Le pacte


La nuit était tombée. Je regardais la pâle lueur de la bougie qui brillait derrière les rideaux de la chambre de Feng Wu. Je ne savais pas si j'avais tort ou raison. Pouvais-je encore être sûre de ce que je ressentais ? Depuis seize ans, mon cœur n'était plus qu'un morceau de glace. Mais cette glace s'était mise à fondre. S'il n'y avait pas eu Maître Zhen Shui, j'aurais été rejoindre mes parents et ma sœur de l'autre côté du pont de l'impuissance (*).

J'hésitais.

Il y a de nombreuses années de cela, j'avais fait une promesse à mon âme sœur... Oui, mais... s'il y avait une chance infime que Feng Wu soit A-Qiu ? Et même si ce n'était pas le cas, j'étais seul et Maître Zhen Shui avait raison, mon corps avait des besoins et Feng Wu pouvait y subvenir. Lui et moi, nous nous entendions bien. C'était un frère d'arme efficace et sur lequel on pouvait compter, j'en étais sûr. Par certains côtés, il lui ressemblait et c'est pour cela que j'avais un doute. Ma mère m'avait dit un jour que l'on avait qu'une seule et unique âme sœur dans sa vie...

Les nuages suivaient les fluctuations du vent et voilaient la lune. Je me trouvais maintenant sur le pont dans le jardin de pierre. Au-dessous de moi, les carpes Koïs nageaient sans se soucier de ce qui se passait au-dessus de la surface de l'eau. Avec un soupir, je levais les yeux vers l'astre céleste. Je me trompais peut-être sur ses intentions.

Ma manière d'interpréter ses gestes n'était sans doute que le reflet d'un désir profond. Mais ça, je ne pouvais le savoir que si je tentais ma chance.

Je n'étais plus cet enfant de treize ans qui découvrait la vie. Celle-ci s'était chargée de détruire mes illusions naïves.

De l'autre côté du jardin, la bougie de sa chambre était toujours allumée. Et si, j'allais le rejoindre ? Et si, l'espace d'une nuit, j'oubliais qui j'étais et les raisons qui m'avaient fait quitter la Montagne sacrée ? Rien qu'une seule nuit...

Cependant, je ne pouvais compromettre ma véritable identité. Aucun de mes compagnons d'aventure ne connaissait mon vrai visage, je ressemblais tellement à mon père ! Il était encore trop tôt et Maître Fan Zhen en tant que chef de clan avait peut-être déjà rencontré celui qui m'avait donné la vie.

Si je ne m'étais pas trompé et que je m'introduisais dans le lit de Feng Wu, il risquait de découvrir mon secret.

Je quittais le pont et traversais le jardin. Les cailloux crissaient sous mon pas. Ici, ce n'était pas vraiment utile de se déplacer silencieusement. Je m'approchais. La fenêtre de sa chambre était entrebâillée, il me serait si facile de l'enjambée...

Avant même que je n'aie pu m'en apercevoir, j'étais entré. Il me tournait le dos. Il était en train d'ôter sa robe d'intérieur pour se coucher. D'un geste, je fis s'éteindre la bougie qui diffusait sa douce lumière dans la pièce. Il se retourna, sur ses gardes. La chambre était plongée dans l'obscurité, seul un rayon lunaire filtrait par la fenêtre entrouverte. Il ne devait voir que ma silhouette dans la pénombre. Ce soir, je ne portais aucune protection sur mon visage.

" Shen Han, c'est toi ? "Me demanda-t-il en tendant la main vers le briquet qui se trouvait sur le meuble à côté de lui. Je me saisis de son poignet et le plaquais contre la colonne du lit. Il eut l'air surpris et essaya de me repousser. Je bloquais son second bras et approchais mon visage du sien. Dans l'obscurité, il m'avait tutoyé. Je décidai de faire de même.

"Peut-être que je me trompe, ou peut-être pas ! Toi seul peux répondre à cette question. "

Je posais mes lèvres sur les siennes. Mon expérience en matière de sexe était toute relative. J'étais expert dans les préliminaires, mais je droguais toujours mes partenaires, quels qu'ils soient, avant que nous ne soyons allés trop loin ! Afin d'atteindre mon objectif, il n'était pas nécessaire de donner de ma personne du moment que j'obtenais ce que je cherchais.

Là, c'était différent, il allait prendre ce que je lui offrais et je devrais en assumer les conséquences.

Sa bouche s'entrouvrit et je sentis ses lèvres répondre aux miennes. Je ne devais pas m'être trompé quant aux messages que j'avais reçus de sa part. Je relâchais légèrement mon emprise autour de ses poignets. Sa réaction ne se fit pas attendre. Il renversa la situation, en s'emparant des miens et en me basculant sur le lit par un mouvement d'épaule. Il se trouvait maintenant au-dessus de moi. Ses lèvres se faisaient impatientes et avides. Ses mains glissèrent de mes poignets et ses doigts vinrent s'entremêler aux miens. Sa bouche quitta la mienne et papillonna sur mon cou. Je n'avais jamais ressenti rien de tel. Cette chaleur dans mon bas-ventre, cette envie de me coller à lui. Je voulais qu'il me lâche pour pouvoir caresser son corps et sentir sa peau contre la mienne. Ses lèvres remontèrent jusqu'à mon oreille.

" Je croyais que tu ne comprendrais jamais ce que j'essayais de te dire."

" Tu aurais pu être plus explicite..." Lui soufflais-je.

" Je sais, mais tu as fini par décrypter les messages que je t'envoyais..." Me fit-il avec un petit rire que je trouvais ...sensuel !

Il se redressa. Il était à cheval sur moi. Il enleva sa tunique puis s'attaqua à la mienne. Il en écarta les pans, posa les doigts sur ma poitrine et les fit glisser lentement jusqu'à mes hanches puis mon ventre. Dans la semi-obscurité, je ne distinguais pas ses traits avec précision, mais lorsqu'il se baissa pour venir taquiner mes deux pointes sombres avec sa langue, un rayon de lune éclaira momentanément son visage. Il souriait. Pendant que d'une main, il caressait mes lèvres en les entrouvrant légèrement, l'autre s'égarait sur l'arrondi de mes fesses, provoquant des frissons qui remontèrent le long de mon dos. Je ne pus m'empêcher de me cambrer contre lui en gémissant de plaisir. Je sentis sa virilité se durcir contre ma cuisse. Il avait envie de moi et moi de lui.

Mais il y avait quelque chose dont il fallait que l'on parle avant d'aller plus loin, quelque chose d'essentiel pour moi et pour sa sécurité.

Je me forçais à reprendre mes esprits et le repoussais fermement. Il eut l'air décontenancé.

" Avant d'aller plus loin, tu dois me faire une promesse."

" Une promesse ?"

" Plus exactement, je mets trois conditions à ce qu'il va se passer cette nuit."

Il se redressa. Il me dominait de toute sa hauteur. Je savais qu'il tentait d'apercevoir mes traits dans l'obscurité.

" La première ne cherche pas à découvrir à quoi je ressemble. Si tu essaies, mon visage sera la dernière chose que tu verras."

Je le sentis se contracter.

" Deuxièmement, ne me pose aucune question... "

" Pas même sur ce que tu aimes au lit ? "Me rétorqua-t-il sur un ton ironique.

" ...ne me pose aucune question sur ce que je fais lorsque je m'absente... Et enfin, personne ne doit savoir ce qu'il va se passer entre nous."

" Est-ce que c'est tout ?"

" Pour l'instant, c'est à prendre ou à laisser. Si tu ne te sens pas capable de respecter mes conditions, descends de là et laisse moi regagner ma chambre."

" Je pourrais te forcer." Me fit-il d'un air contrarié.

" Si tu tiens à la vie, je te le déconseille."

Je l'entendis soupirer. Ses mains se posèrent de chaque côté de ma tête.

" Très bien, j'accède à ta demande, mais en échange, quand tu es dans mon lit, je peux faire de toi ce dont j'ai envie..."

" Si c'est ce que tu exiges en contrepartie, j'accepte."

" Très bien, alors tu vas te laisser faire..."

"T'ai-je donné l'impression de désirer prendre les choses en main ?"

"Non, mais je voulais en être sûr."

Voilà, j'avais réussi d'une certaine façon à ériger une barrière entre nous, c'était mieux ainsi. S'il pensait que je ne me glissais dans son lit que pour les "besoins" de mon corps, je ne risquais pas de le mettre en danger, au cas où j'échoue dans ma vengeance. Il devait ignorer ce que je commençais à ressentir pour lui.

Il s'empara de ma bouche avec beaucoup plus de violence que précédemment, il l'écrasa littéralement. Ses dents entaillèrent légèrement ma lèvre inférieure et un goût de sang se répandit dans le fond de ma gorge. Il s'attaqua ensuite à ma poitrine et se mit à en mordre les pointes durcies par la passion. Étrangement, sa brutalité ne me faisant pas peur, au contraire, je sentais mon désir monter en flèche. Il posa soudain son front contre le mien.

"Je n'y arrive pas..."

De quoi parlait-il ? Devant mon silence, il continua.

"Je n'arrive pas à t'en vouloir. Tu dois avoir tes raisons pour exiger cela... Mais c'est compliqué pour moi d'accepter que tu ne me fasses pas assez confiance pour t'en ouvrir à moi. J'ai l'impression de te connaître depuis si longtemps. Tu sais, je ne suis pas du genre à coucher avec le premier venu ! ... À part ma femme, tu es la seule personne qui m'en ait donné l'envie. À chaque fois que je suis près de toi, c'est comme si je retrouvais une partie de moi que j'avais perdu il y a bien des années de cela."

Il reposa ses lèvres beaucoup plus tendrement sur les miennes. Sa langue passa sur la coupure qui s'y trouvait.

"C'est moi qui t'ai fait ça ?"

"Ce n'est rien..."

"Au contraire, je ne suis pas ainsi normalement, mais tu as le don d'embrouiller mes pensées. Je te promets que je vais être plus doux."

"Je n'ai rien contre un peu plus... de vigueur... "

" Si c'est de la vigueur que tu veux, je suis tout disposé à t'en faire bénéficier sans restriction... "

La suite fut assez confuse dans mon esprit. Ses caresses et ses lèvres me donnèrent du plaisir à en perdre la raison. Je réagis à peine quand il introduisit ses doigts en moi. Ce n'est que lorsque je sentis quelque chose de beaucoup plus gros pénétrer dans mon intimité que je compris. La douleur me fit me cambrer contre lui. Mes mains avaient saisi ses épaules et je m'y accrochais comme un naufragé à une branche d'arbre, mes ongles s'incrustant dans sa chair. Je me mordais les lèvres pour ne pas crier. Il dut s'en rendre compte, car il s'arrêta soudain et hésita.

" Tu aurais dû me le dire que c'était ta première fois ! À ton comportement, je croyais que tu l'avais déjà fait !

Comment avait-il compris ?

" Cela n'a pas d'importance !"

" Bien sûr que si ! A- Shen, si tu ne me dis rien de ce que tu ressens, comment veux-tu que je te donne du plaisir puisque je ne peux pas lire ton visage ! "

A-Shen... Il m'attribuait un nom d'affection... Il ne fallait pas qu'il s'attache à moi ! Pas maintenant !!!! Mais j'avais tellement envie qu'il m'aime, même si tout ce que je faisais devait lui indiquer le contraire.

Ses mouvements se firent moins rapides, mais plus profonds, comme s'il cherchait quelque chose...

" Ne t'inquiète pas, tu vas de nouveau te sentir bien... "

Il eut à peine dit ces mots qu'une vague de plaisir déferla en moi. Je ne savais pas ce qu'il avait fait, mais je ne voulais pas que cela s'arrête. Je me pressais contre lui, avide de sensations encore plus intenses, et puis ce fut comme une tempête qui s'abattit sur mon être, emportant tout sur son passage. Je crus que mon cœur allait exploser. Je sentis un liquide couler entre mes cuisses et mes fesses au fur et à mesure que la fièvre qui s'était emparée de nous s'apaisait. Ainsi, c'était cela que l'on ressentait lorsque l'on faisait l'amour avec la personne... que l'on aimait ?

Exténués par nos ébats, nous avons fini par nous endormir, tendrement enlacés.

Je me suis réveillé bien avant l'aube. Je devais quitter la chaleur de sa couche et rejoindre la froideur de la mienne. Peut-être croirait-il avoir rêvé...

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