Le Grenier n'était pas aussi haut que la Ruche, mais s'étendait presque cinq fois plus. Le bâtiment bleu contenait entre autre une dizaine de champs cultivé à même la terre, d'autres, dans les étages, dans de grandes pièces hermétiques maintenues dans une humidité constante saturée en nutriments. La plupart des plantes qui ne supportaient pas une humidité excessive étaient cultivées sous serre, à l'extérieur. Il y avait aussi un moulin, et deux grandes cuisines industrielles. Enfin, un hangar isolé abritait le centre de récupération et de traitement des eaux, qui permettait de réutiliser 95% des déchets humains et de traiter l'eau de pluie collectée par le réseau de gouttières du toit. Max descendit du tramway, et, pour la deuxième fois de la journée, se sentit pétrifié jusqu'aux os par un froid mordant. Il couru jusqu'au grillage pour se réchauffer. Quatre autres personnes se trouvaient déjà devant la porte. Max salua chacun d'entre eux. Puis il sortit du dossier bleu cinq badges de la même couleur, qu'il distribua à chacun. Le sien, qu'il s'empressa d'épingler à sa blouse, portait l'inscription suivante: Équipe D, Max, Chef d'équipe n°4. Max était très fier de son grade. Il savait que Maman l'avait choisi pour ses qualités de leader. Soit dit en passant, il ne commandait à personne, mais il était responsable des badges et du dossier quotidien, ce qui lui convenait parfaitement, puisque cela lui offrait l'occasion de voir Maman pratiquement tous les jours. Et il connaissait chaque membre de son équipe mieux que personne. Il y avait Michael, un grand baraqué, Anna, une petite blonde, Anouk, brune aux yeux bleus, et Corentin, aussi myope que timide. Max était le représentant du groupe auprès de Maman.

Max passa son badge devant un scanner, et une diode verte s'alluma. Il poussa la porte et s'engouffra à l'intérieur du bâtiment, le reste du groupe à sa suite. Il sortit une feuille du dossier et commença à la lire. "Objectif du jour:"disait elle " 1/Labourer les champs en jachère, 2/Vérifier les systèmes hermétiques, 3/Installer la serre." Le reste du document détaillait les instructions de façon extrêmement précise. Max répartit au mieux les taches. L'ensemble du groupe se dispersa. Michael, Corentin et Anouk se dirigèrent vers la zone de jachère, tandis que Max, secondé d'Anna, commençait les vérifications. Il fut convenu de se retrouver à l'heure du déjeuner sur le futur emplacement de la nouvelle serre s'il ne pleuvait plus, ou, dans le cas contraire, dans le vestiaire.

Le travail fut vite achevé. Ayant inspecté l'ensemble des systèmes hermétiques, réparé les quelques fuites et pris leurs paniers repas, Max et Anna se dirigèrent vers la porte nord, à l'opposé de l'entrée du Grenier. Elle donnait sur un champ couvert de serres de toutes les tailles et de toutes les formes, en fonction de ce qui y était cultivé. Voyant la vitre ruisselante, les deux renoncèrent à manger dehors et retournèrent sur leur pas. Anouk et Michael les attendaient déjà, assis sur un des bancs en fer du vestiaire. Corentin n'étais pas avec eux, ayant dû retourner précipitemment au Saule après s'être blessé avec une des houes. Une fois chacun installé, son assiette sur les genoux, tous marquèrent une pause. Max mena le voeux du repas. Le voeux consistait simplement à remercier chacun pour sa participation à la production d'un produit avant de le consommer. D'après Maman, ce rituel permettait l'amélioration des relations entre tous, puisque chacun se montre alors redevable à tous.

Le groupe mangea avidement. Dès que tous eurent terminé, ils se levèrent et se dirigèrent vers l'entrepôt, afin de récupérer les pièces et les outils nécessaires au montage de la serre. Le sol de la parcelle était heureusement peut boueux, et l'opération se déroula sans accroches. Tout était prêt pour la semence de soja, qui aurait lieu le lendemain, probablement par une autre équipe. Lorsque la nuit commença à tomber, le groupe se sépara, Max devant achever son rapport avant de rentrer au Saule. Il s'empressa donc de retourner à la Ruche, tandis qu'Anna, Michael et Anouck rangeaient le matériel. Il monta au premier étage et s'installa devant l'un des bureaux. Quatre autres personnes étaient déjà présentent dans la pièce, et tapaient frénétiquement à la machine. Max se mit au travail, détaillant au mieux les difficultés rencontrées durant les missions, comment elles avaient été surmontées, et d'autres détails dans le genre. Vint enfin l'heure de la remise du rapport. C'était un moment particulier de la journée, où tous les chefs de groupes se retrouvaient pour échanger entre eux et avec Maman. Chacun mis donc son rapport dans le dossier reçu le matin même, et se retrouva devant la porte de la salle de réunion. Clément, chef de groupe de Reuben, frappa doucement.

Maman était encore plus belle le soir. Après une rude journée de travail, rien ne faisait plus plaisirs à Max que de pouvoir contempler sa silhouette si harmonieuse, qui se découpait sur la lumière diaphane des lampadaires tout justes allumés, filtrée par le store. La pièce, à cette heure-ci, était toujours bien sombre. Maman n'en paraissait que plus lumineuse, plus rassurante aussi, et encore plus imposante. Chacun des chefs de groupe remis, avec l'air le plus sérieux du monde, et dans un silence solennel, son dossier. Puis la réunion commença. Tour à tour, chacun débita dubitativement les dysfonctionnements et les problèmes remarqué au cours de ses opérations de groupe journalières. Ensuite, le débat commençait. C'était là le véritable privilège des chefs de groupe. Discuter avec Maman était ce qu'il y avait de mieux, et pour rien au monde Max n'eut échangé sa place. Enfin, alors que le ciel virait au noir d'encre, Maman se levait, allumait la lumière et commençait à lire les dossiers. Les cinq s'éclipsaient avec la plus grande discrétion, et pouvaient rentrer au Saule. Souvent l'interruption se faisait au milieu du débat.