La descente sembla durer des heures. Ils n'avaient pas mis plus de cinquante secondes. Mais le froid, glacial, leur procurait une sensation suffocante. C'était comme si on leur avait planté des milliards de micro aiguilles dans tout le corps. Chacun des membres du Bataillon crut mourir avant d'arriver jusqu'à la source lumineuse. Lorsqu'ils approchèrent de la lumière, celle-ci devint trop aveuglante pour qu'ils puissent distinguer quoique ce soit autour d'eux. 

En touchant le sol, la lumière disparut. Ils n'étaient même plus dans l'eau, et leur vêtements étaient secs. La réaction logique pour tous fut de tomber au sol et chercher à reprendre leur respiration. Lorsqu'ils levèrent les yeux, un tableau des plus saisissants se dressait devant le Bataillon : l'arène était un dôme de verre gigantesque au travers duquel l'eau des profondeurs du lac donnait une variation de nuances bleutées grâce au soleil qui perçait à travers le trou de béant dans la glace à la surface. Et au centre se tenait un méga Tentatitan, identique à celui de la première arène. La réaction du peloton de départ fut de reculer le plus possible. Le reste du Bataillon ne savait pas trop s'il devait reculer ou rire tellement la situation semblait irréelle. 

L'immense machine hybride était immobile, comme éteinte. Cela la rendait encore plus menaçante car le Bataillon avait tout le loisir d'admirer les moindres détails de leur mort certaine. Evil allait commencer à donner des conseils quand le visage du cyborg s'anima : la bouche s'ouvrit et laissa tomber un objet devenu si familier pour le Bataillon... Un nouveau parchemin. Léo-Paul prit les devants et alla le ramasser, dévissa le capuchon puis le lut. Lorsqu'il releva la tête, il était devenu livide.

"Alors !!! Crache le morceau ! (Mimi)

- C'est pas bon les gars, pas bon du tout... (Léo)

- Ressaisis-toi, respire un grand coup, et lit le nous, s'il te plaît. (Evil)

- Euh... Fiou... D'accord. 

Le grand, le seul, l'unique EvilSquid ! Tu devras réduire à néant ce Tentatitan si tu souhaites libérer l'Amiral. Mais attention, tu seras seul dans l'arène... Durant l'affrontement, toutes les deux minutes, un membre choisi totalement aléatoirement sera lui aussi mis devant l'un de ces Tentatitans. Bataillon des Bas-Fonds, il suffit d'une seule victoire pour que cette épreuve soit remportée... Cependant, la moindre défaite anéantira toute chance de revoir un jour le Grand Macalamar. L'épreuve commencera aussitôt cette ultime phrase prononcée..."

Léo-Paul n'avait pas plus tôt terminé son énoncé que tout le Bataillon disparut à l'exception d'EvilSquid, laissé seul dans l'arène. En réalité, il n'était pas seul, les autres se trouvaient dans des sortes de boxes à l'extérieur, mais Evil ne pouvait pas les voir. Ils allaient assister à l'affrontement, et toutes les deux minutes, l'un d'entre eux serait choisi au hasard pour combattre également une version identique de ce Tentatitan. Le calamar aux tentacules rouges n'eut pas le temps de se poser trop de questions car le combat avait démarré, et la première impression qu'il eut fut la suivante : la machine était nettement moins rapide que celle de la toute première arène, mais ses attaques étaient totalement différentes, ainsi, il ne pouvait pas anticiper le moindre de ses mouvements. Cela le contrariait beaucoup car ça signifiait que ses amis allaient devoir combattre.

Deux. Quatre. Six, huit, dix... Une demie heure complète venait de s'écouler, et EvilSquid était toujours en train de combattre le Tentatitan. Ou plutôt, cela faisait une demie heure qu'il esquivait les attaques de la machine. Ce combat était psychologiquement éreintant pour Evil : son incapacité à neutraliser le Tentatitan mettait en danger ses coéquipiers, et désormais, l'un d'entre eux devait réussir à mettre fin à cette épreuve, mais à la moindre défaite, non seulement ils pouvaient dire au revoir à Macalamar, mais un membre du Bataillon perdrait également la vie. Ceci était le pire scénario possible pour Evil, alors il redoubla d'efforts pour tenter de percer la défense du Tentatitan.

Evil sentait qu'il arrivait à bout de forces, et pourtant, il n'avait pas le choix : il devait survivre. Alors il passa à l'offensive à plusieurs reprises, dans des tentatives vaines... Jusqu'à ce qu'il réussisse à infliger des dégâts au Tentatitan ! Ce retournement de situation lui rendit quelques forces salvatrices et il redoubla d'efforts, jusqu'à le blesser à nouveau, puis encore. Puis encore. Mais cela ne suffisait pas, et Evil commençait à furieusement s'impatienter car ses forces le quittaient petit à petit... Jusqu'au geste fatal.

Tout devint noir. Plus de dôme, plus de reflets bleutés. Plus de méga Tentatitan. Plus rien du tout. C'était le noir absolu. 

Le Tentatitan avait eu raison d'EvilSquid. Il s'en voulait tellement. Et maintenant, il venait de faire perdre au reste du Bataillon tout espoir de retrouver Macalamar. Il se mit alors à pleurer... Puis, brusquement, la lumière aveugla l'Inkling. Il se trouvait toujours dans le dôme, mais le Tentatitan avait disparu. Il n'y avait plus de reflets bleus, c'était un dôme dans l'obscurité la plus totale. Non, le mot exact, c'était le néant. Le rien. Et à son exact centre se tenait le reste du Bataillon. L'incompréhension pouvait se lire sur tous les visages. 

"Les gars, je suis désolé, j'ai merdé ! C'est de ma faute ! (Evil)

- Attends, Evil, qu'est-ce que tu racontes ?! (Ayo)

- Le Tentatitan m'a battu ! Il m'a porté le coup fatal et tout est devenu noir... Je suis tellement désolé, les filles, pour... votre.... grand-père. (Evil, inconsolable)

- Mais Evil ! Ressaisis-toi ! Si tu étais mort, nous ne serions pas là à te parler ! (Mimi)

- Pour nous aussi la lumière a disparu d'un coup. Cela veut donc dire que l'un d'entre nous à remporté son combat, n'est-ce pas ?! (Oly, pleine d'espoir)"

Contre toute attente, personne ne s'exclama : "Oui, c'est moi !". Ils se regardèrent tous à tour de rôle, puis la panique commença à gagner le groupe : quelqu'un manquait à l'appel. 

"Merde ! Non ! (Evil)

- Où... où... où est Maca ? (Ayo)

- Déconne-pas mec, sors de ta cachette ! (Léo-Paul)

- Où veux-tu qu'il se cache ? Il n'y a que nous !... Oh mon Dieu, mon Dieu, non !!! (Myri)"

La réalité les frappa avec une violence inouïe. Ils comprirent tous pourquoi le dôme était noir. Ils venaient de perdre l'un des leurs. L'incompréhension, la panique et les larmes commencèrent à se manifester chez les membres du Bataillon. Boréal fit remarquer avec colère au reste du groupe que Maca avait eu un très mauvais pressentiment à propos de ce trou béant dans la glace du lac, qu'il avait comme une impression d'avoir déjà vécu cela. Il avait eu une sorte de prémonition, et ce qu'il craignait s'était réalisé. 

A la surprise générale, les Calamazones pleurèrent le petit Inkling à la casquette à l'envers sans même évoquer leur grand-père. Quand Evil leur posa la question, elles répondirent que c'était le risque avec ce vieux brigand de Macalamar, que tous les jours, il s'exposait à la mort depuis longtemps. Il avait fait son temps, et c'était leur devoir à elles, ses petites filles, de perpétuer son souvenir. Mais Maca, lui, était beaucoup trop jeune pour mourir, et cela, elles ne pouvaient pas l'accepter. 

Le Bataillon, tout juste marqué par la mort d'un des leur, fut interrompu par un signal sonore fort et strident. Un message apparut ensuite sur tout le dôme, à la manière d'un ultime parchemin, et l'on pouvait y lire la phrase suivante : le fruit de ce cuisant échec vous attend à la fabrique. Félicitations, vous avez échoué.