Chapitre 3 - A la belle étoile

Ça fait déjà longtemps que nous marchons en direction du Soleil et nous n'avons toujours rencontré personne. Il est 10H48. Pff...

Le paysage est pourtant magnifique. De grandes montagnes enneigées sont visibles au loin, juste derrière la plaine qui s'étend à notre droite. Tout à l'heure nous y avons vu des animaux, qui ressemblaient fortement à des biches, mais impossible d'en être sûrs au vu de l'originalité du lieu. Des oiseaux font aussi entendre leur mélodie enchanteresse tout autour de nous et il nous arrive de les apercevoir, voletant par-ci par-là.

À notre gauche s'épanouit une forêt dense de vieux arbres majestueux, tous plus imposants les uns que les autres. Des couleurs automnales se disputent la couleur des feuilles ; autant de vert que de rouge, d'orange, de jaune et d'ocre, voire de violet ou de bleu, autant qu'il peut y en avoir sans faire une overdose de l'arc-en-ciel.

Je ne connais aucunes des plantes présentes, des petites fleurs violettes aux grands arbres centenaires, alors même que mon père tient une herboristerie et qu'il m'a appris à les reconnaître. J'ai aussi appris les vertus médicinales de la plupart d'entre elles et comment les préparer.

Partout règne une sensation de calme et sans elle, je serai totalement paniquée d'être ici. Je me demande d'ailleurs comment je n'ai pas pu y croire tant la magie est palpable. Je ne pensais pas qu'on pouvait la ressentir mais maintenant j'en suis convaincue. Tout ici respire le surnaturel et une beauté irréelle. Je détaille, fascinée, les paysages qui m'entourent et tente de m'imprégner de chaque détail. On sait jamais, si c'est vraiment un rêve...

À côté de moi, Romain semble dans la même phase d'euphorie émerveillée et aucun de nous ne se plaint de la longueur du trajet ou du manque d'informations à notre disposition.

En fait nous n'avons pas beaucoup parlé. Je ne sais pas s'il est vexé à cause de ma crise de nerfs ou s'il profite simplement de ce rêve devenu réalité.

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À midi, nous décidons de faire une pose et nous installons sur un tronc d'arbre. Le végétal est tombé depuis longtemps mais la vie continue de battre en lui par les quelques racines qui sont restées en terre. Ses branches ont fini par s'allonger d'elles-mêmes à la verticale, dans le but d'atteindre la lumière du Soleil. Enfin, sur cette planète, ce n'est peut-être pas le Soleil mais une autre étoile... Qui sait ?

Romain sort maladroitement deux sandwichs de son sac et je le regarde avec des yeux ronds.

― J'avais prévu le coup, explique-t-il en me tendant une baguette de pain garnie de beurre et de fromage.

― Merci, souriais-je.

Mon estomac criait famine depuis une bonne demi-heure et je lui aurais bien sauté au cou.

Après un moment à me turlupiner, je me décide à poser les questions qui m'ont tourmenté toute la matinée.

― Comment ça se fait que ton père soit ici ?

Romain détourne le regard quand j'évoque son géniteur.

― Je ne sais pas. C'est ce que je veux comprendre en venant ici.

― L'avenir des « Elfes » ne te préoccupe pas ? Je m'étonne.

― C'est difficile à dire. J'ai quand même du mal à y croire... Et de toute manière, je ne vois pas ce que nous pourrions faire.

― Moi non plus, je soupire. Pour l'instant nous avons des tonnes des questions, pour si peu d'indices...

Romain rit doucement.

― Quand on va enfin trouver ses « Elfes », ils vont nous renvoyer chez nous parce qu'on sera trop chiants avec nos questions !

Je ris de bon cœur, c'est fou comme ça fait du bien.

Quand j'ai fini de manger, je sors mon carnet d'écriture et un stylo de mon sac avant de proposer :

― J'ai une idée ; on va noter toutes nos questions et ils n'obtiendront rien de nous tant qu'ils n'y auront pas répondu. Y en a marre d'être menés par le bout du nez, nous aussi on veut savoir ce qui se passe !

― Bonne idée ! Approuve Romain avec un regain d'énergie.

J'ouvre mon carnet à la dernière page et commence à écrire.

― Déjà, « Pourquoi sommes-nous ici ? »...

― « Depuis quand les mondes parallèles existent ? » ajoute mon ami.

― T'es sûr ? Ça paraît un peu surfait comme question...

― Tu trouves ? Sinon mets plutôt « On est où ? » à la place.

― Hum... Bon d'accord. Ensuite, « Quelle est cette guerre ? », « Quels sont ces fameux dangers ? »...

― « Est-ce que les farfadets existent? »

― Juste les farfadets? je m'étonne. Pas les fées? les dragons? les sirènes?

Il hausse les épaules à chacune de mes propositions.

― Enfin je sais pas moi !... Dieu ?

― Mouais bof... je préfère pas savoir.

Je le regarde avec des grands yeux ronds. Il ne réagit pas.

― C'est désespérant, j'annonce d'un air faussement accablé.

― Bon, on continue ? demande Romain.

Je hoche la tête et réfléchi.

― « Existe-t-il d'autres créatures légendaires, à part les Elfes ? »

Romain semble vouloir protester, mais je lui lance mon fameux regard assassin, signifiant cette fois : « T'avise pas de la ramener avec tes Farfadets, ma patiente à des limites », et il se ravise. Très bon choix si vous voulez mon avis.

― Celle-là pour mon père : « Comment se fait-il que tu sois ici alors que tu as disparu depuis mes 10 ans ? », « Quel est ton rôle ? »...

― C'est vrai ? Je le coupe.

― De quoi ?

― Pour ton père.

Son regard se rembrunit et je crois voir la tempête se lever dans ses yeux bleus pervenche avant qu'il ne hoche gravement la tête.

― Je suis désolée.

Notre enthousiasme un peu retombé, nous continuons la liste de nos questions dans un quasi-silence.

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En fin d'après midi, nous arrivons aux abords d'une falaise donnant sur des rochers abrupts. Tout passage pour rejoindre l'autre côté est impossible et nous décidons plutôt de suivre le sentier et de la longer.

On dirait un peu un canyon, et la vie grouille à l'intérieur. Malgré l'abondance des grands arbres verdoyants, on peut apercevoir une rivière d'un bleu limpide serpenter parmi eux. Là aussi, des oiseaux chantonnent leur joie de vivre et je me laisse bercé par cette musique apaisante.

Ces gorges m'intriguent et je ne peux m'empêcher de les détailler pendant tout le trajet. Parfois, je m'approche du bord pour mieux voir en contrebas mais Romain me rappelle à l'ordre de peur que je tombe. À croire qu'il a le vertige celui-là.

Pour la énième fois, je laisse Romain me distancer légèrement et m'approche du précipice. J'y cherche quelque chose sans savoir vraiment quoi.

Soudain, je crois apercevoir une ombre différente des autres. Je m'arrête de marcher et fixe la zone suspecte. Au bout de quelques secondes, la silhouette se remet en mouvement pensant que je ne l'ai pas vu, si elle-même m'a repéré.

Elle sort tout doucement des sous-bois et je finis par discerner un être anthropomorphe. Celle-ci s'arrête juste avant que je puisse en voir plus. Je crois qu'elle lève la tête vers moi, car deux points blancs apparaissent dans l'obscurité. Des yeux.

Surprise, je recule, me prend les pieds dans un caillou et tombe à la renverse en poussant un petit cri pathétique.

Romain fait volte-face et, voyant mon air hébété, éclate de rire. Il vient cependant m'aider à me relever.

― C'est pas drôle, je ronchonne.

Je m'approche timidement du vide pour remarquer que la créature n'est plus là.

― Qu'est-ce qu'il y a ? s'étonne mon compagnon de voyage.

― Rien, je murmure. J'ai dû rêver...

Nous reprenons la route et j'entreprends de lui expliquer ma « vision ». Toutefois, je ne m'approche plus du bord de la falaise.

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Quand le Soleil, ou du moins l'astre qui éclaire ce monde, commence à disparaître derrière les montagnes, et que nous n'avons toujours croisé personne, nous décidons de nous arrêter pour la nuit.

Après s'être enfoncés dans la forêt et avoir repéré une sorte de cavité rocheuse assez profonde pour nous abriter des potentielles intempéries, nous nous mettons en quête de bois pour tenter d'allumer un feu.

― C'est assez grand tu crois ? Je questionne Romain en lui montrant ma récolte.

Il ouvre des yeux ronds comme des billes et s'esclaffe :

― Mais tu a ramassé des troncs d'arbres centenaires ou quoi ? C'est beaucoup trop gros !

― Peut-être mais toi tu as choisi des pailles pour boire la limonade, notre feu va s'éteindre avant qu'on l'ait allumé !

― Bon, il faut qu'on en trouve des brindilles intermédiaires alors... répond-il en se grattant le menton.

Nous nous dévisageons un instant avant d'éclater de rire.

― On fait la course ? Propose-t-il.

― Chiche ! Je m'exclame avec entrain.

Et c'est parti pour courir entre les arbres comme quand on était en sixième et qu'on jouait à chat perché. Je m'élance en ramassant tous les morceaux d'écorce « intermédiaires » comme dirai Romain et les collecte devant notre grotte. Mon adversaire fait de même deux mètres plus loin et je vois son butin croître dangereusement. J'accélère.

À bout de souffle, je me laisse finalement tomber devant ma pile de branchages jusqu'à ce que Romain revienne.

― J'abandonne, dis-je en levant les mains. Tu as gagné.

Je fais mine de m'écrouler de fatigue en tirant la langue comme un animal mort. Romain s'approche et s'agenouille à mes côtés.

― Je vais malheureusement être obligé de te faire un massage cardiaque si c'est comme ça...

― Non ça va ! Dis-je en me redressant précipitamment. Je pète la forme !

Ni une, ni deux, je me retrouve sur mes pieds et commence à amonceler notre récolte. Une fois notre œuvre terminée, je jette un coup d'œil au garçon qui m'accompagne.

― Heu... tu sais comment on l'allume ?

Je ne m'étais effectivement pas posé la question.

― J'ai pris des allumettes.

Je le regarde comme s'il descendait de Mars.

― Je veux bien que tu aies pensé au pique-nique de midi... mais des allumettes ? À quel moment tu t'es dit que ça pourrait servir ?

― On ne sait jamais, répond humblement Romain. J'ai aussi pris deux bouteilles d'eau, quelques habits, une lampe torche, une couverture de survie... des trucs comme ça.

Il déballe son sac en même temps qu'il parle et je me demande comment il a pu y faire rentrer tout ça. Je dois avoir la bouche grande ouverte, car il paraît soudain gêné.

― C'est génial, dis-je en retrouvant mon sourire.

Nous allumons donc un petit feu de camp avant de nous installer le dos contre la paroi rocheuse, enveloppés dans la couverture de survie. C'est étonnant comme le froid tombe avec la nuit alors que nous avons passé toute la journée en t-shirts sans le remarquer.

Je me rapproche un peu plus de Romain pour éviter les courants d'air et il semble un peu embarrassé, mais je ne m'en préoccupe pas et m'endors instantanément, rompue par la fatigue et les émotions de la journée.

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Alors, des hypothèses?

Quelle est cette créature tapie dans l'ombre?

Bon il me reste encore pas mal de choses à imaginer, mais je tiens le bon bout 🫡

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