L • XIII.
Niklaus
Ma montre indique 15h34 quand j'arrive devant chez Annie, je suis donc en retard de 34 minutes. Je pourrais bien dire que c'est de sa faute étant donné qu'elle m'a demandé si je pouvais venir il y a seulement deux heures pour une raison « de vie ou de mort » mais j'avoue que je ne me suis pas dépêché étant donné qu'elle utilise cette expression quasiment tous les jours et je n'arrive plus à la prendre au sérieux. J'ai couru une fois à cause de ça et elle a fini par me repousser alors maintenant, je préfère prendre mon temps tout en espérant ne pas le regretter.
Sa porte était entre ouverte et à mon avis, ce n'était pas fait exprès. Plus ça va et plus elle devient perdue et tête en l'air, j'ai peur de la connaître dans quarante ans.
- Je suis là, je referme la porte derrière moi alors que je la retrouve assise sur son canapé comme une indienne.
- Tu peux attendre un peu ?
- Pourquoi ? Je croyais que j'étais en retard.
- Oui, tu l'es.
- Alors pourquoi je dois attendre ?
- Appelle-moi Sheyla, aujourd'hui.
- T'es vraiment bizarre, je dis en repensant à toutes les fois où elle m'a demandé de ne pas le faire.
- Hinaki perdra bientôt patience et je mourrais.
- C'est notre destin à tous de toute façon, je réponds à haute voix alors que je pense le tuer avant que ça n'arrive.
- Tu voudrais bien te...
- Me quoi ?
- Te suicider avec moi ?
- Non, ça ne sera pas possible, je réponds directement.
- Cœur de pierre, elle dit en détournant les yeux.
J'ai répondu à sa question sans vraiment réfléchir mais avec la conviction qu'elle ne mourra pas. C'est hors de question que sa vie prenne fin à cause de cet idiot obsessionnel, je ne le permettrais pas.
- Tu me promets de rester en vie, peu importe ce qu'il peut arriver dans le futur ?
- Te le promettre, carrément ? Comment je fais si on me tue ?
- Tu n'auras qu'à survivre ! elle élève un peu le ton de sa voix.
- Oh, eh, on n'est pas dans un anime de Layvin, hein !
- Le mariage qu'on voulait me forcer à accepter il y a quelques années, tu te souviens ?
- Ouais, quoi ?
- Je l'ai évité parce que j'étais enceinte...
- Quoi ?
- On a une petite fille de onze ans.
- T'es sérieuse, là ?!
- Je...
- Et là, quoi ?! Tu vas me dire qu'elle arrive et me mettre au pied du mur, c'est ça ?!
- Exactement, alors si tu pouvais...
- Je suis là, maman, dit une petite fille en entrant.
Elle m'observe quelques secondes avant d'aller prendre sa mère dans ses bras comme par habitude. Comment elle a pu me faire ça ?! Cacher l'existence de cette enfant tout ce temps et ne me le dire maintenant que par son propre intérêt et vouloir se suicider ! Sheyla aurait au moins pu me prévenir pour que je me prépare mentalement mais là maintenant, elle a juste l'air d'une inconnue à mes yeux !
- Bonjour, monsieur, elle finit par dire.
- Bonjour, je dis doucement.
- C'est lui ton copain, maman ?
- T'as déjà vu un autre homme ? je demande rapidement pour savoir si Sheyla essaie de me faire porter le chapeau car je suis son dernier recours.
- Non, pas du tout.
Est-ce qu'elle ment pour protéger sa mère ?
- T'as quel âge ?
- Onze ans, et toi ?
- Vingt-neuf.
- Comme maman, elle dit en l'observant.
- Oui, je sais. Tu veux manger quelque chose ?
- J'ai le droit de dire oui, maman ?
- Oui, tu peux, elle répond en souriant.
Voir Sheyla sourire aussi chaleureusement qu'il y a douze aurait dû me rendre heureux mais au lieu de ça, j'avais encore plus envie de la frapper. Comment je peux croire que la petite fille devant moi est mon enfant ? Mes calculs correspondent et je ne peux pas croire qu'il y avait un autre que moi à cet époque, Sheyla m'aimait beaucoup trop, mais pourquoi m'avoir caché cette fille pendant tout ce temps ?
- Tu devrais te changer, tu ne crois pas ? je demande à Sheyla parce qu'elle ne porte qu'un gros tee-shirt.
- Je sais, j'y vais là.
- Je dois te parler.
- Attends-moi ici, Lheïra.
Elle s'assoit sans discuter pendant que je suis Sheyla dans sa chambre. La mère de la petite se met à chercher comment s'habiller comme si elle n'avait rien de mieux à faire, comme si elle n'avait rien fait de mal, que la situation n'avait rien d'anormal à la situation.
- Sheyla ?
- Niklaus ?
- Tu réfléchis correctement dans ton crâne ?
- Logiquement, oui.
- Je dois régresser dans ma manière de parler, c'est ça ? T'es incapable de comprendre mes mots ? T'es devenue folle au point de trouver tes actes « logiques » ?
- Tais-toi, soupire-t-elle.
- Tu m'as caché l'existence de cette enfant pendant 12 ans ?!
- Je ne te l'ai pas vraiment caché étant donné que je ne savais pas où tu étais. Ensuite nous nous sommes retrouvés et tu ne m'as jamais demandé si j'étais devenu mère.
- Tu ne pouvais pas me le dire quand je t'ai demandé ce que tu avais fait de ta vie ?!
- Je ne savais pas que certaine personne répondait qu'elles avaient un enfant quand on pose ce genre de question sinon je te l'aurais dit.
- Espèce de menteuse ! Tu...
- Est-ce que tu peux arrêter de crier ? Je ne veux pas qu'elle entende ce genre de chose.
- Comment tu peux croire que je vais rester calme alors que tu m'annonces ça ? j'essaie de parler moins fort malgré moi.
- Comment ça se fait que tu me crois aussi facilement ? elle me demande avant de retirer son tee-shirt.
- Sois sérieuse deux minutes et arrête de te changer là.
- C'est toi qui m'as dit de me changer, non ? Ne me dis pas que t'es gêné alors qu'on se côtoie depuis toujours ?
- Sheyla, plus tu parles et plus j'ai envie de te baffer, je dis en lui mettant son tee-shirt. Alors arrête cet air insupportable.
- Voilà le test de paternité, elle dit en me donnant une enveloppe.
- Quand est-ce que t'as eu mon ADN ?! je cris avant de jeter l'enveloppe par terre. Tu voles même ça ?!
- Tu sais très bien que je peux avoir ton ADN quand je veux et même à chaque fois que tu es avec moi.
- Tu me fais flipper...
- « J'ai 152 de Q.I. » elle dit en prenant une grosse voix. Quel idiot, je vous jure. Tu peux récupérer ta brosse à dent maintenant que je n'en ai plus besoin.
- La ferme, c'est toi qui me déboussoles et je ne veux pas de ce test, je dis en jetant l'enveloppe.
- Ce n'est pas la peine de faire semblant de me faire confiance, je sais que tu penses que c'est ta fille juste parce que j'ai une preuve à l'appui.
- A quel point tu me trouves pathétique, au juste ?!
Ce qu'elle dit n'est pas forcément tort mais je suis obligé de le nier. Elle parle, depuis tout à l'heure, avec un air maussade, comme si elle détestait la situation actuelle, comme si elle voulait continuer à me cacher cette petite fille.
Je pensais jusque que même si elle avait changé, Sheyla était toujours la même que celle que j'avais connu il y a douze ans, qu'elle m'aimait toujours autant. Même si je savais qu'elle jouait un rôle en permanence, je voulais croire qu'elle était toujours la fille que j'avais quitté il y a quelques années mais on dirait que je me suis trompé.
Tout a changé et maintenant, j'ai l'impression qu'elle me sous-estime. On dirait qu'elle me trouve stupide et indigne de confiance, c'est sûrement la raison pour laquelle elle ne veut rien me dire au sujet d'Hinaki et la raison pour laquelle, elle m'a caché l'existence de Lheïra. J'ai l'impression que mon départ a causé plus de troubles que je ne le pensais.
- Quand est-ce que j'ai dit ça ?
- Je ne serais jamais parti si j'avais su que t'étais enceinte !
- T'étais déjà parti quand je l'ai appris, Niklaus ! Ta sœur refusait de me donner ton numéro, ton oncle me méprisait et me reprochait de t'avoir fait fuir alors qu'est-ce que je devais faire à ton avis ?! Aller au Canada et parcourir chaque mètre carré du pays pour tenter de te retrouver ?! J'étais seule et désespéré mais c'est de MA faute ?!
- Sheyla, moi, je te promets que je t'aurais retrouvé par tous les moyens, au moins pour que tu sois au courant. Neha n'aurait pas refusé de me le dire si tu l'en avais informé mais tu ne l'as pas fait, je me trompe ? Tu ne t'es occupé que de ta petite gueule en te disant que c'était de ma faute parce que j'étais parti, non ? Cette petite me déteste sûrement en croyant que je l'ai abandonné alors que je n'étais même pas au courant de son existence, est ce que tu te rends compte ? Sheyla, ça fait une année entière qu'on s'est retrouvée et tu ne me la présentes que maintenant ?! En plus de ça, ce n'est même pas de bon cœur mais juste parce que t'as des envies suicidaires ! Ecoutes, ce n'est pas mon problème si tu détestes la vie que t'as choisi mais c'est juste hors de question que tu lâches ta fille comme ça !
- T'as fini ? elle demande en soupirant. On dirait que t'as la mémoire courte concernant ton départ. T'avais interdit à quiconque de me dire où tu allais, tu ne te souviens pas ? J'ai fait des efforts monstres pour te retrouver et tout ce que ta petite sœur a accepté de me dire c'est que tu étais au Canada pendant que ton oncle menaçait de la frapper à mort, dis-moi, est-ce que j'aurais dû abuser de sa gentillesse ?
- Tu ne lui as pas dit que tu étais enceinte.
- A quoi ça aurait servi puisqu'elle me détestait de t'avoir éloigné d'elle ? Tes reproches n'ont vraiment aucun sens, Niklaus. C'est l'hôpital qui se fout de la charité et je ne supporte vraiment pas ça. C'est vrai que tu as raison quand tu dis que je suis égoïste, c'est vrai que je vais me suicider parce que je déteste cette vie que je n'ai pas choisi et oui, je te laisse la charge de Lheïra à partir de maintenant. C'est à ton tour.
- Je rêve ou tu parles d'elle comme un jouet ?
- Quelle importance que tu sois en train de rêver ou pas ? T'as déjà une faible opinion sur moi de toute façon.
- Je sais douze ans c'est long mais t'es vraiment devenue bizarre entre temps.
- Je te remercie, elle dit en affichant un grand sourire exécrable.
Ma colère me demande de la frapper tandis que ma conscience m'indique que la situation n'a rien de normal. Sheyla qui traite sa propre fille comme un jouet alors qu'elle déteste même tuer des papillons en plein été ? Cette même Sheyla voudrait se suicider alors que sa fille dépend d'elle ? Il n'y a absolument rien de normal à cette situation et je ne sais pas si je dois enquêter ou la laisser gérer sa vie sous prétexte qu'elle ne m'a rien demandé.
- Enfaite, interdiction de lui dire que tu es son père, elle chuchote avant de sortir de la chambre.
- Je-te-dé-tes-te, j'articule si bien que n'importe qui pourrait lire sur mes lèvres.
- Merci, elle dit encore une fois en affichant son meilleur sourire alors que j'ai secrètement envie de la tuer.
Comme de véritables parents, nous ressortons au salon en affichant un sourire trompeur qui est censé signifié que tout va pour le mieux.
Etant donné que je l'avais proposé un peu plus tôt, nous sommes allés dans un assez bon restaurant familial. Ils nous avaient malheureusement placés à une table pour trois, ce qui fait que même en étant assez proche Lheïra à mon goût, je n'étais pas assez éloigné de Sheyla.
Je me pose tellement de questions à son sujet. D'abord pourquoi s'appelle-t-elle comme ça ? Et puis, elle est née quand ? Qu'est qu'elle fait de ses journées ? Elle est intelligente, elle a des amis ? J'ai vite accepté et réalisé le fait que ce soit ma fille mais elle me perturbe encore. Elle ressemble trop à Sheyla.
- Alors ? dit Lheïra.
- Alors quoi ?
- Vous ne commandez pas ?
- Ne sois pas impoli.
- Elle n'a rien fait, je dis à Sheyla.
- Qui t'as demandé quelque chose ? elle me demande en chuchotant.
Je la pince fort à la cuisse pour qu'elle apprenne à être polie avant de ne le reprocher à qui que ce soit d'autre, même si elle me toise encore plus fort que d'habitude.
- Dis-moi Lheïra, t'es plutôt intelligente ?
Si c'est une Shadary, elle devrait exceller à l'école sans même fournir d'efforts comme je l'ai toujours fait avec ma sœur.
- Oui, je me débrouille plutôt bien tant que je fais une prière avant chaque évaluation.
- Tu pries beaucoup ?
- Tous les soirs, enfin presque, elle dit doucement en regardant Sheyla.
- Elle est belle à croquer, j'ai envie de la prendre dans mes bras avec son air petit innocent, pensais-je en la regardant. T'as beaucoup d'amis ?
- Non, je n'en ai que deux.
- C'est suffisant, tu sais.
- Emily en a plein, elle...
- Ce n'est pas pour autant qu'ils sont meilleurs que les tiens. Ne cherche pas à en avoir plus.
Je ne vais pas lui faire un discours rempli de citation de Layvin où il déteste la vie parce qu'il n'a ni ami ni famille mais je pense que ma petite phrase lui a fait suffisamment effet.
- T'as une idée de ce que tu veux faire plus tard ?
- Non, je ne sais pas encore. Tu travailles dans quoi ?
- Je suis avocat au Canada, ici je n'ai pas vraiment d'affaire mais ça m'arrive d'en prendre de temps en temps quand je n'ai vraiment plus d'argent.
- T'as vécu au Canada ?! C'est trop bien ! C'est vrai qu'il fait froid ?
- Oui mais on s'y habitue à force. 7 C°, c'est plutôt agréable maintenant.
- 7 C° c'est froid, pourtant. Comment ça se fait que t'es revenu en France ?
- Quelques histoires à régler.
- T'as des frères et sœurs ?
- J'avais une sœur mais elle est morte il y a quelques temps, elle s'appelait Neha.
- Désolé, elle dit doucement.
- Ce n'est rien. Enfaite, pourquoi tu t'appelles Lheïra ?
- Comment ça, pourquoi ? demande Sheyla. C'est un joli prénom, original.
- Sans signification, c'est ça ? Idiote, je chuchote pour que Lheïra n'entende pas.
- Et Niklaus, ça signifie quoi ? elle demande comme si mon nom n'avait aucun intérêt.
- C'est un dérivé de Nicholas qui signifie victoire, inculte.
- Bref, soupire-t-elle.
- T'es né quand ? T'es au collège, non ?
- Je fais ma rentrée en septembre et je suis né le quatre octobre.
C'est vrai que c'est les grandes vacances, et encore une fois les dates concordent.
- Tu fais du sport ? De l'art ? T'as une passion ?
- Je fais du basket au gymnase mais je n'ai aucun talent artistique, malheureusement. J'aime bien regarder des séries policières.
- Je jouais aussi au basket avant.
- T'es fort ?
- Pas spécialement, je ne suis pas assez grand mais j'en faisais quand même en club.
- Pourquoi t'as arrêté ?
- J'ai déménagé donc j'ai décidé de faire autre chose de mes mains. Je ne savais pas jouer d'un instrument alors j'ai appris le piano.
- C'est vrai ?! Mais c'est trop bien, ça !
- Tu veux que j'en joue ?
- Je ne sais pas, si tu veux, elle dit réticente.
- Okay, je réserve une salle.
- T'as le droit ? demande Sheyla.
- Qui va m'imposer des limites ?
Je compose le numéro d'un de mes contacts, celui même qui m'a fourni le clavier numérique que j'ai dans ma chambre. La salle est à moi contre une certaine compensation, il me demande cependant de passer après la fermeture de l'école et me signale que les clés seront sous le paillasson.
Tout ça me semble bien trop parfait mais je ne vais pas m'en plaindre, j'ai trouvé comment impressionner Lheïra en trois secondes.
❧
- Toujours dans des endroits bizarres, souffle Sheyla
- Tu pourrais te taire ? je lui demande poliment juste parce que sa fille est présente en récupérant la clé de l'école de musique.
Nous avançons naturellement dans une des salles de classe. Comme toutes les autres, la salle était équipée d'un grand piano basique à pas moins de 88 touches. Je m'y installe après avoir remarqué qu'il était bien entretenu et qu'aucune poussière n'avait imprégné mon doigt.
Alors que Sheyla se dirige à une place d'élève, je demande à Lheïra de venir s'assoir près de moi pour que je puisse lui apprendre quelques notes.
- Tu vas m'apprendre à jouer ?
- Oui si tu veux, ça dépend de toi.
- Ça a l'air trop difficile mais j'aimerais bien t'entendre jouer.
- Peut-être la prochaine fois, alors ? actuellement en tête, j'ai « Wrong note » et « Love's sorrow. »
- Waouw, t'as l'accent anglais ! elle cri, surprise.
- Tu trouves ? je m'efforce à sourire, complètement gêner de frimer autant pour impressionner une petite fille.
Je commence à jouer le morceau de Chopin, qui est d'ailleurs le premier morceau compliqué que j'ai appris. C'est l'une des raisons pour lesquels je l'aime tant, il a une beauté particulière comparé aux autres et c'est pour ça que je veux le faire écouter à Lheïra.
Je veux mieux la connaître, je veux qu'elle voie tous les talents que j'ai acquis après m'être séparé de sa mère. Mon anglais s'est amélioré, j'ai appris que j'avais un Q.I. élevé, j'ai appris à jouer au piano, je suis devenu avocat et je sais même jouer aux échecs. Je suis devenu un nouvel homme mais quand je regarde cette petite fille en face de moi, je me dis que rester à ses côtés et vivre une vie d'insouciance en l'élevant aurait été bien meilleur.
- C'est beau mais un peu agressif.
- Je peux jouer « Love's sorrow » de Kreisler, si tu veux.
- « Sorrow » ? elle répète avec un accent qui me ferait presque fondre tellement elle est adorable.
- « Chagrin », ça veut dire « Chagrin d'amour. »
- Ça a l'air triste, elle dit doucement.
- Il y a « Plaisir d'amour » aussi mais je ne sais pas le jouer, je n'ai jamais voulu l'apprendre.
- Pourquoi ?
- Parce que je suis habitué au chagrin, je dis avant de commencer à jouer.
Malgré ma préférence pour le premier morceau, j'ai été absorbé par ma prestation et en ai même oublié Lheïra. Comment dire ? Ce morceau me rappelle tellement chose, de mes difficultés à l'apprendre jusqu'à même les pensées qui me traversaient quand je m'exerçais. Je l'ai appris en pensant à Sheyla, je ne sais pas composer mais quand je joue ce morceau, c'est comme s'il lui était destiné, comme s'il avait été composer pour elle.
Nous nous sommes maintenant retrouvés mais j'ai encore du mal à comprendre ses intentions. Elle ne veut même pas que je dise à Lheïra que je suis son père, elle ne voulait même pas me la présenter jusqu'à ce qu'elle décide de se suicider. N'est-il pas préférable dans cette situation que je ne sois pas un inconnu plus longtemps aux yeux de ma propre fille ?
- Je préfère l'autre.
- Moi aussi, je réponds en continuant de jouer.
- Maman s'est endormi.
- Quelle impolie celle-là, dis-je avant de jouer aller la couvrir avec ma veste. Elle s'en dort vraiment n'importe où, soufflais-je en retournant à ma place.
- Elle dort vraiment ?
- Comme un ours.
- J'ai une question, elle dit doucement.
- Oui ?
- Est-ce que t'es mon père ?
- Oui, je réponds après quelques secondes puis me remets à jouer aussitôt.
Je suppose que n'importe qui l'aurait deviné à sa place. D'après elle, Sheyla ne lui a jamais présenté aucun homme alors c'est normal qu'elle se pose des questions la première fois que ça arrive. Je pense même que ça aurait été bizarre si elle ne l'avait pas fait.
- Pourquoi tu n'étais pas là ? elle demande en prenant ma main pour que j'arrête de jouer.
- Je ne savais même pas tu existais avant aujourd'hui.
- Ah... elle chuchote, la tête baissée.
- L'homme avec qui ta mère sort, celui que tu veux voir parce qu'elle est toujours avec ou je ne sais quoi, ce n'est pas moi. On n'est pas en couple.
- Et t'étais où, tout ce temps ?
- Au Canada.
- Pourquoi ?
- Pour plusieurs raisons. La vie est plus compliquée qu'elle en a l'air et quand tu descends d'une famille de criminel. Moi, je n'avais aucune ambition à part vivre avec ta mère et même ça, je n'ai pas pu.
- Tu descends d'une famille de criminel ?
- Indirectement, et toi aussi. Mon oncle n'était pas net et tout le monde le savait. Sa famille ne voulait pas de moi et aujourd'hui je les comprends, même si ça me fait mal, je soupire doucement face à cette vague de souvenir. Elle voulait fuguer mais je voulais me faire aimer sinon je sais qu'elle n'aurait jamais été sereine. Fuguer n'aurait fait qu'empirer les choses et confirmer leurs pensées à mon sujet alors j'ai refusé son idée au début. Je ne savais pas ce qu'elle vivait, je ne savais pas qu'on la frappait à cause de moi. Il a fallu qu'on lui trouve un mari pour que j'accepte enfin de réagir et que j'accepte de m'en aller avec elle. Notre fugue n'a duré qu'un jour, le lendemain, elle m'a demandé de partir. Elle ne voulait plus de moi.
Et Dieu seul sait la nuit qu'on avait passé la veille qui est la conception du petit être devant moi. Peut-être qu'au fond elle m'en voulait d'avoir pris sa virginité alors que nous n'étions pas mariés, alors que nous étions tous les deux sous Jack. Si je m'étais abstenu de la toucher, elle ne m'aurait peut-être pas repoussé aussi violemment.
- J'ai essayé de persévérer, je voulais savoir pourquoi elle ne voulait plus de moi mais il n'y avait aucune raison profonde, elle en avait juste marre de moi. Elle s'était lassée de tout ça, de moi, de cette adrénaline et avait enfin fini par avouer que moi, Niklaus Shadary, je gâchais sa vie, je dis en riant doucement. J'étais néfaste pour elle sans me rendre compte. Je détruisais ce qui m'était le plus précieux. Alors que je pensais à officialiser les choses, elle m'a balancé tout ça à la figure, tu sais combien j'ai été anéanti ? je demande en laissant tomber ma tête sur le piano qui joue d'horribles notes.
C'est affreux, je me rends compte une nouvelle fois que, de ma naissance jusqu'aujourd'hui, ma simple vie n'a cessé d'être merdique et pathétique.
- C'est pour ça que je suis parti au Canada. Puis un mauvais jour comme un autre, ma petite sœur est morte. Je suis revenu trouver le meurtrier et la venger et c'est là que j'ai retrouvé ta mère.
- Et tu as trouvé le meurtrier ?
- Oui.
- T'étais content de retrouver maman ?
- Tu promets de garder le secret ? je termine à peine de prononcer ma phrase que je vois son visage s'illuminer comme pour me donner son affirmation. J'aurais voulu la récupérer, je finis par chuchoter.
- Fais-le.
- Tout est trop compliqué, Lheïra.
- Dommage, elle dit doucement.
- Tu m'en veux de ne pas avoir été là ?
- Ce n'était pas facile à l'école, au début. Il y en a beaucoup qui se moquait de moi parce que je n'avais pas de papa mais une fois que j'ai dit que t'étais mort, tout s'est arrangé alors je ne t'en veux pas trop.
Je ne sais pas si ça me fait rire ou si ça me fait de la peine ? Elle vient vraiment de me dire que mon existence même la dérangeait alors elle a préféré déclarer que je n'étais plus de ce monde ? Elle m'a enterré et me le dit aussi franchement, sérieusement ?
- Je vois.
- Tu vas rester avec nous, maintenant ?
Sous ses airs de petite fille mature et sûre d'elle, elle est tout de même assez vulnérable. Elle ne m'a pas détesté pour tout le malheur que mon absence lui a causé et malgré tout elle veut que je sois là pour elle plus tard. Lheïra est une jeune fille facile à vivre et grandement en manque d'affection. Puis-je lui promettre que tout ira bien à partir de maintenant et que je prendrais soin d'elle ? Je ne veux plus m'en passer et la laisser vivre dans une souffrance quelconque. C'est mon devoir de m'en occuper.
- Bien sûr, tu es la seule famille qu'il me reste, je dis en lui embrassant le front.
Puisse Dieu me pardonner de mes péchés et me permettre de vivre à ses côtés. Je ne veux plus ignorer ses peines.
Sheyla
J'étais tellement fatigué que je n'avais pas remarqué que Niklaus m'avait transporté dans la banquette arrière de la voiture. Les secousses et leurs grands rires avaient fini par me réveiller, comme s'il n'y avait pas de meilleur sujet, Niklaus racontait notre première rencontre à Lheïra.
- Il y avait un pont près du lycée qu'on appelait « le pont du courage. » Avec les personnes que je considérais comme mes amis à cette époque et les gens de ma classe, nous avions décidé de sauter mais ils se sont tous dégonflé au dernier moment. La seule assez idiote ou courageuse, ça dépend du point de vue, pour le faire était ta mère. Sheyla a toujours eu un côté susceptible, dès qu'on l'insultait de peureuse, elle a sauté parce que sa fierté ne lui permettait pas de rester en place. Quelle idiote.
- Et après ?
- Comme elle ne remontait pas à la surface, j'ai sauté pour la secourir. Je pensais naturellement qu'elle s'était noyée mais elle a sorti la tête de l'eau aussitôt que la mienne y était.
Certaines personnes tombent amoureuse du jour au lendemain sans même s'en rendre compte, sans date précise au début de leur amour ou quoi qu ce soit. C'est bizarre mais moi, je le sais, c'est ce jour-là que j'ai commencé à aimer Niklaus.
On se connaissait à peine mais il est venu me sauver. Il a touché ma joue gauche alors que nos corps étaient entièrement trempés et sa seule demande a été que je ne refasse plus jamais ça. Tous ces gens que je connaissais ne m'ont pas prêté particulièrement attention mais lui, il a tenté de me secourir. Son geste m'avait énormément touché, au point où, j'en suis tombé amoureuse.
- Quand je lui ai demandé si elle allait bien, elle ne m'a pas répondu directement. C'est vrai qu'elle était assez timide avant et parlait avec un inconnu n'était vraiment pas de son ressort. Il n'y avait pas grand-chose à faire pour détendre l'atmosphère et comme un idiot, je lui ai tendu un mouchoir alors qu'ils étaient tous les deux entièrement mouillés. Je voulais qu'elle rit ou je ne sais pas moi, il ne fallait pas qu'elle perde ses moyens et se noie. Je pensais à elle mais tout ce qu'elle a su me répondre, tu sais ce que c'est ?
- « T'es bête ou quoi ? » je dis en imitant la moi d'il y a 12 ans.
- Alors que je suis plus intelligent que toi au fond.
- T'avais fait exprès ?
- Bah oui.
- Je n'avais pas besoin que tu sautes, ni de ce mouchoir.
- Mmh, je n'aurais pas dû.
S'il ne l'avait pas fait, rien de tout ça ne serait arrivé.
- Et après ? demande Lheïra.
- J'ai plongé sa tête dans l'eau parce que sa réponse m'avait énervé et j'ai nagé jusqu'au bord.
- Et c'est comme ça qu'on a commencé à se parler.
- Waouw... elle dit de façon émerveillée. C'est trop beau l'amour.
- Quand il y en a, si tu veux, répond Klaus.
- T'as profité du fait que je dorme pour lui dire ?
- Elle a deviné toute seule.
- C'est ça, je dis en soufflant.
- Par rapport à la suite des événements, c'est mieux comme ça, non ?
- C'est plus sûr, oui.
- Je peux dormir avec toi aujourd'hui, maman ?
- Oui, je dis en repensant à la nuit d'hier que j'ai dû passer avec Hinaki alors que Lheïra me manquait horriblement.
- D'habitude tu dors où ? demande Klaus.
- Chez tata Sharona.
- Ah, elle existe encore celle-là ? Je ne savais pas.
On dirait qu'il la déteste toujours autant. Je peux comprendre son ressentiment mieux que quiconque mais ça me dérange quand même un peu. Sharona est la principale personne qui nous a empêché de vivre « une histoire heureuse. » Simplement parce qu'elle détestait Niklaus, elle a tout rapporté à mon frère et alors que nous vivions un simple amour de lycéens, nos deux familles se sont mises à se détester.
- Je commence à te comprendre, il dit doucement quand on arrive chez moi.
- Merci, je réponds soulagée.
❧
Entourer de mon léger plaid, en train de regarder la télé, je tenais compagnie à Lheïra qui voulait absolument voir le deuxième film des Indestructibles. Ça fait un peu plus d'une trentaine de minutes que le film a commencé et son étrange silence ne fait que confirmer mes soupçons quant à la tonne de questions qu'elle a envie de me poser.
- Maman ? elle finit par dire.
- Oui ?
- Pourquoi tu lui as dit de partir ?
- Il ne dort pas ici d'habitude.
- Pas aujourd'hui, avant...
- Ah ça, soupirais-je. Mon frère n'arrêtait pas de nous menacer, il voulait faire du mal à Niklaus et il est même aller jusqu'à tenter de me marier alors je n'avais pas trop le choix.
- Il voulait le tuer ?
- Qu'il le veuille ou pas, il ne peut rien faire.
- Pourquoi ?
- Niklaus descend d'une famille de criminel.
Avec du recul, je peux comprendre ce que pensait mon frère. Chaque soir, il y avait une nouvelle histoire horrifiante au sujet de la famille Shadary. J'étais tellement bête à l'époque que je trouvais le danger attirant et j'avais peur de mon frère qui menaçait de tuer Niklaus alors que mon ancien petit-copain était intouchable grâce à son oncle criminel.
Je ne me rendais pas compte d'à quel point le fréquenter était dangereux. Sa sœur est morte dans une histoire louche et je ne peux pas m'empêcher de penser que ça aurait pu être moi.
- C'est pour ça que tu ne lui as pas dit que tu étais enceinte ?
- Rien avoir, je ne le savais pas encore. Je l'ai su à temps pour éviter le mariage mais Niklaus était déjà parti. Toute ma famille m'a tourné le dos suite à ça. Sharona et ma mère m'aidait un peu financièrement mais ça restait très dur, j'ai dû faire un tas de boulot mal payé pour pouvoir m'en sortir. Ils voulaient tous que Klaus récupère son enfant tout en oubliant que tu étais aussi le mien. Après onze ans, j'arrive à parler de cette histoire sans pleurer mais...
Ça me fait tellement mal au cœur d'en reparler... Je ne peux pas dire toute la vérité à Lheïra et Niklaus n'en entendra jamais parler non plus mais la véritable version est horrible. Mes parents voulaient que je la fasse adopter, ils ne voulaient pas d'une petite-fille prédestinée à être une criminelle, d'après eux. Même si leur oncle était un assassin, d'après les rumeurs, Niklaus n'a jamais rien fait de tel. Toutes leurs accusations étaient injustes.
Ils m'ont mis dehors froidement quand j'ai accouché et j'ai dû prendre mon départ rapidement en tant que mère célibataire indépendante. J'ai eu un travail à plein temps dès que Lheïra a été accepté à la crèche et nous avons finalement pu nous en sortir.
A l'heure actuelle, je suis toujours en contact avec mes parents mais mon frère reste un mystère. Il est peut-être mort, je n'en saurais jamais rien. La seule qui m'a toujours aidé malgré tout, c'est Sharona. C'est pour ça qu'avant de mourir, je me dois de la remercier comme il se doit.
- Mais ? elle répète en voyant que j'ai une absence.
- Je ne sais plus ce que je disais. Lheïra, peu importe ce qui arrivera, tu seras toujours mon enfant à moi, mon miracle, mo petit trésor, tu m'entends ? je demande en la prenant dans mes bras.
- Maman...
- Je suis désolé, Lheïra.
- Pourquoi tu ne me le présentes que maintenant alors que ça fait quatre ans qu'il est revenu ? elle dit avec une petite voix cassée, la tête baissée comme si elle voulait me cacher ses larmes.
Je ne sais pas quoi lui répondre alors que mon cœur se brise face à elle. Je resserre mon étreinte tout en sachant pertinemment qu'elle doit me détester en ce moment même. J'aurais peut-être dû faire les choses différemment et lui présenter Niklaus un peu plutôt, c'est vrai, mais je ne regrette aucune de mes décisions quant à ma fille.
- C'est peut-être égoïste mais pourquoi vous n'êtes pas ensemble ?
- C'est compliqué.
- Pourquoi tu ne me le présentes que maintenant ? Ça fait combien de temps que tu l'as retrouvé ? C'est quoi la suite des événements ? elle me demande en pleurant.
- Ça fait tout juste fait quelques semaines, je suis désolé d'avoir pris autant de temps. Tout ce que je fais c'est pour ton bien Lheïra, il n'y a pas une chose que je fais inutilement.
- On dirait que toute ma vie est inutile...
- Ne dit pas ça, tu es utile pour moi. Je t'aime Lheïra, je lui fais un bisou sur le front.
Je suis consciente de lui avoir menti et de lui mentir encore une fois. Je suis consciente de lui avoir fait mal en me séparant de son père, j'aurais dû les présenter il y a un an mais tout ce que je fais a une raison.
Dieu seul sait à quel point c'était difficile il y a un an, quand Hinaki faisait des crises de paranoïa après avoir tué son frère. Dieu seul sait, ce qu'il me faisait vivre quotidiennement, ce que je subissais, ce que je surmontais pour qu'ils ne leur arrivent rien à tous les deux. Je ne pouvais pas risquer nos vies juste pour qu'ils fassent connaissance.
Je ne peux pas nier que j'ai moi-même toujours rêver de vivre une journée comme aujourd'hui. Elle était tellement simple et ordinaire que je pensais que ce n'était pas réel. Nous ressemblions à une vraie famille, Niklaus était tellement attentionné envers elle. J'ai eu l'impression de retrouver celui que je connaissais après tout ce temps, c'en était presque incroyable.
J'aimerais que notre quotidien à tous les trois soient remplis de journées similaires mais je sais que c'est impossible. Lheïra a vécu cette vie sans présence paternelle par ma faute et je crains qu'elle ne possède jamais nos deux présences en même temps. J'en suis désolée pour elle.
Layvin
C'est sûrement la première fois depuis que j'ai recueilli Shiloh que nous sommes posés ensemble en train de faire de jolis coloriages de petits garçons. Comme à son habitude, il ne manquait pas de poser des questions idiotes, remplies de curiosité mais sa façon de réfléchir restait tout de même sophistiqué.
- Dit noko ?
- Mmh ?
- Quand on fait pipi, on dit qu'on pisse ?
- Bah oui.
- Et quand on fait caca, alors ?
- On chie, répond ma voix intérieure que j'ai heureusement pu stopper avant que ma bouche ne reçoive l'information. On ne le dit pas, je finis par dire pour ne pas perturber son éducation.
- Si, on cacahuète ! il répond avant d'éclater de rire. C'est drôle, hein ?!
- C'est stupide, je dis en souriant.
- T'es jaloux ? J'en ai pleins d'autres comme ça !
- Dis donc, t'as quel âge toi ?
- Bientôt six, noko, je t'ai déjà dit.
- T'es devenu bien insolent, toi.
- C'est parce que tu ne me fais plus peut maintenant ! il dit en souriant. Même si t'es méchant avec les autres, moi, tu m'aimes bien, hein ?
- Disons que je t'apprécie.
- Apprécier ? il dit comme s'il réfléchissait. C'est moins fort qu'aimer ça, non ? C'est plutôt ressentir.
- Pitié, arrête de chercher d'apprendre des définitions aussi insignifiantes !
- Je ne l'ai pas appris, je l'ai retenu. C'était écrit dans un livre que j'ai lu avec mes parents.
- Waouw, quel mémoire incroyable ! dis-je avec sarcasme.
- Merci, noko !
Mon compliment a l'air de le remplir de joie comme un enfant et pourtant, il parle comme un adulte. C'est dingue comme sa personnalité me met mal à l'aise parfois.
Il est beaucoup trop futé pour son âge et en même temps, il a toujours son innocence et rit comme un enfant. On dirait plutôt qu'il a trop de connaissances pour son âge et ajouté à sa mémoire, ça fait déjà un bon quotient intellectuel.
La dernière fois que j'ai vu Jadina, elle savait à peine compter alors qu'elle avait quatre ans et Shiloh, lui, il sait déjà écrire et gérer la ponctuation. Il s'intéresse même à la conjugaison cet espèce de malade, il est pourtant censé encore faire la sieste toutes les après-midis.
Isaac m'avait certes prévenu que c'était un génie mais je le trouve terrifiant.
- L'autre jour, tu m'as dit que tu devais avoir un fils, tu te rappelles ?
- Ouais, pourquoi t'en parles tout d'un coup ?
- J'ai fini de lire Black Clover et moi aussi, je veux écrire mon histoire mais je ne sais pas comment appeler mon super héros.
- Appelle-le Layvin.
- C'est le nom du méchant.
- Pourquoi ?! je demande complètement vexer.
- Tu ne souris jamais.
- Je t'ai sauvée de La Brigade Ecarlate, ce n'était pas assez héroïque ?!
- Ne t'en fais pas, le méchant devient gentil à la fin.
- Je suis abasourdie...
- Écris ton histoire, toi aussi.
- Je ne sais pas faire ça, soufflais-je en pensant à Neha qui voulait devenir écrivain.
- Tu peux raconter ta vie dans un livre et comme ça tu l'appelles Layvin et il n'y aura plus de jaloux ! Je pourrais le relire aussi quand je serais grand !
- Je t'ai dit que je ne savais pas faire ça.
Quand Shiloh sera grand, est ce qu'il se souviendra encore de moi ? C'est une question que je me suis souvent posé. Il a beau avoir une mémoire fantastique, il n'a que cinq ans. Il se souviendra peut-être de son aventure avec La Brigade Ecarlate mais se souviendra-t-il de moi, de ma tête ? Je ne sais pas pourquoi mais quelque part, ça me rend un peu triste.
- Et du coup ?
- Quoi ? je demande agacer.
- Tu voulais l'appeler comment ton fils ?
- Tu vas le mettre en super-héros alors qu'il n'existe même pas ?
- Noko, je t'explique. C'est l'histoire d'un fils qui veut devenir le roi du monde mais il doit d'abord battre son père pour prendre sa place.
- Mais qu'est-ce que tu regardes pour vouloir créer ce genre d'histoire ?
- Comment tu voulais l'appeler ?! Phil ?! il commence à crier, sûrement exaspéré.
- Non, Aquila.
- C'est vrai ? Ça veut dire quoi ?
- « Aigle. »
- C'est beau et digne d'un super héros !
- Layvin aussi.
- Ça n'a pas de signification.
- Comment tu sais ?
- J'ai fait mes recherches, il dit en passant son index sous son nez.
- Et Shiloh, ça veut dire quoi ?
- « Havre de paix. »
- Ça ne te va pas.
- Noko, t'es jaloux ?! il demande en riant encore une fois.
J'aurais bien voulu le casser mais il riait tellement joyeusement que je n'ai pas voulu qu'il s'arrête. C'est bien le seul à qui je ne crie pas quand il rit sur moi.
- Salut, on entend Niklaus quand il rentre.
- Comment ça va ? demande Shiloh.
- T'as l'air tout chamboulé.
- Layvin, j'ai une...
- Fille, âgé de onze ans qui s'appelle Lheïra ? je termine sa phrase alors qu'il me lance un regard meurtrier.
- Tu le savais ?!
- Oui. Est-ce que tu pourrais arrêter de me regarder comme ça ? je demande en continuant de colorier ma voiture. J'ai eu envie de te tuer de nombreuses fois aussi mais je n'ai jamais pris la peine de te le faire savoir, alors arrête.
- Pourquoi tu ne me l'as pas dit ?!
- Je l'ai su samedi quand j'ai photographié son dossier.
- Il y avait un dossier sur elle ?!
- Bien sûr.
- Et tu ne me le dis que maintenant ?!
- Ce n'était pas à moi de te l'annoncer. Elle m'a dit qu'elle allait bientôt te l'annoncer alors voilà, c'est chose faite.
- Tu...
- Elle est comment ? je demande avant qu'il ne commence à m'embrouiller devant Phil.
- Magnifique, une vraie douceur, il dit pensif. Elle a l'air intelligente et assez joyeuse. Elle manque clairement d'une figure paternelle et de beaucoup d'amour, heureusement que je suis là.
- Il a l'air bien heureux, je pense en souriant. Tu vas vivre avec ?
- Je ne veux pas la séparer d'Annie.
- Du coup, tu vas te marier avec elle ?
- C'est une solution.
- J'avais prédit cette fin, je le savais.
- Tu vas te marier avec ton amoureuse ?! demande Shiloh en se levant.
- Ce n'est pas mon amoureuse.
- Il ment, je dis en me levant pour aller chercher le dossier d'Annie que j'avais imprimer un peu plutôt.
Niklaus le parcourt silencieusement, rapidement, avant de laisser échapper une injure. Etant donné que c'est impossible d'avoir cette discussion devant Shiloh, je ne peux pas exprimer toute la haine que je contiens actuellement. Si je n'avais pas été aussi secoué par la mort de Kisay samedi dernier, j'aurais peut-être tué Annie sur le coup en apprenant la nouvelle.
- Dis-lui de venir demain.
- Ouais, souffle-t-il.
Il est temps qu'elle paye pour ses fautes.
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@_Loyaliste
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