Chapitre 44 - La porte du néant

― Ils sont partis par où ? M'étonné-je alors que nous débouchons dans un couloir vide et horriblement silencieux.

― Aucune idée, marmonne Romain en se grattant le menton.

― Si t'avais pas traîné, on les aurait pas perdus, l'accusé-je.

Le garçon lève les yeux au ciel.

― Je pouvais pas savoir qu'ils allaient partir en courant, se justifie-t-il.

Je soupire.

― Bon, on fait quoi maintenant ?

― Tu pars à gauche, je pars à droite, on court et on s'arrête à la première intersection avant de revenir. Si l'un de nous les a vus, il prévient l'autre, sinon... on avisera.

― OK... accepté-je sans trop savoir si ce plan tient du génie ou de l'australopithèque.

Je lève un sourcil en m'éloignant, me retournant pour voir si Romain court bel et bien. Et oui. Incroyable.

Allez, c'est parti. J'accélère, espérant rattraper le groupe des invités pour ne pas avoir à « aviser ». Mais les minutes s'écoulent sans que je n'aperçoive le moindre bout de tunique à l'horizon. C'est pas croyable, comment un nombre si élevé de gens peut-il disparaître ainsi en si peu de temps ?

J'arrive à un embranchement et plisse bien les yeux dans toutes les directions pour être sûre de ne manquer personne, mais l'obscurité m'empêche de voir bien loin. De toute façon s'ils étaient vraiment dans l'un de ces couloirs, je les aurais entendus. Résignée, je tourne les talons et repars en courant vers Romain.

― Rien de mon côté, déplore-t-il quand je le retrouve.

― Pareil, désolé-je en reprenant mon souffle.

Nous cogitons quelques minutes avant que Romain ne conclut :

― Il faut trouver un endroit ou se planquer. Et on peut pas rester dans ce couloir, s'ils passent par là, à tous les coups ils nous voient.

― On pourrait retourner dans nos chambres pour s'enfermer à clé, proposé-je.

― Ça me semble être la meilleure solution, confirme le garçon en hochant la tête.

Ni une ni deux, nous repartons en direction de nos chambres, qui se trouvent dans le même couloir. Les minutes s'écoulent, de plus en plus angoissantes. Je n'avais pas remarqué que ma chambre était si loin avant...

Chaque ombre semble nous épier, et la lumière des champignons qui éclairent le corridor ne m'a jamais paru aussi inquiétante. Nous arrivons enfin devant la porte de ma chambre – celle-ci étant avant celle de Romain de là où nous arrivons – et je pousse le battant.

Comme il fallait s'y attendre, la pièce est plongée dans l'obscurité étant donné que je n'allais pas laisser une bougie allumée jusqu'à mon retour du bal. J'entre suivie de Romain.

― Les chandeliers doivent être par là, indiqué en m'approchant à tâtons de mon bureau.

La porte grince et se referme derrière moi, me privant du peu de lumière apportée par les champignons bleus luminescent. Et le ciel recouvert de nuage ne m'aide pas non plus.

― Romain, râlé-je, tu aurais pu attendre deux minutes !

― C'était pas moi, dit-il d'une voix blanche, quelque part dans l'obscurité.

Un rire sinistre retentit et mon rythme cardiaque s'accélère. Je me retourne, tentant de distinguer celui qui s'est introduit dans ma chambre. Pitié, faites que ce ne soit pas un ogre.

― Alors c'est vrai ? Les humains ne voient vraiment rien sans lumière ? Ricane une seconde voix, près de la fenêtre. Dommage pour vous, les ogres et les elfes y voit comme en plein jour.

D'autres bruits retentissent, un peu partout dans la pièce. Ils sont nombreux. Et nous sommes encerclés. Mais que font-ils ici ? À croire qu'ils nous attendaient...

― Qui êtes-vous ? Lance Romain d'une voix qui s'efforce de paraître calme.

J'arrive à le situer et m'avance vers lui pour lui saisir le bras après lui avoir signifié ma présence. Si on se perd, la situation risque d'être pire encore.

― Nous ? Sourit la voix, visiblement celle du chef. Les nobles serviteurs de la Haine.

Qui ça ?

Avec un peu de chance, nous n'aurons pas à le découvrir.

Je réfléchis à toute vitesse, cherchant désespérément un moyen de sortir de là, mais sans connaître la position de nos ennemis alors qu'eux peuvent nous voir, cela paraît impossible. Et puis, une fois sortis de la chambre, comment va-t-on leur échapper ?

La seule issue se trouve à quelques pas et est sûrement gardée par un colosse invisible... La fenêtre ? Impossible, elle est à plusieurs dizaines de mètres du sol.

― Je vous laisse le choix, reprends la voix rocailleuse, soit vous vous laissez gentiment faire, soit vous vous débattez et finirez blessés. De toute façon, vous n'avez aucune chance de nous échapper.

La panique monte en moi, je sais qu'il a raison : nous sommes faits comme des rats. Des pas lourds retentissent tout autour de nous, les ogres se rapprochant inexorablement. La respiration saccadée de Romain alors qu'il tente plusieurs directions à l'aveugle ne fait que me communiquer son angoisse.

Une main gigantesque s'abat brutalement sur mon cou, me soulevant par le col comme un vulgaire sac à patates. Je crie. Romain aussi, signe qu'il a subit le même sort. Je me débats, lançant des coups de pieds et de poings au hasard dans le but d'atteindre le colosse en armure qui me retiens prisonnière, mais ma chétive personne ne peut rien faire face à ces brutes. Il me dépose au sol sans me lâcher une fois que je me suis épuisée toute seule, mes genoux cognant le sol avec force et m'arrachant un petit cri. Il m'enroule une corde rêche autour des poignets, me bloquant les mains dans le dos.

― Qu'est-ce qu'on fait du garçon ? Demande le bourreau de Romain.

― On l'embarque, ordonne la voix. S'il l'importune, il sera facile à éliminer.

La façon dont ils parlent de Romain me terrorise, et je ne comprends pas pourquoi il passe sur le compte de dommage collatéral. C'est pourtant lui qui fait partie de la famille royale, pourquoi est-ce moi qui importe à leurs yeux ? Sûrement cette histoire de phénix.

― Laissez-le partir ! Crié-je désespérément.

― Non. C'est pas comme ça que ça se passe vermine. Allez, on y va !

Mon détenteur me soulève à nouveaux pour me poser sur mes pieds et me forcer à avancer, sa poigne se faisant ressentir douloureusement contre mon cou. Des larmes me montent aux yeux et coulent silencieusement sur mes joues tandis que ces monstres nous entraînent de force dans le couloir.

― Vous cinq ! Exige le chef. Restez ici pour faire une petite surprise à la reine !

Quelques grognements retentissent, mais personne n'ose le contredire.

La porte de ma chambre se referme, et lumière du couloir me permet de détailler sommairement les êtres qui viennent purement et simplement de nous kidnapper. Leur peau grise et granuleuse se rapproche plus de la roche que de la chair et leurs petits yeux noirs enfoncés dans leurs orbites balaient ce qui les entoure avec haine. Je frissonne en croisant le regard de l'un d'eux et m'empresse de fixer mes chaussures, en partie pour éviter la chute. L'ogre qui oblige Romain à avancer marche devant moi, exerçant sur sa nuque la même pression que celle que je subis.

Que veulent-ils faire de nous ? Pourquoi semblent-ils si désintéressés à l'égard de Romain ? Et s'ils décidaient de s'en débarrasser en route, comme ils l'ont sous-entendu ? Pourquoi moi ?

Ces questions tournent en boucle dans mon esprit, obnubilé par une tornade de peur et d'interrogations qui finira tôt ou tard par me déraciner. Les réponses quant-à elles, s'envolent, plus haut, toujours plus haut et hors d'atteinte.

Si on arrive à se dégager, aurons-nous une chance à la course ? Je tente de m'enfuir à plusieurs reprises, dès que nous dépassons un embranchement, mais rien à faire : je ne suis qu'une brise tentant de façonner une montagne.

Je crie alors que l'ogre me secoue violemment après une nouvelle tentative pour leur fausser compagnie. Ma gorge, douloureuse de pleurs et de hurlements, me fait souffrir, mais moins que mon cœur qui s'agite bien trop fort dans ma poitrine, propulsant le sang dans mes artères avec violence.

― On va où maintenant ? Demande l'ogre qui ouvre la marche en stoppant notre cortège. Qu'est-ce que Elros a dis déjà ?

― À droite, bouffon, grogne le chef en lui donnant un violent coup d'épaule pour passer devant.

Un marmonnement inaudible m'informe que le subordonné vient de répliquer dans sa barbe. Sûrement quelque chose d'irrespectueux, car le chef le saisi à la gorge pour le plaquer contre le mur dans un craquement sonore. Tout le monde s'arrête, la tension devenant vite oppressante dans ce couloir étroit.

― Plus jamais, gronde-t-il d'une voix d'outre tombe.

De ce que je peux voir, il resserre son étreinte sur la gorge de l'insultant, jusqu'à ce que celui-ci hoche nerveusement la tête. Le garde s'affale sur le sol avec force toussotements alors que son supérieur reprend sa route, indifférent.

Mon pouls accélère à la vue de cet ogre que je trouvais jusque-là immense, maîtrisé en une seule prise par un de ses confrères. Je me sens si chétive, si fragile, qu'il pourrait me balayer d'une pichenette. Je déglutis, avançant maintenant docilement.

― On continue, ordonne-t-il.

Ses propos si graves semblent provenir des murs eux-mêmes.

Nous continuons notre avancée sur quelques mètres avant d'apercevoir dans l'obscurité une porte unique, plantée au bout du couloir. D'allure sombre et simple, le battant ressemble à tous ceux que j'ai pu voir dans ce palais. Mais dans ce labyrinthe, plus les choses sont banales, plus elles cachent une pièce importante.

Le chef de la bande, affreux personnage, pousse la porte sans hésitation, nous précédent à l'intérieur de ce qui semble être une vaste pièce tout en hauteur. Une lueur violette perce par l'embrasure, mais je ne peux en apercevoir plus avant d'y pénétrer moi-même.

Quand je franchis le seuil, toujours contre mon gré, je reste bouche bée. L'immense caverne, dont les parois sont si plongées dans l'obscurité qu'il est impossible de déterminer avec précision où elles s'arrêtent, s'élève à plusieurs mètres au-dessus du sol, dans une coupole fantomatique. Douze cercle où je passerais facilement les bras levés s'alignent en un cercle parfait, fichés verticalement dans le sol. Une vive lumière pourpre provient de chacun d'eux, agressant mes yeux embués, et une lettre – que je reconnais comme du grec malgré ma faible connaissance du sujet – plane au-dessus d'eux.

Je lève un air ébahi vers le plafond invisible, me demandant s'il existe ou si nous avons bel et bien atterri dans le néant en traversant cette porte. Mon geôlier me force à avancer, irritant un peu plus la peau de mon cou. Les pas de nos ravisseurs résonnent et s'estompent dans le vide autour de nous, comme absorbés par la pénombre.

Les ogres nous traînent sans un mot jusqu'au centre du cercle, nous menant visiblement par celui qui arbore un M renversé.

Sigma. La lettre grecque correspondant au S.

Nous sommes face au portail menant tout droit vers le poste Sud.


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Et coucouuuu

Qui, ici, pense que Romain et Laurie sont stupides ?

🙋‍♀️

Mais bon, c'est comme ça on y peut rien

Sinon, des pronostics ?

En tous cas j'espère que ça vous a plu, n'hésitez pas si vous voyez des points à améliorer ^^


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