Concours d'écriture

Hello!

Et non, comme le titre l'indique, ce n'est pas un chapitre supplémentaire...

C'est mon rendu au concours de @Soooppphhhiiiaaa 😄

Il y a donc 5 176 mots sans compter mon blabla inintéressant (comme d'hab)

Pour clarifier un peu les choses, j'ai mis plusieurs extraits de mon roman "Laurie et l'oiseau de feu" et, même si les chapitres sont dans l'ordre, c'est normal que les scènes ne se suivent pas car la cohérence des extraits ne rentre pas dans le barème (c'est bien ça?).

Bref, ce chapitre n'est pas très utile pour ceux qui suivent mon histoire, mais j'espère avoir choisi les passages les plus intéressants...

Bonne lecture, M/Mme le/la juge 🙂


Chapitre 2:

Je ne ressens plus rien. J'ai les yeux grands ouverts et pourtant je ne vois que du noir. Je voudrais crier, mais aucun son ne sort de ma bouche. Cet état me paraît durer des heures quand des couleurs apparaissent enfin. Du vert, du bleu, du blanc... C'est un paysage. Un paysage qui se dessine tout autour de moi. Des montagnes, un fleuve, assez d'arbres pour former une forêt... Un oiseau enflammé...

Quand le décor s'est matérialisé entièrement, je me souviens que je ne suis pas seule et cesse ma contemplation pour me retrouver face à Romain. Lui aussi admire les beautés de la nature qui nous entoure comme s'il n'avait jamais rien vu de tel. Je souris devant son air émerveillé, enfantin. Nos regards se croisent et il bafouille :

― Ça a marché... ! Je n'arrive pas a y croire !

Confus, il s'assied dans l'herbe, au milieu de nulle part et je l'imite. L'air est si frais et si pur, jamais je n'en ai respiré de semblable et je me laisse tombé sur le sol de la prairie.

Romain, quand à lui se relève d'un bond – il ne tient décidément pas en place ce gosse, dirait ma grand-mère – et s'approche des arbres qu'il touche du bout du doigt, comme pour vérifier que son cerveau ne lui joue pas des tours.

― C'est génial ! S'exclame-t-il.

Une fois qu'il a fini de courir partout comme un gamin de cinq ans à la recherche de trésors, il se rassied à mes côtés.

― J'imagine que je te dois des explications, commence-t-il.

― C'est-à-dire ? Le questionnai-je.

― Ben tout ça, tu dois te poser pas mal de questions... Je ne comprends même pas comment tu peux rester aussi sceptique. Ça ne t'étonne pas d'être passée dans une dimension parallèle ?

― Non. Mais j'avoue que c'est un rêve particulièrement étrange... et très réaliste.

― Comment ça un rêve ?

Romain s'était tourné vers moi et me regardait, incrédule.

― C'est forcément dans ma tête, dis-je. Les dimensions parallèles n'existent pas et il est impossible de se téléporter avec deux colliers et une phrase en latin.

― Attend, tu penses que tu rêves ? Là tout de suite ?

― Ben oui.

― Ce n'est pas un rêve, m'informe-t-il comme si cette phrase allait changer la face du monde.

Je le regarde amusée.

― Prouve-le dans ce cas.

Il soupire et réfléchi un instant avant de reprendre la parole :

― Si c'était un rêve tu n'aurais pas la sensation du vent ou des odeurs.

― Mais je pourrai les imaginer, répliquai-je.

Romain me regarde actuellement d'un air désespéré. D'un geste rapide il approche sa main et me pince l'avant-bras avant que je n'ai le temps de réagir.

― Eh ! Ça va pas non ?

― Alors ? J'ai raison ?

Je m'énerve devant son air suffisant.

― Ça ne prouve rien du tout.

― Oh que si

― Oh que non

― Bien sûr que si

― Non

― Si.

― Non.

― SI

― NON !

Voyant qu'il ne gagnera pas à ce jeu-là, Romain change de tactique.

― Très bien. Tu rêves.

― Oui exactement.

― Donc, tu rêves de moi.

― Sûrement pas !

Je ne l'avais pas vu venir celle-là. Et je me sens actuellement rougir... Je lui tourne le dos pour cacher mes joues empourprées et croise les bras sur ma poitrine.

― C'est bien ce que je me disais, ricane-t-il. Quand tu auras fini de bouder, je pourrais t'expliquer pourquoi on est là.

Réfléchissant à ses paroles, je me concentre sur mes cinq sens. Effectivement, je perçois le vent dans mes cheveux, mais ce n'est pas tout ; il y a aussi le calme du lieu, l'odeur de l'herbe... J'ai même un peu froid avec mon t-shirt et mon pantalon d'été. Je peux aussi entendre le bruissement des arbres tout proches. Un loup, si c'en est bien un, hurle dans les montagnes et son cri se répercute jusqu'à moi.

Je me mets soudain à paniquer. Jamais je n'avais envisagé de me retrouver réellement dans un univers fantastique et je ne pensais pas que mon premier désir serait de trouver un moyen de rentrer. Amelya allait s'inquiéter, le lycée appellerait mes parents et on me chercherait partout. J'imaginais déjà la panique et la tristesse qui pourrait les saisir. Je ne pouvais pas leur faire ça. Et puis, je n'étais pas particulièrement aventurière. J'aimai rester chez moi, le nez dans un livre ou un crayon à la main et le danger ne m'avait jamais attiré. Peu m'importait de découvrir ce monde, aussi magique soit-il. Il devait d'ailleurs regorger des dangers les plus divers qu'il puisse exister... Je devais le faire comprendre à Romain pour qu'il me ramène chez moi.

― Comment on rentre ? Je demande d'un ton sec.

― Quoi ? Marmonne-t-il.

― Tu as très bien compris. Qu'est-ce qu'on fait pour retourner chez nous ?

Le garçon brun me regarde comme si j'arrivais d'une autre planète.

― On... on ne peut pas.

― Quoi ?!

― Je ne sais pas comment réactiver les pendentifs. Je n'ai eu des informations que pour venir ici.

Je respire un grand coup et me rassoit. Je n'avais pas remarqué que j'avais bondi sur mes pieds.

Je me prends la tête à deux mains et tente désespérément de mettre mes idées au clair. Je n'ai pas souvent mal à la tête, mais là, c'est insoutenable. J'attrape mon sac à dos posé un peu plus loin. Pour une fois que j'ai pensé à prendre une bouteille d'eau. Je m'en féliciterai presque. Presque. Mais je sui trop stressée pour ça.

Une fois que j'ai assez bu pour avoir envie de faire pipi, j'ose un regard en direction de Romain. Celui-ci m'observe, inquiet.

― Vas-y, explique.

J'en conviens, ce n'est pas très courtois, mais je ne suis pas d'humeur à faire des belles phrases construites. Il s'en doute sûrement, car il ne fait aucun commentaire et commence son récit.

― Hier je suis allé à la boulangerie pour prendre une baguette de pain et...

Je le coupe par un regard qui signifie clairement « abrège ».

― Bon enfin bref, j'ai croisé un mec bizarre et il m'a donné les pendentifs et une lettre que je devrais ouvrir quand je serai chez moi. Au début, je me méfiai, mais... j'ai reconnu l'écriture de mon père sur l'enveloppe alors je l'ai ouverte.

Il avait hésité quelques secondes à la mention de son père. En y repensant, je crois me souvenir d'une rumeur comme quoi son père était parti. Après les rumeurs, ça ne veut rien dire.

J'attends qu'il continue, mais il attrape lui aussi son sac de cours dont il en sort une enveloppe décachetée. Il en extrait une feuille un peu froissée apparemment vierge et me la tend.

Je la déplie d'une main tremblante pour y découvrir un texte écrit en pâte de mouche beaucoup plus long que ce que je m'imaginai.

« Romain,

J'ai besoin de toi. Un peuple entier a besoin de toi. Il existe un monde parallèle perdu dans l'univers et ses habitants sont en grand danger.

Demain matin, prends les deux colliers et donnes en un à Laurie Dumont. Son cœur est pur et elle est essentielle pour atteindre le but. Son rôle est primordial.

Pour changer de monde, mettez les chaînes à votre cou et posez les symboles l'un contre l'autre. Tu devras prononcer la formule suivante : « Accipe nos in terra imaginationis » et vous serez immédiatement transportés dans l'autre monde. Une fois là-bas, suivez la route en direction du « Soleil levant ». Des Elfes viendront à votre rencontre.

Je n'ai pas beaucoup de temps, car le messager qui doit t'apporter ma lettre est très occupé.

En tous cas, sache que je t'aime fort et que c'est par nécessité que je te demande de venir. C'est la même chose pour ton amie Laurie, je ne voulais pas vous entraîner là-dedans et vous exposez au danger, mais je ne peux plus faire autrement, je n'ai pas le choix. Je vous attendrais là-bas.

Je t'en prie, fais-moi confiance.

Papa »

Une vague de rage me submerge.

― Super, j'ironise. Autant d'informations qui ne nous apportent que des questions supplémentaires. Comment tu as pu faire ce qu'il te demandait ? Ça aurait très bien pu être la lettre d'un psychopathe qui imite l'écriture de ton père... Et, dans tous les cas, il parle de nous exposer au danger, ça ne présage rien de bon. Il faut être fou pour croire à une lettre pareille et encore plus pour faire ce qu'il y est écrit ! Je n'arrive pas à croire que tu m'es entraînée là-dedans ! Autant tu fais ce que tu veux de ta propre personne, autant je ne suis pas un objet. Je ne me suis pas engagée et j'aurais bien aimé avoir des infos avant de partir on-ne-sait-où, sans aucun moyen de revenir. Ça ne te dit rien l'instinct de conservation ? Et si c'était un piège ?

Romain se ratatine un peu plus à chacun de mes mots. On dirait l'Homme le Plus Malheureux du Monde et pourtant, je n'arrive pas à le plaindre. Son attitude soumise, comme s'il acceptait une colère méritée, me sors par les yeux. J'aurais largement préféré qu'il réplique, qu'il me remette à ma place. Pourquoi ? Parce que ça voudrait dire qu'il est sûr de lui. Qu'il sait pourquoi il a pris la décision de m'entraîner dans ce délire et de s'y jeter lui-même.

Et tout ce que je vois, c'est un petit garçon prit en faute. Il a agi sur un coup de tête et n'a pas réfléchi que ça pourrait tout aussi bien être un piège. Il doit s'en rendre compte maintenant alors que je lui balance ces vérités à la figure.

J'ai donné tout ce que j'avais dans ma réplique et ma colère est retombée. Je n'ai plus envie de rien. Je ne vois même plus de lueur d'espoir qui me permettrai de me battre pour retrouver mon chez moi.

― Non. Ce n'est pas un piège.

Je sursaute tant je ne m'attendais plus à ce qu'il intervienne.

― Et comment tu peux le savoir ?

― Je le sens au fond de moi. Dès que j'ai lu cette lettre, j'ai eu confiance. Je n'ai pas remis en cause ce qu'elle disait une seule seconde.

En parlant, il s'était légèrement redressé, prêt a affronté une nouvelle saute d'humeur. Mais j'ai fini.

― Bon, qu'est-ce qu'on fait alors ? J'imagine qu'on leur fait confiance jusqu'au bout et qu'on marche vers le « Soleil levant » ?

Romain plante son regard le mien.

― Sauf si tu ne veux pas.

Je soupire et regarde autour de moi. Un sentier sépare l'orée de la forêt d'une plaine verdoyante.

― On a pas vraiment de plan B...


Chapitre 6:

Nous marchons. Encore. J'hésite à questionner Thalion sur le temps qu'il reste, pour la quatorzième fois...

― Quand est-ce qu'on arrive ?

Thalion soupire en se tournant vers moi. À ce moment-là on dirait vraiment mon père quand on partait chez mes grands-parents et que je demandais l'heure toutes les cinq minutes. Il finit cependant par esquisser un sourire.

― On est arrivé.

Devant ma mine sceptique, il écarte une branche feuillue et s'écarte pour me laisse passer. Je m'avance et reste bouche-bée. Face à moi se dresse une imposante construction en malachite encastrée dans la roche d'une falaise d'au moins trente mètres de haut. Chaque bloc de pierre doit bien mesurer un mètre sur deux et je pourrais en compter plusieurs dizaines emboîtées les uns sur les autres, formant de grandes fenêtres rectangulaire aux vitres transparentes. Tout l'édifice se reflète dans l'eau limpide qui s'écoule calmement à ses pieds. Une passerelle en bois clair traverse toute la largeur du fleuve en serpentant, reliant notre rive à la porte arquée du château de Chrysocolia. L'entrée du ponton est gardée par deux grands arbres, témoignant de leur sagesse par leur âge et leur écorce craquelée.

Romain me rejoint et reste lui aussi sans voix devant ce trésor d'architecture. Thalion s'avance pour se placer entre nous deux, un grand sourire aux lèvres, il pose ses bras sur nos épaules.

― Alors, c'est plutôt joli par chez moi, non ? Demande-t-il d'un air espiègle.

― Tu rigoles ? S'exclame Romain, des étoiles dans les yeux.

J'aurais aimé courir dans l'herbe haute pour rejoindre le sentier de dalles, elles aussi en malachite, mais je n'ose pas. N'importe qui pourrait nous observer depuis l'une des innombrables baies vitrées et il serait dommage de faire mauvaise impression dès notre arrivée... ou de passer pour une intruse et de me prendre une flèche en or...

En tous cas, j'ai hâte de rencontrer ceux qui pourrons nous fournir des explications, étant donné que Thalion est aussi explicite qu'une huître morte. J'ai beaucoup de questions qui me trottent dans la tête depuis qu'on marche et que je cogite. Tellement que je ne pourrais pas toutes les formuler et que j'en ai oublié au moins la moitié. D'ailleurs, il y a une question à laquelle l'Elfe doit pouvoir répondre sans trahir un secret d'État.

― C'est le Soleil ? Je lui demande en montrant l'astre stellaire déjà haut dans le ciel.

― Non. Notre Lumière à nous s'appelle Luxia. On raconte qu'elle est la fille du Phénix Créateur, m'explique l'Elfe.

― Le Phénix Créateur ? C'est une légende ?

Ce sujet m'intéresse beaucoup et j'attends la réponse de Thalion avec avidité.

― On peut le voir comme ça, mais c'est une légende si encrée dans nos traditions que nous y croyons vraiment, sans pouvoir affirmer si cet oiseau à bel et bien exister. Je pourrais te la raconter, mais pas maintenant, nous arrivons.

En effet nous avions déjà rejoint le sentier en pierres semi-précieuses et nous nous engageons sur la passerelle, assez large pour laisser passer un chariot tiré par deux chevaux. Enfin, je me le représente, mais rien n'indique que les Elfes utilisent ce mode de déplacement. Peut-être utilisent-ils un chariot mené par des Griffons, je m'imagine assez bien la scène...

Je rattrape Romain qui s'est arrêté pour lever la tête et s'extasie toujours devant le château elfique. En se rapprochant on peut distinguer les différentes couches sédimentaires dans la malachite, créant des courbes harmonieuses allant du vert profond au bleu pâle. Je contemple, un grand sourire aux lèvres, ce chef-d'œuvre de couleurs et de beauté, m'imprégnant de chaque détail. Je finis par me rendre compte que Romain m'observe avec un petit sourire en coin.

― Qu'est-ce qu'il y a ?

― Rien, répond-il distraitement avant de se détourner.

C'est ça oui, prend un air innocent...

[...]


Je me retrouve alors dans un hall immense richement décoré, bien plus que la façade. Un escalier de marbre monumental nous fait face, menant aux étages supérieurs. La seule lumière vient des fenêtres, alignées avec la porte. Des statues d'Elfes tailles réelles s'étalent sur tout le tour de la salle, entièrement construite dans les tons bleus, verts et blancs cassé.

Sans prendre la peine de nous expliquer quoi que se soit, Thalion trace son chemin et gravit l'escalier de roche. Romain et moi nous empressons de le suivre en ravalant nos interrogations. Après avoir tourné à droite, nous marchons dans un grand couloir dont le plafond est recouvert de champignons bleus-verts bioluminescents éclairant faiblement le passage. Le prince daigne finalement remplir son office de Guide Touristique Inter-galaxies.

― Les Feux de Fées, commence-t-il en désignant le plafond, écartent les ténèbres et nous rappellent que le mal doit toujours être chassé, même en temps de paix. Les êtres cupides et avides de pouvoir sont une espèce à part entière qui ne disparaîtra jamais, et c'est une utopie de penser que le monde pourrait être parfait. En revanche, il peut toujours être amélioré et nous nous devons de croire en la possibilité d'un tel rêve, même s'il est inaccessible. Chaque roi ou reine qui acquiert le trône du Royaume de Chrysocolia lutte pour préserver le bonheur le plus longtemps possible, mais des dangers invisibles se cachent partout et éclatent parfois.

J'avale ma salive avec difficulté. Ses croyances sont à la fois défaitistes, et pourtant très réalistes et terre à terre. Les Elfes semblent vivre constamment sur leurs gardes et cela doit les épuiser, mais c'est aussi ce qui fait leur force ; leur capacité à réagir.

Toujours aussi subjugués par la mysticité du lieu, même après la cinquantième porte close et le dixième couloir identique, nous arrivons finalement au bout du corridor pour nous retrouver face à une unique porte sombre.

Thalion toque trois coups contre le bois dur et attend silencieusement jusqu'à ce qu'un « entrez » étouffé par la cloison se fasse entendre. Il pénètre dans la pièce et nous le suivons d'un pas timide.

Nous sommes reçus dans un lieu beaucoup plus lumineux que le corridor et mes yeux mettent quelques secondes à s'habituer aux rayons de Luxia qui entrent par la grande fenêtre ronde mesurant bien deux mètres de diamètre – du sol au plafond – et qui se teintent des couleurs des vitraux. Les morceaux de verre sont sertis pour former un Phénix volant majestueusement dans un ciel bleu d'azur. Il est accompagné d'une boule de lumière naissante ; Le Phénix Créateur.

Je m'attarde sur les meubles richement ornés d'arabesques et fini mon tour d'inspection par la personne assise derrière l'ample bureau en bois aux tons violet foncé. C'est une Elfe aux cheveux blonds tirant sur le gris et aux yeux aussi verts que ceux de Thalion. Son élégante robe pourpre est recouverte de broderies d'argent et d'améthystes formant des volutes aériennes. Son diadème, en argent également, arbore de magnifiques malachites bleues et vertes taillées avec soin et précision.

Nous sommes face à Mathilda la Diligente, reine du royaume de Chrysocolia.

[...]


Chapitre 8:

Un peu plus tard dans l'après-midi, je sors discrètement de ma chambre pour aller toquer à celle de Romain. Quoique, pas besoin d'être discrète, personne n'est passé dans ce couloir de toute l'après-midi.

― Il faut qu'on parle, j'annonce quand il ouvre la porte.

Il s'efface pour me laisser passer et s'allonge sur le lit, place qu'il a sûrement quitté quelques secondes plus tôt. Je m'assieds sur le drap représentant des flammes irrépressibles et demande :

― Qu'est-ce qu'on fait ? On s'engage à les aider ou non ? Il y a des vies à sauver c'est vrai, mais en même temps, leur plan ne tient pas la route. Déjà l'idée en soi est assez absurde, et en plus ils veulent que nous, on fasse de la politique ? Et puis, tout ça, c'est dangereux, il y a les Ogres, mais aussi toutes les bêtes sauvages. En deux jours, on a failli se faire tuer par une meute de loups version 2.0 et par un Dragon affamé. Et je ne comprends pas, qu'est-ce qui leur prend de faire confiance à un soi-disant « serviteur » qui ne leur envoie que des lettres anonymes ? Enfin bon, je veux bien que toi tu fasses confiance à ce qui y est écrit parce que c'est ton père... mais eux ? Ils ont fumé la moquette !

J'échange un coup d'œil avec mon ami en attente de son approbation, mais on dirait simplement qu'il attend la fin de mon monologue.

― Laurie, commence-t-il, je sais que tu y as beaucoup réfléchi et que ton raisonnement est fondé, mais je ne pense pas qu'il y est vraiment de décision à prendre.

― C'est-à-dire ? Je le questionne après un regard soupçonneux.

― Et bien... on a pas vraiment le choix.

― On a toujours le choix, je réplique, piquée au vif.

Il se redresse et s'assoit sur le bord de son lit.

― Très bien, dans ce cas dis-toi qu'on a le choix entre les aider à sauver des vies en gagnant une guerre ou ne rien faire. Et après ? On est pas chez nous, on sait pas comment on rentre ! S'ils acceptent de nous garder au palais alors qu'on ne veut pas les aider, on sera quand même au cœur du danger. Et s'ils ne veulent plus de nous ? On fait quoi ? On déambule dans ce monde qu'on ne connaît pas ? C'est pas toi qui parlais des bêtes sauvages ?

Il n'a pas haussé le ton, n'a pas fait le moindre geste brusque ni quoi que se soit qui montre son agacement, et pourtant j'ai l'impression d'avoir été giflée par son raisonnement.

Je me laisse tomber en arrière et me prends le visage avec les mains.

― Je ne voyais pas la situation sous cet angle. C'est beaucoup plus... catastrophique que ce que je pensais. Mais... tu as raison ! La meilleure solution, c'est de les aider.

[...]


Chapitre 10:

― Laurie, regarde ! Me crie Romain depuis le dos de Plume Noire.

Je lève les yeux vers l'horizon pour découvrir un château couleur sable implanté au milieu de nulle part. Ses tourelles s'enlacent et s'élancent vers le ciel sans nuages, comme une prolongation des dunes. Des reflets dorés donnent du volume à cette construction issue du désert lui-même, le faisant miroiter dans un univers déjà rayonnant.

Plus nous approchons, et plus les contours du bâtiment sont visibles. Entièrement construit de sable et d'or, le château d'Aurumnia se dresse devant nous.

― Tous les Nains vivent ici ? Je m'étonne une fois à terre.

Je trouve le château un peu étroit pour abriter toute une population.

― Non, c'est beaucoup trop petit. Ils vivent tous sous terre, me renseigne Thalion.

― Ils ont construit un château pour faire joli ? L'interroge Romain en levant un sourcil.

Notre Guide Touriste Inter-galaxies hausse les épaules.

― Ils ne pouvaient pas passer pour un royaume à part entière sans lieu-dit dans leur territoire et sans édifice qui montre leur grandeur.

― Merci GTI ! je m'écrie.

Sans lui laisser le temps de répondre, je m'avance d'un pas décidé vers l'impériale porte d'or.

― C'est quoi « GTI » ? me chuchote Romain sur un air de conspirateur après avoir lui aussi distancé le prince.

― « Guide Touristique Inter-galaxies », je lui réponds sur le même ton.

Mon ami pouffe et je continue :

― Mais on peut aussi l'appeler CSE.

― Pourquoi ?

― Pour « Chef Suprême de cette Expédition » qui ne nous laisse jamais le choix.

Nous rions de bon cœur et l'Elfe nous regarde de travers, ne pouvant entendre notre conversation.

― Tu lui as trouvé d'autres surnoms ? Demande avidement le garçon brun.

― Pour lui non. Mais pour toi, oui.

― C'est quoi ?

― Hum... tu verras.

― Allez, dis... insiste-t-il.

― Tu. Verras.

J'adore le faire mariner. Mouhahaha ! Et j'ai quelques idées de petits noms à lui donner...

[...]

― Sa Majesté Tykuhm est fin prêt à vous recevoir comme il se doit, annonce le garde sur le seuil de la porte.

Nous le suivons à nouveau dans le hall. Comme il parle le moins possible et ne semble pas prêt à nous révéler son nom, je décide de le surnommer Grincheux. Ça lui va bien, on dirait qu'il tire la tronche en permanence.

Nous arrivons devant une porte placée face à l'entrée du palais. Elle est au moins trois fois plus hautes que Grincheux et encore plus chargée que les autres, si c'est possible. Les motifs dorés se croisent et s'entrecroisent sans cesse, rendant les dessins quasiment invisibles dans cet amalgame de courbes.

Notre guide nous introduit dans la salle du trône qui semble être le prolongement du hall d'entrée. Tout au fond de la salle, se dresse un imposant trône assorti au château d'or et de sable sur lequel se tient fièrement le roi des Nains.

Le prince Elfe lui fait une liste de quelques civilités honorifiques interminables et je préfère détailler le monarque.

Coiffé d'une couronne en or massif ornée de différentes pierres précieuses aux reflets vifs, il se tient droit comme un I dans son fauteuil impérial. Il caresse d'une main usée par le temps sa courte barbe d'un blanc lunaire et scrute le prince des Elfes comme s'il pouvait lire en lui avec ses yeux bleus délavés.

Thalion finit par entrer dans le vif du sujet et je me décide à lui porter une oreille attentive.

― Si nous sommes ici, Votre Majesté, c'est pour vous proposer une alliance avec la reine Mathilda la Diligente. Son royaume a besoin de forces armées et il peut vous proposer de nombreuses choses en échange.

― Non.

La voix grave et catégorique du roi Tykuhm retenti pour la première fois sur les murs et se répercute jusque dans ma cage thoracique.

Il ne changera pas d'avis, j'en suis convaincue. Je ferme les yeux pour me contenir ; Thalion nous a ordonné de nous taire, alors je ne dis rien.

― Pourquoi ? Demande simplement CSE, décontenancé.

― Pourquoi ? Répète notre auditeur. La reine reste des années sans demander l'aide de personne, et le jour où elle n'a plus le choix, elle s'attend a ce qu'on lui obéisse au doigt et à l'œil ?

― Non, ce n'est pas ça du tout, proteste vainement le prince, mais le roi lui coupe la parole.

― Vous me proposez une alliance, comme si je vous suppliais de me l'accorder, crache-t-il en se levant. Sachez que je n'ai nullement besoin de l'appui de votre royaume en perdition ! Le mien est florissant et je ne risque pas de le joindre à une cause perdue !

― Il reste de l'espoir, nous avons juste besoin de votre armée, répond le Prince sans vraiment savoir quoi répondre pour ne pas envenimer la situation ;  comment ne pas réagir à de pareilles insultes ?

― Vous finissez par le reconnaître, raille Tykuhm.

― Nous reconnaissons avoir fait des erreurs, tente l'Elfe, mais c'est du passé. Il nous suffit de repartir sur de nouvelles bases.

― C'est inutile, répond catégoriquement le Nain. Je refuse de sacrifier mon armée, sacrifier mon peuple, pour les beaux yeux d'une Elfe prétentieuse !

Thalion se raidit à la mention de sa mère « prétentieuse », mais ne rétorque rien.

― Très bien, dit froidement le prince, en bombant le torse pour garder contenance.

Le monarque lui lance un regard dur avant de se rasseoir dans son trône d'or. Il poursuit plus calmement, comme s'il avait un conseil à donner.

― Les Ogres sont animés d'une rage incompréhensible. Vous ne les vaincrez pas.

― C'est faux, proteste Thalion, d'un air déterminé. Nous allons gagner cette guerre, avec ou sans votre aide.

Sur ce, il s'incline imperceptiblement, comme si cet effort lui coûtait, et tourne les talons.


Chapitre 11:

[...]

― Que fait-on maintenant ? Je murmure, presque plus pour moi-même que pour obtenir une réponse.

― Nous allons voir les Gnomes, répond Thalion après un regard noir au palais de sable. Nous devons tout tenter, même si c'est pour obtenir une litanie de « non ».

― C'est ce qui va arriver si nous agissons toujours de cette manière. Enfin, si TU agis toujours de cette manière, commence Romain en lançant un regard irrité au prince.

― Que veux-tu dire par là ? Le questionne Thalion d'un air méfiant.

― Je veux dire que tu as tout fais, involontairement bien sûr, pour que le roi dise non.

― C'est absurde ! s'exclame l'Elfe avec indignation. Pourquoi je ferais une chose pareille ?

― INVOLONTAIREMENT, reprend le garçon en appuyant sur chaque syllabe. Je ne t'accuse pas de quoi que ce soit.

― J'avais l'impression pourtant, réplique CSE en lui lançant un regard noir.

Il s'approche de Romain d'un pas menaçant, sa patience déjà mise à bout par un certain roi des Nains, mais ce dernier de bouge pas d'un millimètre devant son adversaire plus grand et plus athlétique. Je préfère m'interposer entre les deux avant que les nerfs de Thalion ne lâchent.

― Ho là, on se calme, dis-je, les bras tendus de part et d'autre. Thalion, Romain ne t'a absolument pas accusé de saboter l'expédition d'accord ?

J'attends qu'il abdique avant de faire un signe de tête à mon ami pour qu'il continue.

― Je pense simplement que tu n'as pas utilisé la bonne méthode, explique-t-il en regardant le prince droit dans les yeux. C'était beaucoup trop cérémonieux et officiel. Et un peu prétentieux aussi. (Thalion serre la mâchoire) Pour le convaincre, il faut lui rappeler que c'est une quête de cœur ; on ne fait pas ça pour le royaume, mais pour ses habitants, on ne fait pas ça pour exterminer les Ogres, mais pour protéger des innocents. Lui montrer que tu es déterminé, que tu veux sauver les Elfes quoi qu'il en coûte. Il faut lui expliquer que c'est possible et pourquoi, pas lui promettre des choses sans même lui dire quoi.

― Il ne m'a pas laissé le temps de parler de toute façon, se justifie le prince.

― C'est vrai, mais il a ses raisons. Et elles sont valables.

― Ne pas perturber « le fleurissement économique de son royaume », par exemple ? J'ironise en entrant dans le débat.

Romain soupire pour rester calme.

― Non.

― Alors pourquoi ? Crache Thalion.

― Il a raison quand il dit que votre royaume est en perdition (le prince le fusille du regard), enfin, rends-toi à l'évidence ! Pourquoi chercheriez-vous de l'aide si la situation n'était pas désespérée ? J'ignore ce qu'est un Ogre, et encore plus si c'est un guerrier au combat, mais tout le monde en parle comme d'une machine de guerre. Ce n'est pas toi qui disais que les Nains ne sont pas faits pour les champs de batailles ? Qu'ils devaient compenser ? C'est normal qu'il ne veuille pas entrer dans cette guerre. Ce serait tout simplement un suicide collectif !

Thalion reste silencieux quelques minutes, réfléchissant à ses paroles. Il trouve finalement un argument pour se justifier :

― Son avis était déjà tranché, et il aurait dit non peut importe ce que j'aurais pu dire.

― Alors pourquoi as-tu tenté de le convaincre jusqu'à la dernière seconde ? Réplique mon ami, un léger sourire en coin.

Romain a vraiment pensé à tout. CSE semble être arrivé à la même conclusion que moi, car il ne répond rien et tourne les talons avant de grimper sur le dos de Tango et de s'envoler.


Extrait de la légende de l'oiseau de feu:

"Les paroles de la jeune fille aux cheveux de blés dansèrent longtemps dans les pensées du phénix. Si, comme elle l'avait laissé entendre, chaque malheur était indispensable pour conduire au bonheur, la Terre n'était pas si imparfaite. Chaque faute, chaque dam, chaque crime... Tout ça n'était donc qu'une raison absurde pour rechercher la justice et la perfection ? Une excuse pour atteindre une utopie ?

Un Homme ayant un minimum de conscience pouvait combattre jusqu'à la mort pour une cause qu'il pensait juste, pour son rêve, son idylle à lui, le phénix l'avait observé à maintes reprises :

À tout cœur courageux, une raison de lutter, une raison de se battre, une raison de vivre.


Si le monde rayonnait par le bien, sans qu'il n'y ait jamais d'évolution, il serrait monochromatique. Faire le bien n'aurait aucun sens, car il n'existerait que ça.

Le mal, ombre au sein de cette lumière, permettait de dessiner les contours de l'existence. Tout comme la pluie est nécessaire à la vie au même titre que le Soleil, le mal est indispensable pour l'évolution des cœurs, l'élévation des consciences. Faire le bien devient un choix et non plus une normalité. Pour progresser, il faut prendre des décisions, celles que l'on croit juste et qui nous laissent en paix avec notre âme.

Le phénix comprenait dorénavant le point de vue de la jeune humaine ; le bien ne se résume pas à une obligation, mais à un choix. Et pour pouvoir choisir, il faut deux possibilités ; agir pour ce qu'on croie juste, ou se laisser berner par son égo. Agir pour atteindre la lumière pure, ou dériver vers les ténèbres.

La vie ne doit pas reposer sur des actes normaux, banals, mais sur une volonté de faire ce qu'il faut, le désir d'atteindre la perfection tout en sachant pertinemment que c'est impossible."



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