L • XVII.


Niklaus



Ça fait déjà trois jours que Sheyla est morte. Supporter son absence est encore plus dure que la première fois, sûrement parce que cette fois je sais qu'il n'y a plus aucun espoir pour qu'on ait une fin heureuse.

Sa sœur n'arrête pas de lui envoyer des messages pour lui demander de récupérer Lheïra. Elle en parle comme si sa nièce était insupportable, comme si ma fille lui donnait la nausée. Elle ne veut plus la garder et décrète que Sheyla a trop « abusé » de sa gentillesse donc il vaut mieux que j'aille la récupérer.

Je lui demande si on peut se voir dans une heure, ce à quoi elle répond « Enfin ! » Sharona est une femme que je déteste et j'aurais vraiment souhaité la faire chier mais je ne peux pas la laisser avec Lheïra plus longtemps. Elle subit peut-être des traitements affreux et horribles, il vaut vraiment mieux que je la récupère au plus vite même si ça signifie que je dois lui annoncer le départ de Sheyla.

Le rendez-vous étant prévu pour dans une heure alors je suis d'abord passé au cimetière pour voir ma sœur. J'achète quelques fleurs chez le fleuriste d'en face avant de me conduire jusque sa tombe. C'est drôle, c'est seulement la deuxième fois que je viens ici et pourtant j'ai l'impression de connaître le chemin par cœur. J'ai toujours détesté ce genre d'endroit mais je me sens assez coupable de ne jamais venir la voir.

Neha était une femme adorable. C'était ma petite sœur et mon acolyte depuis toujours. Nous avons grandi ensemble en affrontant plus d'une galère mais nous nous sommes toujours en sorti. Nous partions du principe que tant que nous serions ensemble, rien ne sera grave, qu'on s'en sortira toujours et puis Sheyla est arrivé dans ma vie et j'ai fui. J'ai détourné mon attention de ma petite sœur et elle en est morte.

Depuis que c'est arrivé, je parle très peu d'elle. Je me sens coupable depuis toujours de ne pas l'avoir protégé, de ne pas avoir fait parti de sa vie d'adulte, de ne pas l'avoir vu enceinte ne serait-ce qu'une fois, de ne pas avoir tenu la promesse que j'avais faite à mes parents... J'étais son grand frère quand nous étions enfants mais ensuite ? Je n'ai jamais été présent dans sa vie de femme.

Toute cette histoire m'est insupportable. Comparé à moi, elle ne connaissait rien aux affaires d'oncle Jaden mais elle y a été mêlée et encore une fois, c'est de ma faute parce que quand ils s'en sont pris à Layvin, ils pensaient que c'était moi.

Les Empreintes pensait s'en prendre à Niklaus, le neveu de Jaden et à sa femme. Ils ne connaissaient pas l'identité de Neha, j'avais tout fait pour éviter que ça arrive mais tout mes efforts ont été piétiné quand je suis parti...

Tout est entièrement de ma faute.


- Neha ? Tu vas bien, là haut ? je demande doucement. Tu le sais sûrement mais la vengeance est bientôt terminée, ton mari dévoué a promis de s'occuper des derniers détails. Tu le sais aussi mais Sheyla est morte et... C'est horrible. Layvin supporte vraiment ça depuis autant d'année, en plus d'être allé en prison pour une fausse accusation ? Il supporte vraiment d'avoir attendu aussi longtemps de se venger alors que moi, j'ai pu faire ça à la seconde ? Je comprends mieux pourquoi son cœur est aussi noir maintenant, riais-je nerveusement. Je comprends maintenant toute cette haine qu'il a constamment, il t'aimait tellement, tu sais, que parfois j'ai l'impression qu'il n'aime plus rien maintenant tant il t'a tout donné. Le seul avec qui il se montre différent est un enfant qu'on a recueilli mais ça aussi, tu dois le savoir...



Plus je parle et plus ma voix s'échappe, j'ai l'impression de ne plus la contrôler. J'ai un nœud incroyable qui m'empêche de parler. Je déteste les cimetières parce qu'à chaque fois, ils me donnent l'impression de redevenir l'enfant que j'étais quand mes parents sont morts. A chaque fois, j'ai envie de pleurer.



- Petite sœur, comment se passe ta deuxième vie, aux Cieux ? Est-ce que tu m'en veux de penser si peu à toi alors qu'autrefois nous nous comportions comme des jumeaux ? Souvent quand je fais une chose, tu sais, je repense à quand je la faisais avec toi. On faisait vraiment tout ensemble... Je suis vraiment désolé d'être parti comme ça, tu m'as supplié de rester mais je ne t'ai pas écouté et on s'est finalement éloigné. T'avais tellement pleuré pour que je reste mais j'avais décidé de fermer les yeux, Neha, pardonne-moi... C'était la première fois que tu pleurais depuis la mort des parents mais je n'ai pensé qu'à moi, je t'ai laissé tomber... J'ai laissé tomber mon engagement envers toi, notre famille entière, j'ai tout gâché avec toi, avec Sheyla, avec tout le monde. Je suis désolé...



Mes parents sont morts ensemble dans un accident de voiture quand nous étions petits. C'était peut-être la faute d'oncle Jaden, on ne le saura jamais mais enfin bref.

J'étais assez faible, petit, et Neha me défendait tout le temps. Les rôles se sont naturellement inversés quand nous avons grandi mais surtout quand nos parents sont morts. Elle était devenue assez frêle et pensait qu'un rien pouvait la tuer, plus que la mort, elle avait peur de me laisser seul. Rester en vie c'était sa manière à elle de me protéger de la solitude.

Elle idéalisait la réalité en disant qu'ils étaient morts ensemble comme des âmes sœurs et ont dû être heureux jusqu'au bout mais moi, je n'y ai jamais cru. C'est impossible. L'un comme l'autre, ils auront tout fait pour protéger l'autre plutôt que de mourir à ses côtés. Ils auront tout fait pour ne pas nous laisser seuls.

Il y a quand même une part de vérité dans ce qu'elle disait. Papa, je ne sais pas trop mais maman, elle, n'aurait jamais supporté d'avoir survécu seule. Vivre sans sa moitié l'aurait sûrement fait plus mal que la mort. « Elle ne supportait même pas qu'il ait de la fièvre ou autre, je m'en souviens encore clairement. » pensais-je en souriant.

La mort arrache et fait de sacrées conséquences, hein... Une renaissance est impossible et il faut apprendre à vivre avec sans plonger dans la vengeance, la dépression ou l'alcool. C'est vraiment sévère.



- Dernière chose, dis-je en déposant les fleurs sur sa tombe. J'ai une fille un peu plus grande que la tienne. Je l'ai appris il y a quelques jours seulement alors ne m'en veux pas trop. Sheyla m'a laissé un trésor inestimable alors j'essaierais d'en prendre soin, observe-moi, d'accord ? Je veux que tu sois fière de moi autant que je suis fière d'avoir été le frère d'une battante aussi optimiste que toi. Merci d'avoir été ma sœur de ton vivant, souriais-je en touchant les lettres gravées. A bientôt peut-être.





Me voilà chez Sheyla, à monter doucement les marches de son immeuble. Être ici me procure tellement de souvenirs, c'est douloureux. Je me souviens de toutes les fois où je suis venu la voir ici, en y repensant, j'étais souvent énervé, souvent en panique. Ce n'était jamais bon signe que je sois appelé chez elle parce qu'elle voulait à tout prix que ses voisins commèrent sur elle mais je n'en faisais qu'à ma tête.

Dire que je lui infligeais volontairement de la peine à cause de mes ressentis envers ma sœur alors que tout aurait été cent fois plus facile si je n'étais pas parti.

La porte s'ouvre à peine que son parfum m'imbibe. Je n'avais jamais remarqué à quel point sa maison la représentait bien, tout ça me rend nostalgique. J'ai l'impression de revoir tout nos bons souvenirs et moments passés, c'est bizarre. La maison est toute propre et bien rangée.

On remarque immédiatement la lettre blanche qui m'est adressé poser sur la table. On dirait qu'elle savait qu'elle allait mourir.



« Cher Niklaus,

Si tu lis cette lettre, ça signifie que je suis vraiment morte en ce jour du 10/07. Est-ce que tu l'as découvert le lendemain ou bien plus tard ? J'espère que tu ne m'as pas vu dans un état trop affreux, je ne voudrais pas t'empêcher de dormir tranquillement aux causes de l'égoïsme de mon corps sans vie.

C'est un peu drôle de connaître le jour de sa mort, enfin, si je le suis vraiment. Je suis sûrement morte en essayant de convaincre Hinaki de me laisser tranquille, il a dû me tuer sur le coup de la colère et puis regretter. Si ce n'est pas ça, ça veut dire que je me suis suicidé pour sortir de ce cercle vicieux et permettre à Lheïra d'échapper aux griffes de mon harceleur pour de bon.

Tu ne veux peut-être pas en savoir davantage mais je trouve que je te dois des explications alors j'écris. J'ai rencontré Hinaki il y a trois ans, à une fête organisée par je ne sais plus qui pour le nouvel an. Tu sais, étant donné que je suis devenu mère à 18 ans, je n'ai jamais vraiment profité de ma vie et la seule fois où j'ai pu sortir en bonne conscience, j'aurais dû rester chez moi.

On avait bien accroché et il se montrait gentil. On s'est mis à sortir ensemble rapidement et puis son frère est mort et c'est là que tout a changé. Ça dégénère sans accroc, il tenait à moi encore plus qu'avant comme si j'étais devenu une sorte d'obsession à ses yeux. Il fallait toujours qu'il soit près de moi pour vérifier si j'allais bien, que personne ne me faisait du mal ou quoi que ce soit, comme si lui, il était inoffensif.

Et ensuite, j'apprends quoi ? Que c'est lui qui a tué son frère, la bonne blague ! J'étais vraiment tombé sur un fou !

J'ai essayé de m'enfuir mais il avait enquêté sur moi et menacé Lheïra. Je sais que j'aurais dû porter plainte ou essayer de faire quelque chose mais je n'ai jamais rien essayé parce que j'avais trop peur. C'est un criminel de haut niveau, comment moi, je pouvais le battre ? J'étais consciente qu'il me tuait à petit feu mais peu importait pour moi, il fallait que je protège notre fille au maximum.

Avec le temps, j'ai appris en quelques sortes à le manipuler, à dire ce qu'il veut entendre pour ne pas mourir tout de suite. De toute façon, il m'aimait trop, il faut le dire. Même s'il allait voir ailleurs tous les jours, je ne sais pas pourquoi, il finissait toujours par revenir vers moi avec des mots doux, pourtant je te jure que j'aurais préféré qu'il parte pour toujours mais il était résigné.

J'ignore si c'est un problème de dédoublement de personnalité ou quoi mais outre le fait qu'il disait m'aimer tout en allant voir ailleurs, il regrettait amèrement d'avoir tué son frère tout en affirmant que c'était la chose à faire.

Il a passé tellement de nuit blanche à dire que son frère le hantait, il souffrait affreusement et en a même pleuré deux fois. Tu connais les détails, il me semble et cette histoire m'énerve, elle est tellement déloyale et bête.

Enfin, maintenant tu vois au moins dans quel genre de situation j'étais quand on s'est retrouvé. C'est la raison pour laquelle je ne pouvais rien te dire au sujet de Lheïra ou encore de ma prison dorée. En y repensant, tu es avocat et j'aurais pu t'engager si j'avais porté plainte mais encore une fois, j'avais beaucoup trop peur qu'il te tue.

Oh, enfaite, j'ai une question. Pourquoi on se comporte toujours froidement l'un envers l'autre ? C'est bizarre mais c'est comme ça depuis toujours. A part quand nous étions officiellement en couple, nous n'avons jamais rit ensemble comme il faut et je trouve ça vraiment dommage. Heureusement que mes souvenirs d'ado m'aidaient à tenir le coup. Ce n'est pas pour te faire culpabiliser mais un moment ta froideur était devenu insupportable. Pourquoi tu refusais que je t'appelle Klaus ?! Sérieusement !

Pour ma défense « Annie » était un nom que j'utilisais pour séparer ma vie personnelle à cette vie de dévergondée. M'appeler Sheyla alors que je n'ai plus rien avoir avec l'ancienne moi me donnait l'impression d'être encore plus pitoyable que je ne le pensais. Tu ne m'as jamais insulté mais tu t'es rendu compte, toi aussi, d'à quel point je suis tombé bas. Je suis désolée.

Je suis désolée que tu aies continuer d'aimer une incapable comme moi qui n'a fait que te causer du souci. Je suis désolé d'avoir profiter de ta présence au lieu de te libérer et de te faire souffrir actuellement pour une mort que j'ai organisé. Nos moments passés sont gravés en moi, ta compagnie était mon Paradis. Je t'aime tellement que ça l'air irréaliste Niklaus, je sais que tu as des défauts et des qualités mais à mes yeux il n'y a absolument rien à dire. Tu es parfait.

J'aurais voulu me voir de ton point de vue, ça a l'air tellement intéressant. Même si ta bouche ne savait sortir que des saletés, et c'est le cas de le dire, tes gestes étaient tellement attentionnés à ça, depuis que nous sommes petits mais je ne t'ai jamais remercié alors merci.

J'aurais aimé qu'on passe plus de moments à trois mais je ne voulais pas trop vous exposer au danger. Je suis quand même heureuse d'avoir pu vivre cette journée même s'il a fallu que je joue à la maman sévère tout le long, j'étais vraiment contente de vous voir enfin réuni. Ma vie me paraissait enfin « normal » même si ça n'a duré que quatorze heures.

Je peux compter sur toi pour prendre soin de Lheïra comme je ne suis plus là, pas vrai ? Je ne doute pas de tes capacités étant donné que tu es extrêmement débrouillard, j'ai juste peur que Lheïra ne te parle pas beaucoup et garde ses ressentiments pour elle. Elle est très timide et risque de se renfermer sur elle. Fait attention, s'il te plaît.

Demande-lui toujours de te raconter sa journée dans les moindres détails, si quelqu'un lui a dit quoi que ce soit de déplacé, sinon on l'a insulté ou quoi. C'est très important sinon elle ne dira rien. Je te laisse t'occuper de notre fille et j'emporte le bébé avec moi, comme ça, tu n'en as pas trop à gérer, ça marche ?

Je l'annonce un peu bizarrement mais il fallait que tu le saches, enfin, il fallait que je te le dise, que je l'écrive quelque part... Encore une fois, c'est bien ton enfant. Je ne porterais jamais un enfant d'Hinaki en moi et lui non plus ne tenait pas à avoir « un accidenté sur les pattes. » Je tiens également à préciser qu'aucun autre homme n'a déjà vu mon corps même si deux, c'est déjà trop.

Tout ce que je faisais pour les Empreintes, c'était de procurer des informations pour eux. J'avais une sorte de réseau avec plusieurs femmes qui venaient me rapportait tout ce que je voulais savoir. Quand j'y allais moi-même, je droguais la personne pour savoir ce que je voulais. Ce qui me fait penser que je te dois des excuses pour ça aussi, je suis vraiment désolé.

Hinaki me forçait souvent à coucher avec lui. Je ne sais pas si je peux appeler ça un viol. Moi, j'acceptais de le faire seulement pour protéger Lheïra et j'ai vraiment fini par détester sa compagnie. Le seul qui m'était compatible, c'était toi et ça a toujours été toi.

Tu sais Niklaus, je déteste vraiment cet homme. Je déteste vraiment ma vie. Je déteste ardemment le moment où je lui ai dit je t'aime, juste pour voir si j'allais l'aimer, juste pour essayer de t'oublier et de te remplacer. Je crois que ça a été le péché le plus grave de ma vie.

Encore une fois, ça a toujours été toi. Même si nous n'avons pas vécu un conte de fée, même si nous avons été séparés, ça a toujours et toi. Le temps n'a pas changé la nature de mes sentiments et même au-delà de la mort, je t'aimerais tout autant également. Ne soyez pas triste trop longtemps, il faut des sacrifices pour la paix et je serais heureuse si vous l'êtes.

D'ailleurs, je t'encourage à te marier. A chacun son bonheur hein. Lheïra finira par comprendre tant qu'elle ne pense pas que tu m'as « remplacé. » Ce n'est de toute façon pas comme si nous avons déjà vécu tous les trois.

Soit délicat quand tu lui expliqueras que je ne suis plus là. Je suis désolé, j'ai vraiment essayé mais je n'ai pas réussi à préparer le terrain. Elle est trop sensible, j'ai peur de la blesser et de me mettre à pleurer avec elle. C'est ma plus grande faiblesse, tu sais. Je l'ai protégé toute ma vie tout en étant celle qui la mettait le plus en danger. J'ai placé moi-même l'épée de Damoclès au dessus de sa tête et je suis maintenant obligé de me retirer pour la prendre avec moi. Je lui demande pardon, à elle aussi. Au final, j'ai été une mère pitoyable et indigne. L'amour n'est pas toujours suffisant.

Je n'ai appris que récemment la mort de Neha et toutes les raisons qui vous pousse à détruire les Empreintes. C'est trop tard mais je te souhaite mes condoléances les plus sincères. J'imagine à quel ça a dû te faire mal de perdre ta petite sœur, toi qui l'aimais tellement. J'espère que je ne te cause pas trop de peine en partant, tu mérites mieux que moi de toute façon.

J'espère au moins avoir réussi à m'immiscer dans ton cœur, j'espère que tu te souviendras de tout nos bons moments. J'espère que tu continueras à m'aimer encore un peu même si c'est une demande vraiment égoïste.

Je te souhaite bon courage pour continuer dans ce bas monde. Oh, et fait attention aux petits problèmes de filles qu'elle aura aussi. Ce n'est pas très compliqué de toute façon. Je crois que j'ai tout dit alors je te laisse. La lettre était suffisamment longue comme ça.

Merci de m'avoir soutenu quand personne n'était là pour moi.

Oh, et aussi, je t'aime, Niklaus.

Sheyla. »



Certaines parties du papier paraissaient quelque peu endommagé à cause des larmes versés par Sheyla, et maintenant, la feuille s'humidifiait à cause de moi... Comment peut-elle me remercier de l'avoir soutenu alors que je l'ai laissé tomber au moment le plus crucial ? Si je n'étais pas parti, elle n'aurait jamais eu à assumer tout ça, j'aurais pu lui offrir cette vie simple qu'elle désirait tant, j'aurais pu la rendre heureuse mais même ça, je n'en ai pas été capable...

Je plie doucement la feuille avant de la ranger dans la poche intérieure de ma veste quand j'entends la sonnerie retentir. Bien évidemment, c'était Sharona. Il n'y a qu'elle qui peut venir dans cette maison si ce n'est moi.

Elle entre rapidement étant donné que je n'avais pas fermé la porte et accompagné de Lheïra. On dirait qu'elle est toujours aussi vilaine qu'avant, c'est grave. Elle a beau avoir une faible ressemblance avec Sheyla, je ne pourrais jamais dire qu'elle est belle.



- Qu'est-ce que tu fais là, toi ?

- Ça ne te regarde pas.

- Bonjour.

- Bonjour Lheïra, tu vas bien ? je demande en m'abaissant à son niveau. 

- Oui, et toi ?

- Uniquement parce que je te vois, dis-je en souriant.



Elle essaie de se retenir d'afficher un grand sourire et détourne son regard du mien. J'ai l'impression de revoir Sheyla au lycée quand tout venait encore de commencer. J'ai envie de faire un câlin à la petite princesse devant moi mais elle n'aimera peut-être pas ça, non ? D'après Sheyla elle est très réservée et je n'ai pas envie de la brusquer.



- Elle laisse entrer n'importe qui décidément.

- Tu m'étonnes, on se demande ce que tu fais ici.

- Je suis sa sœur.

- Et donc ?

- Toi, tu n'as rien à faire ici.

- Je suis le père de Lheïra, dis-je en me relevant.

- Tu n'es qu'un criminel.

- Franchement, ton avis m'importe peu. Étant donné la manière dont tu te plaignais, j'espère que t'as ramené toutes les affaires de Lheïra ?

- T'essaies de kidnapper ma nièce, là ?

- Non, je récupère juste ma fille.

- Sheyla sait que t'es en train de faire ça ? Où est-ce qu'elle est ?! elle sort son téléphone pour l'appeler mais s'arrête immédiatement en voyant que j'ai celui de sa sœur. Qu'est ce que tu fais avec ?!

- Je vais tout t'expliquer mais Lheïra, il faut que tu...

- Elle ne fera rien et n'ira nulle part ! cri-t-elle en me coupant la parole. Pour qui tu te prends ?! Tu l'as laissé seul lors de sa grossesse, tu ne t'es jamais occupé de ta fille et maintenant tu reviens comme une fleur ?!

- Je ne savais même pas qu'elle était enceinte.

- Et alors ?!

- « Et alors ?! » Tu te fous de moi ou quoi ?! T'as clamé partout qu'il fallait qu'on se sépare, ferme ta bouche un peu !

- En plus d'être un criminel, tu l'as engrossé et t'es parti ! Elle a dû assumé Lheïra toute seule et s'est faite rejeter par toute la famille pendant que toi tu vivais facilement !

- Arrête d'agir comme quelqu'un qui aimait Sheyla ! je finis par cirer. C'est toi qui as mis au courant toute ta putain de famille ! Et t'étais même pas clean d'ailleurs mais nous, on s'est bien caché de le balancer !

- Je ne te permets pas !

- Je me sentais tellement coupable depuis tout ce temps mais enfaite, tout est de ta faute, riais-je nerveusement. Tu nous as fait perdre tellement de temps, tu ne l'as pas défendu quand elle allait se marier de force, tu nous as balancé, tu étais jalouse d'elle.

- C'est faux !

- Et pour couronner le tout, tu ne veux même plus garder Lheïra. C'est de pire en pire.

- On sait tous les deux ce qu'elle fait quand elle ne garde pas sa fille, si je veux qu'elle assume enfin ses responsabilités c'est pour son bien !

- Fait attention à tes paroles devant Lheïra si tu ne veux pas que je m'énerve. Sheyla est quelqu'un de bien et une mère dévouée, toutes ses actions, toutes ses pensées n'étaient destinées qu'à Lheïra mais ça, tu ne peux pas le comprendre. Si tu ne veux pas que je te donne une bonne raison de m'insulter de criminel, change immédiatement ta façon de parler.

- Je m'en fous de toute façon, elle n'a qu'à faire ce qu'elle veut tant que je ne suis pas impliqué.

- Elle n'a jamais eu besoin de ton autorisation. Lis ça et laisse-la sur la table avant de partir, je dis en lui passant la lettre. Tu n'as pas besoin de tout lire, le premier paragraphe devrait suffire. Elle n'a rien laissé pour toi, je l'informe avant de me diriger vers la chambre.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Lis, je t'ai dit, soufflais-je. Tu peux venir avec moi, Lheïra, s'il te plaît ?



Elle hoche simplement la tête avant de me suivre dans la chambre de Sheyla. Cette pièce aussi est parfaitement intacte. Je devrais penser à toutes nos parties d plaisir, à toutes les fois où elle riait dans mes bras mais je n'y arrive pas. La fois à laquelle je pense, c'est lorsque je suis entrée dans cette chambre et qu'elle pleurait dans un coin, complètement au bout du rouleau. L'autre enflure lui avait coupé les cheveux et l'avait terrorisé.

Je me demande sérieusement comment j'ai fait pour ne pas aller le tuer sur le coup. Layvin avait raison d'une part, même si je ne voulais pas l'avouer, je n'étais pas capable de tuer qui que ce soit à l'époque et c'est pour ça que Sheyla a souffert et qu'elle est morte.



- Tu veux t'asseoir ? elle me demande pour que je vienne à ses côtés mais je préfère m'accroupir face à elle.

- Ça ira, merci.



On se connaît à peine et je dois lui annoncer qu'elle vivra avec moi maintenant et que sa mère est morte. J'ai peur de sa réaction et si elle me haïssait ?



- Lheïra ?

- Oui ?

- Tu te demandes où est Sheyla, pas vrai ? 

- Oui, elle répond doucement.

- J'étais avec elle samedi et elle m'a demandé de m'occuper de toi.

- Pourquoi ?

- Elle souhaite que tu sois la plus heureuse possible et la plus épanouie du monde. Elle avait énormément de problème alors maintenant, c'est à mon tour de prendre le relais...

- Je veux la voir, elle dit avec une petite voix cassé comme si elle venait de comprendre la situation.

- Je suis désolé mais ça ne sera pas possible... Sheyla avait un cancer, j'avale ma salive doucement à cause de mon mensonge. On était en train de dîner et tout était parfait jusqu'à ce qu'elle ait un coup de fatigue... Elle parlait calmement, je ne m'étais pas rendu compte qu'elle disait ses derniers souhaits... J'ai essayé d'appeler les ambulances mais elle m'en a empêché et j'ai compris que... C'était trop tard... dis-je doucement.



Ce mélange de vérité et de mensonge me dégoûte et pourtant, je ne me résous pas à lui dire la vérité. C'est trop cruel et elle est trop jeune pour que je lui dise la vérité. Je crois même que je ne lui dirais jamais, il n'y a rien de bon à en tirer.

La seule vérité que je peux lui dire, c'est que Sheyla est morte avec le sourire et que j'aurais aimé mourir à sa place pour qu'elles puissent de nouveau vivre ensemble. Si nécessaire, j'aurais même aimé que Sheyla lui mente que je suis de nouveau parti comme un moins que rien mais malheureusement, la situation est beaucoup plus grave que ça.



- Elle est morte ? elle demande en se mettant à pleurer. Maman ne reviendra pas ?!

- Lheïra...

- Pourquoi elle m'a laissé ? Et toi ? Pourquoi tu reviens, maintenant ?

- Je suis désolé...

- J'aurais voulu être avec maman jusqu'au dernier instant ! Elle a toujours tout fait pour que je ne manque de rien, elle travaillait tout les jours ! Elle me laissait avec tata Sharona et je le supportais parce que je savais qu'elle n'avait pas le choix ! Toi, tu nous as abandonné alors pourquoi c'est avec toi qu'elle était ?! Pourquoi elle est morte sans même passer une dernière soirée avec moi ?!



Je vois, alors elle est mature à ce point là... Elles s'aimaient toutes les deux au point de se sacrifier l'une l'autre. Autant Sheyla supportait la présence d'Hinaki pour ne pas faire souffrir Lheïra, Lheïra, elle, supportait de ne pas vivre avec sa mère pour ne pas « embêter » Sheyla. Elles s'aimaient tellement qu'elles sacrifiaient leur bien-être pour se protéger mutuellement.

Elle m'en veut peut être d'être partie mais actuellement, ce n'est pas ça qu'elle me reproche. Elle me blâme pour lui avoir voiler les dernière instants de sa mère et je la comprends parfaitement. J'ai perdu ma mère au même âge et j'aurais n'importe quoi, moi aussi, pour passer une minute de plus avec elle.



- J'aurais voulu la voir une dernière fois ! Je voulais lui dire que je l'aime et que je ne lui en veux pas pour tout ce temps perdu ! elle se met à pleurer de plus en plus fort. Alors pourquoi c'est avec toi qu'elle a préféré être ?! Pourquoi elle est morte comme ça ?! Elle savait qu'elle allait mourir mais elle a préféré passer ses dernières journées avec toi ?! Je ne méritais pas le reste de son temps ?

- Bien sûr que si ! j'essuie mes larmes rapidement avant de relever la tête. Elle s'affaiblissait de plus en plus et elle ne voulait pas que tu la vois comme ça, c'est tout mais ne doute jamais de Sheyla ! Elle t'aimait plus que tout, plus que n'importe qui !

- Je veux la revoir...

- Je suis désolé, dis-je avant de la prendre dans mes bras.



Son humilité m'impressionne et me fait tellement de peine en même temps. Contrairement à moi, à son âge, Lheïra pleure parce qu'elle ne pourra plus jamais exprimer son amour à sa mère, elle aurait voulu être avec elle jusqu'à ses derniers instants pour profiter d'elle. Alors que moi, je pleurais de manière égoïste parce qu'il n'y avait plus personne pour s'occuper de Neha et moi. Je pensais qu'on dormirait à la rue alors malgré les promesses d'avenir de notre oncle. J'en ai longtemps en voulu à mes parents de façon injuste.

Elle continue de pleurer et de déverser sa haine encore un bon moment avant de s'endormir. Et dire qu'elle vivra maintenant avec cette tristesse jusqu'à le reste de sa vie et je ne sais même pas comment la soutenir, on dirait un retour vers le passé... Neha était toujours positif, peut être que je devrais en faire de même ? Je n'ai pas trop le choix de toute façon.

Il vaut mieux que je quitte cette maison maintenant, j'ai fait tout ce que j'avais à faire.





- Je te ramène chez moi. On ira récupérer tes affaires plus tard, ça marche ?

- Oui.



Après un petit moment passé sur le lit de Sheyla, nous avons fini par s'en aller. Je ne voulais pas réveiller Lheïra alors je l'ai porté jusque dans la voiture mais elle s'est réveillé dès qu'on a pris la route.

On venait d'arriver au début de la rue quand j'ai pu remarqué l'étrange fumée qui s'échappait du bâtiment. J'accélère et me gère n'importe comment avant de demander à Lheïra de bien rester dans la voiture pendant que je vais voir ce qu'il se passe.



- Non, et si tu mourrais ?! elle demande paniqué.

- Je ne mourrais pas, les pompiers sont déjà là de toute façon, dis-je pour la rassurer. Shiloh est peut être encore là bas, il faut que j'aille voir.

- Mais c'est qui Shiloh ?

- Je te dirais tout plus tard, il faut que j'y aille ! criais-je avant de l'enfermer dans la voiture et courir jusqu'au bâtiment.



Plus de cinq camions sont là pour étreindre le feu tandis que l'évacuation a déjà commencé. J'ai beau regardé partout, je ne vois Shiloh nulle part et j'ai peur qu'il soit encore à l'intérieur. L'incendie a commencé il y a une quinzaine de minutes à mon avis mais ce n'est pas normal que je ne le vois nulle part.



- Excusez moi, est ce que vous avez vu un enfant petit comme ça, je fais avec ma main, et il a cinq ans ! C'est mon neveu, il était à l'intérieur de l'appartement avant que l'incendie ne commence !

- Je demande immédiatement à mes collègues, monsieur, dit-il avant de prendre un genre de talkie-walkie. On vient de me signaler qu'il y aura un enfant de cinq ans à l'intérieur, vous l'avez déjà trouvé ?

- Il y avait bien un enfant mais il est parti à l'hôpital avec sa, répond son collègue.

- C'est un enfant de peau noire et...

- Non, il a la peau matte. Il a les yeux assez clair et les cheveux de couleur châtains, trouvez le s'il vous plaît !

- Je vais faire tout mon possible, il dit avant d'enfiler son casque et de foncer à travers les flammes.



Comment un tel incendie a pu arrivé ? Le bâtiment est presqu'en ruine alors pourquoi Shiloh n'a toujours pas été retrouvé ? Pourquoi aujourd'hui, comme par hasard quand personne n'était disponible pour le garder et qu'il m'avait promis que tout irait bien si on le laissait seul ?

Les malheurs ne font que s'enchaîner, on dirait que le karma s'amuse, c'est de pire en pire. Layvin se blâmera encore quand il entendra parler de ça, il deviendra facilement fou en se sentant coupable tout comme je l'ai fait un peu plus tôt alors je ne peux pas l'appeler pour l'instant, pas maintenant alors qu'il vient juste de retourner Jadina.

Ça a l'air improbable mais j'espère que Shiloh n'est pas gravement blessé et qu'il nous reviendra vite. Il vaut mieux de toute façon, sinon on aura plus d'un problème avec ses parents...
























Layvin



Ça fait à peine une minute que je marche mais j'ai l'impression que je ne vais jamais arriver devant la primaire et une fois devant, la cloche ne se décide pas à sonner. Une boule au ventre finit par s'installer dans mon ventre à cause de l'attente.

Avant de mourir, Annie m'avait donné un dossier qui comportait tout ce que je devais savoir sur la vie de ma mère et de ma fille. C'est dans ce dossier que j'ai appris que ma mère avait perdu la vie a cause d'un cancer dont elle n'avait pas connaissance.

Je crois que je ne réalise pas encore. J'ai l'impression que l'information est erronée, qu'elle se trouve dans un bel endroit loin de toutes mes histoires. J'ai encore l'impression qu'elle m'a abandonné parce qu'elle ne supportait plus la pression d'avoir un fils en prison. 

J'ai toujours essayé de bien me comporter avec elle étant donné que nous avons toujours été tout les deux mais il faut croire que j'ai fini par devenir un mauvais fils. Je n'arrive pas à croire qu'elle est morte depuis aussi longtemps et que je n'étais même pas au courant, que je n'avais même pas cherché après elle, c'est horrible...

La vengeance m'aveuglait à un point où je ne pensais qu'à elle. Je me suis fait renvoyé il y a quelques jours pour une raison douteuse et je n'ai même pas cherché à me justifier ou à rechercher une façon de gagner ma vie. Tout ce qui m'intéressait, c'était de tuer toutes les Empreintes.

Dire que cette femme a tout donné pour moi, elle s'est même occupé de ma fille et je n'ai même pas eu le temps de la remercier convenablement... Je suis vraiment désolé maman...

J'ai toujours fait mon possible pour ne pas être un fardeau pour elle et pour pouvoir lui rendre la pareille plus tard mais c'est tout le contraire qui s'est passé. Je voulais qu'elle prenne sa retraite jeune et que je puisse l'entretenir à mon tour mais au lieu de ça, je suis allé purgé une peine qui n'est pas la mienne.

« La malédiction » que les autres prisonniers m'avaient attribués ne fait que s'affirmer. Quelques doutes persistent quant à sa véracité mais tout ce que je vie est réel. Mon père est mort quand j'étais très jeune et ma mère a dû m'élever en tant que mère célibataire. Aujourd'hui, j'apprends qu'elle est morte en s'occupant de ma fille et Neha, elle, est morte sous mes yeux.

Je portais malheur aux gens autour de moi sans même m'en rendre compte et à cause de ça, j'étais réticent à retrouver Jadina mais je ne peux tout simplement pas l'abandonner à cause d'une simple superstition.

La sonnerie de la cloche me sort de mes pensées mais le temps continue de passer aussi lentement. C'est la première fois que je viens devant la grille de son école, même quand elle était petite, je n'y allais pas parce que je n'avais pas le temps. Ma boule au ventre persiste jusqu'à ce que je la voie arrive.

Un sourire se forme automatiquement sur mon visage alors que j'avance vers elle pour la saluer. J'ignore les multiples questions des enseignants pour m'accroupir face à elle et lui demander :



- C'est bien toi, Jadina ?

- Papa ! elle saute dans mes bras presque instantanément et je la fais tournoyer comme dans un film hollywoodien.

- Tu m'as tellement manqué ! je finis par dire en la serrant dans mes bras.

- Tu m'étouffes !

- C'est si grave que ça ? je ris en la lâchant un peu. T'as tellement grandi pourquoi tes joues sont aussi grosses maintenant ? Tu fais un concours pour ressembler à un hamster ?

- Mais non ! J'ai toujours été comme ça.

- Pourtant j'ai l'impression que t'es devenu encore plus jolie, dis-je en lui embrassant le front.

- Ça, c'est sûr.

- Tu vas bien ? Je n'arrive pas à croire que tu ne m'as pas oublié. Qu'est-ce que tu as fait pendant que je n'étais pas là, dis-moi ? Les gens qui s'occupent de toi sont gentils ? Je te récupérerais dans quelques temps, je te le promets, alors attends-moi encore un peu s'il te plaît. 

- Oui papa, tout va bien ! J'ai une photo de maman et toi dans mon sac, grand-mère me l'a donné en me demandant de ne pas vous oublier ! Je savais que vous n'étiez pas morts !

- « Vous » ?

- T'étais où, papa ?

- C'est compliqué.

- Et maman, elle est où ?

- « Maman » ? je répète en la regardant bizarrement.

- Elle n'est pas avec toi ?

- Non, tu ne te souviens plus ?

- De quoi ?



Comment a-t-elle pu oublier ça ? Qu'est-ce qu'il s'est passé pendant que je n'étais pas là ?



- Tu ne te souviens vraiment de rien ? je demande une déco de fois tellement ça me parait improbable.

- Me souvenir de quoi, papa ?



Est-ce qu'elle aurait perdu la mémoire ? Je ne vois que ça comme explication, autrement c'est impossible qu'elle puisse ignorer la mort de sa mère. Neha est morte devant elle après tout.

Ma fille me regarde avec insistance et m'interpelle une centaine de fois comme pour me sortir de mes pensées mais tant que je n'aurais pas d'excuse valable, je refuse d'ouvrir la bouche. Je pourrais bien dire qu'elle est au travail mais et ensuite ? Je n'ai pas envie de mentir à rallonge, ni de lui annoncer ça comme ça, du coup je ne sais pas quoi faire.

- Papa !

- Attention ! je cris en essayant de la prendre dans mes bras mais ma réaction est beaucoup trop lente.



Rapidement, j'aperçois du sang sortir du corps de ma fille comme de l'eau sortant d'un robinet. J'avais été trop lent et perdu dans mes pensées, ma réactivité avait comme était annulé. Le fusil avait fait un bruit sourd et je ne m'y connais pas assez en arme pour dire quel genre d'arme elle a utilisé mais ce qui est dur, c'est qu'elle sait s'y faire et la balle a transpercé les poumons de Jadina avant même que je ne m'en rende compte.

Tout s'est passé très rapidement, le bruit a à peine eu le temps de m'alerter que je tenais déjà ma fille ensanglantée dans mes bras. Le désespoir m'envahit rapidement alors que mon regard fixe celui de mon ex-alliée : Nayla.

Je distingue parfaitement sa silhouette sur ce grand immeuble au sud-est de ma position. Son regard froid et hautain me donne envie de la tuer, c'est d'ailleurs ce que j'aurais dû faire avant de venir et c'est ce que je vais faire dans très peu de temps pour que ni elle ni qui que ce soit ne puisse faire du mal à ma famille, pour que plus jamais elle ne se tienne au-dessus de cette façon aussi arrogante, mais pour l'instant il y a plus important.



- Papa, aide-moi...

- Dina, tiens le coup, je t'en supplie ! Ne meurs pas ! je cris en appuyant sur sa plaie. Que quelqu'un appelle une ambulance !



J'entends ma petite fille criait et pleurait de douleur pendant que j'ose implorer Dieu de la maintenir en vie. Je sais que j'ai commis de nombreux péchés récemment et que je ne suis pas digne de me présenter devant le Seigneur, je sais que je suis trop sale mais je n'ai pas d'autres choix. Je me sens vaincu, si Jadina s'en va, j'aurais tout perdu. Elle n'a rien avoir avec cette histoire alors s'il vous plaît, faites qu'elle survive sinon tout ce que j'ai fait aurait été vain.

Si Jadina meurt alors je n'aurais plus aucune raison de rester en vie.





Jadina est entré dans en salle d'opération depuis quelques minutes maintenant et je n'ai toujours pas de nouvelle. Je stresse, tous mes membres tremblent et j'ai l'impression que je peux m'écrouler à tout moment si personne ne vient me dire que tout va bien.

Je n'ai ni le courage ni la force d'aller en finir avec Nayla maintenant mais je jure que je m'occuperais de son cas avant la fin de la semaine et aussi cruellement que possible.

Comment a-t-elle pu essayer de m'attaquer comme ça ? Devant autant de monde ? Dans une primaire, bon sang ?! Elle voulait sûrement me toucher mais était-ce vraiment le moment approprié ?! Jadina a déjà trop souffert à cause de son viol, elle a vu sa mère mourir et je ne veux pas qu'elle assiste à ma mort aussi ! Elle n'a que huit ans, elle est censée croire au père noël, pas au ghetto !



- Et merde, soufflais-je. Tout est de ma faute.



Si seulement j'avais été un peu plus patient et que je n'étais pas allé la voir, mais comment j'aurais pu attendre ? C'était le dernier jour d'école aujourd'hui et j'ignore où elle aurait passé ses vacances avec l'orphelinat.

Tout est toujours trop compliqué et imprévisible, j'en ai assez... Ma vie a basculé depuis cette nuit-là, c'est à cause de tout ça que j'en suis là aujourd'hui, que je suis détruit. Si seulement, je pouvais remonter le temps et empêcher tout ça d'arriver mais c'est impossible.

Notre soirée avait commencé simplement comme toutes les autres. On devait partir en week-end en Allemagne le lendemain alors Jadina s'était couché tôt. Je voulais prendre la route le soir mais Neha était contre alors nous avions décidé de partir à neuf heures du matin.

Si seulement, nous étions parties le soir comme prévu.



- Elle dort ? je demandai à Neha.

- Oui, il faut bien ! Je tiens à tout prix qu'on aille en week-end, demain, elle répond en s'asseyant.

- Tu sais, chez moi, on dit qu'il faut rester discrète quand on a un ventre énorme.

- Eh ! D'abord il n'est pas énorme et c'est ton enfant qui est dedans ! Ensuite, je ne pense pas qu'il est utile de te préciser que ton avis va me pousser au suicide !

- Mais Neha, riais-je un peu. Il faudrait que t'arrêtes de dire ça, et si notre enfant t'entendait ?



Neha avait un avis bien particulier sur le suicide. D'après elle, ce n'est ni ridicule ni une mauvaise chose mais seulement la dernière solution de ceux qui n'en ont plus. Elle appelait ça « le courage des vaincus. »



- Tu m'aimes toujours, Layvin ? demanda Neha.

- Je pensais que ça importait peu ?

- Je veux savoir, dit-elle en caressant son petit ventre enrobé avec une petite voix.

- Ce n'est pas grave si tu manges beaucoup, tu sais.

- Je ne mange pas beaucoup, je mange pour deux.

- Enfaite, comment tu vas faire si le bébé n'arrive pas à sortir parce qu'il est trop gros à cause de tout ce que t'empiffres ?

- Oh... elle se met à pleurer rapidement en fixant son ventre. Il ne va pas vivre dedans toute sa vie pas vrai, Layvin ?! Qu'est qu'on peut faire ?! elle releva comme une petite. Je fais un régime ?!

- Je t'aime Neha, je dis en riant de bon cœur. 

- Beaucoup ?

- Abondamment.

- Abondamment, c'est avant ou après à la folie ?

- Je ne sais pas, soupirais-je en me rendant compte qu'elle ne va jamais s'arrêter.

- Tu ne sais pas mesurer ton amour ?

- Non, il y en a trop.

- Alors c'est après ?

- Je ne sais pas.

- Je t'aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, abondamment ?

- Exactement.

- Moi aussi, Layvin !



Autant que j'aimais la faire flipper, Neha aimait me rendre fou pour ce genre de détail dont elle s'en fiche royalement.



- On regarde un film d'horreur ?

- Ne perd surtout pas les eaux.

- Self-contrôle, t'inquiète.

- Okay, femme.



Ce soir-là, elle avait décidé de regarder un film d'horreur. Personnellement, je ne les ai jamais vraiment aimés mais avec Neha, c'était différent. Elle criait tellement en le regardant que moi, je passais mon temps à rire. Je trouvais ça assez amusant de la taquiner et aujourd'hui, ça me manque de ne plus pouvoir le faire.



- Je crois que j'ai entendu un bruit...

- T'as juste un peu peur.

- Non, je suis sérieuse, Layvin.

- Moi aussi, je dis avant de me retourner brusquement quand j'entendis un verre se casser. Tu te crois drôle ? demandais-je en la toisant.

- Je te jure que ce n'est pas moi, ria-t-elle.

- Tu te fous de moi ?

- Il y a de quoi, oui, mais ce n'est vraiment pas moi.

- C'est vrai, c'était moi.



Cette entrée pitoyable qu'avait fait Nail et son groupe avait réussi à nous effrayer sur le moment. Comment ne pas avoir peur face à des hommes armés jusqu'aux dents qui ont réussi a pénétré dans MA maison ? A quoi ça servait d'habiter dans un pavillon situé dans une résidence privée sans aucune sécurité ?!

L'oncle de Neha avait insisté pour que j'apprenne à tirer mais je n'ai jamais été vraiment doué à ça. Je possédais bien une arme mais elle était très loin de la scène de crime et me défendre face à eux paraissait impossible.



- Qui êtes-vous ? demandais-je après m'être levé.

- Personne de très important. On veut juste votre peau.

- Layvin, je... panique Neha.

- Calme-toi, je lui demandai doucement.



Neha était assez excessif dans tout ce qu'elle pensait, dans tout ce qu'elle faisait. Son pire cauchemar était de mourir dans un cas criminel, ce qui impliquerait que des tas de personne analyseraient son corps qui sera pris comme une pièce à conviction. Elle disait carrément qu'elle préférerait se suicider que de laisser son corps subir ce genre de chose. Malheureusement pour nous, c'est exactement ce qu'il s'est passé et je n'ai rien pu faire pour les en empêcher étant moi-même le principal suspect de son meurtre.

J'essayais de garder la tête froide dans cette situation complètement malade. Je savais que si Neha apprécierait une once de peur dans mon regard, elle se mettrait immédiatement à pleurer alors j'ai essayé de rester aussi fort que possible mais il n'y avait même pas un couteau à proximité pour que je puisse me défendre.



- Je ne sais pas ce que vous recherchez mais on ne possède rien de grande valeur, il aurait mieux valu cambrioler les voisins d'en face.

- Ta vie misérable me suffit, dit Nail en s'approchant de moi. Tu descends de l'homme qui a tué ma femme alors ton cœur a plus de valeur que tu ne le crois.

- Ça aurait pu être une belle phrase s'il ne voulait pas nous tuer... chuchote Neha.

- Vous devez faire erreur. Mon père était un homme droit.

- N'importe quoi, rit Iker.

- Tu penses vraiment qu'on va te croire et qu'on va partir ? Puis quoi, on retrouve nos portraits robots placardés dans toute la ville ? demande Hinaki.

- Alors, c'est la fin, Layvin ? me demande Neha.

- Pas pour toi. Restes calme...



Je voulais vraiment croire qu'une solution existait mais ils sont rapidement devenus très violent. « Si je pouvais au moins sauver Neha et Jadina quitte à me sacrifier, ce serait déjà pas mal. » Voilà ce que je pensais mais rien ne s'est passé comme je l'avais prévu.

Ils sont très rapidement devenus violents et se sont mis à nous menacer. Ils n'ont jamais caché leur attention de nous tuer mais j'ai essayé de « coopérer » pour gagner du temps. J'espérais un retournement de situation digne d'un film alors même qu'ils avaient liés mes poings pour que je ne puisse pas me défendre.

Ils disaient qu'il fallait que je paie pour les fautes de mon père alors que je n'ai jamais eu le temps de le connaître. Je sais maintenant qu'ils me prenaient enfaite pour Niklaus et qu'au passage, ils pensaient qu'il était le fils d'oncle Jaden.



- Qu'est-ce que tu fais ? Éloigne-toi d'elle, j'avais dit calmement lorsqu'Hinaki avait posé ses mains sur les épaules de Neha.

- Pourquoi je t'écouterais ? Tu ne peux même pas te défendre.

- Détache-moi que je puisse te montrer comment je me défends et que je te défonce si t'es un homme.

- Je ne vais pas faire la bêtise de te détacher alors que je peux te frapper maintenant et sans recevoir la moindre égratignure, il déclare avant de me frapper avec la poignée de son revolver.

- T'es fière de toi ? je lui demande avant de lui crachée dessus.



Il m'avait suffi de quelques secondes pour comprendre qu'Hinaki était le plus susceptible de la bande. Il parlait trop, même beaucoup plus que le chef. Il cherchait à tout prix à prouver qu'il était là, comme un enfant qui cherchait à faire sa place parmi les grands.

J'avais senti le coup passé, bien sûr, mais tant que son attention était détournée de Neha, tout allait bien. J'avais au moins réussi à la préserver pour le moment.

Il essaya encore une fois de me mettre un coup mais ça aurait vraiment été idiot de me faire avoir encore une fois alors je l'ai simplement évité avant de lui mettre un coup de pied bien placé. Je sais que c'est déloyal d'autant plus que je suis moi-même un garçon mais il n'y avait que ça à faire.



- Ça suffit, dit le chef. J'ai des questions à te poser.

- Quoi ?

- T'es le fils de Jaden Shadary ?

- Shadary ? je dis en regardant brièvement derrière moi comme à chaque fois que je mens. Non, c'était un ami à mon père. Pourquoi on parle de lui, là ?

- Ami de ton père ? il demande en riant nerveusement. Tu te fous de moi ? Tu passes autant de temps avec un ami de ton père, toi ?

- « Autant » ?

- Ça fait des semaines que t'es pisté et tu crois que tu peux me mentir ?



Il était tellement confiant que c'en était désolant. La qualité de leurs informations avant l'arrivé d'Annie était vraiment pitoyable.



- Je ne crois rien du tout.

- Tu me prends pour ton petit ou quoi ?! avait-il dit en riant nerveusement.



Je me souviens, ses veines du front ressortaient tellement qu'elles accaparaient toute mon attention. Je me rappelle, je pensais qu'il allait bientôt exploser mais je ne pouvais pas prendre le risque d'attendre alors j'ai simplement détourné le regard. Il valait mieux que je n'énerve pas trop le chef, c'est lui qui avait la plus grande haine à mon égard après tout.



- Tuez-moi si vous pensez que ça peut le faire venir mais laissez ma femme tranquille.

- T'es trop arrogant, t'as pas encore compris que ce n'est pas toi qui décides ?

- Je vous donnerais tout ce que je possède si vous voulez mais laissez là partir.

- Ce n'est pas négociable, tu ne comprends pas ?!



Sa voix commençait à monter rapidement sans aucune raison valable. Je proposais pourtant un deal honnête mais il était obsédé par la mort de ma famille. J'avais beau me creuser la tête, je ne trouvais aucune solution. Je pensais que tout le monde était achetable mais ces gens là n'avaient pas de prix et c'était le plus terrible.



- Alors servez vous de moi pour l'attirer, faites ce que vous voulez de moi. Je ferais n'importe quoi tant que vous les laissez s'en tirer !

- Arrête de dire ça, Layvin ! cri Neha en pleurant. Ce n'est même pas de ta faute tout ça !

- Oui, mais ça devient de ma faute si je n'arrive pas à te protéger, avais-je répondu en chuchotant.

- Le quatrième homme est parti faire une ronde... avait-elle dit d'une façon inquiète et paniqué.



C'était la première fois que je voyais ma femme avoir un air aussi inquiétant. Ma conversation avec le chef avait détourné mon attention et Iker était allé faire un tour sans que je ne me rende compte.

Il faisait un tour pour inspecter la maison et vérifier qu'il n'y avait aucun micro ni aucune caméra mais malheureusement il avait trouvé celle qui avait le plus de valeur pour nous : Jadina.



- C'est pas toi qui a dit que tu donnerai tout ce que t'as ? On se sert simplement, répond Pablo.

- Si vous touchez à ma fille, soyez sûr que je vous le ferais payer au centuple. Même mort, je vous le ferais regretter.

- Même mort ? rit Hinaki. Je me demande bien comment tu feras.

- Je trouverais bien un moyen, crois-moi.

- Être hanté m'a l'air interessant, et si j'essayais ?



Niklaus m'a raconté qu'il se sentait hanté depuis la mort de son frère, comme quoi au final il a eu ce qu'il voulait.

J'allais répliqué quand j'aperçu ma petite fille sortir de sa chambre accompagnée de son assaillant. Je me souviendrai toute ma vie de l'expression qu'elle a eu ce soir là. L'étincelle qu'elle avait habituellement dans ses yeux n'était plus et son boitement inhabituelle m'inquiéta sur le coup. J'avais peur de réaliser ce qu'il lui était arrivé, mon imagination était même ridicule à mes yeux, elle n'avait que quatre ans.

J'essaya de l'appeler quelque fois mais elle ne répondait pas, comme si elle était perdu dans ses pensées. Rapidement, je pu me rendre compte qu'elle pleurait silencieusement depuis tout à l'heure. Il l'avait  complètement brisé.

Neha avait sûrement compris et c'est sûrement pour ça qu'elle s'est mise à pleurer quand elle a vu notre petite fille. Iker avait également dit quelque mots, à mon avis, replacé mais j'étais trop choqué sur le coup pour lui purger attention. Ce genre d'homme me dégoûte.



- J'ai peur Layvin... chuchote Neha en tenant son ventre.

- Détachez-moi ! Prenez moi à quatre si vous le voulez, je vous tuerais tous et toi en premier, enculé ! je cri en me levant malgré mes chevilles liés par la corde. Comment t'as pu toucher une gamine de quatre ans ?! Viens-là que je te fous en l'air ! 



Pour dire la vérité, j'avais pris cette situation beaucoup trop à la légère. J'étais beaucoup trop calme pour une situation aussi urgente, je suis quelqu'un de trop lucide qui accepte facilement la mort quand elle est devant moi mais Neha et Jadina ne méritaient pas ça.

Jadina s'est faite violé sous mon propre toit alors même que je me trouvais dans la pièce d'à côté mais je n'ai pas pu empêcher ça. J'étais réellement prêt à mourir pour les protéger mais quitte à le faire, autant que le chef crève avec moi sinon ça n'aurait servi à rien.



- Je vais te tuer ! je cri en essayant de le frapper avec la chaise qui était sur mon dos mais peine à le toucher. Tu t'en sortiras pas comme ça !



En y repensant, j'étais complètement ridicule et désespéré. Le fait que je ne puisse pas me défendre me rendait encore plus frustré et nerveux que d'ordinaire.



- Eh, fait attention avec ta chaise. Tu pourrais me blesser, ce serait dommage.

- Quelle bande de faiblards, retirez là moi que je puisse me défendre comme il faut !

- La ferme, tu me soules là ! hurle le chef d'un coup. Tu n'es pas en position de te plaindre alors ferme ta gueule ! J'en ai assez que tu te sacrifies depuis tout à l'heure pour ta femme, que tu t'énerves pour ta fille ! il avait crié en me poussant par terre. Tu croyais pouvoir les sauver ?! C'est tout le contraire ! il cri en se rapprochant de Neha.

- Qu'est ce que vous faites ?! elle cri en essayant de reculer. Layvin !

- Laissez là tranquille !

- Je t'ai dit que je n'avais pas d'ordre à recevoir de ta part !



Toutes mes supplications, tous mes pleurs semblaient être de la provocation aux yeux de Nail. Je ne sais toujours pas à quel moment son poignard est apparu sur sa main, Neha criait mon nom pour que je l'aide mais je n'arrivais même pas à me relever et les yeux rivés sur la scène, je l'ai vu mourir.

Il l'avait tranché sa gorge comme si de rien était avant de se mettre à crier comme un fou contre moi, me blâmant. « T'aurais mieux fait de te taire. » « Peut être que ton père sortira de sa cachette comme ça. » et pleins d'autres que j'entendais à peine parce qu'à cet instant précis, je me souviens que j'avais perdu l'ouïe. 

Jusqu'aujourd'hui, je reconnais avoir une part de responsabilité dans la mort de ma femme mais il n'est pas juste de dire que c'est de ma faute car ce n'est pas moi qui tenait cette arme.

La dernière expression de Neha était misérable. On dirait qu'elle appelait à l'aide jusqu'au dernier moment de sa vie.

Je pensais faire un cauchemar, tout ça me semblait trop irréel. Ma femme inanimée sur cette chaise, ce chef de gang qui me blâme, ses trois hommes qui me regardent, ma fille complètement brisée et moi, au fond du gouffre... Tout ça n'avait pas l'air réel.

Mes larmes coulaient seuls et, je ne sais pas pourquoi, mais j'ai hurlé un certain temps en regardant le corps de ma femme. Ma poitrine me brûlait comme si mon cœur se consumait, ma douleur est si indescriptible que plus aucun mot ne sortait de ma bouche. Je pleurais. On aurait dit un bébé de six mois qui n'avait pas mangé mais mes raisons étaient bien plus grave. Ma femme est morte ce jour là et encore une fois, je n'ai rien pu faire.

Jadina, qui n'avait aucune force, s'approcha doucement de sa mère pour la prendre dans ses bras. Elle, qui n'avait pas dit un mot depuis son entrée dans la pièce, ne cessa de lui demander si elle va bien, si elle l'entend, si elle pouvait lui répondre et tout ça en pleurant. Nous étions tout les trois tellement misérables.

Nail était comme ennuyeux par la situation et a décidé de sortir. Il ne restait plus que moi, Jadina et Pablo qui devait finir le travail. Ma fille pleurait toujours dans les bras de sa mère et était complètement vulnérable. J'avais peu de force mais je me suis rapproché d'elle pour la prendre dans mes bras et tentait de la protéger.

Il aurait dû nous tuer tout les deux mais par mesure de précaution, je préférais qu'elle ne me voit pas mourir. Elle avait déjà beaucoup trop souffert.



- Détends-toi, je ne vais pas te tuer.

- Quoi ?

- J'ai bien compris que tu n'es pas Niklaus, tu es le fils de Lynn Kadiri, pas vrai ?

- Comment tu connais...

- C'est une longue histoire mais je lui en dois une alors je ne peux pas te tuer. Tu lui ressembles comme deux gouttes d'eau, voilà qui t'as sauvé.

- Pourquoi tu n'as rien fait ?!

- Il n'allait pas te tuer de toute façon. Tu n'étais pas sa cible. Il comptait tuer fa femme pour que tu te révoltes et face appel à Jaden et c'est là qu'il aurait agi.

- Quoi ?!

- Tout ça est une histoire de vengeance qui n'a pas de fin. Ton oncle a tué Madame de la même manière que cette femme aujourd'hui, devant lui et sa fille et maintenant il se venge, c'est normal, non ? Tu voudrais pas te venger, toi ? En tout cas, c'est pour ça que je ne veux pas me marier.

- Pourquoi tu me dis tout ça ?! Comment tu connais mon père ?! T'es qui, à la fin ?!

- On se reverra sûrement après ton séjour en prison. Viens me voir quand tu seras devenu assez fort.

- Et pourquoi j'irais en prison, même ?!

- Tu poses trop de questions.



Pablo avait simplement posé un mouchoir sur l'ensemble de mes voies respiratoires supérieures pour que je m'endorme et je suppose qu'il avait fait pareil avec Jadina avant de se mettre au travail.

Niklaus ne l'avait pas mentionné dans son dossier mais Pablo a la capacité effrayante de maquiller une scène pour faciliter une accusation à tort et c'est exactement ce qu'il m'a fait.

A mon réveil, je me trouvais toujours au salon mais tout avait changé. Ni moi ni Neha ne nous trouvions attachés à une chaise. J'étais allongé sur une chaise comme si de rien était alors que le corps de Neha reposait au sol. Jadina n'était pas là mais à sa place, une tonne de policiers inspectait ma maison.



- Ce n'était pas facile de vous réveiller, soupire la policière.

- Qui êtes vous ?

- L'agent Smith, elle dit en montrant sa plaque. Layvin Kadiri, vous êtes en état d'arrestation pour viol et meurtre prémédité. Vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous direz pourrait être retenu contre vous.

- Ils ont tué ma femme et violé ma fille, je lui dis doucement. Je n'ai rien pu faire...

- Par « il », vous parlez de vous-même à la troisième personne ?

- Mais ça ne va pas ou quoi ? Puis, vous êtes qui vous ? Ce n'est pas moi qui ait tué Neha, c'était ma femme !

- Il y a beaucoup d'hommes qui tuent leur femme.

- Et donc parce qu'il y en a « beaucoup » je fais partie du lot ? Je vous dis que ce n'est pas moi !

- Le meurtre reste suspect étant donné que nous n'avons pas trouvé l'arme mais n'importe quel couteau de cuisine ferait l'affaire. En tout cas, le viol de la petite fille ne restera pas impuni.

- Vous m'accusez de quoi, là ?! avais-je crié en réalisant la situation.

- Nous allons ouvrir une enquête mais pour le moment il vaut mieux que vous gardiez le silence.



Cette femme affreuse m'énervait à cause de ses doutes. Je ne sais pas si j'aurais fait pareil à sa place mais à mes yeux, elle ressemblait à la blonde dans « Dans leurs regards », tout ça était un vulgaire coup monté. Aujourd'hui, j'en viens même à me demander si ce n'est pas une amie de Pablo.

Cette situation a duré environ deux mois. Elle était déterminée à me faire tomber pour meurtre préméditée mais il n'y avait aucune preuve assez tangible. Mon avocat avait supposé un suicide de la part de Neha pour que je puisse m'en sortir, le nom des Empreintes n'est pas apparu une seule fois au cours de l'enquête.

J'ai été accusé de viol sur ma propre fille et j'ai pris quatre ans ferme. J'étais la risée de la ville entière, les rumeurs s'accentuaient de jour en jour. Comme quoi, je m'étais marié à Neha pour son « argent. » Cette théorie est tellement ridicule quand on sait qu'elle avait refusé l'argent sale de son oncle et qu'on a longtemps galéré quand Jadina est née.

Ma mère m'envoyait parfois des lettres mais c'était très rare. Elle n'est jamais venu me voir et même si elle croyait en mon innocence, elle refusait catégoriquement de poser le pied en prison. D'une certaine manière, j'ai toujours été un fardeau pour elle. Dehors, tout le monde la dévisageait à cause de moi. Mes tantes m'appellent « l'enfant du démon » depuis toujours parce qu'elles n'aimaient pas mon père. Je n'ai jamais su pourquoi elles le détestaient autant. Elles lui ont même reprochés d'être mort, c'est ridicule.

D'ailleurs, j'avais complètement oublié la conversation que j'avais eu avec Pablo. D'où connaissait-il mon père et pourquoi lui devait-il une faveur ? C'était il y a combien d'années, tout ça, exactement ?

Normalement, Pablo n'est pas encore mort mais je ne crois pas qu'il répondra mes questions tranquillement. Il m'avait directement reconnu en tant que fils de Lynn Kadiri alors que mon père est mort il y a environ 25 ans, est-ce que ça veut dire que la fois où on s'est vu avec Nayla, il m'a aussi reconnu ?

Si je me souviens bien, elle avait dit mon nom une tonne de fois en plus. Pablo attendait peut être que je vienne le voir ? Argh, je n'en ai aucune idée, encore une fille j'étais beaucoup trop aveuglé par ma vengeance pour penser à quoi que ce soit d'autre.

Cette soirée cauchemardesque à changer ma vie et ma façon d'être. Je ne pensais pas qu'une telle chose pouvait m'arriver, ma vie ressemble à un film d'action dont j'aurais aimé être le figurant, pas le personnage principal. On croit toujours que ça n'arrive qu'aux autres mais apparement l'être humain n'est jamais au bout de ses surprises.

On dirait qu'il y a encore trop de choses à régler mais je suis complètement épuisé. Tout ce que je souhaite c'est que Jadina s'en sorte indemne.




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@_Loyaliste

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