Les retrouvailles
Plusieurs mois étaient passés depuis que Chen Han était parti. À peu près trois semaines après sa disparition, Feng Wu avait trouvé devant la porte de sa chambre une lettre lui indiquant qu'il avait réussi à s'infiltrer dans l'entourage du Prince Wan Yi. Lorsqu'il l'avait lu, son cœur s'était apaisé. Il l'avait quitté, mais maintenant, il était certain qu'il l'avait fait intentionnellement, afin de le protéger, même s'il ne savait pas comment celui-ci s'y était pris. Il avait le sentiment qu'il avait été manipuler... Alors, Feng Wu gardait l'espoir de son retour.
Grâce aux renseignements qu'il leur faisait parvenir, plus ou moins régulièrement, ils avaient une vision un peu plus claire de la situation. Fan Zhen, quant à lui, restaient en contact avec chacun des chefs de clan et leur faisaient part du suivi des événements sans révéler l'identité de celui qui nous fournissait les informations. Les traîtres étaient maintenus sous surveillance et des données sans réelle importance leur étaient divulguées afin de ne pas éveiller la suspicion du Prince et de son âme damnée.
Une réunion secrète avait été prévue prochainement, mais il n'avait pas encore été décidé quand et où.
En quittant sa chambre ce matin-là, Feng Wu avait trouvé une nouvelle missive. Il se demandait souvent comment Chen Han réussissait à lui envoyer ses lettres sans que personne ne sache comment ! Il s'installa dans un coin tranquille de son jardin privé pour la lire. Les mots qu'il utilisait étaient simples, clairs et parfois un peu brutaux dans leur description, mais Feng Wu sentait à travers eux qu'il n'abandonnerait pas et qu'il tiendrait la promesse qu'il lui avait faite.
Il ne s'étendait jamais sur ce qu'il faisait dans l'entourage du Prince, mais il se doutait bien que vu son passé au sein de la secte des assassins, les tâches qui lui étaient confiées ne devaient pas être reluisantes. Il replia la lettre avec un sourire et la glissa dans sa tunique sur son cœur. Il allait le rejoindre le soir même ! Il partit retrouver les autres dans la salle de travail de son oncle Fan.
Dès qu'il entra, Fai Jin se précipita sur lui.
" Tu as eu des nouvelles de Chen Han, n'est-ce pas ?"
" Je ne vois pas ce qui te fait dire cela" la taquina-t-il en lui pinçant la joue.
" Tes yeux ! Ils pétillent de joie !".
Feng Wu se tourna vers son oncle Fan.
" Il pense pouvoir localiser les enfants ce soir, il nous demande de le rejoindre à Lanzhou à la nuit tombée. Un dénommé Ding He nous attendra au pied du mur d'enceinte Est. Il a négocié son aide grâce à un intermédiaire et a déposé la somme au comptoir d'échange de Sin Aï. "
"Il s'est chargé lui-même du versement ? Je ne le savais pas aussi... riche !" Fit Oncle Fan d'un air soupçonneux.
Feng Wu ne s'était pas interrogé à ce sujet lorsqu'il avait lu le message de Chen Han. Et ce genre de service devait se monnayer relativement cher, vu l'endroit où ils devaient entrer !
" Je lui rembourserais la somme qu'il a engagée, oncle Fan. Maintenant, apprêtons-nous, si nous partons tout de suite, nous serons sur place au crépuscule et nous pourrons faire une reconnaissance avant notre rendez-vous.
D'un commun accord, ils allèrent préparer leurs affaires et prirent la route. Le temps leur fut clément et ils arrivèrent comme prévu un peu avant la nuit. Après une discrète inspection des lieux, ils retournèrent en ville pour se restaurer.
À l'heure dite , ils se rendirent à la résidence secondaire du Prince Wan Yi. Ils décidèrent de se séparer en deux groupes. Fai Jin et Fan Zhen resteraient avec les chevaux pendant que Hu Meng, Lien Mei et Feng Wu iraient retrouver le contact.
Ils se glissèrent jusqu'au palais. L'homme les attendait dans l'obscurité que lui procurait le mur d'enceinte. Feng Wu s'approcha de lui, suivi par Hu Meng et Lien Mei.
" Vous êtes Ding He ?"
"N'utilisez pas de nom ! Si l'on découvre que c'est moi qui vous ai fait entrer, je suis mort !"
" N'ayez crainte, tout ce que nous vous demandons, c'est de nous guider jusqu'à l'intérieur, après vous pourrez disparaître comme vous le souhaitez..."
" Et mon paiement ? "
" Il vous attend comme convenu au comptoir d'échange de Sin ai. "
" Très bien alors, suivez-moi... Il faut passer au moment de la relève de la garde, car la durée entre les rondes est plus longue et nous laissera le temps d'atteindre la partie privée de la Résidence. Venez et ne faites pas de bruit. "
Ding He les accompagna vers un couloir abritant une rigole servant d'évacuation pour les déchets. Ils se baissèrent tout le long du chemin. Une fois arrivés au bout, ils attendirent le passage des soldats avant de longer la grande cour. Les uns derrière les autres, ils traversaient différents jardins pour enfin parvenir dans la section principale du palais. Leur guide s'approcha d'un pot qu'il fit pivoter. Une ouverture apparut dans le mur.
" Ce passage donne accès à l'aile privée où se trouvent les appartements du chef de la garde Xue Xiang".
Au nom de son cousin, Hu Meng pâlit. Sa réaction ne présageait rien de bon s'ils se retrouvaient face à face. Feng Wu avait déjà entendu des rumeurs à son sujet et le sombre pressentiment qui s'était emparé de lui s'accentua.
Des pas venant vers eux résonnèrent dans la galerie, alors ils se cachèrent derrière les piliers de la cour. Deux hommes apparurent. Le premier était grand et svelte. Une mèche brune retombait du côté droit de son visage. Il était vêtu d'une robe mi-longue noire et or et d'un manteau drapé sur son épaule dans les tons ocre. Sa tenue était simple, élégante et pratique. Quand Feng Wu vit celui qui l'accompagnait, son cœur fit un bon. C'était Chen Han ! Il portait son ensemble ténébreux quotidien qui lui permettait de se fondre dans l'obscurité, mais pas le foulard qui dissimulait habituellement sa figure...pourquoi laissait-il ce monstre voir ses traits alors qu'il lui avait toujours interdit à lui ?
" Faites attention qu'ils ne vous découvrent pas, ces deux-là sont les êtres les plus fourbes que je connaisse ! Ils étaient faits pour s'entendre, ces manches coupés ! " Fit Ding He sur un ton dégoûté.
" Des manches coupées ? " interrogea Fang Wu sans quitter Chen Han des yeux.
" Oui, le plus petit, c'est un membre de la Secte des Assassins que le chef avait déjà repéré. Le seul qui ait jamais osé lui dire "non" ! Mais il semblerait qu'ils aient des intérêts communs aujourd'hui, en plus de coucher ensemble bien sûr ! Et d'après ce que l'on dit, il ne peut plus se passer de lui au lit " Ding He se mit à rire.
" Ils sont aussi lubriques et pervers l'un que l'autre à ce que l'on raconte ! "
Feng Wu n'arrivait pas à croire ce qu'il entendait. Cet homme mentait, Chen Han n'était pas ainsi. Il savait pertinemment que c'était un partenaire doux et tendre et qu'il avait été le premier pour lui. Il ne pouvait pas avoir changé à ce point en si peu de temps ! De plus, il n'arrivait pas à accepter qu'ils soient... amants !
" Je crois que je vais vous laisser ! J'ai rempli ma part du contrat. Je vous ai fait entrer."
Ding He se tourna vers les deux hommes qui s'étaient arrêtés au milieu du couloir de la galerie.
" Je ne tiens pas à me retrouver face à face avec eux !".
Il se recula lentement et disparut dans la nuit derrière les bosquets du jardin. Hu Meng rejoignit son ami médecin.
" Feng Wu, c'est Chen Han ? " Hu Meng l'avait reconnu, bien qu'il n'ai jamais vu son visage.
" Oui, je sais !"
" Qu'est-ce qu'il fait là ?"
Il n'osait pas lui dire ce que Ding He lui avait dit à leur sujet.
" Frère, l'autre homme est Xue Xiang... et c'est mon cousin ! Celui à qui je dois mon exil loin de mon clan et la perte de mon animal spirituel !"
Feng Wu tourna la tête vers lui et lui sourit tristement. Il savait combien la destruction du lien avec Hei Lang avait été dure pour son ami. Son union psychique avec son loup spirituel avait été le prix à payer pour un crime qu'il n'avait pas commis, mais dont son cousin l'avait accusé.
Son attention se reporta sur la discussion animée que Xue Xiang et Chen Han avaient au milieu de la galerie. De là où ils étaient, ils ne pouvaient les comprendre.
Feng Wu savait qu'il allait probablement se mordre les doigts pour sa curiosité et sa jalousie, mais il devait entendre ce qu'ils se disaient et découvrir si oui ou non, ils étaient amants.
"Approchons-nous ! " fit-il à Hu Meng.
Ils se faufilèrent derrière les buissons jusqu'aux piliers à proximité des deux hommes. Ils se faisaient face et Chen Han affichait un visage contrarié.
" Je ne peux pas venir avec toi ? " insistait-il.
" Pas cette fois, j'ai une affaire importante à régler avec le Prince " .
Il leva la main et caressa la joue de Cheng Han avant de l'attraper par le cou et de le plaquer brutalement contre lui pour l'embrasser furieusement. À côté de Feng Wu, Hu Meng et Lei Mei se regardèrent ahuris !
" Tu risques de ne pas me retrouver en rentrant !" répondit-il quand les lèvres de son assaillant quittèrent les siennes.
" Du chantage ? J'aime ça ! Je te promets que la prochaine fois, tu m'accompagneras et je te présenterais au Prince ".
" Du moment que tu n'oublies pas ta part du marcher, je ne négligerais pas la mienne !"
" Je serai de retour avant l'aube et j'espère bien te trouver dans mon lit à ce moment-là ! " .
Chen Han posa un doigt sur la bouche de Xue Xiang, et soudainement lui mordit sauvagement la lèvre inférieure.
" Tu verras bien, si j'ai eu la patience de t'attendre..." Lui fit-il avec un petit rire insolent.
Xue Xiang passa la langue sur la coupure et essuya les gouttes de sang qu'il restait du bout de son index qu'il tendit à Chen Han. Celui-ci s'en empara et le porta à sa bouche pour le lécher langoureusement.
Feng Wu avait du mal à supporter ce qu'il voyait. Il se détourna de la scène qui se déroulait devant lui et s'appuya le dos sur le pilier. Son cœur brisé qui avait commencé à guérir suite à la réception des lettres de son âme sœur le fit souffrir à un point qu'il croyait impossible. Le souffle vint à lui manquer. Des larmes perlèrent au coin de ses yeux. Chen Han avait-il tiré un trait sur le lien qui les unissait ? Mais avait-il seulement pensé, un jour, que ce lien existait véritablement ? Feng Wu sentit la colère monter en lui ! Il voulait qu'il lui dise en face, à quoi il jouait ! S'il n'avait vraiment été qu'un amusement pour lui !
La réception de ses lettres lui avait rendu un semblant d'espoir, mais là, il était clair qu'il était passé à autre chose. Que sa moralité n'était pas celle qu'il imaginait. Il avait toujours pensé qu'il avait vécu une jeunesse difficile qui l'avait forcé à franchir la barrière entre le bien et le mal. Pendant le temps qu'ils étaient restés côte à côte, il avait cru discerner en lui une certaine droiture. Il avait dû se tromper.
" Feng Wu, Xue Xiang s'en va..."
À l'appel de son nom, il se retourna vers la galerie. Le bras droit du Prince Wan Yi était en train de quitter le couloir longeant le jardin, laissant Chen Han seul. Il reporta mon attention sur lui. Son regard était glacé et son visage froid et haineux. Il fixait le dos de Xue Xiang. Quand celui-ci eut disparu, il se tourna vers la cour et croisa les bras sur sa poitrine. Un sourire cynique étira ses lèvres.
" Sortez de là, il est parti !"
Ils se levèrent tous les trois pour aller le rejoindre.
" On peut savoir à quoi tu joues ?" Demanda rageusement Feng Wu.
" Je fais ce qui doit être fait ! Je n'ai pas de compte à te rendre, il me semble ! "
" Calmez-vous, tous les deux, intervint Lien Mei.
Chen Han les toisa tous les trois d'un air ironique.
"Ce n'est sûrement pas des cultivateurs "bien-pensants " tels que vous qui pouvez faire ce genre de chose ! Dois-je te rappeler que je me suis engagé à récupérer ta fille ainsi que les autres enfants ? Si je vous ai demandé de venir ce soir, c'est parce que je pense qu'il va se rendre auprès d'eux ! Alors si vous voulez avoir une chance de les retrouver, il vaudrait mieux que nous ne le perdions pas de vue. Retournez à vos chevaux et rejoignons-nous dehors ! " Il pivota vers la sortie et quitta la galerie sans un regard en arrière.
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