Deux étoiles
–On ne peut pas le laisser ainsi ! Nous devons prier pour que son âme retrouve Mère Nature !
Un des deux soldats elfes, Laeroth, avait été tué lors de l'affrontement avec les orques et depuis que tous les compagnons s'étaient retrouvés, son acolyte, Nieven, n'avait pas cessé de piailler.
–Je suis sûre qu'il trouvera son chemin tout seul, rétorqua Nylathria, au pire des cas Mère Nature viendra le chercher. Nous ne devons pas traîner là.
Alors qu'elle commençait à partir, pour la dixième fois en cinq minutes, Nieven la rattrapa.
–C'est la tradition ! Piaulait-il.
Franchement énervée, la jeune femme se tourna vers lui, lui lança un regard qui traduisait toute sa colère et se dirigea vers un arbre pour en casser une branche.
–Krær.
La branche prit feu et la princesse la jeta sur le cadavre dont la peau commençait déjà à s'embraser.
–Digne d'un roi, fit-elle, allez on dégage !
Cette fois, personne ne la retint. Elle voulait partir une bonne fois pour toute de cet endroit maudit et se promit de ne plus jamais y remettre les pieds, même si Castien décidait qu'il était temps de rejoindre l'empire elle ne suivrait pas.
–N'avez-vous donc aucun respect des traditions ? S'emportait Nieven.
–Faîtes attention à ce que vous dites, le prévint-elle entre ses dents.
–Je sens que ça va devenir intéressant, fit Murzol en se frottant les mains.
Dans sa poche, la pierre de l'elfe noire commençait à chauffer, comme si elle répondait à sa colère. Il fallait définitivement qu'ils arrivent au plus vite à Irindor afin qu'elle effectue des recherches sur cette fameuse rune. Et ce, malgré la vision de la porte. Après ce qu'elle avait vu, elle n'avait pas franchement envie de rencontrer Berengar.
–Laeroth est mort au combat ! Continuait le soldat. Il est mort pour vous protéger, il devrait être honoré comme un chevalier devrait l'être !
–Faux, répliqua Nylathria, il est mort en essayant de se protéger lui-même et vu dans l'état dans lequel nous l'avons retrouvé, il a échoué.
–Il n'empêche que sa mémoire devrait être honorée, il s'est battu vaillamment et avec honneur, sa vie a été trop courte.
–Il avait plus de quatre cent ans, non ? Chuchota Torestrin à l'intention de Durlan.
–Arrêtez donc de vous moquer ! S'écria Nieven. Vous ne savez faire que cela. En me proposant pour faire partie de la garde de la princesse, j'en ai fait un honneur. J'allais pouvoir revoir ma terre natale. Mais ce n'était sans compter de votre attitude à vous tous. Vous êtes tous plus égoïstes les uns que les autres, même vous Vôtre Altesse. Je comprends mieux pourquoi Sa Majesté disait que vous étiez une honte pour la famille impériale.
La jeune femme s'arrêta aussitôt et fit volte-face, le visage marqué par la rage.
–Je ne vous ai jamais demandé de m'accompagner, lança-t-elle, je n'ai jamais demandé à faire ce stupide voyage ! Parce que ce qui nous différencie vous et moi c'est que moi, je n'ai pas eu le choix. Vous et vos trois compagnons l'avez eu et vous avez cru bon que passer un peu de temps avec la princesse perdue revenue miraculeusement d'entre les morts pourrait vous apporter honneur et gloire. Vous vous êtes mis cette idée tout seul dans votre tête, je ne vous ai jamais promis de telles choses. Vous vous attendiez à quoi en voyageant avec des chasseurs de primes, hein ? À passer du bon temps, à voir la vie en rose et à jouer les chevaliers ? L'honneur ne vous apportera rien de plus que la mort, votre ami en est le parfait exemple.
Elle se rendit alors compte que ses cheveux s'étaient animés et voletaient au-dessus de ses épaules. Elle ne comprenait pas d'où cela venait mais tenta immédiatement de se calmer.
–Alors maintenant, ajouta-t-elle plus posément, soit vous restez ici pour prier pour sa pauvre âme et vous vous débrouillez tout seul dans cette forêt visiblement infestée d'orque, soit vous suivez calmement et vous la fermez. Faîtes votre choix rapidement parce que je ne vous attendrais pas.
Elle tourna les talons et reprit son chemin, ses cheveux étant retombés. Elle ne voulait plus parler avec personne, elle souhaitait simplement qu'on la laisse tranquille. Et surtout, elle désirait mettre le plus de distance entre elle et Gaaldorei. Ses retrouvailles avec sa ville natale l'avaient plus que chamboulée et elle n'arrivait plus à penser correctement. Revoir ses parents, ses frères et des membres de la Cour qu'elle avait côtoyé l'avait profondément touchée, bien plus qu'elle ne l'aurait pensé. Mais le plus perturbant était sa relation avec Ardreth. Elle ne l'avait vu autrement que comme un ami, même si elle se doutait qu'il la voyait comme un peu plus.
–Et si ton père veut absolument que tu te maries, lui avait-il dit le jour du Fléau, c'est moi qui t'épouserai.
Son cœur se serra en pensant que, même si le massacre n'avait pas eu lieu, il n'aurait jamais eu l'occasion de l'épouser. Puis elle repensa au discours de son père sur l'amour.
–La nuit te semblera éternelle et pourtant, le soleil se lèvera à nouveau sur tes jours.
Dans sa poche, elle sentit les colliers jumeaux offerts par sa mère. Ses parents en avaient des similaires, preuve de leur amour éternel et inconditionnel. Ces bijoux renfermaient une magie toute particulière qu'il était difficile de comprendre, la jeune femme n'en connaissait pas vraiment la nature.
Nylathria repensa aux deux soldats partis avec les œufs. Elle espérait seulement qu'ils avaient réussi à s'échapper sans que l'elfe noir ne le voie ou ne les rattrape. Elle revoyait ses yeux sombres, comme deux trous noirs, et ses cheveux qui s'étaient miraculeusement mis à voler, exactement comme elle lorsqu'elle s'est emportée sur Nieven. Lui aurait-il fait quelque chose ? Pourtant, il n'a pas tenté de lui faire de mal. Il était armé, elle avait vu son glaive et ses poignards, mais il n'a pas essayé de s'en servir contre elle, il n'a même pas esquissé un geste vers ses armes. Ce comportement était plus qu'étrange. Lamruil lui avait toujours dit que les elfes noirs étaient des monstres sanguinaires qui n'hésitaient pas à tuer, même l'âme la plus innocente. Alors pourquoi ne lui avait-il rien fait ? Il lui avait même proposé de venir avec lui, ou du moins c'est ce qu'il sous-entendait. Trop de questions la tourmentaient et elle n'en avait pas les réponses.
–Elecia ! S'exclama Torestrin dans son dos. Je ne veux pas faire les rabat-joie mais ça fait des semaines que nous marchons et mes jambes ne sont clairement pas faites pour marcher autant.
–Surtout que Murzol est blessé, ajouta Avedelis, je n'ai pu lui administrer que des soins rudimentaires mais avoir une monture le fatiguerait moins.
–C'est bon, râla l'orque, c'est juste une égratignure, ça guérira tout seul !
–Cela va surtout s'infecter tout seul si vous forcez trop, le rembarra la druidesse.
–On va voler des chevaux alors, déclara la jeune femme.
–Voler ?! S'étrangla Nieven. C'est de pire en pire ! Je ne deviendrais certainement pas un voleur.
La princesse leva les yeux au ciel. S'il continuait ainsi, elle allait l'attacher à un arbre désarmé et le laisser aux loups.
–Je le rejoins là-dessus, intervint Avedelis, j'ai de l'argent, assez de quoi prendre quelques montures. Nous n'avons qu'à nous arrêter à la première ville que nous trouverons.
–Nous pourrions tout aussi bien monter sur Olvaar, proposa Murzol, on arriverait bien plus vite à Irindor.
–Et puis quoi encore ? Rétorqua Nylathria. Moi-même j'ai du mal à voler sur son dos alors vous, je n'imagine même pas. Et puis la charge serait trop lourde pour lui.
Elle entendit l'orque grogner, mais elle ne savait si c'était à cause de ses blessures ou de ce qu'elle venait de lui dire.
Le soir même, ils s'arrêtèrent au beau milieu de la forêt et montèrent rapidement le camp. Alors que Torestrin et Nieven s'occupaient du feu, Avedelis se débattait avec Murzol pour panser ses blessures, maladroitement aidée d'Azlore.
–Arrêtez donc de gesticuler, gronda la druidesse, Je n'arrive à rien !
–Je vous ai déjà dit que je n'avais pas besoin de vos plantes et de vos bandages, grogna l'orque, ça guérira tout seul.
–C'est stupide, laissez-moi désinfecter tout cela et cela guérira encore plus vite, en plus d'éviter une infection. Mais après tout, peut-être que vous aimeriez que je vous ampute d'une jambe et d'un bras.
Murzol grommela dans sa barbe mais n'ajouta rien de plus, laissant la magicienne faire et protestant lorsqu'elle lui faisait mal. Azlore, lui essayait tant bien que mal d'aider son maître en lui donnant le nécessaire, se trompant de temps en temps. Devant, Torestrin donnait quelques conseils à Nieven pour faire un bon feu et bien cuire la nourriture, la pipe au bec.
–Comment tu vas ? Demanda Durlan en s'asseyant près d'elle.
–Bien, répondit-elle simplement, les yeux rivés vers les flammes.
–Je sais que c'est faux, lança-t-il. Tu n'as rien dit de la journée, tu ne t'es pas moquée lorsqu'Azlore a trébuché, tu ne t'es pas emportée quand Murzol et Torestrin ont commencé à se disputer et tu n'as pas non plus réagis lorsque Nieven a affirmé que tu étais la pire princesse qu'il ait connue. Tu n'es pas dans ton assiette depuis Gaaldorei, c'est évident.
Elle ne dit rien, parce qu'elle n'avait rien à dire. C'était vrai, elle n'arrêtait pas de se poser des questions et de penser à l'elfe noir.
–Tu peux tout me dire tu sais, murmura-t-il, tes secrets sont bien gardés avec moi.
Sa phrase lui arracha un sourire. Elle savait qu'il était digne de confiance, après tout il n'avait jamais rien dit pour ses marques noires si pour ses cheveux blancs. Mais elle n'avait pas envie de lui parler de ce qu'il s'était passé sur la falaise, elle ne comprenait même pas ce qui était arrivé.
–Je sais mais... sérieusement, comment j'ai pu tomber enceinte ?
Se voir avec un ventre arrondit l'avait traumatisée, elle qui détestait profondément les enfants. Durlan se mit à rire.
–Je dois vraiment t'expliquer comment on fait ? Plaisanta-t-il.
–Bien sûr que non idiot, fit-elle en levant les yeux au ciel, mais je déteste les enfants, alors rien que de penser à en avoir me donne envie de vomir.
–À ce point ? Rigola le jeune homme.
–Non mais ça ne va pas espèce de folle ? S'emporta Murzol. Je refuse que vous me cousiez comme un vulgaire vêtement !
–Arrêtez donc de faire l'enfant et laissez-moi faire, je sais ce que je fais. Cela va aider les blessures à se refermer plus vite. Si vous ne vous laissez pas faire, j'appelle Nieven, Durlan et Torestrin pour qu'ils vous maintiennent en place !
Le groupe se mit à rire face à la mine déconfite de l'orque. Mais le sourire de Nylathria s'effaça rapidement lorsque, au loin dans la forêt, elle vit ce visage pâle et ces cheveux blancs qu'elle reconnaissait entre mille. De nouveau, elle ne put le quitter des yeux et le regarda partir. Était-ce une illusion ? Elle devait en avoir le cœur net.
–Je reviens, fit-elle en s'éclipsant le plus rapidement possible.
Elle contourna leur camp, s'enfonçait dans les bois en regardant tout autour d'elle. Dans sa poche, la pierre s'était mise à chauffer et à trembler. Il était proche. Elle percevait au loin les voix de ses amis, mais elle avait cessé de se soucier d'eux. Elle s'arrêta au bout de quelques minutes, essoufflée, ne voyant plus la lueur du feu de camp. C'est alors qu'une main s'empara de son bras et l'obligea à reculer. Elle ouvrit la bouche pour crier mais une deuxième main vint la faire taire.
–Pas un mot, fit l'homme en langue elfique. Tes amis sont encore trop proches.
Il la relâcha et elle se retourna d'un seul coup, se retrouvant nez à nez avec l'elfe noir de la veille.
–Vous ne sembliez pas vous en soucier tout à l'heure, cracha-t-elle.
Elle savait que c'était un être malveillant et qu'il était coupable du massacre de son peuple et du meurtre de sa famille, mais elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une pointe de compassion. D'où est-ce que ça vient ça encore ? L'homme ne répondit pas et tourna les talons, s'éloignant un peu plus du campement. Elle hésita un instant avant de le suivre mais elle avait tellement de questions qu'elle ne pouvait pas le laisser filer.
–Est-ce que vous allez me dire ce que signifie ce que vous m'avez dit ? Lança-t-elle en elfique, puisqu'il semblait qu'il ne parle pas la langue commune.
–Cela veut dire ce que tu as compris, répondit-il calmement, il n'y avait pas de métaphores ou de sens caché.
–Alors pouvez-vous m'expliquer en quoi je suis votre héritière ? Et pourquoi vous ne m'avez pas tué hier alors que vous en aviez l'occasion ? Après tout, vous ne vous êtes pas gêné avec le reste de ma famille.
–C'était le prix à payer.
Elle s'immobilisa et le fixa, le cœur serré. Il se rendit rapidement compte qu'elle ne le suivait plus et fit volte-face.
–Le prix de quoi ? Demanda-t-elle.
–Le prix du mensonge.
–Mais quel mensonge à la fin ?! S'écria-t-elle. Vous avez assassiné des gens qui n'avaient rien à voir avec vos histoires, de pauvres enfants innocents qui ne savaient même pas que vous existiez.
–Personne n'aurait jamais dû savoir qui nous étions parce que nous n'aurions jamais dû exister.
Elle l'observa attentivement. Il n'y avait aucune émotion dans sa voix, ni dans son regard. Elle n'arrivait pas à savoir s'il était sincère ou s'il se fichait d'elle.
–Qu'est-ce que vous me voulez ? Souffla-t-elle.
–Je veux que tu rétablisses la vérité.
–Pourquoi moi ? Et comment voulez-vous que je le fasse ? Je ne sais même pas de quoi vous parlez !
–Demande au sage Lamruil la vraie histoire des frères Bhaklur et Adorellan. Il te dira qu'il ne connait que celle qu'il t'a enseigné, insiste car c'est un mensonge.
–Nyla ?
La voix de Durlan résonna dans la forêt. L'elfe noir regarda dans ce qui semblait être la position du jeune homme.
–Cette vérité concerne ton destin, gravé sur tes bras.
Il tourna rapidement les talons mais elle l'empêcha de partir en le prenant par le bras.
–Attendez !
Dans le noir, elle n'avait pas remarqué qu'il ne portait rien sur les bras et c'est à ce moment-là qu'elle sentit sous ses doigts des cicatrices qui lui étaient familières. Les runes du destin.
–Vous êtes de la famille royale, murmura-t-elle.
–Nous avons plus en commun que ce que tu le crois.
Il se dégagea de son emprise et disparut dans l'obscurité aussi vite et silencieusement qu'il était venu. Elle était encore plus perdue qu'avant cette discussion. Il était donc bien l'un de ses ancêtres. Il avait parlé des frères Bhaklur et Adorellan Balsandoral, deux frères jumeaux pour un seul trône. Leur père, l'empereur, avait jugé Adorellan plus apte à le succéder et, fou de rage, Bhaklur se tourna vers la magie noire et se mit à prier le Dieu sans nom pour prévoir sa vengeance. La magie noire l'avait radicalement changé et c'est ainsi qu'étaient nés les elfes noirs. Mais suivant les dires de l'homme, dont elle ne connaissait même pas le nom, cette histoire n'était que mensonges.
–Nyla, tu es là !
Elle se retourna et se trouva face à Durlan.
–Qu'est-ce qu'il se passe ? L'interrogea-t-il. Tout va bien ?
–Oui, j'ai simplement cru voir un homme de Devon, mentit-elle, mais ce n'était qu'un animal que tu as fait fuir d'ailleurs.
Il semblait dubitatif mais n'ajouta rien et Nylathria l'en remercia intérieurement, il ne comprendrait pas si elle lui expliquait.
–Je retourne au campement alors si tu n'as besoin de rien, fit-il en tournant les talons.
Elle ne pouvait le regarder s'éloigner ainsi, elle se sentait coupable de lui mentir. Pourtant, lorsqu'elle mentait à Devon, sn cœur ne se serrait pas autant.
–Attends Durlan, le rattrapa-t-elle.
Il s'arrêta et se tourna vers elle, les sourcils froncés. Elle s'avança en plongeant sa main dans sa poche.
–Hier à Gaaldorei, commença-t-elle en cherchant ses mots, juste avant que tu ne rentre dans ma chambre j'ai retrouvé ceci.
Elle sortit les colliers jumeaux et en posa les médaillons dans sa paume.
–Ce sont les Étoiles du jour et de la nuit, expliqua-t-elle, deux colliers qui ne font qu'un et qui sont imprégnés d'une puissante magie. On dit qu'ils unissent les cœurs de leurs porteurs et les lient pour l'éternité. C'est en repensant à ce qu'a dit mon père lors de la vision à propos du jour et de la nuit que j'ai réfléchis. Jusqu'ici, je vivais dans l'ombre de moi-même, cachée sous mon manteau pour que personne ne me voit. J'ai eu du mal à me l'avouer mais depuis ce fameux jour où nous t'avons sauvé, j'ai commencé à revoir le soleil. Alors si tu le veux bien, je te donne l'Étoile du jour.
Elle lui tendit le collier qu'il prit avec la plus grande délicatesse. Il regarda longuement le médaillon, ce qui inquiétait la jeune femme.
–Normalement, ils sont destinés à deux elfes, continua-t-elle pour masquer son appréhension, ils marchent différemment sur un humain. En fait, il va t'empêcher de vieillir comme ceux de ta race, tu vieilliras comme moi et tu pourras vivre jusqu'à mille ans si tu le souhaite. Mais si tu ne veux pas, ne le porte pas, tant qu'il n'est pas à ton cou sa magie ne fonctionnera pas alors si tu souhaites tout de même vieillir, garde-le simplement dans une de tes poches.
Elle n'osait même plus respirer. En tant qu'humain, il savait qu'il mourrait à l'âge de cent ans alors savoir qu'il verrait tous ses proches mourir pouvait être difficile, et c'est pourquoi elle ne lui imposait pas de le porter. Sa mère lui avait dit le donner à celui qui serait prêt à gravir des montagnes pour elle et lui décrocher le soleil. Il lui avait fait un cadeau bien plus précieux à ses yeux, il l'avait acceptée tel qu'elle était.
Il leva alors les yeux vers elle et son cœur loupa un battement. Elle n'arrivait pas à interpréter son regard.
–Si tu n'en veux pas je peux...
Il fondit sur elle et plaqua sa bouche contre la sienne, la serrant contre lui. Elle lui rendit son étreinte et son baiser. Toute ses craintes s'étaient envolées.
–C'est la plus belle chose que tu aurais pu m'offrir, souffla-t-il en posant délicatement son front contre le sien. Et la plus belle déclaration.
Elle se mit à sourire.
–J'espère que tu en as profité, parce que ce n'est pas près d'arriver de nouveau, plaisanta-t-elle.
–Tes mots resteront à jamais gravés dans ma mémoire.
Il s'écarta légèrement et accrocha le collier autour de son cou, l'observa quelques instants avant de le camoufler sous son pourpoint en cuir. Elle l'imita en attachant l'Étoile de la nuit dans sa nuque. Sa pierre à elle avec quelques teintes bleutées alors que celle de Durlan était orangée mais leurs formes se complétaient et étaient entourées d'une fine et délicate armature en or blanc identiques. Sa mère possédait l'Étoile du jour alors que son père, lui, portait celle de la nuit.
–Si le collier est magique, ça veut dire que j'ai des pouvoirs similaires aux tiens ? Demanda Durlan l'air joueur.
–Bien sûr que non idiot, répondit-elle en riant, c'est la pierre qui a des pouvoirs, pas toi.
–Dommage, j'aurais pu te donner une bonne leçon, histoire de me venger de tout ce que tu m'as dit jusqu'ici.
Elle haussa un sourcil.
–Tu en aurais été incapable, fit-elle.
–C'est vrai.
Ils se dirigèrent lentement vers le campement et Nylathria réussit même à oublier, l'espace de quelques instants, sa discussion avec l'elfe noir. Mais elle ne voulait pas y penser, ce n'était pas le moment. Elle devait rapidement trouver quelque chose pour occuper son esprit.
–Je peux t'avouer quelque chose ? Demanda Durlan, le regard perdu au loin.
–Bien sûr, répondit-elle, légèrement inquiète.
Elle n'avait jamais vu cet air grave sur son visage, ajouté à une pointe de tristesse.
–Je n'ai pas envie de retourner à Irindor.
La sincérité dans sa vox lui brisa le cœur. Elle savait ce que c'était que d'affronter les fantômes de son passé, mais les problèmes de Durlan étaient, eux, bel et bien vivants.
–Je sais qu'en me voyant, Berengar va tout faire pour me mettre au cachot et me faire subir le même sort qu'à Pesara. Il n'attend que ça depuis des années et sa mère ne se gênera pas d'insister, même devant toi. Je ne veux pas que tu les voies m'humilier comme ils le faisaient, je neveux pas redevenir un paria.
Elle s'arrêta et posa une main sur son bras puis prit sa main pour l'inviter à la regarder. Il avait honte, elle le voyait bien.
–Pour rien au monde je ne les laisserais te toucher, lança-t-elle. Et si Berengar ose tout de même toucher à un de tes cheveux, il saura ce que cela fait de provoquer un dragon. Aussi désolant cela peut-il être mais il t'a renié et tu n'es plus un Vecralon, par conséquent, tu ne leur appartiens plus. Et si je dois t'épouser et faire de toi un Balsandoral pour m'assurer que tu restes en vie, je le ferais.
Un sourire s'étira sur les lèvres du jeune homme. Il n'y croyait pas, elle était prête à s'enchaîner définitivement à lui pour qu'aucun mal ne lui soit fait. Son cœur se gonfla de bonheur et Nylathria le senti grâce à la pierre de son collier.
–Tu es une personne aussi extraordinaire que surprenante, murmura-t-il. Finalement, tu n'es pas si égoïste que ce que je pensais.
–Ton altruisme déteint sur moi, répondit-elle malicieusement, il va d'ailleurs que je fasse quelque chose pour me débarrasser de cela.
–Moi je trouve que cela te va bien.
–Tu dis cela simplement parce que je commence à devenir l'une de tes ladys de la Cour.
–Tu leur es bien supérieure.
Elle se mit à sourire et reprit sa marche, l'entraînant avec elle. Elle ne savait pas s'il s'agissait de l'effet des colliers mais elle se sentait terriblement bien près de lui, et elle en oubliait tous ses soucis.
En arrivant au campement, ils découvrirent Olvaar allongé près du feu, à moitié entre les arbres, et regardait Torestrin et Nieven ranimer les flammes. Avedelis avait cessé de se débattre avec Murzol qui faisait définitivement la tête et Azlore ne pouvait détacher son regard du dragon.
–Tiens Durlan puisque tu es là, s'exclama le nain, viens donc nous aider, Nieven est un incapable.
Le jeune homme alla prêter main forte alors que Nylathria s'installait tout contre Olvaar qui lui accorda un petit cri d'affection. Ses écailles la réchauffaient, bien plus que ce petit feu que ses compagnons tentaient tant bien que mal de garder en vie.
–Tu lui a donné l'Étoile du jour.
–Oui, répondit la princesse, il en est plus que digne.
Si le dragon avait pu sourire il l'aurait fait. La jeune femme se blotti un peu plus contre lui et il passa une de ses ailes par-dessus elle pour la protéger de la pluie qui pointait le bout de son nez. Torestrin râla en voyant les quelques gouttes faire mourir son feu. Olvaar, d'un léger souffle, fit s'embraser les bûches, ce qui ne manqua pas d'effrayer leurs compagnons. C'était dans ces moment-là, aussi simples, que Nylathria se sentait le mieux, mais elle avait peur que ce fût le calme avant la tempête.
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