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Je cours vers la maison, trempé, des cordes s'abattant partout autour. Mes cheveux ruissellent, et j'ai une pensée pour les fenêtres ouvertes. Encore que, il n'y a pas eu de vent, alors l'eau n'est peut-être pas rentrée. J'allume la lumière, qui n'a pas coupée, -louée soit-elle-, et me précipite à l'étage pour tout fermer avant qu'un désastre survienne. Je peux alors constater que si, il y a eu du vent. Des papiers se sont envolés dans ma chambre, et des grosses flaques d'eau somnolent au sol dans presque toutes les pièces. J'attrape des serpillères et commence à essayer de les absorber, sans grand succès. Je préviens Amélia du déluge intérieur, et elle me répond par un « Apprend à surfer » suivit d'un émoji canard. Ce n'est pas exactement la réponse que j'attendais, mais ça me va aussi.

Je redescends une bonne demi-heure plus tard, dans le noir. J'ai parlé trop vite sur tous les points : non content d'avoir de l'eau sur le parquet, l'électricité a fini par lâcher et Amélia a peur du noir. J'hésite entre allumer des bougies ou prévenir Gale de venir plus tard. J'opte pour la première option parce que si on n'a pas de lumière toute la soirée, ça va être long pour eux comme pour moi. Ceci fait, je finis par retourner dans ma chambre, après avoir ajouté sur la liste de course de reprendre des bougies.

Allongé sur mon lit, je retourne sur le groupe Insta de ma classe. Des vidéos ont été envoyées, rien de très intelligent mais qui me permet de penser à autre chose qu'au temps désastreux de dehors. Les groupes pour les sorties scolaires commencent à se faire, ainsi que des idées de génies pour pousser à bout des professeurs qui n'ont absolument rien demandé. Ça ne veut pas dire que je ne rentrerai pas dans leur jeu, bien sûr, je ne suis pas très mature, mais j'ai une petite part de moi qui compatit. Enfin, elle s'en va vite, on n'a pas seize ans pour toujours, si on n'en profite pas maintenant, quand ?

Quelques-uns me mentionnent pour savoir si je sais déjà où m'assoir. A peine mon « non » posté que plein de demandes fusent. Je leur réponds que j'y réfléchis, même si c'est faux. Je n'irais pas au fond du bus, c'est tout ce que je sais. Être encadré par quatre connards n'est pas forcément l'idée qui me réjouit le plus, et ça me donnerait même la nausée rien que d'y penser. Et puis, ils voudront que je parle, ils voudront savoir tout ou presque. Je pourrais me mettre à côté de Charline, mais ce ne serait pas mieux finalement.

Le sujet se détourne bien vite et me relâche, alors qu'un lance une phrase, sans beaucoup de mots, ni très grand ni très plein. Au contraire, ils sont plutôt vides, âcre, sans couleurs. C'est une phrase affamée, sur laquelle se jette des tonnes de réponses qu'elle avale sans donner de contrepartie. Des lettres qui coulent, trop lourde de rien, et se perde dans une spirale presque galactique de vide. Une conversation qui tourne autour des mêmes réponses, répétées différemment, comme vingt-mille et quelques chemins pour retourner au point de départ : Le néant. Ecrite noir sur blanc, elle disait juste : « il paraît qu'Alice arrive demain. »

Encore et toujours elle. Alice. L'inconnue reconnue, qu'on attend comme l'étoile sur le sapin, la cerise sur le gâteau. Le détail en plus qui va tout changer. Le petit plus qui nous retourne tous, nous fait bouillir d'impatience. Le soleil qui va sûrement nous éclairer. Quelle vanne.

Si j'avais su.

Mas pour le moment, elle ne m'intéressait si peu, cette Alice. Au mieux quoi, une jolie blonde ? Un cliché ? J'étais presque triste pour elle, on lui mettait tellement de pression sur les épaules, ils se mettaient tellement tous dans tous leurs états pour une personne qu'on ne connaissait pas. Et si elle n'est pas comme ils le voulaient ? Est-ce que sa vie allait être détruite ? Pauvre Alice. Ou peut-être pas, remarque.

En bas, j'entends Amélia s'exclamer face aux bougies. Elle semble ravie. C'est déjà ça de gagné.

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