Chapitre 41 - Le bal

Je tourne et tourne encore, riant à m'en déchirer la gorge durant toute la soirée. Le ciel apparaît d'un noir d'encre aux travers des grands vitraux rectangulaire, le hall est maintenant éclairé par une multitude de chandelles suspendues au plafond et de petites lucioles volant tout autour de nous.

Lyam invite Snoderim à danser, et la taquine sur sa petite taille en valsant les jambes repliées jusqu'au torse. La princesse, peu susceptible, rit de bon cœur en entraînant son immense cavalier sur la piste sous les rires amusés des convives.

Essoufflée, Elerinna m'entraîne jusqu'au buffet pour m'obliger à goûter les meilleures pâtisseries qu'elle y déniche.

― Tiens, celui-là est dé-li-cieux ! Dit-elle en me tendant un petit nuage blanc recouvert de paillettes multicolores. Ça fait très longtemps que je n'en ai pas mangé.

― C'est super bon, confirmé-je la bouche pleine. Merci Médoc !

― Je ne comprends toujours pas pourquoi tu m'appelles comme ça ! Lance mon amie en avalant sa part.

― Oh, c'est juste une réf humaine, expliqué-je.

― Une quoi ?

― Non rien, t'inquiète.

― Tu devrais goûter ça aussi, s'incruste Thalion en me désignant un toast.

― Qu'est-ce que c'est ? Demande brusquement la guérisseuse, déjà sur la défensive.

― Une recette empruntée aux gnomes, réponds le prince, visiblement déçu par l'agressivité d'Elerinna.

― C'est délicieux, commenté-je, même si mes amis sont trop occupés à se fusiller du regard pour me répondre.

― Qu'est-ce qu'il y a ? Interroge finalement Thalion en croisant les bras.

― Ce serait plutôt à moi de te poser la question, rétorque l'autre, les paupières plissées dans un geste soupçonneux. Pourquoi tu t'incrustes comme ça en fait ?

― Pour vous parler, peut-être ? Hasarde ironiquement l'intéressé.

Mes yeux passent de l'un à l'autre comme dans une partie de tennis et le toast entamé commence à s'ennuyer ferme à quelques centimètres de ma bouche immobile.

― Ah, parce que maintenant tu me parles ?

Les pupilles d'Elerinna lancent des éclairs alors qu'elle pose ses mains sur ses hanches avec dédain.

― Calmez-vous tous les deux, intervins-je doucement. C'est pas la peine d'en faire tout un fromage.

― Laurie, c'est pas avec tes expressions humaines que tu vas nous aider, soupire la guérisseuse, avant de se tourner à nouveau vers le prince. Tu m'accuses de trahison quasiment à chaque fois qu'on se retrouve dans la même pièce, et tu reviens comme une fleur maintenant. Pourquoi ? Parce qu'il y a des invités et que tu veux garder la face ?

― Non, non c'est pas ça, c'est juste que...

― Depuis quand tu t'inquiètes de l'avis des gens ? Je ne te reconnais plus Thalion, finit tristement Elerinna.

L'injurié serre la mâchoire, et plante son regard dans le sien avant de déclarer d'une voix dure :

― Je voulais simplement t'inviter à danser, mais visiblement j'ai bien fait de couper les ponts il y a cinq ans.

Il tourne alors les talons sous nos airs médusés, et s'éloigne sans un regard en arrière.

― Quoi ? Thalion, attends ! Tente Elerinna en tendant une main hésitante dans sa direction, déboussolée.

Trop tard, il a déjà disparu dans la foule.

― J'y comprends plus rien, soupire-t-elle en baissant les yeux, penaude.

Je souffle à mon tour, puis pause une main compatissante sur son épaule.

― Je pense qu'il regrette son attitude passée, et je sais que toi aussi. Tu devrais lui parler.

― Mais il ne voudra jamais maintenant ! Se lamente mon amie d'une voix étranglée. Je suis stupide.

― Tout autant que lui, glissé-je pour la faire sourire.

Le coin de sa lèvre s'étire légèrement, sans pour autant dérider son front inquiet.

― Écoute Elerinna, ça ne peut pas continuer comme ça, vous devez vous expliquer.

Elle fait la moue.

― Depuis quand tu abandonnes si facilement ?

― Oh ça va, râle-t-elle. Mais si je le frappe, ce sera de ta faute !

― Je prends le risque ! Affirmé-je en riant. Allez, vas-y avant de changer d'avis.

Je la pousse dans la direction qu'a pris l'elfe et elle finit par s'éloigner, non sans manquer de se retourner pour me prévenir des risques qu'encours Thalion s'il passe les bornes. J'expire de soulagement dès qu'elle disparaît de mon champ de vision, croisant les doigts pour qu'ils se rabibochent.

Je grignote quelques minutes en regardant dans le vide, mes pensées vagabondant sans aucun lien évident, avant qu'Astal ne vienne me chercher avec enthousiasme.

― Laurie, vient vite, on va faire une velia !

― Une quoi ?

― Une velia ! C'est une danse collective, sourit la princesse.

C'est alors que je repère Romain et Arik, discutant à l'écart.

― Heu... oui, OK, j'arrive, bafouillé-je.

La jeune elfe rejoint la scène d'un pas vif, où s'est déjà formée une immense ronde, alors que je trace vers les deux garçons.

― Venez danser ! M'exclamé-je sans autre préambule.

Je ne leur laisse pas le temps de répliquer, que je les attrape tous les deux par une main pour rejoindre le cercle. Romain me lance un regard désespéré, celui du mec qui aurait préféré rester assis dans un fauteuil toute la soirée.

― Je ne sais pas danser moi, se plaint faiblement le lutin.

― On s'en fiche !

Mon ami rétorque, mais pas suffisamment fort pour que sa réponse parvienne jusqu'à moi avec le brouhaha de la musique et des rires.

― Tortionneuse ! me crie Romain d'un air accusateur.

Je ris, et reporte finalement mon attention sur les autres danseurs pour imiter leurs pas. La quasi-totalité des invités ont formé une gigantesque ronde de couples, et se mouvent de concert dans une chorégraphie que tous les elfes semblent connaître par cœur.

Suivant les autres, je pause mes bras sur les épaules de Romain pour esquisser quelques tours vers la droite, tandis qu'Arik écope d'une cavalière elfe de deux têtes de plus que lui.

― Qu'est-ce qui se passe ? M'étonné-je alors que le regard du garçon se perd derrière mon épaule et se rembrunit.

Je me retourne, mais la seule personne qu'il pourrait fixer avec insistance est Calion – le conseillé de la reine drapé de son éternelle cape noire – et celui-ci n'est pas tourné dans notre direction.

― Rien rien, me rassure mon cavalier en esquissant un sourire qui semble... forcé ?

Ce n'est pas la première fois depuis mon réveil que j'intercepte ce voile de tristesse sur son visage, comme s'il se forçait à sourire en permanence mais laissait entrapercevoir son angoisse par inadvertance de temps à autre. J'ai bien essayé de l'interroger à ce sujet, mais il me répond toujours que ça va en retrouvant son beau sourire.

Je fronce les sourcils, frustrée par ce nouveau moment d'absence, mais n'est pas le temps de le questionner plus avant car, après un dernier tour, les couples changent et je me retrouve à danser avec un elfe souriant, mais affublé de deux pieds gauches. Les partenaires s'enchaînent rapidement, et ma tête finit par tourner au point de ne pas reconnaître immédiatement mon cavalier.

― Joli jeu de jambe, plaisante Lyam.

― Dommage que je ne puisse pas te retourner le compliment.

Il affiche une moue indignée tandis que je lui adresse un sourire d'ange et change à nouveau de danseur. Alors que je relève la tête pour parcourir la foule mouvante du regard, je distingue Romain s'en détacher, les yeux obstinément tournés vers le sol et le teint gris.

Il y a un problème.

Je m'excuse auprès de mon cavalier et quitte la ronde discrètement pour suivre le brun. Celui-ci se dirige vers une porte, relativement petite en comparaison de la pièce, et la referme derrière lui sans même lever les yeux. Circonspecte, je lui emboîte le pas en me faufilant parmi les convives pour franchir à mon tour le battant, et apercevoir le garçon tourner au détour d'un couloir. Je me hâte de le rattraper, mais je n'ai pas le temps d'y parvenir qu'il a déjà franchi une autre porte, et ainsi de suite, jusqu'à arriver sur un joli petit balcon surplombant le lac ancré devant la façade du château.

L'air frais de la nuit vient chatouiller mon visage et mes épaules quand je pousse le battant pour découvrir un ciel nuageux, laissant filtrer la faible lumière de quelques étoiles éparses.

― Romain ?

Le garçon sursaute.

― Ah, c'est toi, dit-il d'un ton las.

Avec tout l'accablement du monde, il se retourne face au paysage plongé dans l'obscurité sans un mot de plus. Je m'avance et m'accoude à mon tour sur la rambarde pour contempler le reflet rogné par les nuages de la lune dans l'eau immobile.

Je respecte son silence quelques minutes, trépignant sur place, avant de lui jeter un coup d'œil pour apercevoir son air chagrin.

― Romain, tu vas me dire ce qu'il ce passe, ou tu attends que je m'énerve ?

Il soupire.

― Est-ce que tu m'en voudrais si je n'étais pas celui que tu penses que je suis ? Murmure-t-il.

― C'est-à-dire... ?

― Est-ce que tu m'aimerais toujours si j'étais totalement différent de tout ce que tu penses que je suis ?

Il daigne enfin lever les yeux vers moi, et je peux y lire une tristesse si profonde que mon souffle se coupe, que mon pouls s'inquiète.

― Évidemment Romain, réponds-je sincèrement, sans pour autant comprendre où nous mènera cette conversation étrange.

― Même si je n'étais pas humain ? S'inquiète-t-il.

J'éclate de rire face à sa mine aussi grave que s'il venait de sortir une explication totalement crédible.

― Genre ? T'es un lutin ? Demandé-je, hilare en imaginant le garçon sous les traits d'Arik.

À ma grande surprise, Romain détourne le regard comme si ma plaisanterie était tombée juste.

― Non... c'est vrai ? M'étranglé-je.

― Bien sûr que non, s'empresse-t-il d'assurer.

Il se passe une main nerveuse sur le visage, ses yeux cherchant frénétiquement un appui stable dans le paysage atone qui lui fait face, avant de souffler si bas que je crains un instant avoir mal compris :

― Je suis un elfe.


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Tatataaaaaa

Avouez, vous vous y attendiez pas hein !

MOUHAHAHAHAHA

Sinon, qui est en tort selon vous entre Elerinna et Thalion ?

La suite quand j'aurais finit le chap 42 héhé

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