Chapitre 43 - Affrontement

pdv Thalion

La clameur étouffée des ordres lancés de toutes parts m'encercle, me galvanisant de l'adrénaline que tout guerrier ressent avant un combat décisif. Mère me confie un petit groupe, tandis que d'autres se forment autour de moi, menés par des membres de la garde royale, mais aussi par Snoderim, Arik, Lyam, Neho et Elerinna.

Un soupçon d'appréhension me gagne en voyant cette dernière partir à la tête de son groupe, arc en main. Elle n'a eu de cesse de m'affirmer qu'elle savait se battre durant tout le trajet, pourtant j'ai encore du mal à la croire et je crains toujours pour sa vie. J'aurais préféré qu'elle reste à l'abri avec les autres.

Concentre-toi, m'intimé-je. Ce n'est pas le moment de faiblir.

― OK, interdiction de parler, le premier qui remarque quelque chose d'anormal me préviens, ordonné-je. Suivez-moi.

La troupe approuve d'un signe de tête coordonné et m'emboîte le pas à travers ces dédales de couloirs que je connais par cœur. Silencieux, tous nos sens en alerte, nous guettons le moindre bruit en couvrant la plus grande surface possible.

Les couloirs de Chrysocolia sont très étroits, et il sera difficile d'y combattre efficacement, surtout que les ogres sont bien mieux armés que nous. Cependant, nous avons l'avantage du terrain : la vision dans l'obscurité est l'un de nos points forts et nos ennemis ne connaissent absolument pas le lieu. Ils n'ont aucun moyen de se rendre là où ils le souhaitent, seulement d'emprunter des directions au hasard et d'entrer dans la première pièce qu'ils trouveront. En espérant que personne ne s'y trouve...

Mes pensées s'agitent vivement, réfléchissant à la raison de cette intrusion sans trouver d'explication convaincante. Selon Laurie, ils ne seraient qu'une vingtaine... Pourquoi tenter une offensive en si petit nombre s'ils ont découvert le moyen d'ouvrir le portail ? Autant envoyer toutes leurs forces armées pour prendre d'assaut la capitale... ?

À moins qu'ils n'arrivent pas du poste sud ? Un groupe est d'ailleurs chargé d'aller vérifier dans la salle secrète censée protéger l'accès magique à ce bastion.

Mais s'ils ne sont pas arrivés par là, d'où viennent-ils ? Impossible qu'ils se soient frayés un chemin à travers la campagne jusqu'au palais, des gardes les auraient repérés bien avant leur arrivée. En plus, ils seraient entrés par la grande porte menant directement à la salle de bal.

Et par la vallée ? Tout aussi impensable : le village est bondé d'habitants capables de sonner l'alerte générale en quelques minutes. Deux explications quant à leur intrusion persistent : une discrétion à toutes épreuves difficile à imaginer pour des êtres aussi peu évolués, ou l'utilisation d'un passage secret oublié depuis des siècles.

J'entraîne mon groupe à droite, suivant méticuleusement le parcours convenu avec ma mère pour couvrir la plus grande partie du château possible sans que les ogres ne puissent échapper à notre quadrillage.

Un cri lointain se fait entendre, suivit de coups sourds et nous nous immobilisons tous pour tendre une oreille attentive.

― Par là ! Crié-je à mes compagnons dès que j'ai pu localiser les hurlements.

Le martèlement effréné de nos pas se répercute dans le couloir désert, résonnant de manière angoissante contre les murs de pierre.

D'un mouvement d'épaule bien placé, j'enfonce la porte d'où viennent les éclats de voix et les coups pour découvrir la scène de combat qui se déroule dans une chambre d'invités.

Un groupe d'une demi-douzaine d'elfes tient en respect leurs cinq adversaires. Personne ne remarque notre arrivée, trop occupés qu'ils sont à tout détruire dans la pièce. Les rivaux échangent des coups violents, certains déjà à terre ou blessés, mais je ne prends pas le temps de m'attarder sur les détails : Lorsque je remarque Elerinna dans ce chaos sans nom, mon sang ne fait qu'un tour et je m'élance vers son agresseur avec un cri de rage, entraînant tous mes compagnons à entrer dans la pièce.

La blonde esquisse un sourire quand elle m'aperçoit, s'écartant légèrement pour me laisser entrer dans le combat sans détacher ses bleus comme le ciel de sa tache. L'ogre qui nous fait face, nous surplombant d'une bonne tête, est recouvert d'une armure de métal recouverte de piques acérés, et son arme, à mi-chemin entre l'épée et la hache, tranche l'air avec force.

La puissance qui émane de cet être-là est indéniable, et parer ses coups, bien trop puissants pour nos frêles épaules d'elfes, serait le moyen le plus sûr de perdre rapidement. Alors nous esquivons, encore et encore, attendant le bon moment pour percer ses défenses d'acier.

Elerinna semble solide dans cet art, bien plus que ce à quoi je m'attendais, mais de la sueur perle déjà sur son front, signe que l'affrontement commence à la fatiguer. Depuis combien de temps sont-ils là ?

Notre combat, rythmé par une symphonie de heurts vibrant dans l'atmosphère tendue, s'apparente bientôt à une danse mortelle où chaque mouvement se doit d'être calculé et anticipé. Je tente une attaque en direction du pied de l'ogre tandis que celui-ci est occupé à parer un coup d'Elerinna, et réussit à entailler son genou, à la frontière de deux plaques de fer. La bête pousse un hurlement de rage sous le coup de la douleur, avant de se retourner brutalement vers moi en faisant tourner sa lame à l'horizontale. J'amorce une roulade pour esquiver l'arme et m'empresse de me retourner pour faire face au monstre qui fonce déjà vers moi. L'inattention de l'ogre à son égard permet à Elerinna de le blesser au bras, et il se retourne à nouveau vers elle, ne sachant plus à qui accorder son attention.

Son poing immense percute alors la poitrine de mon amie de plein fouet, l'envoyant planer jusqu'au mur, où son dos rencontre violemment la pierre.

Rugissant, je balance mon pied dans le dos de l'ogre qui, ne s'y attendant pas, vacille en avant. Profitant de son déséquilibre, je l'achève d'un seul coup d'épée bien placé, et il chute bruyamment sur le sol dans une éclaboussure de sang. Ma gorge se serre face au meurtre que je viens de commettre, mais ce n'est pas le tout premier, et ça ne serra pas le dernier : un guerrier doit savoir rester impassible face à la mort qu'il donne pour le bien des siens.

Détournant le regard du corps inerte et sans prêter attention aux autres qui continuent leur propre affrontement tout autour de moi, je me précipite vers Elerinna qui s'est recroquevillée sur elle-même, les paupières plissées par la douleur.

― Lina ça va ?! M'inquiété-je en l'aidant à se redresser en position assise.

Son sourire ressemble plus à une grimace alors qu'elle lève les yeux vers moi.

― Ça faisait longtemps que tu ne m'avais pas appelée Lina, remarque-t-elle d'une voix faible.

Je n'avais même pas remarqué que l'utilisation de son surnom m'était revenu aussi naturellement. Mais peu importe, on ne peut pas rester là. C'est ce que je m'apprête à lui dire lorsque mon amie hurle brusquement, ses yeux s'écarquillant de terreur. Je n'ai pas le temps de me retourner vers ce qu'elle fixe avec une si vive peur, que deux bras puissants me ceinturent le torse, coupant presque ma respiration.

Mon cœur accélère sous le coup de la panique alors que l'ogre me soulève de terre et qu'Elerinna tente tant bien que mal de se relever pour me venir en aide. Je laisse mon instinct prendre le dessus et envoie un violent coup de bassin dans le ventre de la bête, qui desserre légèrement son étreinte en toussant. Dès que mes pieds touchent le sol, je bascule en avant, me servant de sa propre force pour l'envoyer rouler devant moi.

Je jette un rapide regard à Elerinna, qui n'a pas pu se lever, pour lui signifier que ça va, avant de reporter mon attention sur le guerrier qui se relève rapidement.

Ce n'est pas un ogre.

Ma vu se brouille en reconnaissant mon attaquant.

― El- Elros ? Bredouillé-je en reculant.

L'intéressé lève vers moi des yeux effrayants, totalement différents de ceux du chef d'arme que je connaissais. Ses pupilles d'un noir plus qu'intenses me fixent avec une haine inhumaine. Je recule d'un pas sous l'aura qui se dégage de l'elfe, mais celui-ci ne me répond pas, c'est comme s'il ne m'avait pas entendu. Pire : il semble se réjouir de ma détresse.

Le chef du poste Sud se jette sur moi, épée en avant, et je m'écarte au dernier moment sans vraiment avoir conscience de mes gestes.

Non. C'est impossible. Ce n'est pas Elros.

Je pare ses attaques sans les voir, mon esprit obnubilé par tous les souvenirs que je conserve du quadragénaire. C'est lui qui m'a tout enseigné, lui qui me relevait quand je ne réussissais pas aux entraînements, lui qui me conseillait... Lui seul qui a su comprendre que pour dépasser la culpabilité je devais agir, savoir qu'à la prochaine attaque des ogres, je pourrais éviter le pire et non regarder la scène avec impuissance.

Ses attaques sont furtives et réfléchies, bien plus précises que celle de l'ogre que nous venons d'affronter. Il avance et je recule, il progresse et je bats en retraite, incapable de lui porter le moindre coup mais seulement d'esquiver les siens. Pourquoi ? Que s'est-il passé ?

Mon dos heurte une vitre, je ne peux plus fuir. Les assauts d'Elros me frôlent de plus en plus près, allant jusqu'à m'écorcher la joue et le bras, mais je suis coincé contre la paroi qui limite atrocement mes actions. Il faut que je sorte de là.

Tandis que mon épée valse pour protéger ma vie, mon autre main tâte, cherchant aveuglément la poignée de la fenêtre. Je finis par la trouver et l'actionne d'un mouvement vif, entraînant mon adversaire sur le petit balcon. Les heurts s'enchaînent, jusqu'à ce que je bloque l'épée d'Elros à hauteur d'épaule.

Chacun pousse de toutes ses forces, se fixant d'un air assassin entre la courbe des lames croisées. Mais mon maître d'armes est plus fort que moi, et mon échine se retrouve bientôt contre la rambarde.

Alors que mes forces m'abandonnent et que je me sens petit à petit perdre du terrain, que mes épaules sont presque au-dessus du vide, la voix d'Elerinna retenti dans la pièce.

Bien que tremblante, elle s'est relevée et traîne son épée jusqu'à nous, lentement, difficilement. Je l'aperçois par la fenêtre ouverte, traversant tant bien que mal le chaos qui se calme petit à petit autour d'elle. Elle boîte, mais quand nos regards s'accrochent l'un à l'autre, je ne perçois que de la détermination pure. Elle cris à nouveaux. Mon nom.

C'est pour elle que j'ai appris à me battre, elle que j'ai voulu protéger avant même mon peuple. Prit d'un regain d'énergie, je puise dans mes dernières forces pour repousser Elros. C'est à son tour de reculer, et de percuter la rambarde anguleuse. Il riposte, il me pousse par à-coups, mais je résiste.

Il donne une secousse plus importante, et je réagis à mon tour avec plus de force, sans savoir que cette bousculade lui fera perdre l'équilibre et basculer en arrière. Son visage se décompose de terreur alors que je le vois chuter au ralenti. Ma main tente d'attraper la sienne, par réflexe, parce que je tiens à lui malgré le fait qu'il veuille ma mort, mais mes doigts frôlent les siens sans parvenir à les saisir. Un cri déchire sa gorge, mais la mienne aussi. C'est avec horreur que je le vois disparaître dans l'obscurité, avant de percevoir un bruit sourd quand il percute le sol, quelques étages plus bas.

Ma respiration se coupe, mon épée me glisse des mains, tombant dans un éclat métallique.

― Elros... non... soufflé-je, réalisant que je viens de tuer l'un de mes amis les plus chers.

Je n'entends plus les cris de bataille autour de moi, plus aucune pensée intelligente ne vient me dire quoi faire, me rappeler que le combat n'est pas fini, car d'autres ennemis sont encore bien vivants dans la chambre. Mais pas Elros. Elros est mort.

Ces trois mots tournent en boucle dans mon esprit, m'empêchant de ressentir autre chose qu'un vide absolu.

― Thalion ?

La voix inquiète d'Elerinna me ramène à la réalité, et je ravale les larmes qui, malgré moi, pointaient au bord de mes paupières.

― J'ai eu tellement peur, murmure-t-elle en débarquant sur le balcon d'une démarche faible.

Avant que je n'aie pu réagir, elle m'a rejoint et me serre contre elle. Brièvement peut-être, mais ce n'est ai pas moins une étreinte, que je lui rends. Elle s'éloigne ensuite sans me regarder. Après avoir pris une grande rasade d'air pour chasser mes émotions parasites, je la suis dans la chambre, où un silence seulement perturbé par des respirations saccadées. Certains elfes sont inanimés sur le sol, mais la grande majorité sont en vie, contrairement aux ogres. Aucun d'eux ne respire. Nous avons gagné.

Heureusement, j'ai envie de dire : nous étions deux fois plus nombreux.

― On les a arrêtés ! Lance quelqu'un.

― Oui ! Répondent les autres en cœur.

Malgré la tristesse évidente et infinie d'avoir perdu certains des nôtres ce soir, les visages sont souriants et chacun s'attelle à défaire les draps du grand lit à baldaquin pour transporter les blessés sous les directives d'Elerinna.

Mais un détail me perturbe. En comptant Elros, les intrus n'étaient que cinq. Or Laurie avait parlé d'une vingtaine d'individus. En passant près du bureau – dont la chaise à disparu – je remarque un petit carnet un peu froissé qui me paraît étrangement familier. Je l'ouvre à la première page pour y voir le nom de « Laurie Dumont ».

― C'est la chambre de Laurie ? M'étonné-je à l'adresse d'Elrinna qui fait d'une taie d'oreiller une attelle pour un elfe endommagé.

Celle-ci confirme d'un signe de tête sans se départir de sa tache. Je fronce les sourcils. Qu'est-ce que les ogres venaient faire ici ?

― Tu ne trouves pas ça bizarre ? Continué-je. Qu'ils débarquent justement dans la chambre de Laurie ?

― Peut-être... hasarde-t-elle. Mais comment auraient-ils pu savoir comment venir ici ? À mon avis, c'est un simple hasard.

Je réfléchis un instant au problème soulevé par la jeune elfe.

― Elros était avec eux. Il connaît le palais lui.

Connaissait aurait été un terme plus juste, pensé-je amèrement.

― Elros... murmure Elerinna pour elle-même. C'est le chef du poste Sud c'est ça ?

― Oui.

― Comment aurait-il pu savoir dans quelle chambre logeait Laurie ?

La guérisseuse noue le dernier coin de tissus à son bandage et le soldat de la garde royale se relève avec un remerciement.

― Il y a toujours le traître qui les a rejoints, exposé-je finalement.

― C'est vrai... concède-t-elle d'une voix blanche.

Son regard se perd quelques instants dans le vide avant qu'elle n'ajoute tout bas, comme si elle avait peur que l'énoncer trop fort provoquerait la réalisation de ses craintes.

― Ils lui en veulent tu penses ?

― Je n'en sais trop rien, hésité-je. Mais... elle est étrangement liée au Phénix Créateur... Ils la considèrent sans doute comme une menace.

Je passe une main nerveuse dans mes cheveux emmêlés et trempés de sueur.

― Et s'ils étaient venus juste pour elle ? Se risque à demander Elerinna. Où est-elle ?

― Normalement à l'abri, avec les autres invités.

― Mais c'est justement ceux qui ne savent pas se battre non ? Si les ogres venaient à les trouver...

― Il n'y a qu'un moyen de vérifier, conclue-je d'un ton dur avant de m'adresser aux deux groupes réunis : Ce n'est pas fini, il reste encore des ogres dans le château. Et on pense savoir après qui ils en ont. Il n'y a pas une minute à perdre.


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Helloooo

Comment ça va ?

Moi j'suis trop contente parce que j'ai écrit tout ça depuis hier héhé

Normalement, il devait y avoir la fameuse conversation Thalion-Elerinna au début, mais en fait, je sais pas trop comment ça va se passer, parce que j'ai eu l'idée y a pas longtemps donc c'était pas prévu et je voudrais quand même faire un truc qui colle à la suite de l'histoire...

Bref, du coup, je l'ai pas encore écrite, mais elle y serra un jour (si je change pas d'avis)

Mais du coup ce chapitre est un peu long... 2500 mots...

Quand j'aurais écrit la scène de la conversation, je pourrais en faire deux ^^

Voilà voilà

Sinon, vous pensez qu'il va se passer quoi après ? Des pronostics ?

byye


ps : je viens de me rendre compte que j'avais oublié d'ajouter les petits morceaux de légende, vous savez, ceux qu'écrit Laurie... Sauf que pour que ça colle à l'histoire, je voulais les rajouter quand elle à le temps d'écrire, comme ça c'est logique

Mais ça risque de s'enchainer jusqu'à la fin là, du coup bah... jsp quand je vais les caser

Ils seront sûrement rajoutés à la relecture (la liste commence à être longue)



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