15
« Tu prends le bus ? »
Alice relève le regard vers moi, à priori perdu dans ses pensées. Il secoue la tête, puis se reprend :
« Peut-être, mais plus tard dans l'année. Mes parents viennent me chercher le temps que je m'y habitue.
-D'accord. Tu habites loin ? »
Il réfléchit un peu.
« à 30 minutes à peu près ? »
Je remarque alors que son accent ressort plus lorsqu'il prononce des chiffres, ce que je note comme étant un détail inutile mais qui va m'occuper pendant plusieurs jours. Je hoche la tête, et il sursaute presque, comme prit d'une soudaine idée.
« Oh ! Au fait ! Je peux récupérer ton numéro de téléphone ? Comme ça si je me perds... »
Je souris, notant qu'il a retenu au moins ça de la visite.
« Bien sûr, pas de soucis ! Tiens. »
J'attrape mon téléphone pour lui tendre, et il entre son numéro. Lorsqu'il me le rend, j'ai le contact « Alice » répertorié, suivi d'un émoticône papillon. Je lève les yeux vers lui en arquant un sourcil.
« Un papillon ? C'est ton animal préféré ? »
Il acquiesce, et j'esquisse alors un sourire. Etrangement, ça ne m'étonne pas tant. Je range mon téléphone après lui avoir envoyé un message, et commence à aller vers mon moyen de transport quotidien.
« Je te laisse, il ne faut pas que je rate mon bus ! A demain ! »
Un grand sourire se dessine alors sur ses lèvres, et il fait un petit signe de main avant d'aller vers le parking en sortant son téléphone.
J'avance un peu dans le couloir du bus et m'assois pratiquement à la même place que les autres jours. Au fond, Jackson, fièrement assit. Le chauffeur démarre, et au bout de deux ou trois minutes de routes, il se lève pour venir s'assoir à la place vide à mes côtés.
« Baxter ! »
Je lui adresse à peine un regard, mes écouteurs en mains. Son regard insistant m'indique que, grande surprise, il n'est pas là pour ma compagnie.
« Qu'est-ce qu'il y a ? »
Il se mord la lèvre, et pose sa tête sur le siège devant lui.
« Tu me trouve comment ? »
Je m'arrête net et me tourne vers lui, perplexe. Même si je ne veux pas réagir à ses mots, je dois admettre qu'il est difficile de ne pas être surpris à chacune de ses phrases.
« Je te demande pardon ?
-Prend pas la mouche, c'est une vraie question. Tu sais, par rapport au fait que t'es visiblement pédé. »
Et il remarque que je suis dépassé par chaque lettre qu'il prononce. Et pour cause, je ne sais pas bien d'où cette remarque sort, pourquoi, et dans quel but. Il finit par rire, entraînant l'hilarité de ses amis dans le fond. Le reste du bus est complètement silencieux, attentif à l'évènement.
« Me la fait pas, Baxter, j'ai vu comment tu le regardais ton gars là. Tu m'as dit qu'il s'appelait comment ? Un truc de meuf là...Alice non ? Vous vous êtes échangés vos numéros sur la fin, je vous ai vu. »
Je soupire, et décide de l'ignorer. Je comprends qu'il va se servir de chacun de mes mouvements pour me pousser à bout, mais ce n'est définitivement pas comme ça qu'il va y arriver.
« Si tu veux.
-Elle est au courant Charline ?
-Et ta mère, elle est au courant ?
-De ? »
Je tourne les yeux vers lui. Et je sais que je réagis comme un gosse au final, et je sais que je ne devrais pas et que mon oncle et ma tante serait peut-être déçu de mon comportement...Même sûrement. Mais je passe par-dessus ça pour lui lancer le pique, qui, je le sais, le fera sûrement réagir au quart de tour.
« Que t'es un fils de pute. »
Il a un petit rire presque nerveux et hoche la tête.
« Je vais te jeter de l'essence dessus et te faire brûler, Baxter. »
Je ricane un peu et lui fait un clin d'œil.
« T'es beau quand tu me parles mal. »
Son poing se serre. Je l'attends, comme inévitable, mais ce n'est pas sur moi qu'il s'abat. C'est sur la vitre. Une bague à son majeur cogne contre le verre, faisant un bruit soudain qui me fait sursauter, et je sens que je perds alors l'avantage.
« La pute, c'est ton mec quand je lui serais passé dessus. »
Et là, sans même vraiment le contrôler, je lui balance mes phalanges dans sa mâchoire carrée qui me répugne. Alors seulement, je reprends l'avantage.
J'ouvre la porte de la maison et pour une fois, c'est mon oncle qui est là. Il se tourne, sans lever de suite les yeux vers moi.
« Te voilà rentré. Comment était ta journée ?
-...bien.
-Oh, comme ça sonne mal. Il s'est passé... »
Il me regarde enfin, et lâche le journal qu'il avait dans les mains.
« Merde, Stanley. »
Je hausse les épaules en passant un doigt sur ma lèvre. Il en revient rouge, signifiant que c'était bien du sang que je sentais depuis quelques minutes.
« ça va.
-Non, ça ne va pas, non. Déjà hier tu...Assis-toi. »
Sa voix sèche et autoritaire m'arrache presque un frisson. J'obéi et il s'approche, se baissant à mon niveau pour constater les dégâts. Il soupire.
« C'est moins grave que ce que je pensais, mais tu as la lèvre bien ouverte. »
Je ne réponds rien et garde la tête basse. Il tire une autre chaise pour s'assoir en face, et après quelques secondes de silence, demande :
« Tu m'expliques ce qu'il s'est passé ?
-...Je me suis fait un ami. »
Je me mords un peu la lèvre et il passe son pouce dessus pour que j'arrête, déjà assez abîmée comme ça.
« Enfin, je crois. En tout cas on s'entend bien.
-D'accord, mais les amis ça ne fait pas de bleu...
-Oui, mais après il y a un garçon qui a dit un truc dégueulasse sur lui, et j'ai pas su comment réagir.
-Donc tu l'as frappé ? »
Je hoche la tête. Il soupire et s'affale un peu sur le dossier.
« Bon, au moins ce n'était pas de la provocation pure, ça change... »
Amélia au loin descend les marches, et traverse les salles pour venir nous rejoindre. Elle entre avec un grand sourire, ne voyant pas le sang de suite.
« Te voilà ! »
Elle vient vers moi et m'encadre de ses bras en embrassant mon front.
« Mon grand garçon est de retour ! Oh, mais...Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? »
Gale sourit tendrement en posant sa main sur son bras.
« Une mauvaise gerçure.
-En début de printemps ? »
Elle nous regarde tour à tour, mais comprend que c'est devenu un secret entre lui et moi, alors abandonne.
« Je peux joindre la réunion ? »
Elle s'assoit sur les genoux de son mari qui embrasse sa joue en acquiesçant.
« Bien sûr. Figure-toi que Stan ici présent s'est fait un ami. »
Elle se tourne alors vers moi, un immense sourire rayonnant frappant ses lèvres.
« Oh, c'est la fameuse nouvelle ? »
Je hoche la tête.
« Oui, mais c'est un garçon. Alice, donc. Il est très gentil, on a passé la journée ensemble. Et on a échangé nos numéros aussi, comme ça s'il se perd, il pourra me prévenir pour que je vienne le chercher. »
Amélia passe ses mains dans mes cheveux et se penche pour m'embrasser avec un sourire.
« Je suis fière de toi, Stanley. Très, très fière. »
Alors, c'est à mon tour d'arborer un immense sourire.
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