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Je travers le couloir sans rien dire, sûrement parce que je n'ai personne à qui parler. Une fille s'accroche à mon bras, un peu comme le couple que j'ai vu par la fenêtre, et m'embrasse la joue. Je tourne la tête pour la regarder. Charline. Les gens autour nous dévisage, mais sourit. Il ne faut que ça pour leur faire plaisir. Une relation amoureuse. Quoique, ça dépend lesquelles.

Elle me lance d'une voix aiguë :

« Hey ! »

Elle lâche mon bras pour me prendre la main. Normalement, on est ensemble. Mais je suis à peu près sûr que notre relation ne tient que pour sa popularité et mon physique. Elle se fout bien de qui je suis en vrai, ou de mes problèmes. Et moi je suis avec elle que parce qu'elle l'a demandé, et que refuser face à une fille aussi jolie, c'est s'attirer des complications avec le reste du monde. Je ne veux pas qu'on me pose de question, elle veut être populaire, finalement on va peut-être bien ensemble. Mais il est clair que l'on ne s'aime pas. Je finis par esquisser un semblant de sourire :

« Hey. »

Elle ne me regarde déjà plus. Tant mieux. D'autant plus qu'au moins ça approuve ma théorie. Elle finit par dire, par politesse ou parce que je ne le fais pas :

« ça va ? »

J'ouvre la bouche pour commencer une phrase, mais aperçoit alors un tableau d'affichage qui m'arrache tout simplement les yeux. Un rituel se fait dans le lycée, pour chaque décès un peu tragique des environnements, ou disparitions, ou vols, ou autre chose de ce genre qui diffère un peu des autres jours, ils collent des papiers dessus. Par exemple, ma mère est morte, et je vois son visage, là, en gros, avec son prénom et nom écrit en majuscules, et en dessous un « repose en paix » avec une colombe. Je m'arrête, presque énervé.

L'être humain est pathétique. Qu'est-ce qu'ils en avaient à foutre de ma mère ? Ils ne savent rien, mais se permettre de parler d'elle, de se montrer affectueux. Pourquoi ? être bien vu ? Juste à côté se trouve le bureau du principal, ce dernier dans l'encadrure de sa porte, me fixe intensément comme pour guetter ma réaction. Peut-être que c'est de ça qu'il s'agit ? D'un jeu ?

Je le dévisage, la mâchoire contractée, de haut en bas. Je le hais. Je détourne le regard et arrache l'affiche, sous les sourcils froncés des élèves qui passent. Je le roule en boule et le jette à ses pieds. Là, de nombreux s'arrêtent, et un silence complet se forme dans tous les couloirs. La pression monte dans l'air, tandis que mes yeux se plissent sous la haine. Je le connais peut-être mieux que les autres. Il esquisse un sourire, que j'ai vu des centaines de fois, et lance d'une voix calme :

« Alors maintenant tu vas le récupérer, et le jeter. »

Je ne dis rien. Je sens Charline me fixer. Peut-être que c'est pour ça qu'elle sort avec moi ? Le fait que je réponds à n'importe qui ? C'est pathétique. Cette fois, c'est moi qui souris, et finit par jeter, presque dans un grognement :

« Pour me mettre à genoux devant vous ? Il n'y avait pas déjà ma mère pour ça ? »

Je n'ai pas besoin de les voir pour s'avoir que leurs yeux sont écarquillés. Même leur souffle se sont bloqués, plus aucun son ne passe, ils sont juste aussi paralysés que l'homme en face de moi, qui secoue la tête :

« Non content de raconter des choses aussi immondes, tu déshonore ta mère défunte. Mais je serais indulgent cette fois, et je ne te mettrai pas de retenue.

-Ben voyons. »

Je ne récupère absolument pas le papier, et tourne les talons, sans lâcher Charline qui me regarde avec un grand sourire, à priori fier. Il finit par lancer :

« Un merci te brûlerait la gorge ? »

Je ne réponds absolument rien, et l'entend marmonner un truc que je décide de ne pas écouter. Charline, un peu plus loin, finit par souffler :

« Tu n'aimais pas ta mère ? »

Qu'est-ce que ça peut bien lui faire ? Depuis quand elle s'intéresse à ma vie ? Je tourne la tête vers elle pour la regarder, pour une fois. Ses longs cheveux blonds sont un peu bouclés et volent derrière elle. Elle lève la tête vers moi, et je réalise alors que maintenant que je suis plus grand qu'elle. En fait, je suis plus grand que beaucoup de personne. Elle est aussi un peu petite.

« Non, je la détestais. »

Les mots sont peut-être durs, mais ils sont vrais. Je ne l'aimais pas, et son suicide n'a rien arrangé.

« Pourquoi ? »

Bien sûr qu'elle allait demander pourquoi. Ma mère n'était jamais là, et quand je la voyait, elle était toujours avec un homme différent. Elle me laissait des heures dans le salon, avec ces mêmes inconnus, elle partait pendant des semaines je ne sais où, ne me parlait jamais, me regardait à peine, parfois me frappait pour je ne sais quelle raison. Elle sentait le parfum bas de gamme et les cigarettes, aurait pu être jolie si son maquillage ne coulait pas tout le temps, et trainait dans les mêmes tenues que je devais laver au pressing, souvent seul, à n'importe quelle heure.

« C'est comme ça, parfois on ne s'entend pas avec ses parents. »

Elle n'ajoute rien. Elle avance un peu pour me bloquer la route et m'attrape par le col pour me faire baisser la tête et m'embrasser. Tout sonne faux, mais à priori pas aux yeux des autres. Elle est douce et calme, tout mon contraire. Je l'embrasse en retour, jouant à son jeu. Je ne ressens vraiment rien pour elle, que du vide, comme si je sortais avec une inconnue.

Remarque, c'est un peu le cas.

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