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Vous êtes remonté dans votre vaisseau, avec votre prisonnière. Celle-ci a été emmenée à l'infirmerie pour son genou blessé. Vous attendez que l'opération termine dans la salle d'interrogatoire. En tant qu'Enquêteur, vous l'avez décorée personnellement. Chacun travail avec ses propres outils dans votre profession. Dans votre cas, il s'agit d'un petit amphithéâtre rectangulaire.
Une simple chaise est posée sur la petite estrade central gris usé. Elle comporte bien entendu tout le nécessaire pour maintenir un prisonnier. Le reste de la pièce est uni, d'un jaune pâle désagréable que vous n'aimez pas. Il vous met de mauvaise humeur, ce qui est parfait pour un interrogatoire. Vous vous demandez souvent si cette couleur n'a pas le même effet sur les interrogés.
Vous avez la place de marcher entre les différentes tables qui sont alignées sur les trois petits niveaux de la pièce. Avoir autant de mobilier donne l'impression au prisonnier que plus de personne pourraient prendre part à l'interrogatoire. Vous posez en évidence sur une des table votre « valise de travail ».
D'après les informations recueillies, la prisonnière s'appelle Anon Kaitoi. Pas d'études particulières, elle a travaillé très tôt au spacioport. Pas mal de famille, elle a proche d'elle un frère de deux ans son ainé. Elle a disparu des chantiers spatiaux il y a quelques mois. Les cameras l'ont formellement reconnue plusieurs fois comme une voleuse d'éléments technologiques.
La porte métallique s'ouvre. Deux robots et deux soldats entrent, encadrant la prisonnière. Elle a des cheveux roux clair, noués en un chignon strict, quelques taches de rousseur. Vous remarquez quand elle vous passe devant qu'elle est un peu plus grande que vous. Son genou a été pansé, et est enserré dans une articulation mécanique. Son regard gris semble perdu dans le vide mais se reconcentre quand ses gardiens l'attachent à la chaise d'interrogatoire. Les soldats sortent, les deux robots partent s'asseoir dos aux murs.
« Ils restent là pour me faire peur, vous nargue-t-elle.
- Ils restent là pour faire joli, rétorquez-vous. Ce n'est pas leur faute s'ils n'y arrivent pas. J'ai dans cette valise largement de quoi vous effrayer en revanche.
- Et pourquoi voulez-vous m'effrayer ? J'ai fait quelque chose de mal ? ironise la prisonnière.
- Nous avons fait scanner la zone des docks. Le troisième dock en particulier nous a beaucoup intéressé. »
La prisonnière se mord la lèvre. Son regard se floute l'espace d'un instant. Elle reprend d'un air assuré :
« Vous avez trouvé le canon.
- Un canon planétaire artisanal, capable...
- ...Capable d'anéantir une flotte complète de M'chan d'un seul coup ! vous coupe-t-elle.
- ...Capable de détruire la planète entière si quelqu'un l'active. Mon massographe a fait quelques calculs pour s'amuser.
- Ce n'était pas pour m'amuser ! Vous m'avez presque menacé pour que je les fasse ! proteste la voix métallique du massographe au travers le boitier accroché au plafond. Vous l'ignorez et reprenez
- La personne qui a conçu cette arme est un esprit brillant assurément, avec d'énormes connaissances en physique atomique sans doute. Mais même achevé, votre « arme géante » artisanale vous explosera à la figure.
- Et alors ! crie la femme. Qu'importe notre planète si en tirant nous sauvons l'humanité tout entière !
- Je me fiche de l'humanité tout entière. Mon boulot est de sauver cette planète et de repartir boire une canlenthe sur Mars3 ensuite. Et il se trouve qu'en vous empêchant de ramener à ce canon les fils que vous avez tenté de voler, je contribue un peu à cette première étape.
- Peuh ! quelqu'un en trouvera d'autres. On finira ce canon.
- D'ici là je serai avec ma canlenthe.
- Oh assez avec votre truc ! s'énerve-t-elle. Que voulez-vous de moi, qu'on en finisse ?
- D'après les aveux que la police locale a recueillie, il semble que votre groupe soit orchestré par une seule personne, dont malheureusement nous ne savons presque rien. En revanche, nous sommes sûrs que cette personne est au cœur de votre organisation. Elle gère tout, contrôle tout, sait tout. Sans elle, tout votre plan sera bloqué. Vous allez donc me dire qui est cette personne.
- Vous voulez rire ? Je ne vous dirai jamais rien !
- Mauvaise réponse, faites-vous en caressant votre valise.
- J'admets que vous êtes bien renseigné, mais vous êtes trop renseigné. Je ne dirai rien même si vous m'emmenez à des années lumières pour me questionner des siècles !
- Vous allez parler, ici, et maintenant. Ou alors je pourrais tirer sur votre petite installation , avant qu'elle ne devienne plus dangereuse. Une partie de la ville partirait en fumée quand même bien sûr, mais l'autre serait sauvée. Mission à moitié réussie, mais verre de canlenth pour moi quand même. »
La menace semble avoir été efficace. La prisonnière hésite un moment. Son pied tape plusieurs fois sur le sol.
« Que répondez-vous ?
- Ne tirez pas. C'est moi. Je suis la cheffe de l'organisation.
- C'est très intéressant ce que vous me dites là. Dites m'en plus ?
- On a commencé ce projet il y a... quatre ans avec plusieurs autres personnes du chantier naval, continue-t-elle le regard droit devant elle. C'était un truc dingue. On avait tous perdu un proche dans la dernière guerre. On ne voulait plus revivre ça, ne pas se défendre, juste mourir... on en avait assez.
- C'est la guerre, concédez-vous.
- On avait assez peu de matériel, vous imaginez à quel point on a été heureux quand ce navire commercial s'est arrêté ! Tout plein de bidules de pointe, plus des moteurs gravitationnels à désosser !
- Qu'avez-vous fait de l'équipage ?
- On a réussi à en convaincre une partie. L'autre est enfermée sous le spacioport.
- Un autre enquêteur est passé il y a quelques temps. Qu'est-il devenu ? »
La prisonnière baisse un peu la tête. Son visage se ferme. Sa voix devient un peu moins forte.
« On a entendu dire qu'il avait posé son vaisseau quelque part en dehors de la ville, alors on l'a pris en embuscade là-bas. Il était armé, on n'a pas eu le choix. On a laissé son corps sur place je crois, personne ne va jamais dans ce coin.
- Rien que cet aveu suffirait à vous valoir beaucoup au regard du droit spatial.
- Je sais. Mais c'est ça ou ma ville, pas vrai ?
--Si vous avez des doutes sur son histoire, allez en 18
--Si vous la croyez et voulez terminer l'enquête, allez en 19
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