La colère de Fan Zhen


La lumière du soleil s'infiltrait sous les rideaux de la fenêtre ouverte et inondait la pièce de sa réconfortante chaleur. De doux effluves parfumés flottaient dans la chambre venant du jardin situé derrière l'auberge. Pour une fois, je ne quitterais pas la couche que nous avions partagée lors de notre folle nuit de passion. Un soupir de contentement m'échappa tandis qu'un sourire détendait mes lèvres. Feng Wu dû deviner que je ne dormais plus, car ses mains me caressèrent le ventre. La chaleur de son corps nu irradiait dans mon dos. Ses doigts écartèrent mes cheveux pour dégager ma nuque et sa bouche vint y déposer une pluie de baisers.

" Je t'ai réveillé ? "chuchota-t-il à mon oreille.

Je me retournais dans ses bras et encerclais sa taille.

"Je ne dormais plus, mais je suis d'accord pour que tu me sortes du sommeil de cette manière aussi souvent que tu le désires..." 

Je sentais son souffle chaud dans mon cou.

"Si tu y es disposé, j'aimerais te sortir des limbes de la nuit par des caresses et des baisers chaque matin..."

" Chaque matin ? " Ses lèvres étaient descendues sur ma gorge et remontaient vers mon menton.

"Mnnn, chaque matin..."

"Est-ce que tu sous-entends que tu veux que nous partagions le même lit toutes les nuits ?"

"Tu m'as bien compris..." Sa bouche s'empara de la mienne. Comment faisait-il pour qu'un simple effleurement de ses mains ou de ses lèvres me plonge dans cet état d'excitation aussi intense ?

Mes doigts suivirent les courbes de ses épaules puis glissèrent vers ses reins en caressant au passage la cicatrice qui lui barrait le dos. Il faudrait que je l'interroge à ce sujet, elle avait l'air ancienne...

" A-Qiu, je ne voudrais pas te paraître...."

" Tu ne m'as pas répondu ! " M'interrompit-il, en frôlant de ses lèvres le contour des muscles de ma poitrine.

" Répondu ? ... " Je n'arrivais plus à réfléchir clairement. Il était en train de mordiller et pincer les deux excroissances de chair de mon torse. Il y a un instant, je souhaitais lui dire que nous devions nous concentrer et élaborer un plan pour récupérer les enfants, mais là, ma tête était vide. Mon corps n'était que désir.

" Alors ? Tu acceptes de partager ma couche toutes les nuits".

" On dirait une demande en mariage " lui répondis-je entre deux gémissements de plaisir.

" Je te rappelle que du temps de notre adolescence, tu m'as accordé le bonheur d'être mon partenaire de culture. Donc... "

" Donc, je n'ai pas vraiment le choix... En tant que partenaire de culture, notre lien est aussi légitime que si nous nous étions inclinés par trois fois (*) ".

" C'est exact... en tant que partenaire ou... époux, je suis en droit d'exiger de t'avoir à mes côtés toutes les nuits "

" Je ne peux donc pas déserter le lit ...conjugal... ? " Le taquinais-je.

"Non, tu ne peux pas..." Me fit-il sur un ton péremptoire.

" Dans ce cas je n'ai plus qu'à me soumettre..."

" Tout à fait, d'autre part, tu as dû remarquer que j'étais extrêmement jaloux..."

"C'est ce que j'ai cru comprendre... c'est un avertissement ?"

"Parfaitement, tu es à moi et à personne d'autre, alors oublie les folles idées qui te font risquer ton existence pour rien ! "

"Pas pour rien, j'ai retrouvé les enfants... d'ailleurs à ce sujet... Il faut que l'on en parle. "

"Maintenant ? "

" Plus vite, nous aurons récupéré ta fille et ses camarades, plus vite, nous pourrons essayer de rebâtir notre vie".

"Je suis heureux de voir que tu envisages de construire un avenir avec moi...et ma libellule "

" Il faut que l'on parle..."

" Tu as le don pour gâcher les moments tendres..."

" Ne t'inquiète pas, nous en aurons d'autres et puis.... Je t'ai promis de partager ta couche chaque nuit."

Mes doigts jouaient avec ses cheveux. La fièvre du désir était retombée. Pour une fois, ma raison avait gagné.

" Très bien !" Fit-il avec un soupir en se redressant.

" Allons rejoindre Oncle et Shijié". Il eut un tendre sourire en pensant à sa petite sœur.

" Elle était inquiète pour toi... pour nous "

" Tu crois qu'elle a deviné ?"

" Elle n'a pas eu à le faire, après ton départ, c'est elle qui m'a aidé à sortir la tête de l'eau. Elle a toujours été douée pour comprendre les sentiments des autres. Tu as vu comment elle est avec Hu Meng et Lien Mei ?"

" Oui, elle est vraiment taquine avec eux ! ... Tu crois qu'elle va faire la même chose avec nous !"

"Si elle a la certitude que nous nous sommes réconciliés... Tu peux en être sûr ! " Me dit-il avec un rire franc et communicatif.

Après un dernier baiser, nous nous sommes levés à regret. Nous avons fait notre toilette puis nous sommes allés rejoindre Fan Zhen qui nous attendait pour le petit-déjeuner.

Dès notre entrée dans la pièce, j'ai compris que quelque chose n'allait pas. Son visage était fermé et le regard qu'il me jeta était aussi froid que les glaciers du Pic Éternel. Il n'avait jamais été chaleureux avec moi, mais tout du moins, il était cordial. Fai Jin était assise à ses côtés et avait la tête basse, comme si elle avait commis une faute et était en pénitence !

D'après Feng Wu, c'était la seule à savoir pour nous... Son comportement devait-il me laisser déduire que Fan Zhen était au courant pour Feng Wu et moi ? Si c'était le cas et au vu des liens les unissant, nous devions nous attendre à une opposition sévère de la part du chef du Clan des Médecins de l'Est. Je lançais un regard interrogatif à mon âme sœur. Avait-il conscience de la situation ? Un froncement de sourcils et un léger tressaillement au niveau de la commissure de ses lèvres m'apprirent qu'il avait compris dans quelle position nous étions.

" Oncle Fan, nous devons parler du plan que nous allons suivre pour ce soir. Nous devons aussi voir si nous pouvons demander des renforts aux clans concernés par ces enlèvements."

"........"

"Oncle Fan..."

" Comment osez-vous paraître devant moi tous les deux ? " Explosa Fan Zhen

Nous nous sommes regardés... Il savait !

" Feng Wu, comment as-tu pu me faire ça ? As-tu pensé à ma petite fille et à ta position par rapport aux autres sectes ?

Feng Wu poussa un soupir.

"Oncle Fan, j'y ai réfléchi. J'entends votre incompréhension vis-à-vis de votre fille. Sachez que je l'ai aimé tendrement et que je lui suis reconnaissant pour la merveilleuse enfant qu'elle m'a donnée, mais il y a des sentiments contre lesquels on ne peut aller. Chen Han est mon âme sœur !"

"Ton âme sœur ! Fais-moi rire ! Vous vous êtes rencontrés, il y a à peine six mois de cela et il nous a abandonnés pour aller se vautrer dans le lit de cet assassin ! Hu Meng et Lien Mei nous ont tout raconté pendant que vous étiez parti dans le Palais ! Il ne vaut pas mieux que ce monstre. Il n'a aucune éthique."

"Oncle ! Taisez-vous ! Vous ne savez rien de lui ! Pour reprendre les mots de Chen Han, comme tous les cultivateurs qui se croient au-dessus de tout grâce à leur soi-disant moralité, vous juger sans savoir ! D'autre part, apprenez que nous nous connaissons depuis bien plus longtemps que vous ne le pensez ! Il y a seize ans de cela, nous nous sommes promis l'un à l'autre. Mon père était au courant du choix de mon partenaire de culture et il l'a accepté ! Si c'est la considération des chefs de clans qui vous pose problème, n'ayez crainte, dès que nous aurons récupéré les enfants et ma fille en particuliers, nous partirons loin de la Secte des Médecins de l'Est ! Alors, ne vous en faites pas, votre "honneur" sera sauf !".

Feng Wu avait lancé sa tirade d'une traite, sans quitter Fan Zhen du regard. À table, Fai Jin nous fixait. Ses yeux ne nous lâchaient pas et allaient de l'un à l'autre. Il y avait une étrange lueur qui s'y reflétait.

" Tu vois, j'avais raison, Chen Han était bien ton premier amour ! " s'exclama-t-elle d'une voix douce.

" Oui, tu avais raison, mais nous avons été séparés si longtemps que nous ne nous sommes pas reconnus tout de suite. En plus, nous étions tous les deux persuadés que l'autre était mort, sans compter le changement de couleur de ses yeux, d'ailleurs, il faudra que tu m'expliques ! "

Je tournais la tête en direction de Fan Zhen. Après la tirade de Feng Wu à son encontre, il avait pâli et nous fixait.

" Feng Wu, tu ne vas pas m'enlever ma petite fille..."

" Oncle, c'est "ma" fille, elle m'accompagnera là où j'irai "

" Quel avenir peux-tu lui donner avec ... cet homme ! " Fit-il en me désignant d'un signe du menton. Mon âme sœur se tourna vers moi avec un tendre sourire.

" Par le passé, il m'a offert de venir vivre avec lui dans son clan. À l'époque, j'avais refusé, car je devais prendre la succession de mon père... Aujourd'hui, mon clan est mort. Je n'ai plus d'attache, alors si la proposition tient toujours..."

" Elle tient toujours " m'empressais-je de lui dire.

" C'est de la folie ! Je t'ai accueilli après le décès des tiens et c'est ainsi que tu me remercies ?"

" Oncle, c'est vous qui m'y forcer, mais sachez que vous pourrez voir votre petite fille quand vous le souhaiterez !"

Je voyais que Fan Zhen voulait dire quelque chose, mais on aurait dit qu'il se retenait. Comme l'avait imposé Lien Mei la veille au soir, il fallait calmer les esprits.

" Maître Fan, pour l'instant le plus important est de sortir les enfants de leurs prisons, surtout que l'un d'entre eux est en danger si nous ne le récupérons pas très rapidement. "

" De quoi parlez-vous ? "

" Il y a quelque chose que nous ne vous avons pas rapporté hier ... " Feng Wu m'interrompit.

" Oncle, faites-nous confiance, jamais je ne mettrais la vie de ma fille et d'aucun de ses camarades en péril. Nous avons jusqu'à ce soir pour nous organiser et trouver des renforts. Croyez-vous que nous pouvons faire parvenir des messages pour demander de l'aide aux clans ?"

Fan Zhen serra les dents et après un soupir fit mine de réfléchir.

" S'il y a un comptoir de missives dans ce village, nous pouvons, peut-être, prévenir les sectes les plus proches comme celle des Animaux Spirituels et des Commerçants".

"Alors, faisons-le et penchons-nous sur comment entrer sans nous faire voir pour sortir ces jeunes innocents de là !"

" Le problème que nous allons rencontrer, c'est que nous n'avons pas connaissance de l'agencement des lieux " fit Fai Jin.

" Ça n'est pas vraiment une difficulté. " Commençais-je.

" Je me charge de trouver le moyen de nous introduire discrètement dans le palais. Comme je vous l'ai déjà fait remarquer Maître Fan, j'ai accès à des milieux auxquels votre honneur vous interdit de vous frotter. "

Je me tournais vers mon âme sœur.

" Occupez-vous d'obtenir des renforts et réfléchissez à un plan."

Feng Wu me saisit la main et la serra très fort.

" Fais attention à toi, je ne veux pas te perdre encore une fois ! "

" Ne t'inquiète pas, j'ai encore des tours en réserve..."

J'effleurais sa joue du bout des doigts avec tendresse sous le regard courroucé de son "oncle" et après un dernier coup d'œil à Fai Jin et Fan Zhen, je quittais la pièce pour plonger dans les bas-fonds de la ville de Sin Aï.

(*) s'incliner par trois fois : c'est le symbole du mariage chinois. Les époux doivent s'incliner vers les dieux, puis vers leurs ancêtres puis l'un vers l'autre.



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