Chapitre 27 - Ignisia
Les murs en pierre couleur perles de nacre reflètent les rayons de Luxia en des millions d'éclats multicolores. Le parfait pavé assorti accentue cet effet magique. Je reste ébahie un instant face au jeu de lumières avant de rediriger mon attention vers la source des cris et chocs métalliques qui parviennent à mes oreilles.
Romain et un jeune faune au pelage composé d'une multitude de petites boucles rousses s'entraînent au maniement de l'épée dans le coin de la cour qui y est dédié. Sans doute le fameux Lyam.
Je me dirige vers eux, un sourire amusé aux lèvres : jamais je n'aurais imaginé le gentil et timide Romain du cours de latin apprendre à se battre dans un monde parallèle en guerre.
Absorbés par leur joute, les deux garçons ne me remarquent pas immédiatement et je prends le temps de les observer sans les interrompre. Pour ne pas se mentir, Romain semble au bout de sa vie, mais il tient bon face à son adversaire indéniablement plus entraîné. Ce dernier retient sans conteste ses attaques pour pallier à la différence de niveau.
Mon ami affiche un air de concentration extrême malgré son sourire ravi. Il tente plusieurs ouvertures infructueuses jusqu'à ce que l'une d'elles lui soit fatale : Lyam dévie la trajectoire de sa lame et envoie le garçon au sol d'un coup de pieds bien placé.
― Je l'avais pas vue venir celle-là, admet-il se redressant.
― J'ai décidé de mettre fin à la séance avant qu'elle ne s'impatiente, le nargue le satyre en lui tendant une main secourable.
Romain se retourne et son sourire s'élargit quand il m'aperçoit adossée au mur.
― Ça fait longtemps que tu es là ?
― Dans les deux minutes environ, réponds-je. Je me demandais si tu avais fini de bouder.
Romain lève les yeux au ciel sous les ricanements de Lyam qui lui lance une claque amicale dans le dos. Le garçon se saisit de son épée pour la ranger, mais son professeur l'interrompt :
― T'occupes, je m'en charge. Va plutôt te débarbouiller un peu avant de faire attendre ta petite amie.
Je rougis.
― C'est pas ma petite amie ! Rétorque mon ami en lui lançant un regard assassin, ses joues prenant rapidement une teinte cerise très prononcée.
Il s'éloigne d'un pas furibond pour rejoindre des vestiaires ou quelque chose qui y ressemble par une porte en bois sombre attenante à la cour.
― Bah, pas encore.
Ne préférant rien répondre, je lance un regard courroucé au faune qui hausse les épaules d'un air entendu.
― Bon, tu m'aides à ranger ou tu restes plantée là ? Me houspille l'importun.
― Tu manques pas de culot toi avec tes pattes de chèvre, craché-je en m'exécutant de mauvaise grâce.
― Je vois pas le rapport, rétorque-t-il hautainement. Mais c'est pas faux.
Je soupire, désespérée, avant de ramasser un fourreau d'épée qui traîne dans un coin pour le ramener au satyre.
― Tout ça pour ne pas dire que c'est vrai et que j'ai raison.
Il ricane.
― Pas faux, répète-t-il.
Je me contiens à grand peine de ne pas l'assommer avec le fourreau rigide en le lui donnant, bien que ce ne soit pas l'envie qu'il me manque.
Il attrape un balai avec rapidité et me le lance puis quitte la cour, les bras pleins d'armes blanches diverses et variées, me laissant seule avec mon ustensile ménager. Je suis dans ce palais depuis hier et on m'a déjà reconvertie en bibliothécaire et femme de ménage ! Incroyable mais vrai !
Mon cœur se serre : c'est ma mère qui s'exclame toujours ainsi et penser à elle me rappelle à quel point mes proches me manquent. Je ne peux pas songer à eux sans entrevoir la possibilité de ne jamais revenir sur Terre et de les avoir perdus pour toujours...
Les larmes me montent aux yeux alors que le balai réuni tristement les deux ou trois feuilles mortes éparses qui jonchent la cour.
Stop. C'est pas le moment de pleurer.
Je peux me laisser aller le soir, seule dans un lit inconnu, mais pas là, telle une dépravée à faire un travail inutile ! Pourquoi il m'a demandé ça d'ailleurs ? Ça sert à rien ; ils n'ont pas sali le sol avec leur entraînement improvisé.
Légèrement irritée d'avoir reçu des ordres absolument inappropriés – et de les avoir exécutés – j'appuie le balai contre le mur d'opale. C'est ce moment que choisi Lyam pour refaire son apparition en sifflotant un air inconnu, mais qui me tape sur le système dès la deuxième note tant il est répétitif.
― Tu as balayé ?
― Non, les feuilles ont pris leurs jambes à leur cou quand elles m'ont vu et elles ont préféré faire le travail elles-mêmes, par sécurité, je réplique face à sa question absurde.
― Quel humour hi-la-rant ! Interviens Romain en déboulant dans la cour baignée de lumière. T'es en forme aujourd'hui dis donc !
Je m'apprête à répondre quand Lyam s'interpose :
― Laurie tu peux aller ranger le balai ? C'est dans le couloir, la première porte à droite.
Je le regarde de haut en bas d'un air dédaigneux avant de saisir l'objet qu'il me tend pour rejoindre son foutu placard à balai. Cette attitude me rappelle vaguement celle d'une peste de mon lycée, mais je ne m'attarde pas dessus de peur de partir en fou rire au souvenir des multiples imitations que j'en ai fait avec Amelya.
Je trouve facilement le petit cagibi qui me rappelle étrangement la chambre d'un sorcier très connu et rejoint les garçons dehors en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, débarrassée de mon balai encombrant. Je vais faire une overdose du mot balai si ça continue comme ça.
― Tu as bien compris ? Demande Lyam à Romain avant de s'interrompre quand il m'aperçoit.
― Oui, ça devrait aller, répond celui-ci, quelque peu hésitant.
Le faune lui jette un regard peu convaincu avant de nous faire un signe de la main et de s'éloigner pour vaquer à d'autres occupations.
Nous restons quelques instants gênés, sans que je ne me rappelle pourquoi il a bien pu arrêter son entraînement pour moi, alors que je n'ai rien de très important à lui dire.
― Tu as trouvé des infos intéressantes ? hésite-t-il.
Je saute sur l'occasion pour briser ce silence embarrassant.
― Non pas vraiment... La plupart des bouquins étaient destinés à des médecins expérimentés et je n'ai strictement rien compris.
― Déjà que tu n'es pas très douée en SVT en temps normal, glisse-t-il espièglement.
― Eh ! Je ne vous permets pas Romain Leroy !
Je prends une moue faussement indignée quand il me fait signe de le suivre avant de rire à gorge déployée et nous quittons la cour bras dessus bras dessous pour rejoindre l'arrière du château : un grand parc aménagé telle une forêt tropicale.
Le château, implanté sur une corniche rocheuse, surplombe un immense lac limpide que j'aurais pris pour l'océan sans les indications de notre Guide Touristique Attitré Actuellement en Congé Forcé et Voulu (toujours plus). Contre la falaise est agencé un grand jardin botanique rempli d'essences d'arbres inconnus et de plantes exotiques. J'aime énormément cet endroit même si je n'ai eu l'occasion d'y venir que pour la visite guidée. Dès lors, l'idée de m'y installer pour écrire a germé dans mon esprit et trotte toujours dans un coin de ma tête.
C'est donc euphorique que je franchis le portail en fer blanc pour me retrouver au milieu de la flore abondante et que j'oublie les trois pauvres marches en granite qui se situe deux mètres plus loin. Mon pied rate le premier échelon et je me sens partir en avant, mes bras fouettant l'air en tous sens dans l'espoir vain de... non ça ne sert vraiment à rien.
Heureusement, alerté par mon cri de détresse, Romain – qui marchait juste devant moi – se retourne pour me rattraper juste à temps.
― Comment t'as fait ton compte ? Se moque-t-il.
― J'ai... euh... oublié la marche... ?
Il rit. Je rougis de honte, et la teinte carmin de mon visage s'intensifie un peu plus quand je me rends compte que je suis toujours dans ses bras.
Le feu lui monte aussi aux joues lorsqu'il remarque ma gêne. Je me dégage doucement en détournant le regard. Il saisit ma main et m'entraîne jusqu'au précipice, sécurisé par un palis assortit au portail de l'entrée du parc.
L'immense étendue d'eau qui nous fais face est quasiment immobile, si ce n'est les faibles ondulations qui parcourent sa surface et dévient les rayons de Luxia comme autant de miroirs opalescents. Le royaume d'Ignisia est un monde de lumières, de feu et d'énergies rayonnantes.
Une douce chaleur se dégage des doigts de Romain que je n'ai pas pu – ou voulu – lâcher. Pourquoi ? J'en ai bien une petite idée, mais je ne pense pas être en mesure de me l'avouer à moi-même actuellement.
Mon regard se perd dans l'immensité du paysage alors que j'imagine tout ce que pourrait signifier ce geste ridicule et que mon idiot de cœur s'emballe.
Il m'observe, je le sens. Je finis par me tourner vers lui pour que nos pupilles s'accrochent. Les secondes s'écoulent en silence, sans que nous ne fassions quoi que ce soit pour le briser. C'est une pause temporelle après tout ce que nous avons traversé, le calme après la tempête. Enfin.
Je savoure chaque instant de cette sérénité en sa compagnie, de la brise dans mes cheveux, des couleurs vives d'une fin de soirée d'été rassurante par sa normalité.
Mon ami se rapproche lentement de moi, pourtant, incapable de réfléchir, je ne fais rien. Mes pensées sont ailleurs, bien loin de cette corniche, ce havre de paix ; vers des souvenirs terrifiants d'évènements que je suis heureuse d'avoir dépassé. Ses lèvres se posent sur les miennes. Doucement. Délicatement. Mais je ne réagis pas immédiatement
J'aurais pu y penser. J'aurais pu le prévoir. Deviner.
Mais... non.
Je ne suis pas prête. Pas comme ça. Pas maintenant.
Une seconde passe avant que je ne bondisse en arrière et vois son visage se décomposer.
Le temps se suspend pendant que nous nous fixons sans oser ouvrir la bouche, que toutes sortes d'émotions contradictoires passent dans ses yeux. La stupéfaction, l'incompréhension, la honte, la tristesse...
Puis je tourne les talons et pars en courant.
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Coucouuuu !!
Alors, que pensez vous de ce chapitre ?
Estc-e que ça se voit que je n'avais pas d'inspi pour le titre du chapitre ?
La "décla" - si on peut dire - de Romain n'était pas censée arrivée tout de suite, mais Nuits s'impatientait en le critiquant et puis ça colle mieux pour le scénario comme ça héhé
C'est la première fois que j'écris une scène romantique alors je sais pas trop si c'est bien ou pas...
Est-ce que c'est gnangnan ?
Oui
Bon ok, est-ce que c'est grave ?
Je pense pas.
Bref, je me mets au chapitre 28 qui va être... mouvementé !
Pronostics ??
Vous êtes pas prêts !
(enfin, Nuits, parce que t'es la seule qui a lu jusque là pour l'instant XD)
Allez, à dans jesaispascombiendetemps pour le suite !
<3
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