Dans les flammes
Je regardais Xue Xiang pousser les enfants devant lui. Les plus petits pleuraient à chaudes larmes pendant que les plus âgés essayaient de les rassurer. On pouvait sentir de l'effervescence autour du groupe qu'ils formaient. Les dix hommes d'armes qui les entouraient semblaient aux aguets. Où était Lang Fu ? Ils avaient dû le droguer et attendre le dernier moment pour le transférer.
Si l'on ne faisait rien, ils allaient s'échapper ! Feng Wu était à côté de moi. Je me mordis la lèvre.
"Les renforts ?" Demandais-je à Hu Meng lorsqu'il nous rejoignit.
"Mon père vient d'envoyer Ling Yi pour déclencher la diversion..."
"Si nous n'agissons pas rapidement, il sera trop tard ! Feng Wu, je sais que tu ne vas pas apprécier, mais si nous voulons les retarder, je dois intervenir !"
"Tu m'as promis !" Je caressais sa joue, sous le regard stupéfait de Hu Meng.
"D'accord... Vous en êtes là !" Je levais les yeux au ciel en soupirant. Je déposais un rapide baiser sur les lèvres de mon âme sœur et me redressais pour me diriger vers Xue Xiang.
Mon cœur battait la chamade. Je devais me calmer. Après plusieurs respirations profondes, j'avais retrouvé ma sérénité et ma froide lucidité.
Je sortis de l'ombre et m'arrêtais à distance. Aussitôt, les hommes de main de Xue Xiang dégainèrent leurs armes et les pointèrent vers moi. Ce dernier se tourna avec un sourire en coin. Il n'avait pas l'air étonné de me voir. Comme je le craignais, certains de mes "collègues" que j'avais contactés avaient dû vendre la mèche !
" Chen Han, quelle surprise ! "
" Pourtant, ce n'est pas l'impression que tu donnes !"
" Je t'ai envoyé un message pour te prévenir que je ne pouvais pas te rejoindre au matin, et en retour, on m'a averti que tu avais disparu sans dire où tu te rendais !"
"Cela t'étonne ? Il me semble que j'ai rempli ma part du marché, mais que toi en revanche, tu ne veuilles pas faire de même. Alors j'ai décidé de passer outre. Est-ce que tes goûts pervers auraient changé ?" Je détaillais les enfants et en profitais pour essayer de voir s'ils allaient bien.
"Tu les aimes beaucoup plus jeunes maintenant ? Si c'est le cas, je comprends que je ne te satisfasse plus !"
" Ne dis pas de bêtises ! " Cria-t-il les yeux pleins de fureur sous l'effet de mon insinuation.
" C'est pour le service !"
" Tu es très doué pour lier les affaires et le plaisir !" Je me demandais ce que faisait Gong Shi et pourquoi il ne faisait pas exploser sa poudre noire ! Autour de moi, les hommes d'armes, c'était légèrement relâché, voyant que leur commandant et moi, nous nous connaissions.
Un serviteur arriva de l'intérieur du bâtiment et chuchota à l'oreille de Xue Xiang. Il se retourna.
" Vous cinq, allez rejoindre les autres au cachot, et amenez-moi le dernier prisonnier. Aussitôt, ceux qui se trouvaient près de lui s'esquivèrent et s'engouffrèrent dans le Palais. Il reporta son attention sur moi.
"Alors, tu as cherché à faire la connaissance du prince derrière mon dos..." Ses yeux n'étaient plus que deux fentes noires.
"Rencontrer le Prince était bien sûr l'un de mes objectifs..."
"L'un de tes objectifs ?" Un sourire froid étira mes lèvres derrière mon masque. Il dut se refléter dans mon regard, car ses sourcils se rapprochèrent dangereusement.
"Dans chaque mensonge, il doit y avoir une part de vérité. Je cherchais effectivement à rencontrer le prince, car il détient plusieurs choses qui ne lui appartiennent pas !"
Xue Xiang jeta un coup d'œil aux enfants.
" Quand nous nous sommes retrouvés à la cité des assassins, tu as parlé d'un contrat ...tu as été engagé pour récupérer ces monstres ? " fit-il en pointant de la main le groupe apeuré qui se trouvait près du carrosse.
"Xue Xiang ! " Fit la voix autoritaire du prince Wan Yi, en descendant les quelques marches devant le Palais.
" Qui est cet homme ? " S'enquit-il, l'air dédaigneux .
" Personne !" crachat hargneusement son bras droit avant de se reprendre.
" Nulle âme qui ne mérite votre attention, Votre Altesse. " Continua-t-il en s'inclinant respectueusement.
"Pour répondre à votre question, c'est un peu plus compliqué que cela !..."
À ce moment-là, une explosion résonna dans la nuit ! Gong Chi avait enfin allumé la mèche !
Feng Wu et Hu Meng en profitèrent pour me rejoindre.
En les voyant surgir, l'une des petites filles se mit à crier.
"Père !"
"Tout va bien, ma libellule... n'ai pas peur."
Comprenant qu'ils allaient subir une attaque, le Prince et Xue Xiang se saisirent des enfants les plus proches d'eux. Hu Meng lança son éventail pour contrer les gardes qui cherchaient à attraper le cinquième enfant. Hu Meng l'agrippa et le tira vers nous pour le mettre à l'abri.
" Emmène-le en sécurité et envoie-nous des renforts. "
Le Prince et son âme damnée s'esquivèrent, se protégeant comme des lâches, derrière leurs boucliers humains.
"Empêchez-les de nous suivre !" Hurla, Wan Yi.
Feng Wu et moi avons alors dégainé nos armes pour faire face à la charge des hommes de main du Prince.
Derrière nous, nous entendions les cris de l'attaque lancée par nos forces qui étaient en attente. Les bruits des épées et des sabres ainsi que les sifflements des flèches nous laissaient présumer des affrontements sanglants.
Mais pour ce qui nous concernait, nos cinq adversaires devaient être éliminés le plus rapidement possible afin que nous puissions poursuivre les deux scélérats qui avaient enlevé à mon âme sœur la lumière de ses jours : sa fille Shao Ning.
Nos armes volaient aussi dévastatrices que précises. Je n'avais jamais vu Feng Wu combattre, mais il fallait bien avouer que le maniement de son épée uni à l'enchaînement des pas rapides du "Vent Divin", qui avait été la spécialité de la Secte du Vent du Sud, était un véritable délice à regarder. Nos adversaires furent promptement éliminés et nous avons pu nous lancer à la poursuite des fuyards.
Nous avons longé les corridors. Je me reprochais de ne pas avoir pris le temps de demander à Huolong de nous servir de surveillance dans le ciel. Je ne pouvais faire confiance qu'à mes sens que Maître Zhen Shui m'avait aidé à perfectionner. Je perçus un bruit léger sur la droite. Il semblait venir du sous-sol.
Nous avons fini par trouver un escalier au bout d'une galerie. Des cris nous parvenaient de plus en plus fort. Les enfants devaient mener la vie dure à leurs tortionnaires.
En tournant au coin du couloir, nous avons vu que plusieurs d'entre eux se débattaient frénétiquement, pendant que d'autres donnaient des coups de pied. La plus petite avait même planté ses dents dans la main du Prince !
Finalement, il s'en dégagea en lui assénant une gifle qui claqua comme le tonnerre. Feng Wu se jeta en avant en rugissant de colère et envoya un coup de pied magistral dans le ventre du Prince, propulsant ce dernier contre le mur, puis il tira la petite hors de la portée de ces deux monstres sanguinaires.
De son côté, Xue Xiang avait lui aussi réussi à se débarrasser de la fillette qui lui martelait les chevilles avec les pieds. Je la réceptionnais dans mes bras et la poussais vers Feng Wu.
Profitant d'un instant d'inattention de ma part, Xue Xiang me lança un candélabre au visage qui s'écrasa contre une tenture qu'il embrasa. Le Prince fit de même. Les tapisseries de l'autre côté prirent feu à leur tour. Il s'empara ensuite de celle qui se trouvait derrière lui et l'arracha, révélant ainsi un couloir dans lequel il s'engouffra avec l'un des enfants.
Xue Xiang eut un rire cynique.
" Tu ne les récupéreras pas tous, Chen Han, je ne te laisserais pas gagner ! " Il agrippa Shao Ning et partit dans le passage à la suite du Prince.
Je me tournais vers Feng Wu.
" Va, le feu ne me fait pas peur, ramène les petites à leurs pères. Je te jure que je sauverais ta fille ".
" Tu me le promets ?"
"Ais-je déjà manqué à une seule des promesses que je t'avais faites ?"
"Non..."
" Alors, ais confiance et ne te retourne pas".
Je l'ai regardé s'éloigner à regret loin de moi, entraînant à sa suite les deux fillettes que nous avions réussi à dérober aux mains assassines de Xue Xiang et du Prince Wan Yi. Malheureusement, chacun de ces deux monstres avait agrippé l'enfant le plus proche de lui avant de s'enfuir par le passage secret.
Je scrutais le couloir envahi par le feu avec un sourire cynique. Ils avaient cru qu'en brûlant tout, ils me feraient renoncer. Ils ignoraient que l'élément de purification suprême était celui que je manipulais le mieux, car il était celui de ma naissance. Les flammes commençaient à s'étendre dans le tunnel et en dehors pour m'encercler. Bientôt, l'incendie se répandrait dans tout le Palais. Je fis un pas en avant et m'engouffrai dans la chaleur du brasier qui se trouvait devant moi.
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