eux et poussa les portes encore intactes qui donnaient dans la partie de l'armurerie destinée aux Guerriers et aux dragons. Toutes les armures avaient été prises excepté celles qui leur était destiné, à Olvaar et à elle. Elle s'empara du levier rouillé sur sa droite et dû user de toutes ses forces pour l'abaisser, mais il finit par céder et le toit s'ouvrir. Elle sentait tous les regards se poser dans son dos, se demandant ce qu'elle faisait.

C'est alors qu'Olvaar apparut au-dessus du bâtiment et se posa, passant par le toit à présent complètement ouvert. Et pour la première fois de sa vie, le dragon se retrouvait sur la plateforme où Nylathria allait pouvoir lui enfiler son armure. Nylathria avait vu son grand-père et les autres Guerriers du dragon le faire des centaines de fois en s'imaginant avec Olvaar à leur place. À présent, leur tour était venu. Elle s'avança vers l'animal et posa une main sur son cou, les yeux rivés sur les deux armures en or blanc.

–Olvaar, c'est notre moment.

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