L • VI.


Niklaus



Une fois éloignée de l'appartement, mes idées se font un peu plus claires. J'ai la haine de ce qui s'est passé, toute cette situation me fout en rogne. Je ne suis pas si bête que ça, je savais pertinemment que je ne pouvais pas lui faire confiance à 100% mais Layvin n'avait pas à faire ça.



- Sheyla ? Désolé, tu préfères peut-être que je t'appelle Annie ? demandais-je après un temps de silence.

- Non, elle répond doucement.

- Est-ce parce que tu as changé de nom que tu as aussi changé de personnalité ? C'est pour ça que tu ne m'es plus fidèle ?

- Niklaus...

- Je dois croire Layvin ? je lui demande alors que je sens ses larmes sur mon polo.

- Laisse-moi t'expliquer, elle dit en se serrant plus fort contre moi sachant pertinemment que c'est la dernière fois que nous sommes dans cette position.

- Je voulais te croire, dis-je en me détachant d'elle.



Elle peine à me regarder dans les yeux pendant que je retire la chaîne qu'elle m'a offerte il y a des années. Cette même chaîne qui ne m'a jamais quitté depuis qu'elle me l'a mise il y a 12 ans.



- Tu n'es pas loin de la villa, t'en as pour dix minutes à pied si tu marches toujours vers le sud-est.

- Mmh... elle fait doucement.

- J'espère qu'on saura combler le vide qu'on a laissé l'un à l'autre. Enfin, si j'ai déjà réellement eu de la valeur à tes yeux, dis-je avant de monter à bord de ma BMW.



Le bruit de mon moteur couvre celui de ses pleurs et bien heureusement, je ne veux plus ressentir de la peine pour une traîtresse de son genre.

Le destin m'a toujours montré que nous n'étions pas faits l'un pour l'autre mais que voulez-vous, quand j'aime, je suis du genre persévérant. Je savais pourtant qu'il ne fallait pas faire confiance à une femme et à elle en particulier. C'est trop tard maintenant, tant pis. Jamais un échec, toujours une leçon.

Une de perdue, dix de retrouvés. 

























Layvin



Ce soir, une balade nocturne s'impose. Cette situation me dépasse, je ne comprends plus rien. Isaac est mort la semaine dernière alors que nous étions ensemble, ça veut dire que la personne qui l'a tué attendait que nous soyons séparés. C'est fou, j'aurais pu empêcher ça.

Je ressens une immense douleur au cœur comme si c'est à moi que le mal avait été fait. Est-ce que c'est de ma faute s'il est mort, parce que je n'ai pas pu le sauver ? Ou alors, je suis simplement fou et obsédé par cette « malédiction » qu'on m'avait attribué quand j'étais en taule ?

Isaac est mort assassiné et contrairement aux autres, ça n'a rien avoir avec moi. Enfin, je crois. Dans tous les cas, il faut que je découvre qui l'a tué et pourquoi. Il ne méritait pas ça, ce n'était pas quelqu'un de mauvais. Il n'est entré dans ce monde que pour se faire un peu d'argent et rentrer chez lui. C'est peu catholique, je l'avoue, mais ses raisons étaient moins mauvaises que les miennes.

Pourquoi tuer un homme comme lui ? A qui aurait-il pu causer du tort au point de l'éliminer ? Connaissait-il des informations compromettantes ? Ou est-ce simplement parce que je « tue » tous ceux qui s'approchent de moi ? Ce n'est certes pas un membre de Blood Print mais pourquoi personne n'enquête sur sa disparition ?

J'ai la mauvaise impression d'être maudit depuis la mort de Neha, entre mes propres problèmes et mes sept compagnons de cellule morts, je ne pouvais pas vraiment nier ce fait. La semaine dernière en voyant Isaac, j'étais tellement soulagé qu'il soit sorti de cette cellule vivant. Il était la preuve que j'avais été victime de plusieurs malheureuses coïncidences mais au final, la mort l'a rattrapé quand il a croisé ma route.

J'ai l'impression d'être un danger pour quiconque m'approche depuis toujours, et si c'est moi qui avais causé la mort de Neha ?

Non, c'est impossible, je n'aurais jamais pu lui faire du mal, même inconsciemment, je n'en étais pas capable. Je l'aimais beaucoup trop et aujourd'hui encore.

Je me souviens encore, il y a quelques années quand elle a accouché et que je l'ai vu donner le sein pour la première fois. Elle était si délicate, si attentionnée, que ça me rendait tout bizarre, tout heureux. 



- T'es vraiment magnifique, j'avais dit sans m'en rendre compte.

- Layvin, je ne t'avais pas vu ! Neha cria en souriant. Regarde Dina, c'est papa !

- Ne commences pas à lui donner de surnom, elle ne saura pas comment elle s'appelle sinon. 

- Mais si.

- T'as toujours raison de toute façon, je dis pour éviter qu'elle boude. T'as terminé ? Je peux la porter ?

- Oui.



Elle déposa notre fille dans mes bras en m'expliquant comment soutenir sa tête et son dos droit. Jadina avait déjà pris quelques couleurs depuis hier, elle était super grise à la naissance, pour pas dire sale. Elle pesait 3k450 pour 51cm. Elle était un peu grosse et pourtant tellement légère. Dès sa naissance, elle devint mon petit bijou, ma fille à moi.

L'amour que je ressens pour Neha n'a jamais été aussi grand qu'à cet instant. Elle m'a donné mon premier enfant et pour ça, je lui dois tellement. Elle a mis sa vie en danger pour notre petite fille et au même moment, Neha venait de créer la famille que j'ai toujours rêvé d'avoir.



- Elle est tellement petite, tellement belle.

- Layvin ?

- Oui, Neha ?

- Tu n'aurais pas pris du poids ?

- Peut-être bien.



Ce dernier mois de grossesse fut très difficile pour nous, et surtout pour Neha.

On dit qu'une grossesse peut être défini comme risqué durant les quatre premiers mois. Au-delà, tout devrait bien se passer. Cependant, Neha a eu des problèmes tout le long de sa grossesse. Dieu merci, tout s'est finalement bien passé mais je ne pouvais pas avoir l'esprit tranquille tant qu'elle n'avait pas accouché.

Si les soucis font maigrir, je suppose alors que c'est l'apaisement qui m'a rendu mon poids initial.



- Je suis soulagé.

- Moi aussi, elle dit en s'affalant sur le lit. J'avais tellement peur de ne pas en être capable Layvin, ces neufs mois ont été si durs.

- Je sais Neha mais tout ira bien maintenant.

- Je suis heureuse que tu sois le père de ma fille, elle dit avant de mettre un coussin sur sa tête à cause de la gêne. Ce sera difficile de s'en sortir au début mais on finira par réussir. On a déjà franchi plusieurs épreuves, on est allé vite, c'est vrai, mais j'ai confiance en toi, j'ai confiance en nous. Je sais qu'on vivra heureux.

- Je te comblerais de bonheur, j'avais dit simplement en analysant le visage de ma fille.

- Merci, dit-elle en souriant



L'insouciance dont nous faisions preuve était plus que normal, je pense. Aucun de nous deux n'avait envisagé la possibilité que notre bonheur enfin établi soit anéanti quatre ans plus tard. Les difficultés n'ont jamais cessé de frapper à notre porte.




- Tu te rappelles ça ? lui demandais-je en lui tendant le mot qu'elle m'avait écrit il y a fort longtemps.




Neha, trop timide pour m'approcher, avait glissé un petit mot dans mon cahier quand on était en terminale. C'est comme ça que tout a commencé, et si avant je trouvais ça vieux jeu, maintenant, je trouve ça super mignon. J'avoue quand même m'être moqué d'elle au début, je pensais que c'était une blague ou une groupie.



- « T'es en couple ? » elle lit.

- Oui, je répondis instinctivement.

- Seigneur, pourquoi j'ai écrit ça ? dit-elle en se frappant le front avec un demi-sourire. C'est trop la honte.

- Bah parce que tu voulais me gérer, logique.

- N'importe quoi, elle dit en me frappant.

- Message court auquel je n'ai jamais répondu mais après maintes et maintes tentatives de ta part...

- Arrête, c'était juste une question !

- J'ai enquêté et fouillé ton carnet.

- Ne me parle pas de ça, je vais m'énerver.

- Je vais le lire alors.

- Tu l'as trouvé ?! Tu l'as ramené ?!

- Mais bien sûr, dis-je en me raclant la gorge avant de commencer ma lecture. « Aujourd'hui j'ai marché avec Layvin parce que ses amis n'étaient pas là. C'est la première fois que je suis seule avec lui. Il n'est pas pareil en dehors de la classe. Il est beaucoup plus calme quand il est seul. » je lus en fronçant les sourcils. Logique, je ne vais pas rire seul dans la rue, je commentai avant de reprendre ma lecture. « Toujours aussi drôle et naturellement gentil. Il a tellement de facettes. Tous ces aspects de lui, je...

- Tous ces aspects de toi, je veux tout garder pour moi. » termina Neha.

- C'est écrit : « Tout ces aspects de lui, je voudrais tout garder pour moi. »

- Mais je parle au présent, pourquoi dire lui alors que tu es devant moi ?

- Quelle loveuse, dis-je en souriant.

- Je t'aime.

- Je t'aime aussi ma femme, pour toujours et à jamais.

- Jusqu'à ce que la mort nous sépare et même au-delà, elle ajouta avant que je ne lui embrasse le front.



Aujourd'hui je suis seul, je n'ai même plus cette petite part de Neha avec moi qu'était Jadina. Je ne sais même pas où elle est. Je me retrouve sans famille, sans amis et tout le monde meurt autour de moi. Quelle malchance.

Je me demande quand arrivera mon tour, si je dois attendre un événement précis avant de rendre mon âme. Qui vais-je perdre encore ? Niklaus, peut être ? Ce sera sûrement un suicide dans son cas, il est beaucoup trop atteint par sa petite-amie.

Je ne suis pas en mesure de demander quoi que ce soit à cause de l'ampleur de mes péchés mais j'implore le Seigneur pour qu'il n'arrive rien à ma petite fille. Je ne veux pas la perdre, je ne le supporterais pas. Si je suis réellement maudit, j'accepte de ne jamais la retrouver, de ne jamais pourvoir lui reparler tant que tout va bien pour elle.

Je ne sais pas si je suis vraiment néfaste pour autrui mais tout laisse à croire que c'est fort plausible. C'est peut-être parce que ça me porte malheur de croire à mon bonheur, parce que l'aura qui m'entoure est désastreuse pour mon entourage, parce que je les mène à une mort précipitée.

Mais qu'est-ce que j'ai fait exactement pour être maudit ? Ai-je réellement renié Dieu pour qu'il me punisse ainsi ? Je ne sais pas, ce n'est pas ce que je voulais. Je n'ai pas mis ma religion de côté pour subir ces épreuves, que dis-je, ce châtiment. J'ai mis ma religion de côté parce que je ne suis pas hypocrite et maintenant, je suis en train de déteindre mon poison sur Niklaus.

La femme qu'il aime vient de le trahir, il est contraint à s'en séparer alors qu'elle est toujours en vie. J'ai peut-être eu tort de lui révéler la vérité, j'aurais peut-être dû garder ça pour moi, après tout ça ne m'infecte pas directement. Enfin, si, ça infectait la mission alors je ne pouvais pas faire autrement.

Cette femme a trop de pouvoir sur Niklaus et il ne s'en rend même pas compte, elle le distrait trop. Déjà qu'il ne sert pas à grand-chose, elle était en train de le rendre complètement inutile. Je ne pouvais pas la laisser faire davantage. 

Ce dont je suis sûr, malheureusement, c'est qu'il ne tardera pas à retomber dans ses bras. Je ne veux pas que Niklaus ressente ce vide que je ressens continuellement mais je ne veux pas non plus qu'il se laisse marcher sur les pieds. Enfin peu importe, dans tous les cas, je suis le méchant de l'histoire.

Aujourd'hui, je donnerais ma vie pour ne plus voir mourir personne. J'aimerais ne plus devoir subir cette abomination appelé « deuil. » Il est vrai que j'ai récolté ce que j'ai semé en participant à la mort de l'autre Empreinte là, mais je trouve que le prix a payé est trop fort.

J'en ai marre de cette vie, j'ai envie de mourir. J'ai l'impression qu'un poison envahit mon cœur et que je deviens de plus en plus mauvais depuis la mort de Neha. Enfin, ce n'est pas qu'une simple impression. Je suis certain de porter malheur et que c'est ce phénomène qui a touché Isaac et Neha.

Je me battrais pour les venger.



- Relaxe, Layvin... soufflais-je.



Un bruit irritant et régulier me coupe dans ma réflexion, on dirait des pleurs étouffés. Je m'approche de la personne qui l'émane jusqu'à ce que j'aperçoive l'enfant du parc. Ça doit bien faire une semaine qu'il est là, il porte les mêmes vêtements un peu sales, abîmés. Qu'est-ce qui a bien pu lui arriver ? Son cousin tarde beaucoup trop à venir le chercher à mon goût.



- T'es encore là, toi ? Il est où ton cousin ?

- Ah, c'est vous, il dit en séchant ses larmes.

- Parle-moi, dit moi ce qu'il y a. Ça fait quatre jours que t'es là.

- J'attends mon cousin, dit-il en pleurant.

- -Ton cousin ? Tu ne serais pas le cousin d'Isaac ? je demande complètement au hasard, juste au cas où.

- Tu le connais ?!

- Oui, je dis avec un demi-sourire.



Quel est le pourcentage de chance pour que nous nous rencontrions, moi et ce gamin ? Je n'en sais rien, mais Dieu est tellement grand que je me sens obligé de m'occuper de lui maintenant.



- Tu peux me ramener chez moi, s'il te plaît ? Je crois qu'il m'a oublié.

- Il ne t'a pas oublié.

- Samedi, il m'a emmené chez sa copine et il n'est jamais revenu me chercher. Et après, il dit presque en pleurant, elle en avait marre de me garder alors elle m'a ramené chez moi mais il n'y avait personne... J'ai attendu dans les escaliers vraiment longtemps mais il n'est jamais revenu et sa copine, elle m'a laissé toute seule, il dit avant d'éclater en sanglots. Le gardien de l'immeuble m'a chassé et je ne sais toujours pas où est Isaac.

- Viens avec moi jusqu'à ce que tes parents rentrent de leur vacance, je dis avant de le prendre dans mes bras malgré son odeur nauséabonde. Tu sais combien de temps ils doivent faire ?

- Un mois, je crois.

- Ça va, dis-je en examinant toutes les responsabilités dont je m'encombre avant de le détacher de mes bras. Comment tu t'appelles ?

- Shiloh.

- Shiloh, Shil, Phil... M'oui, ça me parait bien. Voilà comment je vais t'appeler.

- Quoi ?

- Tu seras Phil maintenant, comme le petit dans The promised neverland.

- Mais ce n'est pas mon prénom, il dit d'une petite voix.

- Justement, c'est ce qu'on appelle un surnom.

- Et toi, comment tu t'appelles ?

- Tu peux m'appeler noko Layvin.

- Noko ? C'est bizarre comme nom.

- Ça veut dire « tonton » en lingala, dis-je en lui tendant ma main.

- Okay, noko ! il cri en me serrant fort la main avant de marcher à mes côtés.



Trois pas à ses côtés ont suffi pour me faire comprendre qu'il fallait que je le porte. J'ai été un peu surpris quand je l'ai entendu ronfler dans mes bras au bout d'une dizaine de secondes mais c'est assez compréhensible étant donné sa qualité de vie.

Je suppose que c'est fatigant de vagabonder autant pendant une semaine. D'après ce que j'ai pu voir tout à l'heure, Shiloh était constamment sur ses gardes à cause des gardiens qui voulaient le chasser. Il n'a pas dû manger grand-chose de consistant depuis un certain temps et encore moins dormir confortablement.

Son calvaire est terminé maintenant, je prendrais soin de lui pour qu'il puisse enfin se reposer. Ce pauvre garçon qui n'a plus la force de marcher mérite de recevoir la paix. Il n'a pas un vivre comme un SDF en plus de la mort de son cousin et ce sentiment d'abandon qu'il ressent en ce moment.

Arriver à l'appartement de Niklaus, j'installe Shiloh dans ma chambre avant de m'assoupir devant la télé. Je n'ai même pas le temps de commencer un épisode que le bruit de la porte gronde.

Niklaus est rentré.



- Tu regardes quoi ?

- Tokyo Ghoul.

- C'est bien.

- Mmh, dis-je simplement alors que je pensais à la meilleure façon d'agir. Dois-je m'excuser d'avoir détruit ses espoirs de vie idéal ? pensais-je fortement avant de réaliser que non et que d'ailleurs, il m'a posé une question dont il ne voulait même pas connaître la réponse cet imbécile.

- Une fois que tout sera fini, tu quitteras cet appartement.

- Je ne comptais pas élever Jadina à tes côtés de toute façon.

- C'est ça, je suis impatient de retourner au Canada. J'aurais dû y rester d'ailleurs.

- Et ne pas venger ta sœur ?

- J'aurais dû la venger sans toi. Quatre ans d'attente pour qu'il n'y ait aucun progrès en presque un mois, c'était juste une perte de temps supplémentaire.

- Une Empreinte est morte.

- Ah, c'est vrai. Je devrais m'excuser pour cette petite parenthèse, c'est ça ? Quatre semaines pour tuer une seule personne ? La prochaine Empreinte devra donc attendre le mois prochain ? il parle d'un ton très sarcastique qui m'irrite au plus haut point mais je prends sur moi parce que « je suis en tort. »

- T'es culotté pour une personne qui ne sait que parler via l'oreillette, dis donc. Qu'est-ce que t'as fait toi, dis-moi ?

- Excuse-moi monsieur qui n'a pas besoin d'informations mais qui squatte la chambre comme un obsédé 24h/24.

- T'aurais voulu rester dans l'ignorance, enfaite ? Je n'aurais rien du te dire, c'est ça ?

- Tu me crois vraiment bête ? Je savais très bien que je ne devais pas lui accorder toute ma confiance mais tant qu'elle me donnait des informations, ça ne me dérangeait pas.

- Je vois. En d'autres termes, ça ne te dérangeait pas d'être une mission.

- Noko ?

- Ouais ? soupirais-je en me rendant compte que j'avais oublié Shiloh et que je n'avais d'ailleurs pas signalé sa présence.

- Je peux aller faire pipi ?

- C'est tout droit à droite.

- Merci, dit-il en courant aux toilettes.

- C'est qui lui ? demande Klaus en me toisant.

- Oulah, fais-je doucement. Je n'avais pas prévu que Shiloh soit découvert aussi vite, pensais-je en organisant une réponse cohérente. C'est le cousin de mon codétenu. Il devait le garder mais il est mort. Ses parents sont en voyages, ils reviennent dans trois semaines.

- Tu penses que mon appartement est un hôtel ? Est-ce que tu sais à quel point c'est dur de s'occuper d'un enfant ?

- Je suis père, je te rappelle. Et toi, qu'est-ce que t'en sais ? T'aurais voulu que je laisse cet enfant errer dans la rue, c'est ça ? Shiloh est assez grand pour ne pas être trop dur à gérer. Il ne te dérangera pas, je m'en occuperais seul.

- Tu prends trop de liberté, Layvin.

- Excuse-moi, je n'aurais pas dû agir aussi vite face à un enfant que je connais et qui est devenu sans abris. Tss, 156 de Q.I., tu parles, chuchotais-je.

- Bonsoir... dit Shiloh, intimidé en sortant de nulle part.

- Mmh, bonsoir.

- Je m'appelle Shiloh, et toi ?

- Niklaus.

- C'est un beau prénom !

- Retourne dormir, je dis pour les interrompre. Je t'achèterai des vêtements demain.

- D'accord noko !



Mon second téléphone sonne affichant le prénom de Nayla. J'hésite quelques secondes avant de répondre car je sais que ce n'est pas dans ses habitudes de m'appeler au milieu de la nuit pour des idioties mais pour un meurtre c'est fort possible et j'avoue avoir la flemme d'être son complice ce soir.



- Allô ?

- Layvin ? T'es avec Niklaus ?

- Tu connais mes fréquentations, maintenant ?

- C'est Annie qui m'a demandé de t'appeler, elle m'a dit que vous vous connaissiez.

- Tu lui veux quoi ?

- Dis-lui d'aller chez Annie, s'il te plaît, c'est une question de vie ou de mort.

- Je lui dis mais je ne te promets rien, dis-je sèchement avant de raccrocher. Il faut que t'ailles chez Annie, apparemment c'est une question de vie ou de mort, je dis à Niklaus avant de m'installer de nouveau confortablement devant la télé, entouré de mon plaid.

- Qu'est-ce qu'elle a ?

- Je n'en sais pas plus. Elle essaie peut-être de se suicider.

- Ce n'est pas son genre. Je reviens. 

- Okay, je n'ai même pas le temps de prononcé le mot en entier que la porte se claque.

- Eh, noko ?

- Oui, soufflais-je en réalisant que je l'avais encore oublié.

Il ne veut pas aller dormir, lui ? Il avait l'air d'avoir du sommeil à rattraper tout à l'heure pourtant.

- Annie, c'est son amoureuse ?

- C'est plus compliqué que ça mais oui, si tu veux.

- Pourquoi c'est compliqué ?

- Parce qu'elle, c'est une menteuse et que lui, il est super bête en amour.

- Mmh, je vois. Et la femme qui t'a appelé, c'est ton amoureuse ?

- Bien sûr que non. Tu me fais quoi là, Phil ? Un interrogatoire ?

- Moi, c'est Shiloh, il dit pour me corriger. J'ai entendu une voix de femme au téléphone, c'est pour ça que je te le demande mais t'as l'air méchant avec elle.

- T'as l'air un peu trop futé à mon goût, je n'aime pas ça.

- C'est ton amoureuse ou pas ?

- Non.

- C'est qui ton amoureuse, alors ?

- Elle est morte il y a quatre ans.

- Quand je suis né ? Mais ça fait longtemps ! s'exclame-t-il.

- Une éternité de souffrance. Elle était enceinte d'un petit garçon d'ailleurs, t'aurais pu être mon fils.

- Moi, j'ai déjà un papa.

- Je ne te veux pas de toute façon, je veux Phil moi.

- Mais je ne m'appelle pas comme ça !

- C'est pour ça que je ne parle pas de toi. Allez assis toi, je vais t'expliquer quelques petites choses de la vie. 



Il s'assoit en face de moi et saisis mon plaid pour le partager sans aucune autorisation admise. Pour aller aux toilettes, il demande la permission mais par contre pour prendre mon plaid, il trouve qu'aucune autorisation n'est requise. Il n'a vraiment aucune logique cet enfant, que Dieu m'empêche de le battre à mort.



- Ta vie vient de commencer et tu ne connais encore rien de ce monde affreux. Tu m'as l'air d'être un enfant intelligent, et crois-moi que je ne dis pas ça à tous ceux que je croise alors Shiloh, écoute-moi bien. Tout être n'est pas destiné à être heureux. J'ai mis beaucoup de temps à accepter cette vérité parce que depuis mon enfance, je n'ai pas eu un foyer normal et j'espérais que ça s'arrange en grandissant. Mon père est mort quand j'avais ton âge et j'ai vécu seul avec ma mère jusqu'à ce que je me marie. Ma femme est ensuite morte, ma fille est partie vivre avec ma mère et puis il y a eu une suite d'événements désastreux. Ma vie n'est clairement pas un cadeau, je dis en riant nerveusement. Je n'ai pas eu la chance d'avoir une vie heureuse et aujourd'hui, je ne me considère même plus comme étant vivant. Ici, il n'y a d'amoureuse pour personne. Ici, on prépare l'avant-guerre. L'amour n'a plus de place dans ma vie parce que j'ai déjà aimé, aujourd'hui je ne sais que haïr.

- Pourquoi tu parles avec une autre femme, alors ?

- Tout ça pour rien, soufflais-je.

- Non ce n'est pas vrai, j'ai compris et j'ai plein de questions aussi mais pourquoi tu dis ça et tu parles à une autre femme ?

- J'aimerais exploiter tout son talent avant que ma mission ne soit terminée et que j'aille loin d'ici en compagnie de ma fille.

- Tu te serres d'elle ?

- D'une certaine manière. Elle sait tout faire sauf le ménage alors pourquoi pas.

- Eh enfaite, noko, comment elle est morte ta femme ? On l'a tué ?

- Ouais.

- Comment ? Elle est où ta fille ?

- Je ne sais pas.

- Pourquoi tu ne sais pas ?

- Dort Shiloh, il est tard.

- Mais j'ai encore plein de questions !

- Demain.



Cet enfant n'est peut-être pas un infiltré mais il est beaucoup trop perspicace à mon goût. Je devrais peut-être faire attention même si c'est le cousin d'Isaac, même s'il me fait penser au fils que j'aurais dû avoir il y a quatre ans. Peu importe au fond, ce n'est pas mon fils et il a l'air très utile. Je me dois de l'exploiter au maximum.

























Niklaus



Devant la porte en train de faire les cent pas, j'hésite encore à sonner. Ça fait déjà cinq minutes que je suis là, cinq minutes que je réfléchis et que j'hésite à entrer dans son appartement. Elle dit que c'est une question de vie ou de mort et maintenant, j'ai peur de ce qu'il peut y avoir derrière cette porte. Cependant, il y a cette autre partie de moi qui n'y crois pas du tout et qui pense que c'est une énième ruse de sa part pour m'attirer dans ses filets.

Je me doutais déjà de sa trahison. Je sais pertinemment qu'il fallait que je garde une certaine distance entre nous, elle n'était plus nette depuis que je l'avais retrouvé mais je ne voulais pas le croire et j'aurais largement préférée me tromper.

J'ai coupé tout contact avec elle il y a à peine une heure mais je me suis tout de même empressé de venir quand elle m'a appelé et je ne peux pas jurer que cette situation n'arrivera pas de nouveau.

J'ouvre doucement la porte avant de crier son nom, ma voix fait écho alors que je ne reçois pas de réponse. J'avance doucement jusque dans sa chambre pour trouver Sheyla assise par terre, en boule, dans un coin de sa chambre. Elle n'a que son long manteau kaki pour la couvrir et cacher sa fine lingerie noir dentelée qui laissait paraître plusieurs de ses bleus. Ses cheveux sont... comment dire... désordonnées, peut être ? Elle a l'air, sans exagérer, d'être au bout de sa vie.

Annie a toujours eu de longs cheveux, un peu près mi-dos lorsqu'ils sont lisses et en dessous de la nuque quand ils sont de nouveau crépus. Elle faisait parfois quatre grosses couettes comme une enfant et ça la rendait encore plus mignonne.

Malheureusement, ce que je vois en face de moi aujourd'hui n'a plus rien avoir avec la Sheyla que je connais. La fille en face de moi ne ressemble plus à rien, c'est horrible. Ses cheveux sont sans forme, sans longueur. Alors que certains remontent comme ceux d'un bébé, d'autres longent encore le long de son cou. Elle a des trous ici et là mais aucune longueur n'est vraiment apparente. Je remarque la petite touffe de cheveux qu'il y a par terre et entre ses mains alors que ses sanglots se font entendre plus fort. On croirait qu'elle en agonie.



- Qu'est-ce qu'il se passe ?

- Va-t'en, elle dit sans me regarder tout en se tirant les cheveux agressivement.

- Pardon ? Tu me demandes de venir, ensuite de partir ?

- Qui t'a demandé de venir ?



Toute la pitié que je ressentais pour elle il y a quelques secondes s'en alla d'un seul coup. Là, actuellement, j'ai envie de lui faire la boule à Z. Et dire qu'elle ose sérieusement négligé ma présence alors que j'ai mis ma colère de côté, qu'elle ingratitude.



- Ta copine.

- Nayla n'est pas mon amie.

- Ça tombe bien, je n'ai pas utilisé ce mot, dis-je avant de m'assoir par terre. Jouons au plus malin, si c'est ce qu'elle désire, pensais-je en soupirant.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je m'assure de ne pas regretter ma décision.

- Ne regrettes rien, elle dit en mettant sa tête dans ses bras.

- Je pensais que tu étais de mon côté.

- J'ai toujours été de ton côté mais j'ai eu une mission te concernant le soir de mon anniversaire.

- A propos de quoi ?

- Je ne peux rien dire.

- Tu m'étonnes.

- Tu ne me comprends pas, tu ne comprends jamais rien ! elle cri avec une petite voix étouffé par ses sanglots.

- Explique-moi alors.

- J'en ai assez d'être faible, assez d'avoir ce genre de vie qui dépend d'une certaine personne ! Ma vie ne m'appartient plus, je ne vis que pour protéger...

- Mais protège-toi d'abord ! criais-je en lui coupant la parole. C'est quoi ça, Annie ?! Elle est passé où celle qui tenait tête à son frère ?! Celle qui était honnête à en mourir ça, hein ?! Mais où t'es passé ?! Où est la Sheyla que je connais ?!

- Elle est morte quand t'es parti au Canada ! Quand tu m'as abandonné à mon sort, quand tu m'as lâché !

- Je ne t'ai jamais abandonné, tu devais te marier ! J'aurais dû assisté à ton mariage, c'est ?!

- Laisse-moi tranquille, sort d'ici !



J'essuie ses larmes malgré moi avant de la prendre dans mes bras. Je ne contrôle plus ma raison, j'étais pourtant décidé à ne plus la toucher de quelques façons que ce soit mais depuis le début de cette soirée, depuis le début de cette histoire, tout ce dont j'avais envie, c'était juste de la prendre dans mes bras.

Je veux lui dire que peu importe ce qui lui arriva, peu importe la manière dont les choses tourneront, peu importe qui seront ses ennemis, je resterais toujours son allié et ceux même si sa nature a repris le dessus. Même si la femme qu'elle est, l'avait contraint à me trahir.

Je sens mon pull s'humidifiait, ses cris étouffés contre ma poitrine ainsi que toute la haine qu'elle ressent. Son cœur se serre, je sens qu'elle va exploser.



- Je t'aime, putain. Je ne veux pas finir seul, pas sans toi, je dis parce que je sais qu'elle a besoin de l'entendre et que je n'ai jamais autant eu besoin de le dire pour me sentir bien. « Si je ne lui dis pas maintenant, elle croira qu'elle est seule. » Voilà ce que je pense...

- Moi aussi... elle dit en se serrant plus fort contre moi.

- Sèche tes larmes, raconte-moi tout Sheyla, il faut que ça cesse.

- Je... Je suis rentrée et Hinaki m'attendait... elle bafouille un peu en commençant à parler. Il s'est directement jeté sur moi en m'interrogeant sur ma tenue, mes cheveux décoiffés et l'endroit où j'étais. En apercevant la chaîne que tu m'as rendu, il s'est mis à me frapper sans même me demander ce que je faisais avec. Il m'a coupé les cheveux et s'apprêtait à me violer quand Nayla est entrée, c'est elle qui l'en a empêché... elle dit doucement avant de se remettre à pleurer. Niklaus, il faut que tu t'éloignes de moi. Si un jour il apprend que l'homme à qui appartient cette chaîne c'est toi... Si un jour il apprend que j'ai une relation avec toi alors il va te tuer... Et moi, je ne veux pas que tu meurs, elle dit avant d'éclater en sanglots encore une fois.

- Ne pleure pas, dis-je en lui caressant le dos. Je ne vais pas mourir pour si peu.

- Je ne veux pas que... elle essaie de répéter sa phrase mais sans succès.

- Il ne me tuera pas Sheyla, parce que je le ferais bien avant. Notre histoire ne finira pas maintenant, pas comme ça.

- Mais...

- On va se barrer et on aura une vie normale. Loin de toutes ces agitations, loin de toutes ces histoires de gang.

- Et le Canada ?

- On ira ensemble si tu veux, sinon on restera. C'est toi qui décides, Sheyla. Je te demanderais juste un peu de temps, une dizaine de jours au maximum. 

- Pourquoi ?

- Je ne peux rien te dire pour l'instant.



J'ai beau vouloir être avec elle jusqu'à la fin de mes jours, actuellement je ne sais toujours pas si je peux lui faire confiance. De toute manière, je dois encore garder le secret ne serait-ce que pour qu'elle n'avoue rien en cas de haute pression et surtout parce qu'elle ne m'a toujours rien dit au sujet de sa mission.



- Je comprends.

- Va à l'hôtel pour cette nuit. Je te trouverais un nouvel appartement avant la semaine prochaine.

- D'accord, je vais prendre mes affaires.

- Je t'attends ici.



Je l'observe s'en aller avec son long manteau qui donne l'air d'un drap. Elle a l'air tellement maigre comme ça que ses marques n'en deviennent que plus horribles. Je me déteste de ne pas avoir su voir toutes ses souffrances auparavant mais dorénavant, je promets de la protéger.




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@_Loyaliste

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