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Lorsque je les rouvre, j'ai le sentiment qu'il fait bien plus sombre qu'avant. En allumant le téléphone, je comprends que c'est normal, étant donné qu'il est dix-neuf heures passées. Je me relève difficilement, et me dirige vers la cuisine, pour préparer le repas avant l'arrivée de Gale si possible. Amélia fait son apparition dans l'encadrement de la porte de la cuisine, emmitouflée dans une couette.
« J'ai froid. »
Je soupire avec un sourire, et l'embrasse sur le front, avant d'aller allumer le feu. Parfois elle veille sur moi, parfois je veille sur elle, et je pense que ce n'est que comme ça que l'on peut vraiment se faire confiance.
« Tu sais quand rentre Gale ? »
Je secoue la tête.
« Mais bientôt je pense.
-Je ne m'inquiète pas, mais j'aimerais...hier. L'autre jour, j'ai vu un insecte. Grand. Comme une plante. Tu as vu mes plantes ? Je les ai perdues.»
Elle est en pleine crise. J'envoie tout de même un message à son mari pour le prévenir. Il me répond aussitôt « j'arrive ». Elle lance, au même moment :
« Tu prépares un manger ?
-Oui, oui, ne t'en fais pas.
-Oui. »
Elle se blottie face à la cheminée, à moitié endormie. Je lui tire une chaise, et elle se recroqueville dessus, comme une chouette sur une branche. Elle a la grâce de l'oiseau, c'en est passionnant. Je veille sur elle quelques secondes, puis retourne juste à côté, dans la cuisine, où je reprends la préparation du repas, jetant des petits coups d'œil dans sa direction pour être sûr qu'une soudaine envie de toucher la vitre de la cheminée n'effleure pas son esprit.
Au bout de longues minutes, la porte d'entrée ouvre dans un claquement creux, et la voix grave de Gale s'élève, un peu inquiète malgré son sang-froid :
« Tout va bien !? »
Ma mère n'est jamais venue aussi vite lorsque j'allais mal, elle ne m'a jamais posé cette question, elle ne s'est jamais souciée de ce que je pensais. Et lui brise toute cette habitude en une apparition, et je me dis que j'ai de la chance, même si tout aurait pu être mieux.
« Oui, ne t'inquiète pas, Amélia est... »
Cette dernière se relève soudainement pour aller dans les bras de son mari avec un grand sourire. Elle passe ses bras autour de son cou et l'embrasse, sous ses yeux émerveillés, passionnés. Sa couette tombe au sol, dans un petit tas épais à ses chevilles.
« Tu es rentré.
-Bien sûr. »
Il lève un regard vers moi, et je hausse les épaules. Je ne sais pas ce qui lui a mis dans la tête qu'il ne rentrerait pas, mais le voilà et ça la rend heureuse, alors on ne va pas s'en plaindre. Ça aurait pu être l'inverse. Il récupère la couverture pour la poser sur ses épaules, et la garde dans ses bras.
« Tu as besoin d'aide peut-être ? me demande-t-il.
-Non, non, ne t'inquiète pas, c'est prêt de toute façon. Presque. »
Je m'écarte du feu pour aller mettre la table, les laissant un peu entre eux. Amélia commençait à tenir plus de sens dans ses propos, signe que c'était juste dû à l'absence de Gale, pourtant au travail tous les jours. Il y a des jours ou tout va bien, des jours ou tout va mal, ce n'est pas explicable, c'est juste comme ça. Encore heureux, cela dit, qu'est-ce qu'on ferait si chaque jour était pareil ? Finalement, c'est peut-être même pour ça que je me bats. Ça me permet d'avoir un peu d'adrénaline, comme des jets de couleurs dans mes veines, grises comme la monotonie. Bien sûr, on pourrait me proposer une idée plus douce, un jeu plus calme. Du théâtre, des clubs, ou juste des activités manuelles. Mais encore une fois, ça ne casserait pas la routine.
La table prête et les assiettes servies, je finis par les appeler manger. Ils ne viennent que de longues minutes plus tard, coupant court à une grande discussion.
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