L • V.
Layvin
Ça fait déjà plusieurs secondes qu'on roule, presque deux minutes à vrai dire mais nous ne sommes toujours pas arrivés à destination. La Peugeot prend les virages sans hésitation et s'arrête même au feu rouge, qu'est-ce qu'elle est intelligente.
- Met ta ceinture, dis-je à Nayla.
- C'est fait !
- Tu t'es trompé de voiture ou quoi ?
- Mais non ! C'est bien cette Annie que tu cherchais non ?! elle dit en me montrant sa photo, complètement paniquée.
- On est tombé dans une embuscade, je dis calmement.
J'essaie d'ouvrir la porte malgré le danger que ça représente mais elle reste bloquée. J'ai l'impression d'être emprisonné et je déteste ça, quatre années m'ont largement suffi. Je ne peux même pas baisser la vitre, c'est quoi ce bourbier ?
Je sors mon poignard pour essayer de la briser mais ça n'a aucun effet. Il ne faut pas me blâmer, je fais avec les moyens du bord.
- Il faut toujours avoir un poignard sur soi, c'est clair Nayla ?
- Evidemment, dit-elle en sortant le sien. Tu veux que j'essaie ?
- Ça ira, il est empoisonné ?
- Layvin, je n'ai pas toujours du poison sur moi, voyons. Je pourrais me tuer voyons, dit-elle en riant alors que je suis persuadé que son sac contient quelques dizaines de seringues.
La voiture s'arrête devant une petite maison à l'air abandonnée. On se croirait dans un film d'horreur où une famille bête emménage en campagne sans voisin sachant pertinemment qu'une douzaine de personnes sont déjà morts ici. En bref, ça fait flipper. Il n'y a même pas de lampadaire.
Mais qu'est-ce que je fous là ?
- C'est effrayant.
- Les portes s'ouvrent de nouveau, je constate.
- Je n'arrive pas à démarrer.
- C'est un mal pour un bien, je ne veux pas faire d'accident.
- Je sais conduire.
- On y croit, je dis avant de descendre pour vérifier le moteur.
La Peugeot 208 est une automatique donc je pense qu'elle a été contrôlée à distance. Je conçois que c'est une bonne idée mais qui a pu faire ça ?
Ah, sûrement l'homme en face de moi.
- Hinaki ! cri Nayla en passant son bras sous le mien pour je ne sais quelle raison.
« Hinaki, le tireur d'élite. Il a tué son frère il y a un an pour trahison de leur gang, fais-en tes propres conclusions. »
Est-ce que Nayla connaît toutes les Empreintes ?
- Qu'est-ce que tu fais ici ? demande-t-il à Nayla en soufflant.
- Je...
- C'est toi qui nous as conduit ici ? je lui demande l'air de rien.
- Vous n'étiez pas censé être dans cette voiture.
- Tu voulais voir Annie ?
- Je te laisse cinq secondes pour me dire qui tu es pour elle, demande l'homme impoli.
- Personne d'important. Il y a un problème ?
- On va retourner à la villa. Tu peux arrêter de jouer avec cette voiture ? demande Nayla.
- C'est déjà fait.
- On s'en va alors, j'espère qu'elle viendra à ton rendez-vous.
Je monte côté conducteur sous la pression de Nayla. La voiture est effectivement redevenue normale étant donné que je peux conduire. Je regrette que les vitres soient teintées, j'aurais aimé qu'il observe mon regard empli de haine un peu plus longtemps. J'aurais aimé qu'il me reconnaisse. Hinaki fait partie des quatre hommes qui ont tué Neha. Je ne sais pas quand ni comment mais je le tuerais.
Nayla m'indique la route à suivre pour retourner à la villa, à cette fête horrible et bruyante sans oublier de déposer le matériel.
- J'ai une question à te poser.
- Oui ?
- Tu fais partie de quel gang ?
- Je n'ai pas le droit de te le dire.
J'avais oublié que les femmes ne révélaient pas ce genre d'informations étant donné qu'elles sont censées en voler et non en dévoiler.
- T'es proche de Blood Print pour une femme qui les craint.
- J'ai déjà eu affaire à eux à cause d'une embrouille entre nos chefs. Ils ont bien fallu nous détruire, c'est pour ça que j'ai autant peur d'eux. Heureusement que les tensions se sont apaisées.
- Je vois.
Malgré mes efforts pour qu'on ne se rapproche pas, je dois avouer que c'est un peu raté. Notre relation n'est aucunement sentimentale, bien sûr, mais ça s'est fait malgré moi. Nayla n'est pas mon amie, je la qualifierais plutôt de ma Bonnie sur le plan d'action et rien de plus. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est mon associée mais elle pourrait m'être utile.
La soirée continue à son rythme et plus ça va, moins je vois Klaus. Il vague sûrement à ses occupations avec sa catin de service. Je profite de son absence pour faire une courte balade nocturne et me changer les idées.
Mes pensées viennent vivement frapper à la porte, me rappelant une énième fois que je suis seule au monde. Je viens de réaliser que je n'arrive plus à passer du temps seul sans penser à Neha, à Jadina et à cette grande solitude qui me hante. C'est tellement triste.
J'ai perdu ma famille, je n'ai plus d'amis et ceux que je considérais comme mes frères m'ont abandonné. « Frère » c'est un titre donné par la bêtise. J'ai vécu quatre ans d'enfer, n'ayant des visites que de mon beau-frère qui préparait cette vengeance. Je ne recevais des lettres que de ma mère, que des dessins de ma fille. Je vivais un enfer injustement parce que j'étais accusé d'avoir enlevé la vie de ma femme. C'est absurde, j'aurais tout fait pour mourir à sa place ce jour-là.
Je vous laisse comprendre mon étonnement quand j'ai entendu un homme crier mon nom. Je relève donc la tête pour observer cet individu intéressé par ma personne quand j'aperçois mon ex-compagnon de cellule.
- Isaac Evans.
- Ne dit pas mon nom comme ça, oh. Tu sais à quel point...
- La France te fait vomir, dis-je en souriant.
Isaac Evans est colombien, né en Colombie, et venu à l'âge de 22 ans « à cause » de sa mère qui voulait qu'il fasse ses études ici. Faute de parcours, il s'est retrouvé en prison pour une accumulation de raisons stupides, tel que vol ou injures. Il a donc pris six mois et est donc devenu mon compagnon de cellule.
Je l'entendais tous les jours dire qu'il détestait la France et qu'il voulait rentrer chez lui. « Les français ne méritent pas de connaître mon nom. » disait-il. Mais qu'est-ce qu'il fait ici, aujourd'hui ?
- Exactement, je n'aurais jamais dû apprendre à parler français d'ailleurs. Tout ça, c'est à cause de ma mère et de ses cours particuliers francophones. Il faut vraiment que je rentre.
- Je sais, je sais. Que fais-tu là ?
- Je te retourne la question.
- Okay, restons-en là.
- Allons au parking, dit-il en faisant le premier pas.
- T'es pas mort, alors ? lui demandais-je l'air de rien.
- Je t'avais dit que j'étais immunisé contre ta malédiction.
- A croire.
- T'as fait quoi depuis ta sortie ?
- Si on enlève les cinq derniers chapitres de ma vie, je ne dirais rien d'important. Ah si, j'ai trouvé du travail.
- On a voulu de toi ?!
- Qui ne veut pas de moi ?
- On voudra forcément de moi quelque part alors.
Après la prison c'est dur, surtout pour trouver un travail. Il faut aussi se réhabituer à la société, c'est chiant. On doit repartir de zéro comme si c'était normal et toute la terre nous regarde d'un mauvais œil.
J'avoue avoir plusieurs fois eu envie de rejoindre Neha. J'ai tenu quatre longues années et c'est tellement long qu'aujourd'hui encore, j'ai l'impression que mon cauchemar ne se terminera jamais. La seule chose qui me permet de rester fort un tant soit peu, c'est Jadina.
- Tu ne retournes pas en Colombie ?
- Il faut bien que je paye le voyage. C'est la raison pour laquelle je suis ici enfaite, et toi ?
- Un peu pareil.
- Mon oncle me prend trop la tête, il faut que je parte.
- C'est chiant de ne pas être chez soi. Je sais de quoi je parle, pensais-je un peu fort.
- En plus de ça, il se permet de partir en voyage pendant un mois en me laissant son gosse. Il est complètement malade. J'ai une tête de nourrice, moi ? Maintenant, je suis obligé d'attendre leur retour pour rentrer.
- La vie n'est pas un cadeau.
- Et dire que la voisine ne veut plus le garder, je vais devoir arrêter les sorties un moment. Purée Layvin, je ne suis pas sorti du trou pour ça !
- T'es sorti quand, enfaite ?
- Il y a quatre jours.
- Layvin ?
- Qui m'appelle, encore ? soufflais-je.
- J'ai besoin de toi, me dit Nayla.
Je me demande sincèrement ce que j'ai fait pour tomber sur elle deux fois en une soirée, comment j'ai fait pour devenir la personne qu'elle vient rencontrer en cas d'urgence ? Je ne me souviens pourtant pas m'être engagé à elle. Nos destins ne sont pas liés ou même entremêlés, dénouez-moi de cette femme qui me prend pour son issue de secours.
- Quoi, encore ?
- Je dois te dire la vérité.
- Parle.
- Je...
- Nayla ?! dit le traître de titan féminin en arrivant, je pensais qu'elle était dans une chambre ou je ne sais où pourtant.
- Laisse-moi parler.
- Arrête de dire n'importe quoi, viens avec moi ! répond Annie.
- Retourne en haut !
- T'as déjà des conquêtes ? demande Isaac.
- J'ai déjà la bague, vois-tu ? dis-je en lui montrant mon alliance.
- Excuse.
- Viens, reprend Annie en soufflant.
- On se voit après ? me demande-t-elle.
- Ouais.
Nayla a un air complètement hystérique, un peu plus que d'habitude, je veux dire. Dieu sait pourquoi, moi, je ne sais pas.
- C'est quoi ton code ? me demande Isaac, mon téléphone en main.
- 2493.
- Eh, mais ce n'est pas ta matricule ?
- Si.
- Et moi c'était 1281, que de souvenirs.
Des souvenirs épouvantables pour ma part. La nuit noire, les quelques rayons de lune rares et le froid laissant place à la nostalgie du soir me rendaient vulnérable à tel point que je n'ai jamais osé me confier à qui que ce soit. Ce n'est pas comme si j'avais des amis de toute façon. Quelle affreuse période.
Quelques jours sont passés après cette soirée. Depuis que cette norme s'est installée, les autres jours de la semaine sont devenus inutiles et maintenant j'attends une nouvelle fois qu'on soit samedi pour que les choses avancent.
Assis sur une chaise plutôt confortable, je faisais mon devoir que je qualifierais de désagréable et même d'ennuyant. Par tout hasard, saviez-vous que l'école était payante ? L'Etat le prélève aux impôts et déclare ensuite qu'elle est gratuite mais c'est juste un mensonge. Quel pays rusé qu'est la France.
Ce mercredi après-midi semble être le plus long de ma vie et même un peu plus long que tous ceux que j'ai passé en prison, je dirais.
Être comptable est un métier qui ne me passionne plus, en réalité, ça n'a jamais vraiment été quelque chose qui me plaisait. Il fallait que je me dépêche de choisir une voie, je n'avais pas de temps à perdre et il fallait que mon salaire soit assez élevé étant donné que j'allais me marier. J'étais fort en math alors mon métier était tout choisi. Sans même faire d'efforts à l'école, j'obtenais des résultats satisfaisants alors c'était facile de devenir comptable.
J'aurais peut-être dû avoir une passion ou quelque chose d'important qui compte pour moi. J'aurais peut-être dû apprendre à jouer d'un instrument ou soigner mon genou pour pouvoir refaire du basket.
Mais peu importe, à l'heure d'aujourd'hui j'ai des choses plus importantes à faire.
Les samedis se termineront dans cinq semaines. Je ne sais pas si ça va suffire à faire tomber toutes les Empreintes et j'ai l'impression de manquer de temps. Si Niklaus ne veut toujours pas revenir sur le droit chemin, on n'arrivera jamais à rien.
Toujours avec mon oreillette, je reçois des bonnes nouvelles. Annie me fournit enfin les preuves dont j'ai besoin.
- Je ne vais pas passer par quatre chemins.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demande-t-elle.
- T'es bizarre en ce moment, c'est quoi le problème ? Tu vois quelqu'un d'autre ?
- Non, elle dit assurément.
Ce n'est pas la voix de Klaus que j'entends là, si ? J'en connais un qui ne va pas être content.
- T'as intérêt, je ne vais pas blaguer avec toi sinon.
- Je sais.
- Ah bon, parce qu'elle joue sur un terrain dangereux en plus ? pensais-je en souriant. C'est amusant comme situation.
- Ne t'avises plus d'aller faire quoi que ce soit si ce n'est pas moi qui t'envoies.
- D'accord, souffle-t-elle.
- Je veux que tu restes à la maison, arrêtes de faire ce que le chef te dit de faire. S'il y a un problème, tu m'appelles et j'irais lui parler. Tu n'as pas à faire des missions qui te mène à l'hôpital.
- Oui, Hinaki, c'était la dernière fois.
Hinaki, c'est le membre de Blood Print qui avait piraté sa voiture samedi dernier. Etant donné ce que je viens d'entendre, je pense qu'ils sont beaucoup plus qu'amants. Il a l'air de vraiment tenir à elle et essayer de la protéger.
Annie est beaucoup plus qu'une infiltrée, c'est un agent double. Hinaki a parlé d'une maison, d'un chef et même d'une mission. Ce que je viens d'entendre là, c'est un motif de kidnapping !
Ce n'est pas encore suffisant ? Je n'en ai rien à cirer, je vais la kidnapper.
- Il y a intérêt. On rentre maintenant.
- D'accord...
Elle a l'air d'avoir peur de lui, mais ça, c'est le cadet de mes soucis. J'ai assez de preuve pour que Klaus ne me tue pas si je la kidnappe. Je pense qu'Annie a drogué Klaus le jour de son anniversaire et c'est pour ça qu'il ne se souvient de rien.
C'est enfin l'heure de ma pause, l'heure de manger, de prendre l'air et surtout d'organiser mon plan.
Je n'ai pas revu Nayla depuis la fois où elle avait besoin de moi. Elle a réessayé de me parler dans la soirée mais il y avait toujours quelque chose qui la retenait. Du coup, j'ai rendez-vous dans avec elle dans le même parc que la dernière fois pour qu'elle puisse enfin se confesser.
Encore une fois, elle était déjà présente et en train de jouer avec ses doigts. Elle a l'air anxieuse en ce moment, ça m'inquiète. Non pas que je tiens à elle mais je n'ai pas envie d'être encore une fois mêlé à un meurtre.
- Je suis là.
- Assieds-toi.
Je m'exécute tout en observant sa main trembler. Je me souviens avoir vécu une situation similaire avec ma femme il y a quelques années, le 24 mars plus précisément, quand elle venait d'apprendre sa grossesse.
Elle tremblait et s'inquiétait pour l'avenir de notre fille. On a tout fait si rapidement, on n'avait que 19 ans et notre mariage n'était âgé que de deux mois. Je ne travaillais pas encore, comment allait-on pouvoir assumer cet enfant ?
Après des débuts difficiles, notre vie est devenue plus structurée. Neha a travaillé jusqu'à ce qu'elle soit à terme pendant que je jonglais entre l'école et le travail. Puis quand Jadina est née, il s'est avérée qu'elle était cardiaque et de ce fait, elle a passé une grande partie de son enfance à l'hôpital.
On a réussi à se stabiliser une nouvelle fois avec de nombreux prêt effectués pour subvenir aux soins de notre fille. De nombreuses choses étaient remboursés par la mutuelle mais ça ne suffisait pas malheureusement. J'ai terminé l'école et la paix s'est enfin installée. « Pour toujours » pensait-on, mais ça n'a duré que trois ans.
La vie n'a jamais été simple avec moi de toute façon, mon père est mort quand j'avais deux ans et la vie de mère célibataire de ma mère était couverte de dette et de travail. Voici une raison de plus pour laquelle j'ai toujours privilégié le salaire à la passion au choix de mon travail.
Chienne de vie, je ne saurais jamais heureux de toute façon. Vivement que je meure.
- Ouais ?
- Écoute-moi jusqu'au bout.
- Parle.
- Ça fait près d'un mois qu'on se connaît, c'est peu mais avec tout ce qu'on a vécu, je sais que je peux te faire confiance. Je voudrais qu'on s'associe et un peu plus... Je ne suis pas une prostituée. J'offre rarement mon corps et si tu ne veux pas, je...
- Je n'ai pas d'avis là-dessus, être associé ne signifie pas être en couple, je la coupe rapidement pour qu'elle n'aille pas plus loin.
- Je sais, mais Layvin...
- Nayla, je ne veux pas qu'on soit associé si c'est la définition que tu as. Tu es libre de faire ce que tu veux. Je n'ai aucun droit sur toi et d'ailleurs, tu n'as pas à te justifier. J'aimerais qu'on continue de se parler pour des choses nécessaires, pas pour ce genre de bêtise à trouver un nom à notre lien inexistant. Comme tu l'as dit ce jour-là, on est lié par un secret, c'est tout. Pour moi, tu n'étais qu'une genre de Bonnie sur le plan d'action. Et puis t'as quel âge ? 21 ? 22, peut-être ? Je pourrais être ton grand frère, j'ai la bague au doigt, moi.
- Je... Je dois rentrer... dit-elle hésitante.
- Moi aussi, je dis en me levant.
Je n'ai aucune envie de lui briser le cœur alors qu'elle est utile. Quelle idée de m'aimer ? Je ne suis pas encore devenu assez désagréable depuis que mon cœur est devenu noir ?
Avant c'était compréhensible que j'aie des conquêtes sans même faire le moindre effort, plus que beau, j'étais positif. L'amour de Neha me poussait à faire ressortir le meilleur de moi-même et sans elle, je n'arrive même plus à être aimable. Aujourd'hui, j'ai l'impression de ne ressentir que de la haine et de la colère, c'est la raison pour laquelle je ne souhaite ma compagnie à personne.
De toute façon c'est une enfant, on a six ans d'écart. Qu'est-ce que je peux bien faire avec ? Rien du tout.
Je ne suis plus apte à aimer une femme, je l'ai déjà fait une fois et j'y suis toujours engagé. Je ne veux pas non plus fonder une famille. Tout ce que je veux, c'est retrouver ma fille et maman aussi me manque énormément.
A force de cogiter, le regard vide, j'ai fini par trébucher sur quelque chose mais Dieu merci, je ne suis pas tomber, ce serait trop la honte. Personne n'a l'air d'avoir remarqué, même pas cet enfant qui est la cause de cet incident.
- Petit ? j'attends une réponse mais ses yeux restent fermés. On est certes en été mais ce n'est pas pour autant qu'il faut dormir à la belle étoile, surtout qu'il fait encore jour, là, soufflais-je. C'est peut-être un sans-abri, pensais-je ensuite. Eh, petit ? je parle un peu plus fort.
- Oui ? me répond-il, déboussolé.
- Réveilles-toi, tu ne peux pas dormir ici.
- J'attends mon cousin.
- Il est où ?
- Je ne sais pas, dit-il avant de bailler. T'es le gardien du parc, toi ?
- Non. Ça fait combien de temps que t'attends ton cousin ?
- Euh... Longtemps... il dit en réfléchissant.
- T'as faim ?
- Oui.
- Alors tient, il doit plus être très chaud mais j'ai que ça, je dis en lui donnant mon grec. On m'a coupé l'appétit.
- Merci ! C'est trop gentil !
- Sois aussi gentil quand tu seras grand.
- Oui !
- Prends soin de toi, dis-je avant de lui caresser les cheveux en souriant.
Voilà ma bonne action de la journée, ou du mois plutôt. Elle ne compensera pas toutes les mauvaises que j'ai faites depuis ma sortie mais elle suffit à soulager mes remords pour l'instant.
On dirait que la roue tourne et que le mal me retombe dessus. Je suis sur le point de perdre Nayla alors que Niklaus a déjà l'esprit ailleurs, ce qui fait que la vengeance n'avance plus.
- Je déteste ma vie, pensais-je en soufflant.
❧
Sans que je ne m'en rende compte, nous étions déjà samedi. Il faut dire que si le temps passe doucement quand j'attends cette soirée, il se met à accélérer quand j'essaie de fuir Nayla.
Ça me fait chier, je n'ai vraiment aucune envie d'y aller. Ce n'est pas que je porte beaucoup d'intérêt à Nayla, au contraire mais le fait est qu'elle ne peut plus être ma Bonnie si elle ressent quelque chose pour moi, elle a tout fait foirer.
Je pensais pourtant avoir perdu de la beauté mais j'arrive encore à faire du charme aux jeunes filles. Comment résister à Layvin Kadiri ? C'est une question à laquelle je ne peux pas répondre. Je vous conseille simplement de ne pas passer trop de temps avec moi et éviter de croiser trop souvent mon regard.
Le problème c'est qu'elle a aimé ma compagnie dès la première seconde. Elle venait toujours auprès de moi et j'ai longtemps essayé de la rejeter mais c'est qu'elle s'est avérée utile plus d'une fois. D'ailleurs moi, je ne me suis pas attaché à elle, c'est elle qui s'est attaché à moi.
Certes, mon charme est irrésistible mais nous ne sommes pas compatibles pour autant. Elle et moi, ça n'arrivera jamais, dans aucune vie. Le peu d'amour qu'il me reste n'est consacré qu'à Neha.
- Tu te dépêches ?! cri Niklaus.
- J'arrive.
Je range mon peigne dans ma poche avant de sortir, toujours heureux de conduire ma Mercedes Classe A.
Pour cette soirée, ma mission est de recueillir des informations au sujet d'une certaine Irène. Pour le coup, c'est juste une catin sans importance et je ne crois même pas qu'aller la voir s'avéra utile. Je n'ai qu'une envie actuellement : c'est de flemmarder. Je veux faire une énième nuit blanche à regarder un anime mais je n'en ai pas le droit pour l'instant, orh, foutues responsabilités.
Je n'ai pas envie d'aller voir une autre femme et j'en ai le droit. J'ai déjà Neha et elle me suffit amplement, pensais-je en tripotant ma bague. Les femmes de ce monde ne parlent qu'en échange de plaisir charnel et je refuse de trahir ma femme. Je ne veux pas non plus croiser Nayla, je sais que j'en demande trop pour aujourd'hui mais bordel, je suis un homme marié.
C'est décidé, je ne vais pas faire cette mission.
Isaac n'est pas là, aujourd'hui ? Peut-être qu'il garde son cousin, il m'avait dit l'autre jour que sa voisine ne voulait plus le garder. Merde, avec tout l'argent qu'il gagne, il aurait au moins pu payer une nourrice pour ce soir.
Fait chier, le temps ne va pas passer ce soir. Ce sera un samedi ennuyant pour une fois alors je kidnappe Annie et je rentre à la maison.
Comment vais-je m'y prendre ? Mon premier plan était de l'attirer en utilisant Klaus comme excuse mais c'est absurde. Je suis pratiquement certain qu'ils sont en contact à chaque instant et de plus, Niklaus ne m'enverrai jamais la chercher. Il est beaucoup trop possessif.
En second plan, je prévoyais d'envoyer Nayla étant donné qu'elle la connaît mais je n'ai pas envie de lui demander de l'aide, il ne faudrait pas qu'elle se fasse à nouveau des films.
Je n'ai pas de troisième plan, j'irais au talent si rien ne marche mais je pense clairement être foutu.
- Homme mystérieux ?
- Ouais ? répondais-je instinctivement en souriant. Je ne pensais pas qu'elle viendrait me voir, me dis-je intérieurement.
- Tu dois toujours faire ce que t'as à faire ?
- Yes, et toi ? T'as quelque chose à faire ce soir ?
- Non, je veux bien t'aider sur tu sais quoi. Je suis toujours ta Bonnie, non ? me demande-t-elle les clés à la main.
- Mmh, allons-y, dis-je en la suivant malgré moi.
Sans surprise, notre destination finale fut le parking. L'endroit parfait pour parler, là où les murs n'ont pas d'oreilles car en réalité, il n'y en a pas.
- Voilà les clés de mon appartement, tu peux emmener Annie là-bas.
- Je sais que je t'ai dit qu'il me fallait un endroit isolé mais je n'imaginais pas que tu me donnerais tes clés.
- Je n'ai pas pu trouver un autre endroit.
- Tant pis, dis-je en les prenant.
Je vous passe les détails inutiles mais sachez que c'est la première fois que je kidnappe quelqu'un. Je sais quand même qu'il n'y aucune pression à avoir surtout pas pour une femme comme Annie qui n'a aucune valeur à mes yeux.
Nayla l'a endormi grâce à un quelconque poison dont elle a le secret. J'avoue lui avoir laisser la majorité du travail. Elle l'a même ligotée à une chaise, on dirait qu'elle a fait ça toute sa vie.
- Je te laisse, me dit-elle avant de s'en aller.
Le studio de Nayla est plutôt petit, certes je ne m'attendais pas au luxe pour une fille comme elle mais ça me déboussole un peu. La chambre sert également de salon mais c'est plutôt propre pour une fille qui est incapable de nettoyer du sang.
- Layvin ? dit Annie en se réveillant quelques minutes plus tard.
- Ne dis pas mon nom.
- Détache-moi, qu'est-ce qu'on fait là ?
- J'ai des questions à te poser.
- Des questions ?
- Oui, tu sais, la phrase commençant par une majuscule, terminant par un point d'interrogation, ayant un sens et attendant une réponse ?
- Je sais ce qu'est une question.
- J'en doutais juste alors je vais quand même prendre le temps de t'expliquer comment ça va se dérouler. Je te pose une question et tu as dix secondes pour y répondre. Si tu dépasses le temps imparti, tu as un coup de fouet, est-ce que c'est compris ?
Pour beaucoup, frapper une femme est une action lâche. Je pensais également de la même façon avant mais que faire si Annie est un obstacle sur ma route ? Si elle fait partie de Blood Print ? Ceux qui trahissent doivent être exterminer, il n'y a pas d'autres choix.
- T'es malade ou quoi ?
- Si tu mens, c'est un coup de fouet aussi.
- Mais...
- Fais-tu parti de Blood Print ?
- Non.
- Connais-tu des membres de Blood Print ?
- Oui.
- Lesquels ?
- Seulement Hinaki.
- Quel genre de relation as-tu avec lui ?
- C'est un amant.
- Pourquoi as-tu dit à Hinaki que ta nuit avec Niklaus pour ton anniversaire était une mission ?
- Comment...
- C'est moi qui pose les questions, réponds.
- C'est parce que c'était une mission.
- Les femmes sont mauvaises, pensais-je en soufflant. De qui venait l'ordre ? Pourquoi ?
- Je ne peux pas en dire plus.
- Je te repose la question, de qui venait l'ordre et pour quelle raison ?
- Je... souffle-t-elle.
- Pourquoi tu ne coopères pas ? Tu veux vraiment te faire frapper ? Je n'ai aucune envie d'en arriver là.
- Je ne peux pas en dire plus.
- Tu joues avec Klaus ? Pour toi, c'était vraiment qu'une mission ? Mais de quel côté tu es en vérité ? Ça fait un an que tu joues avec et que tu mènes cette mission ? Dans quel but, Annie ? Tu lui as donné que des fausses informations ? Tu te foutais de lui ?
- Arrête de dire n'importe quoi ! Je ne me suis jamais foutu de Niklaus, tu ne connais rien ! J'ai toujours été de son côté mais il y a des circonstances qui font que...
- Que tu doives le trahir de temps en temps ?
Des larmes coulent doucement de ses joues comme pour me faire taire. Je vois le vice en chacun de ses mouvements donc je ne céderais pas. Elle est tenace, même un peu trop fourbe cependant je ne m'attendais pas à ce qu'un membre de Blood Print soit facile à interroger. Ça prendra le temps qu'il faudra mais je finirais par connaître ses intentions.
- Je n'ai pas le choix...
- On a toujours le choix.
- Tu as de la famille ? me demande-t-elle les larmes aux yeux.
- J'ai tout perdu, dis-je en pensant à ma mère et ma fille disparues. Mais tu sais qui pose les questions ici et je voudrais savoir ce que vous voulez à Klaus, en quoi il vous apporterait un plus ?
- Je ne fais pas parti de Blood Print, je suis juste une connaissance d'Hinaki. J'ignore la majorité des raisons de mes ordres mais je ne lui ferais jamais de mal, je ne pourrais jamais...
- Penses-tu vraiment que Blood Print puisse faire du bien à qui ce soit ? Tu lui fais déjà du mal en lui mentant, tu leur obéis bêtement et tu ne penses rien faire de mal, t'es bête ou quoi ? Quel était l'ordre du soir ? Qu'est-ce que tu devais faire exactement ?
- Je devais... Je...
Je n'ai pas eu besoin de me retourner pour comprendre que Niklaus était là, le claquement de la porte était déjà assez significatif comme ça. Il se précipite sur Annie pour défaire ses liens avec un air très énervé qui me laisse croire que je vais dormir dehors.
- C'est une traîtresse, dis-je calmement pour essayer d'avoir un toit cette nuit.
- Mmh, fait-il doucement en sortant son poignard.
- Niklaus, je t'en prie, dit-elle en pleurant. Elle ne pleurait pas il y a deux secondes, pensais-je en la regardant. Laisse-moi t'expliquer.
Il utilise sa lame pour défaire ses liens avant de la prendre dans ses bras. On aurait cru une scène de cinéma, l'histoire de deux âmes sœurs qui se cherchent depuis une éternité. Elle pleurait en le serrant fort contre elle alors qu'il restait immobile malgré lui. Moi, j'étais là, en spectateur, l'air de jouer le méchant de l'histoire alors que je ne suis que le détenteur de la vérité.
- On y va, dit-il en se détachant.
- Je... commence-t-elle.
- Layvin, on se voit demain, il lui coupe la parole.
- Okay.
Niklaus porte Annie tel une mariée pleurant de bonheur avant de sortir de l'appartement. Ce que les illusions peuvent être trompeuses, on croirait qu'elle pleure de joie alors que ce sont des larmes de honte.
Je déteste ce genre de chose.
Je sors à mon tour en appelant Nayla pour lui demander comment ça se fait que Klaus nous a retrouvé. Elle me demande de la rejoindre au parking habituel pour qu'elle m'explique tout ça en face.
- Elle n'est pas encore là ? Fais chier, soupirais-je parce que je dois l'attendre sur le parking.
- Eh ? T'étais pas avec Isaac l'autre jour ? me demande un inconnu qui ne daigne même pas me dire bonsoir.
- Ouais, et ?
- T'es au courant de ce qui lui est arrivé ?
- Quoi ? Pourquoi il n'est pas venu aujourd'hui ?
- Oh, alors tu ne sais pas... Isaac a été descendu il y a une semaine...
___________
@_Loyaliste
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