Chapitre 25 - Conseil de guerre
Je frappe trois coups sur la porte en bois tanné avant d'entrer, suite à la réponse positive du roi Naguz. C'est la deuxième fois que j'entre dans cette pièce, mais je ne peux qu'une fois de plus admirer les tentures qui parcourent les murs, baignées de la lumière teintée de rouge qui entre par les immenses baies vitrées en forme de flammes incandescentes.
L'immense table d'Opale réunit les six conseillers du roi, formant avec ce dernier, le Conseil des sept. Thalion, Snoderim et Arik sont déjà installés, il ne manque donc plus que nous pour entamer cette fameuse réunion.
― Nous n'attendions que vous, confirme Naguz de sa voix grave et profonde, ses pattes de bouc repliées sous la table.
J'esquisse une courbette maladroite face au comité – très pointilleux sur la bienséance – avant de m'installer la chaise qui m'est dédiée : entre Snoderim et Romain. Celui-ci me rejoint bientôt et toutes les têtes se tournent vers le roi, dans l'attente qu'il prenne à nouveau la parole.
― Pour commencer, merci à tous d'être présents en ce 253ᵉ conseil de guerre. Nous accueillons aujourd'hui le prince Thalion de Chrysocolia et la princesse Snoderim de Smaragdia, accompagnés de Laurie Dumont...
Mon regard se perd dans la carte du Monde de l'Imaginaire gravée dans la table. J'observe pour la première fois les contours de ce pays en tentant de me représenter notre itinéraire. C'est l'occasion pour moi d'en savoir un peu plus sur la géographie de cet univers parallèle, notamment sur le royaume des Ogres.
Au sud-est du continent, leurs terres semblent presque vouloir quitter l'île et il n'y a que très peu d'informations sur le nom des villes qui le peuplent, dont les noms sont d'ailleurs imprononçables.
Je jette un coup d'œil à Thalion, qui est maintenant en train d'expliquer notre mission, mais préfère retourner à ma contemplation : les discours militaires – comme politiques – ont toujours eu le don de m'ennuyer au plus haut point et je connais déjà chaque détail de notre plan initial.
Je ne relève la tête que quand le silence se fait dans la salle, sûrement à la fin de son récit. C'est au tour de Naguz de relater les différents évènements.
― Dès que j'ai su ce qu'il s'était passé à Chalcédonia, j'ai envoyé un espion sur place. Celui-ci a pu nous rapporter que la cour du château était intacte, tous les soldats vivants et en bonne santé, sans compter le roi Gildius, parfaitement remis dans son état normal. Aucune théorie probante ne peut expliquer ces phénomènes, si ce n'est l'intervention du Phénix Créateur.
Quelques murmures s'élèvent.
― Nous n'avons par ailleurs aucune information supplémentaire sur la folie meurtrière et passagère de Gildius. Celui-ci semble néanmoins être tombé dans la paranoïa et vient de déclarer forfait auprès des trolls. Il refuse donc catégoriquement d'entrer en guerre à nos côtés.
Je me renfrogne en réentendant cette information. J'ai espéré que les lutins s'engagent eux aussi. Pas que je souhaite un conflit intégrant tous les peuples, mais plus nous serons nombreux à contrer les ogres, plus nous gagnerons vite et moins il y aura de morts. Enfin, je suppose.
Heureusement, les faunes ont accepté une alliance, entraînant avec eux les centaures. Après avoir traversé Chalcedonia, nous devions initialement nous rendre chez les trolls, mais le phénix nous a immédiatement renvoyés ici. Chez des alliés. S'il suivait notre logique, n'aurait-il pas dû nous expédier directement à Pyritenia ?
― Votre majesté, détenons-nous de plus amples informations sur cette étrange folie ?
Je dirige mon attention sur un vieux satyre à la barbichette grisonnante. L'intéressé esquisse un léger sourire prédisant qu'il est capable de répondre à cette question-là.
― Vous oubliez, mon cher Smod, que nous avons en notre compagnie Arik Dalis.
D'un seul bloc, nous nous retournons tous vers le lutin afin d'entendre sa version des faits. Il semble d'abord gêné de se retrouver au centre de l'attention générale, avant de se reprendre et d'expliquer :
― Il y a quelques années, le roi est parti en mission secrète avec sa garde d'élite. Quand il est revenu, plusieurs mois plus tard, il était seul, et il avait changé. C'est à partir de là que ses symptômes se sont présentés : il était colérique en permanence, cherchait le moindre prétexte pour dégrader ses soldats... Lentement, les choses ont évolué. C'était de pire en pire. Il condamnait ses sujets pour tout et n'importe quoi, allant de plus en plus souvent jusqu'à la peine capitale. Le plus effrayant, c'est que les autres étaient d'accord avec lui. D'abord son entourage, puis les soldats et les civils. Ce n'est pas une simple folie, c'est une maladie contagieuse.
Le silence est total quand Arik termine son récit sur cette note alarmante.
― Connais-tu la destination de cette « mission secrète » ? finit par demander Thalion.
Le garde hoche sombrement le menton.
― Ils se rendaient chez les ogres.
Cette déclaration jette un froid sur l'assemblée, chacun élaborant silencieusement des dizaines de théories abracadabrantes pour comprendre le lien entre ces deux importants détails.
― Pensez-vous que cette « maladie » puisse venir de Sardonixia ?
Thalion échange un regard avec Naguz pour lui demander l'autorisation avant de répondre à la faune blonde qui vient d'ouvrir la bouche.
― Si c'est le cas, ça expliquerait pourquoi ils ont nous déclarer la guerre sans raison.
Nouveau blanc.
― Nous pourrions envoyer un espion, là-bas aussi, propose le dénommé Smod.
Naguz confirme d'un sombre hochement de tête.
― Ce sera une mission périlleuse, mais nos guerriers ne craignent rien ni personne. Neho ? Allez me chercher notre meilleur agent et dites-lui d'attendre dans mon bureau s'il vous plaît.
― Tout de suite, affirme la conseillère blonde en se levant pour quitter la salle.
― Bien, conclue le roi avant de se tourner vers nous. En ce qui concerne votre mission... Vous ne deviez pas vous rendre chez les trolls ?
― C'est ce qui était prévu, confirme Thalion, mais... les évènements ont en décidé autrement.
Il marque une pause avant de proposer :
― Nous pourrions faire l'aller-retour en quelques jours.
Naguz remue le menton en signe d'assentiment.
― Oui, vous m'en aviez parlé. L'initiative de Gob est très intelligente : être accompagnés d'un membre de chaque royaume en gage de leur parole et de leur implication est un atout de taille pour convaincre les autres dirigent de se joindre à votre cause. Je ne manquerais pas de faire de même !
Il nous sourit avant de dévisager ses conseillers d'un air interrogateur.
― Si votre majesté le permet, chantonne une faune rousse, un sourire dansant sur ses lèvres, je veux bien m'acquitter de cette mission.
La satisfaction du roi s'accentue.
― J'étais sûr que vous seriez volontaire Jylia. Si cela vous convient, vous pourrez partir cette après-midi même.
Alors que tous en profitent pour donner leurs recommandations, un détail me titille. Nous sommes maintenant six à partir en expédition, mais nous n'avons que deux griffons. Les faunes ont-ils d'autres montures ailées à leur disposition ? Est-il possible de tenir une longue distance à trois sur la croupe d'une seule bête ?
Je m'empresse de leur faire part de mes préoccupations. Au fur et à mesure que les mots franchissent mes lèvres, la joie apparente de Naguz se mue en expression d'excuse tandis que mes amis détournent le regard. Romain est le seul qui semble dans la même situation que moi.
― Je... commence le roi d'Ignisia comme s'il connaissait d'avance notre réaction face à ce qu'il s'apprête à révéler. Nous avons décidé de vous garder durant l'absence de Thalion, Snoderim et Arik.
Je me tourne rapidement vers les personnes concernées pour qu'ils démentent, m'affirment que l'on restera ensemble pour toujours, que Romain et moi viendrons avec eux. Mais ceux-ci détournent les yeux, confirmant les dires du satyre.
Des dizaines de questions pointent le bout de leur nez dans mon esprit en ébullition, mais je bafouille seulement :
― Mais... Pourquoi ?
― Laurie, nous n'avons que deux montures, et ce n'est pas possible pour elles d'effectuer une si grande distance avec une si lourde charge sur le dos, se justifie-t-il.
― Alors vous nous abandonnez comme ça ? Se rebelle mon allié en haussant le ton.
― Non, bien sûr que non, intervient le prince de Chrysocolia. Mais vous comprendrez que nous avons dû faire un choix.
Romain fronce les sourcils, prêt à répliquer.
― Il y a de grandes chances que le royaume des trolls soit lui aussi atteint par cette maladie, expose l'elfe, ce sera une mission périlleuse, peut-être même mortelle. Vous serez en sécurité ici.
Ils en ont déjà parlé, sans nous. Leur décision est prise. À cet instant, je sais que, peu importe ce que je pourrais leur dire, ils ne changeront pas d'avis et nous laisseront ici comme des déchets sur le bord d'une autoroute.
Romain bondit sur ses pieds.
― Alors ça ne marche plus l'histoire des gentils petits humains qui placent tous leurs espoirs dans la victoire des elfes ? S'emporte-t-il. Mais ça, c'était au début, avant que vous n'ayez de réels alliés ! On est plus indispensable, alors on nous jette, hein !
― Ça n'a aucun rapport ! S'interpose Snoderim en se levant à son tour.
― Bien sûr que si ! Contre le garçon. Vous nous considérez comme des incapables, des gosses dont il faut prendre soin. Vous savez-quoi, j'en ai marre d'être un poids mort, allez-sans nous !
Les conseillers et le roi ne savent plus où se mettre tandis que Thalion et Snoderim ouvrent le bouche pour surenchérir.
― Romain, dis-je calmement, laisses tomber.
Je pose une main sur son avant-bras pour le dissuader de continuer sur sa lancée. Je quitte ma chaise avant de déclarer en regardant Thalion droit dans les yeux :
― J'en ai plus que marre de tous ces mystères, toutes ces choses que tu ne nous dis pas. Nous ne sommes plus des enfants et nous voulons savoir. Sache que vous n'obtiendrais plus rien de nous tant que nous n'aurons pas eu des réponses. Et des excuses.
Sur ce, je saisis Romain par la manche pour l'entrainer avec moi et quitte la salle de conseil sous leurs regards décontenancés.
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(= Coucou)
J'espère que ce chapitre vous a plu !!
J'ai mis un PITIT PEU de temps à l'écrire...
J'ai eu du mal à trouver la transition après le départ de Neho, je sais pas si ça s'est vu...
Dites-moi s'il y a des trucs pas clair ou quoi dans l'explication de la "maladie" parce que c'est tellement clair dans ma tête que ça me parait bizarre de devoir l'expliquer ^^'
Bref, bisous
<3
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