Chapitre 40 - Préparatifs

― C'est vraiment nécessaire ? Râlé-je alors qu'Astal m'ajoute un nouveau ruban brodé en guise de ceinture.

― La quantité et la qualité des rubans montrent le rang, m'explique la princesse avant dans nouer un dans mes cheveux auburn.

Sceptique, je m'observe dans le grand miroir de la somptueuse suite d'Astal. La robe elfique prêtée et ajustée par cette dernière correspond parfaitement aux tenues que je me serais imaginées pour des elfes : cintrée, mais taillée dans un épais tissu aux tons chauds et brodés de magnifiques arabesques dorées. Les larges manches couvrent presque mes mains et les pans rouges descendent jusqu'à mes pieds, cachant en grande partie mes bottines en cuir de Caroplibas (Rah je me souviens jamais du nom). Mes boucles encadrent mon visage, retenus pas un ample ruban noué avec soin, et retombent en cascade sur mes épaules nues.

― Alors, contente d'être la jeune humaine qui a survécu ? me taquine Elerinna, adossée contre un commode un peu plus loin.

Je lui tire la langue en guise de protestations.

La reine Mathilda a jugé bon d'organiser un bal pour fêter mon réveil inespéré, mais aussi pour célébrer l'alliance toute neuve formée entre les elfes, les gnomes, les centaures et les faunes. La majorité trouvait cette idée surfaite, considérant qu'il était ridicule de se pavaner en soirée comme si tout allait pour le mieux alors que la guerre est à nos portes. Surtout que les défenses de Chrysocolia s'amenuisent de jour en jour...

― Vous serez magnifique toutes les deux, nous complimente la guérisseuse d'un air distrait.

C'est vrai qu'Astal est splendide, avec sa grande robe bleu clair garnie de pierreries d'argent et ses longs cheveux blonds tressés.

― Parce que tu croyais échapper au bal peut-être ? Lance l'héritière en riant.

Elerinna semble surprise.

― Eh bien, je ne vois pas pourquoi je viendrais... et ça m'arrange, alors...

― Non, non, non, la coupe Astal. Tu viens avec nous.

― Mais... proteste la guérisseuse.

― C'est un ordre, clarifie la princesse, tout sourire.

La sujette s'apprête à protester, mais se renfrogne avec un air boudeur.

― Alors, ça fait quoi d'être la jeune elfe qui a soigné un poison incurable ? Ricané-je.

Elerinna lève les yeux au ciel, mais se joint finalement à notre hilarité et c'est dans la bonne humeur que nous lui choisissons une tunique d'un bleu comme la nuit brodé d'étoiles.

Cependant, la jeune elfe ne semble pas très à l'aise dans cette tenue d'apparat qui laisse ses bras bien visibles jusqu'aux coudes, rendant visible son gant beige. Je n'imagine même pas le fait de perdre un bras, alors vivre avec le regard des gens au quotidien, ça ne doit pas être facile. Je décide de lui changer les idées.

― Ça va trop bien avec tes cheveux ! M'exclamé-je, ravie en voyant le rendu final.

― Merci !

La couleur blonde de ses boucles légères est parfaitement assortie aux astres qui parsèment sa robe et le ruban bleu retenant son chignon vient renforcer cette impression.

― On a fait vite, remarque Astal en désignant le ciel au-dehors, il nous reste encore beaucoup de temps avant le coucher de Luxia.

― Je parie que les garçons n'ont même pas encore pensé se préparer, affirmé-je en m'asseyant sur les draps clairs de la princesse.

― Oh, tu serais surprise du soin que Thalion apporte à son apparence, me détrompe Elerinna avec amertume en prenant place de l'autre côté du lit. C'est toujours comme ça ? Ajoute-t-elle à l'adresse de la sœur du concerné.

― Évidemment, confirme la princesse exagérément désespérée par l'attitude de son frère aîné. Rien n'a vraiment changé depuis ton départ.

Son départ ?

― Je ne suis pas sûre de suivre, m'interposé-je les sourcils froncés.

Mes deux amies se concertent du regard, et Elerinna hausse les épaules, signifiant à Astal que je peux être mise au parfum.

― Elerinna et Thalion étaient tout petit quand ils se sont vus pour la première fois, commence la princesse. Elerinna vivait dans la vallée, et ce jour-là, mon frère s'était disputé avec nos parents et avait fugué au village.

― Jusqu'à la place du marché, où mon père tenait un stand de plantes médicinales, ajoute Elerinna avec un faible sourire, perdue dans des souvenirs qu'elle seule peut revivre.

― Et dès leur rencontre, ils sont devenus les meilleurs amis du monde, continue Astal. Je ne sais même pas si j'étais déjà née !

― Tu étais encore dans un berceau, confirme la guérisseuse.

― Leur amitié a duré des années et des années, poursuit la princesse. Et ils ont commencé à avoir des sentiments l'un pour l'autre.

― C'est vrai ? M'exclamé-je en voyant Elerinna rougir jusqu'aux oreilles. Vous êtes sortis ensembles ?

Astal confirme d'un grand « oui » à l'instant où Elerinna me détrompe d'un « non » catégorique.

Je leur lance un regard interrogateur.

― Raconte, tu sais mieux que moi, sourit Astal.

― C'est vrai que notre relation était devenue ambiguë, concède Elerinna, un pâle sourire aux lèvres. Une fois, il m'a convaincue d'aller voir la pluie d'étoiles filantes au Sommet Vitae. Le ciel était particulièrement dégagé, et nous sommes partis en cachette.

― Comme ça vous arrivait souvent, glisse Astal avec malice.

La délinquante lève les yeux au ciel.

― Tu dis ça simplement parce que tu étais trop jeune pour venir, contre Elerinna.

― Pourquoi deviez-vous partir en secret ? M'étonné-je, surprise qu'il faille fuguer pour observer les étoiles.

― C'est justement là que les choses ont mal tourné, reprends sombrement Elerinna. Le royaume connaissait une passe de repli par rapport aux armées ogres, et a cette période, plusieurs mercenaires visant la famille royale avaient déjà réussi à se faufiler jusque dans la ville.

Horrifiée, je porte une main à ma bouche alors qu'Elerinna quitte ses souliers d'un geste las pour ramener ses genoux contre son torse.

― L'un deux nous a vu et pris pour cible après avoir reconnu en Thalion l'un des héritiers de la couronne, poursuit-elle tristement. Mais nous n'étions pas conscients du danger... Ni Thalion ni moi n'avions vraiment appris à nous défendre, et nous n'avions aucune arme pour le faire. C'est cette nuit-là que j'ai perdu une partie de mon bras.

J'adresse un regard et humide désolé à la jeune chrysocolienne. Elle me sourit tristement, comme pour me faire comprendre que ce n'est que le passé et qu'elle a tourné la page.

― Heureusement, j'avais prévenu maman, intervient Astal avec une touche d'humour, remontant un peu notre moral.

― Oui... ça nous a sauvé la vie ce jour-là.

― Comme quoi, c'est bien d'être une balance parfois, dis-je.

Nous rions doucement, sans pour autant éventrer l'ambiance qui s'est formée autour de nous, rendant chaque éclat de voix étranger et indécent.

― Thalion s'en est atrocement voulu, continue finalement Elerinna. Il culpabilisait, parce que c'était lui qui m'avait entraînée là-bas, lui qui était recherché par des assassins ogres. Il a rompu tout contact, prétextant que c'était dangereux pour moi, et c'est enfermé chez lui pour apprendre l'art du combat. Têtue comme je suis, j'ai bien essayé de revenir à la charge, mais pour me protéger moi, et se préserver lui, il m'a traitée comme s'il m'avait toujours détestée, et de tristesse, puis de colère, je lui ai bien rendu ses piques.

― Je ne connaissais pas toute l'histoire, murmure Astal comme pour elle-même.

― C'est donc pour ça que vous vous insultez à tout bout de champ ? Questionné-je.

― Et oui...

― Vous n'avez jamais essayé de vous rabibocher ? Enchaîné-je.

― Facile à dire, rétorque Elerinna avec tristesse. Dès qu'il me voit il se borne à me renvoyer chez moi. « En sécurité ».

Elle mime les deux derniers mots en faisant des guillemets avec ses doigts, puis laisse retomber ses mains pour triturer les couvertures d'un geste distrait. Je soupire, ne sachant comment améliorer leur relation.

― Les filles, intervient doucement Astal, je crois qu'il est l'heure d'y aller.

― Oui tu as raison.

Je me lève et époussette le volant de ma tunique flamboyante, avant d'emboîter le pas de la princesse.

― Tu viens Elerinna ? Interroge Astal, sur le pas de la porte.

Je me retourne pour apercevoir la jeune elfe, toujours plongée dans ces pensées.

― Oui oui, j'arrive, répond-elle, soudainement tirée de sa rêverie, en se levant.

Nous parcourons les couloirs en papotant de tout et de rien, bien que la guérisseuse se renferme sur elle-même dès que nos discussions cessent.

Les immenses escaliers du grand hall apparaissent bientôt au détour d'un couloir, et nous découvrons au bas des marches une grande partie de la cour elfique déjà présente.

― Vous voilà enfin ! S'exclame Mathilda à l'instant où elle nous aperçoit.

La reine, éternellement jeune, est drapée d'un pourpre royal, rayonnant parmi ses convives dont tous les regards ont convergé vers nous. Pour une raison qui m'échappe, tout dans son attitude et sa tenue laisse entendre qu'elle est la reine des lieux, son aura est bien plus imposante en société que dans l'intimité de son bureau aux tons doux.

Sans plus attendre, la souveraine nous présente à tous ce beau monde – dont je n'ai pas retenu la moitié des noms – tous s'extasiant devant ces histoires de phénix auxquelles je ne comprends rien moi-même et face aux prouesses médicales d'Elerinna. Celle-ci garde un sourire de façade, mais si elle ne semble pas aimer être au centre de l'attention. Je m'en passerais bien moi aussi d'ailleurs : les invités ne peuvent s'empêcher de fixer mes oreilles comme si j'étais exposée dans un musée, et tout un chacun veut m'adresser la parole et me poser des questions sur le monde des Hommes. J'y réponds pourtant au mieux, et leur air d'incompréhension en apprenant l'existence des voitures et très amusant.

Le prince Thalion fait ensuite son entrée, vêtu élégamment d'une tunique verte et dorée particulièrement somptueuse. Il se tient droit et sérieux, en digne représentant de son rang, sous le regard désabusé d'Elerinna. À sa suite, entrent Lyam et Romain, eux-mêmes suivit d'un Arik qui cherche à se faire le plus petit possible dans son armure de lutin éclatante. Le faune, à l'aise dans son pourpoint flamboyant et léger – typique de son peuple, discute dans de grands mouvements enthousiastes avec Romain, sans même se préoccuper d'être ou non le centre de l'attention. Enfin, le garçon est habillé d'une tunique elfe brun foncé saillant parfaitement avec ses yeux. Une part de mon esprit ne peut s'empêcher de me chuchoter que cette tenue lui va particulièrement bien, et mon cœur s'emballe quand nos regards se croisent et se sourient.

Mathilda s'empresse de faire les présentations, soulevant une seconde vague d'agitation dans la salle. De longues minutes son nécessaire pour que chacun ait pu serrer la main des nouveaux arrivant et recouvre sa discussion initiale.

― Vous avez pris le temps, les taquine Astal une fois l'agitation terminée et notre cercle d'amis formé.

― Thalion ne trouvait plus sa brosse à cheveux, accuse Lyam en levant les yeux.

― Je suis coiffé moi au moins, proteste celui-ci sous les ricanements d'Elerinna.

― Ma coupe est parfaite, rétorque le faune en passant l'une de ses larges mains dans sa tignasse rousse et bouclée.

― De quoi faire un bon pull en effet, commente Elerinna.

Nous éclatons de rire, tous envahis par l'image d'un sweat entièrement fait des cheveux de notre ami.

― Traître ! S'exclame Lyam, faussement outré.

― Le style elfique te va super bien, me glisse Romain après s'être faufilé jusqu'à moi. Ça me rappelle le phénix.

Pourquoi faut-il toujours tout ramener au phénix ici ?

― Merci, souris-je, rougissante, tandis que les autres continuent leur débat capillaire.

Nous sommes interrompus par un grondement sourd à droite de l'escalier. Je tourne un regard fasciné vers les musiciens s'accordant fébrilement. Je plisse les yeux, tentant en vain de reconnaître leurs instruments. Peine perdue ! Je ne distingue que de vagues objets de bois sombre décorés de volutes d'or, certains posés sur les genoux, d'autres soutenus à bout de bras.

Sur un signal d'un chef d'orchestre aux oreilles pointues et à la tunique de bronze, les douze musiciens entament un doux chant, qui se révèle être une danse imprévisible et entraînante après quelques mesures.

Malgré les assonances assez familières qui s'envolent jusqu'à moi, le tout est très différent de la musique occidentale que je connais, comme si leur musique n'était pas basée sur la même fréquence que la nôtre.

― J'adore ce morceau ! S'exclame Astal en me saisissant le bras pour m'entraîner sur la piste de danse.

Je ris, attrapant au passage les mains d'Elerinna et de Snoderim.

― Bon, je vais me trouver un jus de pommes moi, marmonne Romain d'un air résigné, avant de s'éloigner vers une longue table recouverte d'un drap blanc et garnie de mets plus luxueux les uns que les autres.

Je n'ai pas le temps de lui proposer de se joindre à nous que les deux jeunes elfes nous enseignent l'enchaînement des pas. C'est parti pour ouvrir le bal !

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hello !!

J'espère que le chapitre vous a plu ^^

A partir du prochain chap, tout va s'enchaîner très vite héhé

Pas grand chose à dire à part : qu'est-ce que vous pensez du passé d'Elerinna et Thalion ?

Quels sont les personnage qu'il faudrait développer selon vous ? Arik ? Astal (j'ai essayé un peu ce chap) ?

<3


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