Chapitre 24 - Guérison

J'entrouvre laborieusement les paupières, surprise par l'effort que me demande ce mouvement pourtant anodin. Mes globes oculaires balayent la scène sans arriver à discerner les différentes formes qui m'entoure. Tout est flou.

Je finis par rencontre deux prunelles bleues, seul détail net dans cet univers flou et désordonné. Romain.

Le garçon est livide. La bouche entrouverte, il me fixe sûrement avec le même air d'hébétude que je dois afficher actuellement. Il est la dernière chose qui existe dans ce monde de formes et de couleurs confuses.

Combien de temps restons-nous ainsi comme si nous pouvions communiquer ? Je l'ignore, mais les pas bruyants qui nous tirent de notre torpeur par un sursaut ne sont autres que ceux de Gildius. Le bougre a dû s'impatienter, car il tape nerveusement du pied en nous dévisageant de son sourire sadique.

― Alors ? Lance-t-il de sa voix étrangement éraillée par une joie malsaine. Trop peureux pour affronter la mort en face ? Je m'en doutais.

Debout dans l'encadrement de la porte du box, il nous présente ses dents jaunes et pointues. Je m'efforce de ne pas croiser son regard haineux, de peur d'être à nouveau aspirée dedans, mais mes pupilles sont attirées par les siennes comme des aimants dangereux.

― Par qui je commence ?

Notre tortionnaire s'adresse à nous comme un dentiste parlerait à ses patients. Il nous scrute pour décider par lui-même de sa première victime, faisant planer un silence inconfortable et stressant. Nos regards se frôlent avant qu'il ne se détourne comme s'il s'était brûlé.

― Toi.

Il amorce un mouvement en direction de Romain, et tout mon être se paralyse, au même titre que mon ami, aussi immobile qu'une statue de sel. L'aura de Gildius nous cloue sur place, nous empêche de respirer et de réfléchir. Nos volontées faiblisse en sa présence. Il semble aspirer notre âme avant même d'avoir porté le premier coup physique.

Je me maudis intérieurement pour mon impuissance alors que la distance entre eux se réduit laborieusement et que chaque seconde dure des heures. Le monde tourne au ralenti alors que le roi des lutins brandit l'une de ses armes et l'abat dans un silencieux fracas. Je ne peux pas supporter ça.

Tout explose en moi.

Je ne suis plus maître de rien. Des couleurs chatoyantes envahissent mon esprit, remplissant de rouge et d'or chaque parcelle de mon être pour enfin coloniser l'extérieur en un une fraction de seconde. L'Univers entier me semble plongé dans cet océan de feu où les flammes consument tout sur leur passage.

Mais ce n'est pas un brasier ordinaire, non. C'est un feu d'artifice. Un torrent de teintes. Un ouragan d'émotions.

La tempête est trop puissante pour moi, je ne sais pas si je m'en sortirais.

Cette pensée fuse à peine que tout s'arrête instantanément. Retrouvant les sensations qui parcourent mon corps, je remarque que je suis agenouillée, la tête dans les mains. J'écarte légèrement les doigts après m'être frottée les yeux, et constate que le décor qui m'entoure est toujours submergé par les couleurs de l'éruption dont je suis le foyer.

M'habituant peu à peu, je me redresse pour me retrouver face à face avec un majestueux oiseau aux couleurs chaudes. Le Phénix Créateur.

Ma mâchoire se décroche alors que je crois encore une fois à une hallucination, semblable à mes rêves étranges et mes visions impromptues.

Les minutes passent, les ombres dansent autour de nous, contrastant avec la valse des flammes présentes dans le plumage du phénix.

Romain – intact – contemple l'apparition, ébahi, au même titre que Gildius, qui semble pour sa part plus terrorisé qu'autre chose. Jamais je n'aurais pensé voir une telle expression sur son visage aigre.

Le fou recule un peu plus, cherchant vainement à s'éloigner du danger, mais son dos percute l'une des parois du box et il s'immobilise, incapable de décrocher son regard de l'oiseau de feu. Il craint sans doute que ce simple acte l'empêche définitivement de nuire.

Pourtant le phénix n'a d'yeux que pour moi et il ne se prononce qu'une fois que je me concentre à nouveau vers lui.

― Le temps me manque petit oisillon, car j'ai épuisé les réserves de plusieurs siècles pour venir aujourd'hui. À l'avenir, tu devras agir seule, et les étoiles savent que tu en es capable.

Avant que je ne puisse répondre ou simplement assimiler ses paroles, il disparaît. Comme il est venu, dans une explosion silencieuse qui provoque une onde de choc jusque dans mon cœur.

Mes paupières s'agitent, tentant vainement de protéger mes pupilles quand le calme s'évanouit avec les dernières traces de lumières. Le silence est total, pesant. Et l'oiseau de feu, envolé.

Une dernière phrase retentit.

― Je vous envoie chez des alliés.

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De la poussière flotte, en suspension dans les rayons de Luxia qui pénètrent par la fenêtre. Je m'enhardis à souffler, simplement pour savoir si ce maigre courant d'air aura un impact sur leur vol stationnaire. Oui.

Des volutes se forment, chassant les particules pour en attirer d'autres dans un remous d'air. Statique, je contemple mon œuvre, un léger sourire aux lèvres.

Après vingt-quatre heures d'euphorie, la pression est enfin redescendue. Je savoure ma quiétude tout juste retrouvée, allongée confortablement sur mon lit d'invitée de marque.

J'ai répété tant de fois le récit de ce qu'il s'est passé exactement, que les mots que j'ai utilisés tournent encore dans mon esprit malgré tout mes efforts pour les en chasser.

Mes visions. Notre arrivée aux écuries alors que Thalion nous cherchait à l'autre bout du bastion. Gildius. L'apparition du Phénix...

Pour expliquer sa venue – alors que je ne la comprends pas moi-même – j'ai dû révéler à mes amis les quelques rêves étranges où l'oiseau de feu vient me parler, et l'inexplicable importance qu'il semble me donner, à moi. Une humaine. Une étrangère.

Je suis la seule à avoir compris, ressenti, que le phénix avait définitivement soigné le roi des nains de sa folie. La seule à avoir déduit qu'il l'avait libéré de ses innombrables émotions négatives. Pourquoi ? Pourquoi moi et pas un autre ?

Pourquoi suis-je celle qu'il appelle « petit oisillon » ?

Ces questions sans réponses se bousculent dans ma tête depuis que le phénix est reparti, comme il est venu, après avoir – semble-t-il – émis une onde de choc qui a arrêté le chaos environnant et soigné toutes les personnes présentes.

Mais ce ne sont que des informations éparses qui nous sont parvenues du château lutin ; je n'ai rien constaté de tout ça, car comme promis, le Créateur nous a renvoyés en lieu sûr. Ignisia.

Quand j'ai ouvert les yeux après la seconde explosion, je me trouvais devant le magnifique château d'opale des faunes, entourée de mes amis, indemnes.

Thalion et Arik tournaient sur eux-mêmes sans en revenir.

Tango et Plume Noire jubilaient sur place.

Romain pouvait à nouveau marcher.

Snoderim se réveillait, frottant sa poitrine intacte.

Nous avons longtemps cru à une hallucination, avant de nous rendre à l'évidence et d'aller toquer à la porte des satyres.

Peu importe. Maintenant nous sommes là et il ne me sert à rien de ressasser toutes ces informations en quête d'un indice.

Un indice sur quoi ? Je ne sais pas. Simplement un signe, une piste qui m'indique quoi faire. Les termes utilisés par le phénix sont très vagues, et j'ai tant d'interrogation à lui poser...

Si seulement je trouvais un moyen de le contacter...

Personne, au palais comme ailleurs, ne peut m'expliquer ce qu'il se passe dans ma tête. Ni au fin fond de mon cœur. Actuellement, des recherches dans toutes les bibliothèques à notre disposition sont menées, même si je doute qu'elles soient fructueuses.

Le pire dans toute cette énigme, c'est que j'ai la certitude de connaître la vérité, quelque part au fond de moi. Cette sensation frustrante me rappelle mes séances d'écriture où, incapable de deviner le mot que j'ai sur le bout de la langue, je suis obligée de me référer à un dictionnaire de synonymes. C'est déjà une situation désagréable pour un écrivain, mais quand ça concerne le plus grand mystère de sa vie, c'est encore pire.

Je décide de laisser tomber pour le moment et de me concentrer sur autre chose, car c'est la meilleure solution quand on ne parvient plus à avancer dans son récit. Faute d'occupation dans cette chambre d'invité aux couleurs chaudes – qui redirigent mes pensées vers le phénix – je me dirige vers l'ouverture qui donne sur une féerique forêt d'arbre centenaires en contrebas.

La fenêtre en forme de flamme, emblème du royaume, est constituée du bois le plus rouge que je n'ai jamais vu, à l'instar des autres meubles qui remplissent la pièce. Une brise fraîche vient caresser mes joues quand je parviens – suite à plusieurs tentatives ratées – à ouvrir l'un des battants pour observer le paysage.

À son zénith, Luxia illumine le feuillage des différentes essences végétales, créant un jeu d'ombre et de lumière avec le sous-bois.

Je suis seule au-dessus de cette immensité verte, et l'une de mes passions première se rappelle à moi : le chant. Me remémorant la mélodie et les paroles, j'entame l'une de mes chansons préférées. D'abord doucement, je gagne peu à peu en confiance à mesure que la confiance me gagne et que mes cordes vocales chauffent. Les notes s'envolent et j'oublie tout pour ne songer plus qu'aux accords harmonieux qui s'échappant de ma gorge, bercée par ma propre symphonie.

Quand le dernier trémolo s'estompe dans le ciel, je suis plus paisible que jamais. Jusqu'à ce que quelqu'un se racle la gorge derrière moi. Je me retourne vivement pour apercevoir un brun indécis dans l'entrebâillement de la porte.

― Tu es à depuis longtemps ? Demandé-je en me détournant de la fenêtre.

Je ne sais pas trop si je veux connaître la réponse cette question, malheureusement l'une des seules que je peux poser dans l'immédiat.

― Non... pas tant que ça.

Romain fait quelques pas hésitant dans ma direction. Il se passe une main gênée dans les cheveux, avant de m'adresser un sourire timide et de détourner le regard.

― Tu chantes très bien.

― Merci...

Je rougis, ne sachant comment réagir à ce compliment ; en dehors de mes parents et de mon professeur, je n'ai jamais chanté pour personne et je ne suis pas certaine de mes capacités dans le domaine.

Un silence gênant s'installe, et je ne sais comment le combler.

― On a besoin de toi, le roi tient conseil et ça nous concerne, explique-t-il finalement.

Je hoche la tête avant de passer hâtivement devant mon ami pour emprunter le chemin de l'antichambre de la guerre.

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Hello !

J'espère que vous allez bien ^^

Moi ça va mieux maintenant que je suis plus bloquée au début du chapitre 💀

En fait je savais ce qui devait se passer, mais je savais pas exactement comment et tout, donc j'ai réécrit trois fois et je suis toujours pas satisfaite, mais au moins j'ai passer le cap et je pourrais écrire la suite

Justement, vous le trouvez comment - vous qui n'avez pas mes doutes d'écrivaines - le passage où le phénix apparaît ?

Alors, je vous préviens, j'ai eu la flemme de le rererererelire donc je vous l'ai mis un peu à l'arrache quand j'ai eu fini

C'était bien quand même ?

Des remarques ?

Des... pronostics ???

Bizzz


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