Chapitre 23 - La fin des haricots
― Installez l'échafaud ! Beuglele roi.
On croirait voir toute une fourmilières'affairer dans la cour du bastion entièrement battit de calcédoine.Plusieurs lutins assemblent des planches comme s'il s'agissait d'unstand de marché, créant peu à peu une structure que j'aurai aiméne jamais entrapercevoir.
Les gardes nous obligent à descendre denos montures et ils sont bien trop nombreux pour que Thalion,Snoderim et Arik tentent une ouverture. Ils seraient plantés surplace avant même d'avoir pu charger le plus petit d'entre eux.
Romain s'assoie – ou plutôt se laissetomber – sur le sol bleu. Est-ce à cause de sa cheville ou dudésespoir ? Recroquevillé sur lui-même, il semble seratatiner et j'ai presque peur qu'il ne disparaisse. Je m'empresse dele rejoindre afin de partager sa détresse.
― Si je m'étais imaginé que çafinirait comme ça...
Sa gorge se noue à la fin de sa phrase, medéchirant le cœur au passage. Je passe un bras autour de sesépaules, espérant lui communiquer ma force.
― Je suis là, dis-je, en flagrant manqued'inspiration.
Il ne réponds pas et je ne sais pas quoidire d'autre. J'en viens même à me demander si je peux vraiment leréconforter... ça m'étonnerait, vu la situation...
Je relève la tête, croise le regarddésespéré de Snoderim et y lis toutes ses excuses. Ses joues sontbaignées d'eau salée quand je lui adresse un faible sourire, luiassurant qu'elle n'y est pour rien et que même si c'était le cas,je ne lui en voudrais pas.
Parce que ça ne finira pas comme ça.
Je ne veux pas y croire.
Je ne peux pas me le représenter une seuleseconde.
Le phénix m'a promis de l'aide et iltiendra parole. Car oui, c'était lui, il n'y a pas de doute possiblelà-dessus.
« Il arrive »
Je ne sais pas à qui il fait allusion,mais cette fameuse aide va venir nous sortir de là et on s'ensortira coûte que coûte.
Une part de moi – mon cerveau enébullition sans doute – me crie que c'est impossible, que noussommes voués à une mort certaines, mais mon cœur, quelque partdans tout ce bazar intérieur, me souffle qu'on s'en sortira une foisde plus.
Et alors que tout semble perdu, que ledestin paraît tracé à l'encre indélébile, je décide d'écouterle muscle qui bat encore dans ma poitrine.
Je suis interrompue dans mon auto-remontagede moral par la voix distante de Romain, lové contre moi.
― Laurie, c'est la fin. J'ai pas réussià te ramener sur Terre.
Il parle si bas qu'il me faut quelquessecondes pour assimiler complètement complètement ses mots.
― Ne dis pas ça voyons, je tente, sanssavoir comment le convaincre.
― Tout est de ma faute, continue-t-ilcomme s'il ne m'avait pas entendue. Si je n'avais pas fait ce quiétait écrit dans la lettre...
― Romain ?
Je lui relève le menton pour le regarderen face. Ses yeux sont rouges et des larmes silencieuses coulent lelong de ses joues. J'attends qu'il me regarde avant de poursuivre :
― Tu n'y es pour rien d'accord ? Nitoi, ni Snoderim, ni Thalion. Et quand tu as le doute, dis-toi quec'était écrit, et que peu importe ce que tu ferra ou non, leschoses se passeront comme elles devaient se passer. Dans la vieparfois on gagne, parfois on perds, c'est comme ça.
Je lis dans ses iris bleus qu'il n'y croitpas, mais il hoche la tête avant de détourner le regard. Jesoupire : il va finir par saboter mes espoirs à déprimer commeça., pourtant, il a raison et j'ai l'impression d'être uneextraterrestre parmi tous ces cœurs meurtris.
Autour de nous, des ordres sont hurlés àtue tête, des lutins courent en tous sens... Les chalcédoniens nesont vraiment pas très organisés, sinon il y a longtemps que nousne serions plus de ce monde. C'est un bonne chance pour nousj'imagine, ça laisse le temps à notre sauveur de venir.
A trois mètres tout au plus, je remarquemes amis qui parlent, atterrés. Arik semble s'excuser, alors queSnoderim lui frotte le dos en murmurant des formules d'apaisement. Jecroise le regard vide de Thalion, et celui-ci amorce un mouvementcomme pour nous rejoindre, mais au même moment, je reporte monattention sur Romain qui chuchote sans oser lever les yeux vers moi :
― Laurie ?
― Oui ?
― Il s'est passé pas mal de chosesdepuis qu'on est là et... pendant tout ce temps je... je voulais tedire quelque chose... mais je crois que j'ai jamais vraiment eu lecourage de... enfin...
Étonnée, je le dévisage sans comprendre.Il finit par se redresse pour fixer ses yeux dans les miens etattraper ma main d'un geste doux.
― Laurie, je...
La moitié de sa phrase est noyé dans desrugissements stridents et une hurlements assourdissante. La clameurest si forte et si soudaine que je vacille presque. Je me relèved'un bond en cherchant l'origine de cette panique.
Là. Juste au-dessus de la foule rassembléedans la cour carrée.
Ma gorge se dessèche quand je reconnaisnotre sauveur. Le phénix nous a vraiment envoyé un dragon ? Cedragon ?
― Qu'est-ce que c'est que ce cirque ?Vocifère le roi fou en sautant sur place – entre nous, il avraiment pété un fusible le pauvre.
Les immenses ailes argentées du monstrecracheur de feu sont toujours aussi brillantes que dans mon souvenir.Rugissant à en faire trembler la terre depuis son vol stationnaire,il parcourt l'assemblée de ses grands yeux jusqu'à croiser lesmiens.
La sensation est très différente de ladernière fois. Je m'attends à être un nouvelle fois aspirée parsa colère, mais en réalité, il ne se passe absolument rien, si cen'est qu'un fois qu'il m'a reconnue, il se met à cracher des flammesardentes sur les lutins, qui s'éparpillent comme des harengs.
― Mais... ?!
Romain écarquille les yeux sans comprendreles motivations de la bête féroce qui voulait notre mort il y aquelques jours à peine et se positionne tant bien que mal sur sesdeux pieds.
― Il vient nous sauver ! Jem'exclame, plus soulagée que prévu.
Je saute au cou du garçon ébahi entrépignant sur place. Thalion, Snoderim et Arik nous rejoignent encourant.
― Restez groupés, nous ordonne le ChefSuprême de l'Expédition. Arik vient avec moi, il faut qu'onrécupère les griffons.
Les deux guerriers s'éloignent au pas decourse, nous laissant seuls et confus au milieu de la paniquegénérale.
― Je n'y comprends plus rien ! Ilbrûle tout autour de nous, et pourtant il nous épargne !Pourquoi ? Bégaye Snoderim. Je ne vais pas m'en plaindre, maisc'est vraiment bizarre.
― Pas le temps de vous expliquer,indiqué-je, on fiche le camp d'ici avant que les lutins ne serappellent de notre existence.
Je les empoigne tout les deux par un brasavant de me jeter dans la bataille. On va pas partir d'ici en restantau milieu de la cours, il faut qu'on retrouve Thalion et lesgriffons.
― Aïe ! Proteste Romain en boitantà ma suite.
― Laurie ! M'interpelle la gnomideau même moment. Thalion nous a dit d'attendre !
― Non, il a dit de rester groupés !Contré-je. Et on est pas en sécurité ici !
Le sol bleu ciel se tinte de sang et detraces de brûlé. La fumée nous cache presque les bâtiments quientourent le patio. C'est un chaos sans nom qui se joue autour denous.
C'est tout juste si je vois à trois mètresdevant moi alors que je slalome en évitant de regarder les blessésde trop près. C'est un véritable carnage ! Je n'ai jamaisvoulu un chose pareille moi !
Je repousse ces pensées au loin. De un, jen'y suis absolument pour rien, et de deux, ça ne va pas m'aider. Làtout de suite, mieux vaut se concentrer sur nos objectifs. Et puisj'ose espérer que dès que nous aurons quitté l'enceinte duchâteau, le dragon partira aussi.
Une vague de soldats envahissent la cour,apportant avec eux de petites arbalètes et un peu d'espoir pour lestroupes lutines. Ils distribuent leur armes à la va vite et visentle dragon qui plane au dessus d'eux.
― Tirez !
Une pluie de flèches se déverse surl'abdomen du dragon avant de ricocher cotre ses écailles d'acier. Maparoles, elles rebondissent ! Ce n'est pas bon pour les lutinsça...
Nous atteignons un mur, que nous logeonsjusqu'à la première porte venue pour poursuivre notre avancée àl'intérieur.
― Je crois que les écuries sont par là !Je crie à mes amis en tournant à droite.
A bien y penser, le couloir n'est pas unmoyen sûr non plus : il est bondé de lutin terrorisés ouestropiés qui nous laissent passer sans demander leur reste, maisqui occupent une partie de l'espace.
― Laurie, je ne peux plus, articuleRomain, à bout de souffle après quelques minutes de course.
Nous nous arrêtons dans un glissade et ilse laisse tomber par terre.
― Tu ne peux vraiment pas continuer ?Je m'inquiète, autant pour sa cheville cassée que pour lasituation dans laquelle nous sommes fourrés.
― Non, répond-il, la mâchoire serréesous le coup de la douleur.
Je le fixe quelques secondes masser sapieds endoloris en réfléchissant.
― Je peux le porter, propose Snoderim.
Nous hochons la tête, conscients que cettesolution n'est pas optimale, mais que c'est la seule qui s'offre ànous. La gnomide passe un bras sous les genoux du garçon et un autredans son dos avant de m'indiquer qu'elle est parée à repartir.
Je m'élance de plus belle, mais doitbientôt ralentir pour attendre Snoderim, ralentie par sa charge.Ayant heureusement reconnu les couloirs empruntés avec Arik, je nousconduit sans mal à la porte de service des écuries, que nousfranchissons sans ralentir.
Je me fige en comprenant que ce n'est niThalion, ni Arik qui me fait face, mais bel et bien le roi Gildius.
― Qu'est-ce qu'il se passe ?S'exclame Snoderim en me percutant de plein fouet, surprise par monarrêt soudain.
― Il se passe que vous venez de loupervos petits amis, ricane le lutin, me coupant l'herbe sous le pied.
La princesse serre les dents en constatantqu'il dit vrai : Ni l'elfe, ni le lutin ne sont présent etencore moins les griffons. Ses prunelles lancent des éclairs quandelle crache finalement :
― Où sont-ils ?
― Ils vous cherchent à l'autre bout dela cour, dit-il d'un ton dégagé, comme s'il nous parlait de lamétéo. Ils sont si bêtes qu'ils n'ont pas compris que vousviendrez les rejoindre ici. J'ai donc pris la liberté de venir vousy attendre.
Il parle en regardant sa main, nousmontrant ouvertement que le nettoyage de ses ongles est plusimportant que notre conversation.
― Que voulez-vous ? Éructe lagnomide.
― Moi ? S'étonne-t-il hautainement.Simplement vous empêcher de quitter ma forteresse. Vous ne comptiezquand même pas partir avant la petite fête donnée en votrehonneur ?
J'ai horreur de sa voix dégoulinanted'hypocrisie, et je ne rêve que d'une chose : lui faire ravalerson sourire pervers, mais je me tais en attendant de voir comment leschoses vont évoluer.
Sentant venir l'affrontement, Snoderimdépose son protégé près d'un box et revient se placer devant sonadversaire.
Dans un bruissement de métal, celui-cidégaine deux épée symétriques du fourreau pendu à sa ceinture.J'ai un haut le cœur à la vue des lames, imaginant malgré moi cequ'elles sont capables de nous faire.
Mon amie en revanche, n'a aucune arme, etje doute qu'elle soit suffisamment puissante pour faire sortir deslianes de la roche comme elle l'avait fait dans la terre de la forêt.
― Laurie, cache-toi, me siffle-t-elle.
Recouvrant subitement l'usage de mesjambes, je me précipite à l'abri, car je sais pertinemment quec'est la meilleure chose que je puisse faire pour l'aider ; jene suis pas assez folle pour prétendre faire le poids face à unguerrier, peu importe son âge ou son expérience. Je rejoins doncRomain dans un box grand ouvert, et me positionne de manière à voirla scène.
― Jamais vous ne partirez d'ici vivants,crache le roi.
― Et pourquoi cela ? Lui demandecrânement Snoderim.
Pour toute réponse, Gildius affiche unegrimace féroce. La tension monte. Les deux assaillants se tournentautour en chien de faïence pendant de longues minutes. Mon cœur batau rythme de leur pas et chaque mouvement me fait sursauter, de peurque ce soit la première offensive.
C'est Gildius qui bondit le premier, tel unlion affamé qui n'en peut plus d'attendre le bon moment. Snoderims'échappe d'une roulade, évitant largement la lame qui s'abat àl'endroit exact où elle se trouvait quelques secondes auparavant.
Le roi renouvelle son attaque à plusieursreprise, faisant pleuvoir sur la princesse une multitude de coups deplus en plus puissants. Celle-ci les évite aisément grâce à uneroue ou un saut périlleux maîtrisé, mais le jeu semble la fatiguerrapidement et si elle ne prend pas bientôt l'avantage, elle n'aaucune chance.
― Comment ça se passe ?
― Ils se battent, dis-je sans adresse unseul regard à Romain, adossé contre le mur.
― Non, sans blague ? Serenseigne-t-il avec ironie.
― Je suis pas commentatrice télé moi !
― Alors ?
Je soupire avant d'abdiquer :
― Pour l'instant personne n'est bless-ah ! M'exclamé-je. Snoderim est touchée au bras !
― Oh non ! C'est grave ?S'inquiète le garçon.
― Ça à l'air d'aller, le rassuré-je.
Et c'est la vérité ; elle continuede cabrioler en tous sens sans se soucier de la douleur, même si dela sueur perle sur son front végétal. Sa plaie à l'avant bras nesemble pas profonde, pourtant le sang abonde suffisamment pour tacherle sol d'azur.
― Elle s'en sort comment ? GémitRomain.
― Elle fatigue. Ça sent pas bon, jeréponds, inquiète.
Le pire, c'est que ça ne semble pas êtrele cas de Gildius qui vise tour à tour ses jambes, ses bras ou sontorse, manquant plusieurs fois de la faire tomber.
Les minutes passent, et le combat devientrisqué pour la gnomide qui s'efforce de maintenir le rythme, dans lebut sans doute de le retenir jusqu'au retour de Thalion. Mais sait-ilseulement que nous sommes là ? Le roi nous narguait qu'ilsétaient à notre recherche quelque part où nous ne sommesostensiblement pas, mais il leur ait peut-être arrivé quelque chosede grave... Non. Ou du moins, Gildius n'est pas au courant, sinon ilen aurait profité pour se vanter et nous saquer le moral.
Une milliseconde d'inattention de la partde la princesse de Smaragdia, et l'une des épées lui entailleprofondément la poitrine, créant immédiatement une large plaiedans la diagonale de son épaule à son ventre. Elle s'écroule, horsde combat et peut-être même morte, sous le rire sadique de sonassassin.
― NOOOOOOOOOOOOOOOOOON !
Mon cœur cesse de cogner entre mes côtesen même temps que celui de mon amie. Le monde entier s'effondreautour de moi. Mes jambes cèdent sous mon poids et je me retiens àla cloison du box. Ma vue se brouille de larmes alors que toutdevient flou atour de moi. Les images. Les couleurs. Les sons.
Même mes sentiments sont indéchiffrablesalors que je sombre dans le néant, affublée d'une vérité bientrop lourde pour mes frêles épaules. Suis-je consciente ou bel etbien évanouie ?
Je crois en la deuxième réalité, maisune voix parvient jusqu'à moi.
Une voix horrible qui hantera à jamais mescauchemars les plus sombres.
― Votre amie est morte. Il ne sert plus àrien de vous cacher, venez plutôt affronter votre destin en face.
Je n'ai plus aucune volonté. Mes paupièrespapillonnent, mes à quoi bon les ouvrir ? Je préfère lesrefermer pour ne pas revoir cet être immonde et sans âme qui seréjouit d'avoir enlevé la vie, pour ne pas revoir le corps inertede Snoderim, pour ne pas voir Romain souffrir quand viendra son tour.
Romain.
Il est toujours là lui, quelque part prèsde moi. Vivant, mais plus pour longtemps.
J'étais persuadée de pouvoir donner mavie pour lui, mais même mon sacrifice ne changera rien au destin.
Ce même destin qui nous a conduitjusqu'ici. Il dicte chacun de nos pas, nous empêche de choisir ceque nous désirons vraiment, mettant en danger nos proches. Je haisle destin.
Mais si les choses étaient vraimentirrémédiables, ne serions nous pas déjà morts ? Les alphynset le dragon ont bien essayé, sans y parvenir. Leur échec était-ilprévu par le destin lui aussi ?
Vais-je vraiment laisser les choses seterminer ainsi ?
Non.
J'ai mon mot à dire dans cette histoire,que le destin le veuille ou pas.
Et jamais je ne capitulerais sans me battrejusqu'à la fin.
J'inspire un grand coup – constatant avecsoulagement que c'est toujours possible – avant d'ouvrir les yeux.
Je n'ai pas dis mon dernier mot.
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Huff ! Ce chap fait 2 700 mots !
Heureusement que je me suis arrêtée là !
(En plus j'ai hésiter à mettre la suite, mais je me suis dis que c'était vraiment trop long, et j'avais raison du coup)
Bref, le passage chez les lutins e fais trop rire, parce que c'était teeeellement pas prévu !
Genre, vraiment PAS DU TOUT !
Mais Nuits a eu l'idée qu'ils se fassent réveiller en pleine nuit par les lutins, et c'est parti trèèèèèèèèès loin !
Merci qui ? Merci Nuits !
T'es contente maintenant ? Ils souffrent par ta faute !
Mais je suis contente, ça fait bien avancer l'histoire et ça résout pleins de trucs !
Et puis - 2ème anecdote - j'ai dû refaire TOUTE la scène de bataille parce que ça allait pas DU TOUT.
Déjà j'aimais pas trop, et puis quand j'ai eu fini, je me suis rendu compte que y avais des BIG incohérences ! Du coup j'ai tout effacé et j'ai recommencé TT
Voilà, maintenant que vous savez tout ça alors que vous vous en foutiez et que j'ai casé 200 mots en plus :
C'était bien ?
Hâte de la suite ?
Une proposition d'amélioration ?
Merci !
<3
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