La vie sans toi


- Pdv de Feng Wu -

Pour Feng Wu, la situation était désastreuse. Qu'avait-il fait ? Sa curiosité avait été plus forte que sa raison pourtant Chen Han l'avait prévenu ! Au fond de lui, il n'avait jamais cru qu'il mettrait sa menace à exécution. Oui, mais voilà, il l'avait fait !

Dans son cœur, il pensait représenter plus qu'une aventure éphémère pour lui. En ce qui le concernait, il le voyait comme une âme sœur. Il savait que c'était stupide, car on dit que l'on en a qu'une seule dans sa vie. Et lui avait déjà trouvé et perdu la sienne. Il s'imaginait que les dieux lui avaient accordé une seconde chance avec Chen Han. Il se sentait si bien avec lui. Il suffisait que leurs regards se croisent pour se comprendre... Enfin, c'est ce qu'il pensait... mais au vu des évènements qui venaient de se dérouler, il ne devait pas avoir autant d'importance à ses yeux que lui en avait aux siens.

Il ne pouvait pas y croire. Il devait le rattraper, lui demander de lui pardonner... mais surtout, il voulait qu'il lui explique pourquoi il tenait tant à ce que personne ne connaisse son visage ! Il leur avait déjà dévoilé tellement de choses !

Feng Wu s'habilla rapidement et prit la direction de la chambre de son amant. Il traversa le jardin de pierre sans même jeter un regard aux carpes qui nageaient paresseusement dans le bassin. Il passa le pont et s'engagea le long de la galerie. Arrivé devant la porte, il la poussa sans frapper. Il n'y avait personne. Était-il allé ailleurs ? Feng Wu souleva le couvercle du coffre au pied du lit. Il était vide. Il devint livide. Ses affaires n'étaient plus là. Il était vraiment parti, sans même un mot ...son cœur battait à tout rompre, il fallait qu'il le retrouve ! Il ne pouvait pas l'abandonner ainsi ! Pas maintenant ! Il avait besoin de lui, de son soutien et de sa force. Lui seul arrivait à lui faire garder espoir pour récupérer Shao Ning !

Feng Wu sortit en criant son nom ! Peu m'importait l'heure tardive et le risque de réveiller ceux dont la nuit était si douce. La sienne était maintenant devenue un cauchemar, par sa faute !

Il crut percevoir un mouvement sur les toits. Il regarda avidement, mais l'obscurité était presque totale. C'était une nuit sans lune. Les nuages masquaient l'astre divin et les quelques lanternes du jardin de pierres suffisaient à peine à l'éclairer.

Pourquoi, pourquoi avait-il fait ça ??? Il était en colère contre lui-même. S'il n'avait pas écouté sa curiosité, en cet instant, il serait au lit dans les bras de son amant et y serait resté jusqu'aux premières lumières de l'aube. Demain, il aurait eu le bonheur de lui parler, de profiter de sa présence... mais, est-ce qu'il allait seulement le revoir un jour ? L'avait-il perdu à tout jamais ? Il était tellement furieux contre lui-même qu'il donnât un coup-de-poing dans le pilier qui se dressait près de lui. Il y avait mis tant de force que celui-ci se brisa et finit en miettes.

Il décida de regagner sa chambre. Au lieu de traverser le jardin, il longea les galeries qui le délimitaient. Arrivé devant la porte, il la poussa et entra. A l'intérieur de lui, il était vide. Ses yeux firent le tour de la pièce. Sur le sol se trouvait une tunique que Chen Han avait oubliée dans sa hâte de le quitter. Il s'avança lentement et se baissa pour la ramasser, le cœur battant. Il la porta à son visage. Elle sentait toujours l'odeur de son corps. Ce simple parfum d'homme fit remonter à sa mémoire leurs folles heures du début de soirée. Il était venu le rejoindre, et s'était glissé dans sa couche... Il avait été exigeant, en voulant encore plus... Comme s'il savait que ce serait leur dernière nuit... Était-il envisageable qu'il ait prémédité de le quitter ? C'était impossible, il ne pouvait pas prévoir qu'il allait se réveiller et tenter d'apercevoir son visage !

Toutes ces questions que Feng Wu se posait, resteraient, maintenant, sans réponse...

Il s'effondra sur son lit et se recroquevilla sur lui-même en serrant contre sa poitrine cette tunique qui était tout ce qui demeurait de lui. Ses larmes, qu'il avait jusqu'à présent réussi à retenir, débordèrent et se mirent à se déverser sur ses joues. Comment allait-il pouvoir continuer ? Fatigué, le cœur brisé, il finit par tomber dans un sommeil peuplé de cauchemars.

Feng Wu se réveilla en sursaut. Des coups résonnaient à la porte. Avait-il rêvé ? Il sentait les traces de larmes lui tirer la peau de son visage et il tenait encore dans ses mains la tunique de Chen Han. Les événements de cette nuit n'étaient donc pas une illusion ! Les coups retentirent de nouveau.

"Feng Wu, est-ce que tu vas bien ? Tu es toujours le premier debout d'habitude, Père et moi, nous nous inquiétons..."

Fai Jin ! Il ne fallait surtout pas qu'elle voie dans quel état il était... Il se leva et se dirigea vers l'alcôve où se trouvait le nécessaire de toilette.

"Très bien puisque tu ne réponds pas j'entre..."

Il ne fut pas assez rapide pour l'en empêcher. Elle s'arrêta net en le découvrant. Elle fronça les sourcils pendant que ses yeux observaient minutieusement tous les détails de la pièce. Le lit dérangé, les draps humides, la tunique qu'il serrait dans sa main et qu'il n'avait pas eu la présence d'esprit de cacher derrière son dos, mais surtout son visage et ses yeux rougis par les larmes.

"Va te passer de l'eau sur la figure et après, tu me raconteras, Grand Frère."

" Je ne crois pas..."

" Quelquefois, il est nécessaire d'extérioriser sa douleur, et puis à quoi cela servirait que je sois ta petite sœur, si je ne pouvais pas t'aider ?

Feng Wu la regarda. Malgré ses seize ans, presque dix-sept, elle se montrait parfois très sage, probablement grâce aux cinq ans qu'elle avait vécu dans la secte Taoïste de Xun Hong. Il suivit ses conseils et alla se rafraîchir le visage. Il enfila un pantalon ainsi qu'une tunique de dessous propre. Avant de sortir de l'alcôve, il revêtit sa robe d'intérieur.

Pendant qu'il faisait sa toilette, elle avait changé les draps et remis de l'ordre dans la chambre. Elle l'attendait à la table de travail. Ce matin, elle portait sa tenue bleue habituelle du clan. Elle avait allumé un brasero et fait chauffer l'eau pour le thé.

"Assis toi et raconte-moi " fit-elle d'une voix douce.

Feng Wu obtempéra et s'installa en face d'elle. Il ne savait pas par où commencer. Le silence s'éternisait.

"C'est Chen Han, c'est ça ? Vous vous êtes disputé ? "

"C'est plus compliqué que ça ! Tu ne peux pas comprendre ! "

"Comprendre quoi ? Que tu es amoureux de lui comme tu ne l'as jamais été de ma shijie (*) ?"

" J'aimais Juxian..."

" Tu l'aimais tendrement, comme on aime une sœur, pas une amante. Elle savait que ton cœur appartenait à quelqu'un d'autre et ce quelqu'un, c'était Chen Han, n'est-ce pas ? "

"Non, tu te trompes ! C'est vrai que j'avais trouvé mon âme sœur, mais il est mort avant que je n'arrive chez Oncle Fan dans la Secte des Médecins de l'Est. Quand j'ai rencontré Chen Han, j'ai eu l'impression que les dieux m'offraient une seconde chance... Mais je me suis trompé, il semblerait que les sentiments que j'avais pour lui n'étaient pas réciproques ".

"Que s'est-il passé ? Quel est le sujet de votre différend ?"

" Ce n'est pas a proprement dit une dispute. Je lui avais fait une promesse et j'ai manqué à ma parole ! "

" L'as-tu fait volontairement ou non ?"

Feng Wu réfléchit. Avait-il véritablement voulu voir son visage ou avait-il profité de l'occasion qui s'était offerte à lui ? Il n'avait rien planifié, mais il s'était réveillé et il avait été pris d'une irrésistible envie d'apercevoir les traits de son amant qui semblait dormir si profondément...

" Il va peut-être revenir, il t'a promis de t'aider à retrouver Shao Ning et je ne pense pas qu'il soit du genre à rompre un engagement comme celui-ci ".

Elle tendit la main en travers de la table et vint saisir la sienne.

" Je suis persuadée que vous vous rejoindrez à un moment où à un autre ".

Feng Wu la fixa intensément. Jamais il n'aurait cru qu'elle puisse accepter ses sentiments pour un homme si facilement !

"Tu es très tolérante vis-à-vis de cette relation, ne considères-tu pas que j'ai trahi ta sœur ?"

" Non, car je veux ton bonheur et je suis sûre que Juxian aussi. Tu lui as été fidèle et tu l'as rendue heureuse. Maintenant, grand Frère, tu vas te relever et te battre, retrouver ma nièce et je suis certaine qu'en chemin, nous croiserons celui de ton âme sœur. Il ne dépendra alors que de toi de te faire pardonner ..."

Feng Wu serra la main qu'il tenait. Elle lui avait redonné courage et puis elle avait raison, il devait retrouver sa fille. C'était elle le plus important et si Chen Han et lui venaient à se revoir, à ce moment-là, ils pourraient s'expliquer... et se pardonner, car ils avaient des torts l'un comme l'autre.

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