La pierre de jade

–Attends, laisse-moi résumer. Tu as parlé à un elfe noir à Gaaldorei qui t'a proposé de le rejoindre et t'a donné cette pierre. Depuis, il t'apparait régulièrement mais ne semble pas du tout hostile ou dangereux même si son peuple a failli exterminer le tien.

Durlan tournait en rond dans la pièce. Depuis l'incident de la veille, il n'avait eu de cesse de lui poser des questions, comme il savait si bien le faire, mais elle avait été beaucoup trop épuisée pour lui répondre. Ce n'est que peu après leur réveil ce matin-là qu'elle s'était décidée à parler.

–Ce n'est pas tout, ajouta-t-elle d'un calme qui lui était propre. Je crois que c'est un Balsandoral.

Le jeune homme s'arrêta et se tourna vers la princesse qui, assise sur le bord du lit, ne l'avait pas quitté des yeux.

–Comment peux-tu le savoir ? Demanda-t-il.

–Il a des runes sur les bras, déclara-t-elle.

–Il ne fait peut-être pas parti de ta famille, tu m'as dit hier que d'autres personnes, destinées à devenir des héros, pouvait avoir les runes.

–Mais cela n'arrive pas aussi souvent que tu le croies, des héros ne naissent pas tous les jours. En revanche, tous les membres de la famille impériale les ont.

Durlan passa une main dans ses cheveux, ne sachant quoi penser de tout cela. Il en voulait à Nylathria de ne rien lui avoir dit, il s'en voulait de n'avoir rien remarqué et il était en colère contre cet homme qui essayait de corrompre la jeune femme.

–Pourquoi est-ce que tu ne m'en as pas parlé plus tôt ? L'interrogea-t-il en soupirant.

–Parce que j'ignore ce qu'il veut réellement et que je ne veux pas t'impliquer là-dedans si c'est pour qu'il te fasse du mal, répondit-elle. Je ne sais pas qui il est, quel a été son rôle dans le Fléau et dans cette guerre, ce qu'il attend réellement de moi et s'il est réellement bienveillant.

–J'ai d'énormes doutes avec ce qu'il s'est passé hier.

–L'elfe noir qui a possédé Brenna n'est pas le même que celui qui me parle. Celui-là ne souhaite que la mort et la destruction. Hier, l'elfe noir qui semble vouloir m'aider m'a dit, après l'incident, qu'ils n'étaient pas tous ainsi.

–Mais comment se fait-il que je ne le voie pas ?

–Je n'en sais rien Durlan ! Je ne sais rien de lui, si ce n'est qu'il fait parti de ma famille, et je ne sais pas non plus pourquoi il m'a donné cette fichue pierre ! La seule chose qu'il m'ait dite de faire était de demander à Lamruil la vraie histoire de Bhaklur et Adorellan.

Durlan vint s'asseoir à côté d'elle.

–Et qu'elle est cette histoire ?

–Pour faire court, Bhaklur et Adorellan étaient deux frères jumeaux, les deux seuls fils de l'empereur qui a décidé qu'Adorellan était, des deux, le plus compétent pour le succéder. Par jalousie, Bhaklur s'est tourné vers la magie noire et il est dit que c'est ainsi que les elfes noirs sont nés. Du moins, c'est ce qu'on nous a toujours dit.

–Donc tu descends d'Adorellan.

–Non, de Bhaklur. En partant, il a laissé derrière lui sa femme enceinte qui est morte en donnant naissance à leur fils, qu'Adorellan a élevé comme le sien. L'empereur n'ayant eu que des filles, il a nommé Ivasaar, son neveu, comme successeur.

Durlan se tourna vers elle et plongea son regard dans le sien.

–Ce qui veut dire que tu as du sang d'elfe noir, déduisit-il.

Elle soupira et baissa les yeux vers la pierre de jade avec laquelle elle ne cessait de jouer.

–Je ne pense pas que Bhaklur se soit tourné vers la magie noire avant que sa femme ne tombe enceinte. Je crois, si mes souvenirs sont bons, qu'il s'agissait justement d'un argument en sa faveur. Il était marié et attendait un héritier alors qu'Adorellan n'avait rien. Mais comme apparemment cette histoire est fausse, je ne sais plus quoi penser. L'elfe noir m'a dit que j'étais son héritière, il aurait très bien pu parler au sens figuré.

–Comme au sens littéral, termina Durlan.

–Écoute Durlan, lança la jeune femme en se levant, je me passerais bien de tes commentaires si c'est pour me faire peur.

Elle se dirigea vers la fenêtre, l'ouvrit et sortit sur le balcon, se penchant par-dessus la rambarde. Durlan réfléchissait à toute allure pour trouver un moyen de l'aider et pensa soudainement à Pesara. Il se releva à son tour et alla la retrouver.

–Si cela peut t'aider, fit-il en restant en retrait, maître Pesara a passé sa vie à faire des recherches sur les runes des différents peuples pour alimenter les ouvrages que nous avions déjà et a même travaillé avec un druide il y a des années. Peut-être qu'il y a des informations sur cette rue dans la bibliothèque. Et puis, il doit bien y avoir des livres qui parlent de la signification des pierres.

Il l'entendit soupirer et remonta l'une des manches de sa chemise qui était en train de glisser sur son épaule.

–Je suppose que ce serait un bon début, répondit-elle en se retournant.

Il la regarda un instant. Elle avait l'air d'une toute autre femme habillée ainsi, dans cette robe qui la mettait en valeur et ses cheveux étant détachés. Elle avait pesté lorsque les femmes de chambre lui avaient dit que ses vêtements de voyage n'avaient pas encore été lavé, se voyant donc obligée de porter un corset et des jupes mais Durlan la trouvait jolie ainsi.

–Allez viens, lança-t-il, je t'emmène à la bibliothèque.

Elle le suivit sans broncher, triturant la pierre et le regard absent. Ils marchèrent en silence, croisèrent quelques nobles de la Cour qui leur accordaient une révérence sur leur passage. Certains parlaient, devaient certainement exagérer leurs défauts et inventer quelques ragots. Nylathria ne semblait même pas les voir, absorbée par ses pensées. Durlan se demanda alors si l'elfe noir était en train de lui parler et, malgré lui, il ressentit une pointe de jalousie.

–Au fait, dit finalement la jeune femme, je n'ai pas eu le temps de te le demander avec tout ce qu'il s'est passé mais... comment cela s'est passé hier soir ?

Elle leva la tête vers lui et le regarda de ses grands yeux violets

–Très bien et je dois avouer que tu avais raison, je n'ai pas que des ennemis ici, j'ai encore un peu de soutient.

–Je suis contente de l'entendre.

–Et toi, qu'as-tu fait pendant ce temps ?

Elle lui lança un regard plein de malice et il n'aimait définitivement pas cela.

–Pas grand-chose, j'ai simplement eu l'honneur de faire la connaissance d'une certaine lady Selina de Besanmur.

Durlan se stoppa net, devant le regard amusé de Nylathria. Il la regarda un instant, ne sachant pas quoi lui dire. Il avait aperçu Selina lors du banquet mais n'avait pas trouvé le courage de la voir, mais il était loin d'imaginer que les deux femmes aient pu parler.

–Arrêtes de faire cette tête d'idiot, lança la princesse, on dirait que tu as quelque chose à te reprocher.

Elle continua à marcher et il la rattrapa rapidement.

–Non, absolument pas c'est juste que je ne m'y attendais pas. Je... et vous avez parlé de quoi toutes les deux ?

Visiblement, Nylathria trouvait la situation fort amusante, beaucoup plus que Durlan.

–Tu veux juste savoir si on a parlé de toi, n'est-ce pas ? Alors oui, on a parlé de toi et de ton joli grain de beauté sur les fesses.

Le jeune homme eu soudainement chaud et se senti rougir. Sur leur passage, deux jeunes femmes se retournèrent et le regardèrent de haut en bas avant de glousser. Nylathria, elle, cacha beaucoup moins son hilarité.

–Tu devrais voir ta tête ! J'adore te charrier. Mais ne t'inquiète pas, on n'a pas parlé de cela. Selina m'a juste confirmé ce que je savais déjà.

–C'est-à-dire... ? Demanda Durlan, peu sûr de lui.

–Que tu es une personne extraordinaire.

Son cœur se gonfla de joie alors qu'elle lui lançait un énième regard malicieux.

–Ne reste pas planté là ! S'exclama-t-elle. On a des recherches à faire !

Durlan la guida dans les couloirs du palais tout en priant pour ne pas tomber sur Berengar ou lady Eartha. À l'angle d'un couloir, il remarqua que l'une des suivantes de la Reine Mère les observait, pensant être discrète. Mais il ne dit rien à Nylathria, ne voulant pas la mettre en colère alors qu'elle était de si bonne humeur.

En arrivant devant la porte de la bibliothèque, il hésita un instant, le cœur battant. La dernière fois qu'il était venu dans cette partie du château c'était le soir de sa fuite. Depuis, il s'était passé tellement de choses. La bibliothèque ne serait plus la même sans Pesara.

–Venez mon garçon, lui aurait-il dit en le voyant hésiter, ne restez pas sur le palier. Et venez donc m'aider à déplacer ces livres, nous irons plus vite à deux.

Durlan se mit à sourire en le revoyant assis à son bureau, ses petites lunettes rondes sur le bout de son nez, plongé dans les bouquins. Il chassa sa tristesse et entra dans la pièce, à la suite de la princesse. Tout était exactement comme avant. Le corps central était rond, illuminé par un imposant lustre. Devant eux se dressait un bureau, placé devant deux escaliers se rejoignant en une estrade. La salle circulaire s'ouvrait sur de nombreux rayonnages. La hauteur sous plafond était incroyable et les bibliothèques avaient une taille si spectaculaire que de nombreuses échelles, posées nonchalamment dessus, permettaient d'accéder à la plus haute étagère. Durlan respira cette bonne odeur de papier et d'encre qui envahissait l'endroit et qui lui rappelait tant son défunt professeur.

–On commence par où ? Demanda Nylathria en observant le tout.

–Je vais te chercher les études de Pesara dans le local derrière, du moins si personnes ne les en a bougé, et j'irais prendre quelques livres sur les pierres.

La jeune femme acquiesça tandis que Durlan se dirigeait vers le fameux local qui donnait sur ce qui était les appartements de Pesara, l'endroit par où il s'était enfuit. Il chassa cette pensée et entra dans la toute petite pièce remplie de livres et de parchemins en tout genre. Les tables, les bibliothèques et le sol en étaient remplis. Il passa de longues minutes à chercher ce qu'il voulait, et surtout, à tenter de trouver des ouvrages dans la langue commune. Puis il se rappela que Nylathria parlait couramment la langue elfique et se débrouillait avec le Dolñor, il prit alors avec lui les livres dans ces langues-ci.

Les bras chargés de bouquins et parchemins, il rejoignit la jeune femme qui l'attendait, assise à une table et le nez rivé sur un livre.

–Qu'est-ce que tu lis ? L'interrogea-t-il en posant tout ce qu'il avait avec précaution.

–Simplement un livre qui était resté sur cette table, répondit-elle en refermant l'ouvrage, il parle du Premier Âge et essaie de retranscrire la vie à cette époque.

–Et ? C'est pertinent ?

–Plus ou moins, pour les elfes en tout cas. Mais il parle surtout des autres peuples qui ont disparu : les géants, les génies, les nephilims ou encore les phénix.

–Les phénix ? S'étonna le jeune homme en s'asseyant à côté d'elle. J'ignorais qu'ils avaient existé.

–Et bien, ce que les légendes appellent les phénix, c'est-à-dire des oiseaux de feu, n'ont jamais existé. C'était un peuple très sage qui maîtrisait le feu, ils vivaient près de volcans, sur une partie du continent qui a été engloutie par les eaux lors de la Vague de Cristal.

–C'est incroyable, souffla-t-il, comment sais-tu autant de choses ? Cela me dépasse.

–Tu sais, mon professeur a moi a plus de neuf cent ans à l'heure où nous parlons. Et puis, mon grand-père avait l'habitude de me raconter ce genre d'histoire lorsque j'étais enfant. Il avait presque mille ans lorsqu'il est mort, il a vu beaucoup de choses et a accumulé pas mal de connaissances. Cela a aidé je suppose. Bon, qu'est-ce que tu m'as trouvé ?

Il reporta son attention sur ce qu'il avait rapporté.

–Pas mal de choses, fit-il en lui montrant différents ouvrages. Celui-là est une copie d'un des livres de la Guilde des druides, celui-ci concerne les nains, lui les orques et il est en Dolñor, Ces deux-là sont sur les elfes et sont en elfique, celui-ci parle des langages des premiers humains dont l'alphabet s'apparente à des runes et sur ces parchemins il y a quelques recherches en vrac. Par contre, ces deux livres-ci j'ignore de quoi ils parlent, les titres sont dans un alphabet que je ne connais pas mais j'ai trouvé qu'il ressemblait à celui de la langue elfique.

–Merci, souffla-t-elle en s'emparant d'un des bouquins.

–Je vais aller chercher des livres sur les pierres, je reviens.

–Attends ! S'exclama-t-elle en se levant. J'en ai aperçu un tout à l'heure, je vais le chercher.

Elle se dirigea vers l'une des bibliothèques et s'arrêta face à une échelle, se tordant le cou pour chercher le fameux livre. Elle regarda ensuite tout autour d'elle avant de poser son regard sur Durlan.

–On est bien seuls ? Demanda-t-elle.

–Heu... oui, répondit-il sans vraiment comprendre pourquoi elle lui posait cette question.

–Parfait.

Elle se pencha, attrapa le bas de sa robe de chaque côté et la releva jusqu'en haut de ses cuisses.

–Nyla ! S'écria-t-il.

–Tu crois que c'est pratique ce truc-là pour monter une échelle ? Répondit-elle en grimpant sur les barreaux tout en se débattant avec sa robe pour qu'elle ne la gêne pas.

–Non mais tu aurais pu me demander.

–Ça va Durlan, tu as déjà vu tout ce qu'il y avait à voir.

–Moi oui mais si quelqu'un rentre et te voit ainsi ?

–Ça lui fera de quoi jaser.

Elle s'empara d'un livre et redescendit rapidement, relâchant sa robe une fois les deux pieds posés par terre, puis elle revint s'asseoir à côté de lui, posant sans grande douceur l'ouvrage devant lui.

–Cherche dans celui-là, je m'occupe des runes.

C'est dans un silence religieux qu'ils se mirent à parcourir les différents livres, la pierre de jade bien en évidence devant eux. Une personne entra dans la pièce et passa derrière eux sans les déranger, faisant sa vie de son côté.

–Écoute cela, lança-t-il finalement en pointant le paragraphe du doigt. Le Jade est une pierre fine de longue vie, elle apporte prospérité, elle favorise la compassion et l'échange. Elle lutte contre la nervosité, dissous les soucis pour aller vers l'acceptation, la tolérance et l'optimisme. Cette pierre aide à être honnête et juste dans ses jugements, on peut l'utiliser pour travailler sur des culpabilités enfouis en nous.

Nylathria prit le livre et l'avança vers elle pour relire le passage.

–Et ici, continua Durlan en lui montrant le paragraphe du dessous, il est dit que ses cinq vertus cardinales sont la charité, la modestie, le courage, la justice et la sagesse.

–Sur le plan mental, lut-elle, la pierre de jade représente l'honnêteté, notamment dans tous les aspects étant en lien avec le pouvoir. Elle représente aussi la tolérance.

Elle repoussa alors l'ouvrage et se laissa glisser au fond de sa chaise en soupirant.

–Cet homme cherche définitivement à me montrer la vérité, fit-elle, mais la vérité de quoi ? Il cherche la justice mais quelle justice peut-il y avoir pour un peuple qui a massacré un autre dont il est issu ? Cela ne m'avance pas plus.

–Tu n'as rien trouvé sur la rune ? Demanda Durlan en s'emparant d'un bouquin dans sa langue.

–Pas pour le moment. Ce n'est définitivement pas une rune orque, et la Mère elle-même sait au combien le Dolñor est une langue affreuse, ni une rune provenant des druides. Aucun des ouvrages de la Guilde ne la mentionne. Et je doute qu'il s'agisse d'une rune elfe, je ne l'ai jamais vu auparavant.

–Tu as essayé ces livres en langue inconnue ?

–Non, j'allais le faire.

Il ouvrit l'un des livres dans cette fameuse langue et tourna quelques pages, ne comprenant définitivement rien.

–Cela ressemble à de l'elfique, déclara Nylathria en regardant par-dessus son épaule, certains mots sont dans ma langue mais d'autres sont complètement incompréhensibles. Je pourrais essayer de traduire avec ce que je comprends mais cela va me prendre des heures.

–Alors je vais te laisser seule, annonça le jeune homme, tu vas avoir besoin de calme et je ne vais t'être d'aucune utilité. Et puis, j'ai quelques petites choses à régler.

–D'accord, merci Durlan de m'avoir aidé.

–Ce n'est rien.

Il déposa un rapide baiser sur le haut de son crâne avant de filer, jetant un dernier coup d'œil à l'endroit dans lequel il avait passé tellement de temps. Son cœur se serra en voyant, une nouvelle fois, l'image de Pesara à son bureau. La veille, quelques nobles lui avaient dit qu'il avait été enterré au cimetière d'Irindor, il irait peut-être lui rendre un dernier hommage et lui dire au revoir. Mais avant, il devait passer en ville.

Il se fit le plus discret possible dans les couloirs, ne voulant surtout pas croiser lady Eartha ou encore Berengar. Il faisait d'autant plus attention depuis qu'il avait vu la suivant de cette dernière les espionner. Il savait qu'Eartha le faisait surveiller pur connaître le moindre de ses faits et gestes. Après tout, malgré les menaces de Nyla, il était tout de même, à ses yeux, un ennemi.

Il se rendit aux écuries et il fut heureux de voir le palefrenier l'accueillir à bras ouverts, le sourire aux lèvres. En lui sellant un cheval, il lui promit de ne rien dire aux espions de la Reine Mère. C'est tout souriant qu'il quitta l'enceinte du château.

Il ne perdit pas de temps en ville, sachant exactement où se rendre et par où passer pour rencontrer le moins de monde possible. Comme la veille, ceux qu'il croisait venaient à sa rencontre un immense sourire aux lèvres, ce qui n'était pas du goût des soldats qui surveillaient la place du marché. Pour la discrétion, je crois que c'est fichu. Il arriva néanmoins devant la petite boutique du forgeron en un seul morceau.

–Durlan, mon prince ! Lança ce dernier en le voyant arriver. Comment allez-vous ?

Le jeune homme mit pied à terre et attacha sa monture avant de rejoindre Gavin, le forgeron chez qui il avait l'habitude d'aller. Il faisait toujours de l'excellent travail et était très minutieux, il savait qu'il pourrait l'aider.

–Je vais bien, merci, répondit-il. Mais je vous conseille de ne pas m'appeler ainsi si vous ne voulez pas attiser les foudres des soldats royaux.

–Bah, qu'ils viennent donc et je vais leur montrer de quel bois je me chauffe. Vous êtes né prince, vous resterez prince à jamais. Dîtes-moi, que me vaut l'honneur de votre visite ?

Durlan regarda aux alentours mais la rue n'était pas sûre, alors il fit signe à Gavin de rentrer dans la boutique. La chaleur à l'intérieur était insoutenable et un apprenti était en train de battre le fer, provoquant des sons aigus réguliers. Mais c'était toujours mieux que de prendre le risque que Berengar apprenne ce qui était en sa possession. Il sorti alors de sa poche un bracelet en or blanc, qu'il avait prit à Gaaldorei.

–Mais c'est... c'est de l'or blanc ? S'extasia Gavin en voyant le bijou.

Il le prit délicatement dans ses grosses mains gantées et l'observa longuement, fasciné par ce travail d'orfèvre. L'apprenti avait cessé de travailler et les regardait de loin, intrigué.

–J'aimerai le transformer en bague mais je sais que peu de forgerons savent travailler le métal elfique, je voulais simplement savoir si vous étiez en capacité de le faire.

–C'est pour votre princesse, c'est cela ? Demanda le forgeron en relevant les yeux.

Il acquiesça.

–Vous pourriez le faire ?

–Vous savez Durlan, dans la famille nous sommes forgerons de père en fils et ce savoir, qui est la forge d'arme, se transmet de générations en générations. J'ai eu la chance d'avoir un ancêtre qui a travaillé avec les elfes, ma famille était l'une des seules familles humaines de forgerons savoir maîtriser l'or blanc. Vous avez de la chance garçon, votre belle aura sa bague mais cela va vous coûter cher, c'est un travail très minutieux.

–Je le sais et je vous paierais le prix qu'il faut, l'argent ne sera pas un problème. J'avais seulement réalisé un croquis, très rapidement, de ce que la bague pourrait rendre.

De son autre poche, il sorti un parchemin qu'il déroula pour montrer le dessin.

–Est-ce que vous pensez que ce sera possible ? Les pierres sont déjà incrustées dans le bracelet, j'ai pensé que vous pourriez les récupérer. Et je vous ai apporté une autre bague pour que vous ayez la bonne taille, elle a les doigts assez fins.

–J'avais oublié à quel point dessinez bien, j'ai d'ailleurs gardé tus vos croquis d'armes, même ceux que je n'ai jamais réalisés, ils sont tous dans la réserve. En tout cas, au vu de ce que je vois je pense que cela pas être possible. J'avais entendu dire que tu t'étais fiancé avec la princesse elfe, je suppose que ceci sera la bague pour le grand jour.

Durlan ne lui répondit que par un sourire. Il avait peur que le bijou ne plaise pas à la jeune femme, elle qui n'aimait pas tellement ce genre de choses. Il espérait au moins que cela lui fera plaisir et qu'il verra un sourire sur son si beau visage. C'était tout ce qui lui importait.

Il quitta la forge avec un sourire encore plus grand qu'à son départ de palais. Il avait vraiment l'impression de retrouver sa vie d'avant et il aimait cela. Il alla détacher son cheval et continua à arpenter les rues à pieds. Il s'engouffra dans une allée qu'il connaissait plus que bien car c'était ici que se situait l'auberge où il passait le plus clair de ses soirées. Il n'était pas tard mais il espérait y croiser ses vieux amis, Oger et Sagar lui manquaient.

Il laissa sa monture à l'entrée et passa les portes, comme au bon vieux temps. Rien n'avait changé à l'intérieur, le lieu puait autant l'alcool et le renfermé qu'avant, mais il aimait bien cette odeur, elle lui rappelait de bons souvenirs.

–Mais regardez qui voilà ! S'exclama l'aubergiste en tapant sur son comptoir. Un revenant descendu des cieux pour nous hanter !

Durlan se mit à rire et s'approcha.

–La discrétion n'est toujours pas ton fort Russell, n'est-ce pas ? Plaisanta-t-il.

–On te croyait mort mon garçon, ajouta le propriétaire des lieux, les gardes royaux ont débarqué quelques heures après que tu sois parti et ils ont tout saccagé ici. Ils ont emmené des gars tu sais, il y en a qu'on n'a jamais revu.

Le cœur du jeune homme se serra et il se mit à avoir affreusement peur. Il se mit alors à prier tout ce qu'il était possible de prier.

–Qui est-ce qui n'est jamais revenu ? Demanda-t-il sans aucune assurance.

–Sagar et Oger ! Lança un gars qu'il avait déjà vu plusieurs fois. Et un autre aussi, je crois qu'il s'appelait Derick.

Durlan s'assit sur le tabouret le plus proche en se tenant au comptoir. Berengar avait donc tué ses plus proches amis. En plus d'avoir mené Pesara sur l'échafaud, il était la cause de la mort de Sagar et Oger. Il puisa dans toutes ses forces pour ne pas pleurer.

–C'est triste tout de même, continua Russell, j'les aimais bien ces gars-là, ils apportaient toujours de la bonne humeur. Vous étiez inséparables tous les trois, du moins, jusqu'à ce qu'une prostituée n'intervienne. Sagar aimait bien ma petite Ulla.

Il n'en revenait pas. Berengar le détestait tellement qu'il lui avait prit ses plus fidèles amis. Durlan comprenait de moins en moins les motifs de cette haine.

–M'enfin, parlons de choses plus joyeuses, reprit l'aubergiste. La ville ne parle plus que de toi et de la petite princesse elfe. La moitié se sont chié dessus en la voyant sur son dragon, et l'autre n'a pas supporté cette vision, ils se sont évanouis. On dit aussi qu'elle a remit le roi à sa place, tant mieux moi je dis. Depuis ce qu'il t'a fait, il est de moins en moins aimé par ici. Une guerre se prépare à ce qu'on dit, c'est pour ça qu'elle est là, mais on ne sait même pas ce qu'il se passe.

–Tu verras qu'on va nous demander de combattre ! S'écria un gars dans le fond.

–C'est possible, sauf si la princesse de Durlan arrive à enrôler assez d'hommes. M'enfin, même avec ça je suis sûr qu'on nous demandera de nous engager, pour éviter de sacrifier trop de soldats. On sera en première ligne les gars et on ne ramènera à nos femmes que nos cadavres !

Russell balança un torchon sur son épaule et se pencha sur le comptoir pour parler plus discrètement au jeune homme.

–On dit que t'es venu pour prendre le trône et que ta princesse est là pour t'aider.

–Les gens disent vraiment cela ? S'étonna Durlan en se redressant.

–Ouais, et même que le peuple est prêt à te suivre. SI tu veux mon avis, tu ferais un bien meilleur roi que Berengar.

Durlan baissa les yeux vers ses mains et se mit à jouer avec sa ceinture. Il savait que beaucoup voulait le voir sur le trône, et c'était d'ailleurs pour cela que lady Eartha avait cherché à l'éloigner du trône

–Je ne veux pas du trône, fit-il, je n'ai pas les épaules pour cela. Si vous voulez vous débarrasser de Berengar faîtes-le mais ce sera sans moi. Marden est son héritier, jetez votre dévolu sur lui. J'ai déjà assez de problèmes avez la Couronne, j'ai seulement envie de vivre en paix.

–Tu sais, moi je ne fais que rapporter ce que les clients me disent et crois-moi, certains d'entre eux refuseront d'abandonner l'idée, surtout maintenant que tu vas récupérer un titre. Hier soir, les gens n'arrêtaient pas de parler de ta princesse et de combien elle pourrait aider à te mettre sur le trône. Ils l'imaginaient déjà arriver sur son dragon et anéantir Berengar. Mais tu sais quoi mon garçon ? Si tu n'en veux pas, pars loin avec ta princesse et reste en dehors de tout ça. Tu mérites de trouver un peu de paix.

–Merci, souffla-t-il en lui souriant.

Russell se redressa alors et reprit son rôle d'aubergiste bourrin qu'il s'était créé.

–Bon, tu vas bien me prendre une petite bière pour fêter ce retour !

–Non, merci, j'ai quelque chose à faire. Merci de m'avoir prévenu pour... Oger et Sagar. Et pour ta bienveillance.

En se levant, il constatât que tout le monde le regardait, ce qui le mit soudainement mal à l'aise.

–Durlan ! S'exclama un gars qu'il reconnut. Reviens donc avec la princesse ce soir, simplement pour nous la présenter.

–Je ne peux rien vous promettre.

Quelques clients se mirent à s'échanger des messes basses mais le jeune homme n'y prêta aucune attention. Il accorda un dernier sourire à Russell avant de sortir de l'auberge et rejoindre sa monture. En traversant les rues, il ne put s'empêcher d'essayer de deviner qui voulait le voir sur le trône. Il avait été sincère avec Russell, il n'en voulait pas. Cela impliquait beaucoup trop de responsabilités et Berengar avait le soutient de la majorité des nobles du royaume, nobles qui possédaient des armées. Jamais il ne serait vu comme légitime, surtout à présent qu'il n'était qu'un bâtard. Et puis il y avait Marden, lui ferait un excellent roi.

Il sortit de la ville et s'arrêta au cimetière, attacha sa monture et passa le portail le cœur serré. Toutes ces tombes et tous ces noms s'enchaînaient sans qu'il ne réussisse à voir celui de son maître. Puis il le vit et un point se forma dans sa gorge. Il s'avança jusqu'à la petite stèle et la regarda longuement. Des fleurs sèches, datant certainement de la veille, avaient été déposées. Quel idiot je fais ! Je n'en ai même pas apporté. Il resta un long moment en silence à chercher ses mots, les bons mots. Il finit par s'asseoir sur la terre, le regard rivé sur la tombe.

–J'ignore par où commencer, fit-il, il y a tellement de choses que je me dois de vous dire mais je ne sais pas comment le faire. Je dois vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour moi. Vous m'avez tout apprit et surtout, vous m'avez sauvé la vie au détriment de la vôtre. Je ne pourrais jamais me montrer assez reconnaissant, malgré tout ce que je pourrais faire. Vous vous êtes sacrifié pour moi, vous saviez ce qui vous attendais et je le savais aussi et pourtant, j'ai été assez stupide pour vous laisser ici. Je me sens tellement coupable. Tout ceci est arrivé à cause de moi, j'aurais dû être là pour vous défendre, me tenir fièrement à vos côtés et ne pas vous laisser partir seul.

Il marqua une pause, essayant de ravaler ses larmes.

–Nylathria pense que vous avez été stupide de m'avoir aidé, de ne pas avoir pensé à vous avant de penser à moi. Elle a tort, vous avez été extrêmement courageux, bien plus que je ne pourrais jamais l'être. Vous êtes un exemple pour moi, vous l'avez toujours été. Vous avez été un père. Et quel fils indigne j'ai été. Autant avec mes parents qu'avec vous. Je vous ai laissé tous les trois mourir des mains d'Eartha et Berengar pour une seule et même histoire. Mais je compte bien faire en sorte que vos morts ne signifient rien. Vous vous êtes battu pour moi, mes parents se sont battus pour leur amour, ma mère s'est battue pour ma place au sein de la Cour, je vais essayer de vous rendre tous les trois fiers et que, de là où vous me regardez, vous le fassiez avec le sourire.

Il se laissa de nouveau un petit temps, comme s'il s'attendait à ce que la tombe lui réponde.

–J'espère que vous avez trouvé la paix et que vous êtes réuni avec les gens que vous aimiez. Vous méritez d'être heureux. Vous me manquez terriblement vous savez. Tout à l'heure, je me suis rendu à la bibliothèque et j'ai eu l'impression de vous voir absolument partout, comme si vous étiez encore parmi nous. Et c'est ce que j'aimerais, surtout en ce moment. J'ai tellement de questions, trop de choses se passent en trop peu de temps, j'ai l'impression de me noyer. J'aimerais simplement vous retrouver et discuter avec vous, vous aviez toujours de bons conseils. J'aurais voulu vous voir une dernière fois, juste pour vous dire tout cela en face et avoir un dernier souvenir heureux avec vous.

Il se tu et sécha la larme qui roulait sur sa joue.

–Moi aussi il me manque.

Durlan sursauta et se tourna vivement vers la personne. Il trouva Selina, les yeux rivés sur la tombe et un petit bouquet de fleurs à la main. Il se releva rapidement et nettoya rapidement ses vêtements.

–Je ne t'avais pas entendu arriver, lança-t-il en tâchant de retrouver une contenance.

–Je ne voulais pas te déranger.

Elle lui sourit tendrement. Elle n'avait pas changé, même après toutes ces années.

–Je suis désolé de ne pas être venu te voir hier soir, lui dit-il, j'aurais dû le faire.

–Ne t'inquiète pas, j'ai pu faire connaissance avec Nylathria. Où est-elle d'ailleurs ?

–À la bibliothèque, elle fait quelques recherches en partie à cause de Brenna. En parlant d'elle, est-ce que tu l'as vu ?

–Et bien, la dernière fois remonte à il y a quelques semaines, lors d'un banquet organisé par Berengar où elle a été présentée comme lady Brenna d'Ancalen. C'est ce soir là où il y a eu l'attaque. Depuis, je n'ai pas eu de nouvelles. Après tout, je ne la connais pas vraiment, je sas seulement que c'est la maîtresse de Berengar mais je n'aurais jamais pensé qu'il lui donnerait un titre de noblesse. Il y a eu quelques rumeurs à la Cour comme quoi lady Eartha voudrait la faire exécuter, quelqu'un aurait vu Brenna assassiner un chat mais je ne crois pas trop à cela, du moins pour le chat. Elle est confinée depuis des semaines dans une chambre, personne ne peut lui rendre visite.

Durlan laissa planer le silence, repensant à l'état dans lequel était Brenna lorsqu'il l'avait vu.

–Moi j'ai pu la voir, déclara-t-il.

Il releva les yeux vers Selina qui fronçait les sourcils.

–Comment cela ?

–Tu sais, nous sommes arrivés avec une druidesse et son apprenti qui devaient trouver une solution pour Brenna, sauf que la mage Avedelis avait tout essayé et ne savait plus quoi faire. Étant donné que Brenna a été possédée par de la magie elfique noire, Avedelis a pensé que Nylathria pourrait aider, je les ai donc accompagnées. Tu aurais dû la voir, je ne l'ai pas reconnu tout de suite. Elle a terriblement maigri, elle a la peau sur les os et son visage est aussi creusé que cerné. Et puis elle n'arrêtait pas de parler d'un homme qui lui parle constamment. Elle faisait peur à voir.

–C'est affreux, elle n'a jamais rien demandé. Je sais que Berengar refusait qu'elle se montre en public à cause de lady Eartha et la seule fois où elle est autorisée à sortir, il lui arrive cette horreur. Nylathria a pu faire quelque chose ?

–Malheureusement non, Nyla a vécu plus de deux cent ans loin des sien, elle ne maîtrise que peu de magie elfique, même si la sienne est plus puissante en raison de son lien avec son dragon. J'ignore si on va pouvoir sauver Brenna, et cela me désole.

–Berengar ne la laissera pas partir, soupira Selina.

–Tu parles, il a certainement dû se trouver une autre maîtresse, cracha Durlan.

–Tu te trompes, fit doucement la jeune femme, je crois qu'il l'aime sincèrement. Je l'ai vu, ce soir-là, à la manière avec laquelle il la regardait. Il s'en veut parce qu'elle s'est interposée pour le sauver. Tu aurais vu à quel point il était paniqué lorsqu'elle a perdu connaissance, je ne l'ai jamais vu dans un tel état. Crois-le ou non mais Berengar est capable d'aimer. S'il se fichait royalement d'elle, crois-tu qu'il se donnerait autant de mal pour tenter de la sauver ?

Il réfléchit un instant. Selina avait toujours été ainsi, elle ne jugeait pas malgré ses sentiments, prenait du recul et apportait un avis objectif. De nombreuses fois Durlan s'était demandé comment est-ce qu'elle faisait pour ne pas laisser ses émotions impacter sa vision des choses.

–Je sais qu'avec ce qu'il t'a fait c'est difficile de voir Berengar autrement que comme une horrible personne, reprit-elle, mais c'est un être humain comme toi et moi. Je suis d'accord qu'il n'est pas forcément doué pour les bonnes relations mais aussi maladroit soit-il, il n'empêche pas qu'il a un cœur. Et au vu de ce que j'ai pu voir, il l'a donné à Brenna, comme toi tu as donné le tien à Nylathria.

Même s'il avait du mal à se l'avouer, Durlan savait qu'elle avait raison. Berengar n'était pas qu'un homme cruel.

–Et toi ? Lança-t-il. Qu'en est-il de ton mariage ? Es-tu comblée ?

–Stefan est très gentil avec moi et très attentionné, il me donne tout ce dont j'ai besoin, répondit-elle. Je n'ai pas le temps de m'ennuyer, il me donne quelques petites choses à faire quant à la gestion de nos terres, je n'ai pas l'impression d'être une potiche qui doit l'attendre tous les soirs. Et puis je passe beaucoup de temps avec notre fils qui me donne tout l'amour dont j'ai besoin.

–Je suis heureux pour toi, j'avais peur que ton mariage soit catastrophique.

–Tous les mariages arrangés ne le sont pas, nous avons apprit à nous connaître et nous nous sommes trouvé quelques points communs. Avec un peu d'effort, on arrive à construire quelque chose de solide. Tu verras lorsque Nylathria et toi vous serez mariés, la vie sera différente mais pas forcément dans le mauvais sens du terme.

Durlan hésita un instant. Il ne s'était toujours pas habitué à cette idée de mariage. Pourtant, il en a été félicité durant toute la soirée de la veille.

–On ne va pas réellement se marier, déclara-t-il.

Selina ne semblait pas vraiment comprendre alors il lui expliqua.

–Tu as bien vu comment Berengar m'a accueilli hier, il était à deux doigts de me jeter en prison. Nylathria a inventé cette histoire de mariage pour me protéger. Elle m'avait promis de le faire si les choses dégénéraient et elle l'a fait.

–C'est très bienveillant de sa part, sourit Selina, et très courageux en un sens. Cela prouve qu'elle tient à toi. Et puis, cela justifie le fait qu'elle n'ait pas de bague, beaucoup de personnes l'ont remarqué hier soir.

–Oui, on s'y attendait. Nyla a même fait la blague de me dire de lui trouver une bague au plus vite.

Ils rigolèrent ensemble mais le sourire de Durlan s'effaça rapidement lorsqu'il vit des soldats arriver au loin.

–Est-ce que les sentinelles font des rondes dans le cimetière ? Demanda-t-il sans les quitter du regard.

Selina fronça les sourcils et se retourna.

–Non, je viens ici tous les jours et je ne les ai jamais vu entrer, c'est étrange.

Durlan porta sa main à sa hanche, cherchant la garde de son épée, mais elle ne fit que brasser l'air. Plus les soldats avançaient, plus son cœur tambourinait dans sa poitrine. C'est alors qu'il vit un visage qui lui était plus que familier. Berengar. Son cœur loupa un battement et il passa un bras devant Selina pour la faire reculer. Il ne voulait en aucun cas l'impliquer dans ses problèmes avec le roi.

Les gardes passèrent entre les tombes pour les encercler et Berengar se planta devant lui, un léger sourire sur les lèvres.

–Tu n'es pas avec ta princesse ? L'interrogea-t-il en penchant la tête sur le côté. Quel dommage.

Le regard de Durlan ne cessait de faire des aller-retours entre lui et ses soldats. S'ils se jetaient sur lui, il ne pourrait pas se défendre.

–Qu'est-ce que tu veux Berengar ? Fit Durlan entre ses dents.

–Qu'est-ce que je veux ? Riait le roi. Ce que j'aurais dû avoir depuis longtemps. Ta tête.

–Berengar réfléchis, tu ne peux pas faire cela ! Intervint Selina en s'avançant.

Elle fut rapidement retenue par Durlan qui ne voulait pas qu'elle se mêle de cette discussion, par peur que Berengar ne lui fasse du mal.

–Détrompes-toi, chère Selina. Je suis le roi, j'ai tous les droits. Durlan est un traître, il a comploté pour assassiner son roi, il doit être exécuté pour montrer l'exemple. Pesara n'a visiblement pas suffit puisque que le bâtard s'est fait ovationner hier.

–Si tu étais un meilleur roi, peut-être que le peuple ne chercherait pas à te détrôner, cracha Durlan.

Peut-être était-ce là une erreur que de lui dire cela mais il avait besoin de vider son sac, Berengar lui avait tout enlevé.

–Donc tu avoues m'avoir trahi ? Tu me rends la tâche plus facile.

–Je n'ai jamais dit que je voulais ta couronne, tu peux te la garder. Oui, le peuple veut me voir sur le trône mais j'ai refusé de rentrer dans une guerre civile, de rentrer dans ton jeu. Cela te satisferait beaucoup trop que je me montre publiquement comme un traître, je ne compte pas te donner ce plaisir. Tu auras beau dire ce que tu veux sur moi, je n'ai jamais cherché à prendre ta place, jamais !

–C'est ce que tu dis. En attendant, je te vois débarquer accompagné d'une princesse elfe qui voyage à dos de dragon et qui a à sa disposition les armées des nains et des Terres d'Opale, en plus des soldats elfes de son cousin. Ne serait-ce pas là une provocation alors même que tu sais pertinemment que ta tête est mise à prix. Tu as OSÉ revenir ici en toute connaissance de cause, maintenant tu vas en assumer les conséquences et ta princesse ne sera pas là pour te sauver cette fois-ci. Saisissez-le.

Les soldats avancèrent vers lui d'un pas déterminé. Selina se dégagea de l'emprise de Durlan pour se placer entre lui et Berengar.

–Vôtre Majesté, je vous en supplie ! Fit-elle en l'appelant volontairement pas son titre. Durlan n'a jamais fait quoi que ce soit qui puisse vous mettre en danger, je m'en porte garante ! Ne lui faites aucun mal s'il vous plait, vous risqueriez de le regretter. La princesse ne montrera aucune pitié si vous touchez à lui, elle vous l'a dit elle-même. Pour le bien de votre royaume, pour le bien de ceux que vous aimez, ne faites pas cela.

Berengar la jaugea comme si elle n'était qu'une moins que rien avant de se pencher vers elle, l'air malsain.

–Très chère Selina, je comprends que tes sentiments à son égard puissent altérer ta vision des choses, mais ce que je suis en train de faire est bel et bien pour le royaume. Par ailleurs, je ne pense pas que lord Stefan soit ravi d'apprendre que tu as tenté de salir son nom en te portant garante d'un bâtard. Pense donc à ton fils, comment réagira-t-il s'il apprenait que sa chère mère était une traîtresse ? Tu vaux mieux que cela Selina.

Durlan sentit des mains l'agripper. Il tenta de se dégager, se débattait comme il le pouvait mais il était évident qu'il ne pourrait pas se sortir de cette situation. Il leva la tête vers le ciel, cherchant Olvaar du regard. Avec un peu de chance, le dragon allait passer au-dessus d'eux et viendrait le défendre. Mais la chance n'était pas de son côté. Devinant ce qu'il essayait de faire, l'un des soldats lui asséna un violent coup de poing dans le visage. Durlan manqua de tomber mais les gardes le retinrent. On lui cacha ensuite le visage avec un sac en tissu.

–Emmenez-le, ordonna Berengar.

–Berengar attends ! Hurlait Selina alors qu'on traînait Durlan en dehors du cimetière. Ne fais pas cela, je t'en prie !

Le cri de surprise de Selina résonna dans la tête de Durlan, puis il entendit le bruit sourd d'une personne tombant sur le sol. Le jeune homme ferma les yeux et retint ses larmes. Excuse-moi Selina. Excuse-moi Pesara. Excuse-moi Nyla. 

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