Chapitre 2 - Un rêve?

Je ne ressens plus rien. J'ai les yeux grands ouverts et pourtant je ne vois que du noir. Je voudrais crier, mais aucun son ne sort de ma bouche. Cet état me paraît durer des heures quand des couleurs apparaissent enfin. Du vert, du bleu, du blanc... C'est un paysage. Un paysage qui se dessine tout autour de moi. Des montagnes, un fleuve, assez d'arbres pour former une forêt...

Quand le décor s'est matérialisé entièrement, je me souviens que je ne suis pas seule et cesse ma contemplation pour me retrouver face à Romain. Lui aussi admire les beautés de la nature qui nous entoure comme s'il n'avait jamais rien vu de tel. Je souris devant son air émerveillé, enfantin. Nos regards se croisent et il bafouille :

― Ça a marché... ! Je n'arrive pas à y croire !

Confus, il s'assied dans l'herbe, au milieu de nulle part et je l'imite. L'air est si frais et si pur, jamais je n'en ai respiré de semblable et je me laisse tombé sur le sol de la prairie.

Romain, quant à lui se relève d'un bond – il ne tient décidément pas en place ce gosse, dirait ma grand-mère – et s'approche des arbres qu'il touche du bout du doigt, comme pour vérifier que son cerveau ne lui joue pas des tours.

― C'est génial ! S'exclame-t-il.

Une fois qu'il a fini de courir partout comme un gamin de cinq ans à la recherche de trésors, il se rassied à mes côtés.

― J'imagine que je te dois des explications, commence-t-il.

― C'est-à-dire ? Le questionnai-je.

― Ben tout ça, tu dois te poser pas mal de questions... Je ne comprends même pas comment tu peux rester aussi sceptique. Ça t'étonne pas d'être passée dans une dimension parallèle ?

― Non. Mais j'avoue que c'est un rêve particulièrement étrange... et très réaliste.

― Comment ça un rêve ?

Romain s'était tourné vers moi et me regardait, incrédule.

― C'est forcément dans ma tête, dis-je. Les dimensions parallèles n'existent pas et il est impossible de se téléporter avec deux colliers et une phrase en latin.

― Attend, tu penses que tu rêves ? Là tout de suite ?

― Ben oui.

― Ce n'est pas un rêve, m'informe-t-il comme si cette phrase allait changer la face du monde.

Je le regarde amusée.

― Prouve-le dans ce cas.

Il soupire et réfléchi un instant avant de reprendre la parole :

― Si c'était un rêve tu n'aurais pas la sensation du vent ou les odeurs.

― Mais je pourrai les imaginer, répliquai-je.

Romain me regarde actuellement d'un air désespéré. D'un geste rapide il approche sa main et me pince l'avant-bras avant que je n'ai le temps de réagir.

― Eh ! Ça va pas non ?

― Alors ? J'ai raison ?

Je m'énerve devant son air suffisant.

― Ça ne prouve rien du tout.

― Oh que si

― Oh que non

― Bien sûr que si

― Non

― Si.

― Non.

― SI

― NON !

Voyant qu'il ne gagnera pas à ce jeu-là, Romain change de tactique.

― Très bien. Tu rêves.

― Oui exactement.

― Donc, tu rêves de moi.

― Sûrement pas !

Je ne l'avais pas vu venir celle-là. Je lui tourne le dos pour cacher mes joues empourprées et croise les bras sur ma poitrine.

― C'est bien ce que je me disais, ricane-t-il. Quand tu auras fini de bouder, je pourrais t'expliquer pourquoi on est là.

Réfléchissant à ses paroles, je me concentre sur mes cinq sens. Effectivement, je perçois le vent dans mes cheveux, mais ce n'est pas tout ; il y a aussi le calme du lieu, l'odeur de l'herbe... J'ai même un peu froid avec mon t-shirt et mon pantalon d'été. Je peux aussi entendre le bruissement des arbres tout proches. Un loup, si c'en est bien un, hurle dans les montagnes et son cri se répercute jusqu'à moi.

Je me mets soudain à paniquer. Jamais je n'ai envisagé de me retrouver réellement dans un univers fantastique et je ne pensais pas que mon premier désir serait de trouver un moyen de rentrer. Amelya va s'inquiéter, le lycée appellerait mes parents et on me chercherait partout. J'imagine déjà la panique et la tristesse qui peut les saisir. Je ne peux pas leur faire ça. Et puis, je ne suis pas particulièrement aventurière. J'aime rester chez moi, le nez dans un livre ou un crayon à la main et le danger ne m'a jamais attiré. Peu m'importe de découvrir ce monde, aussi magique soit-il. Il doit d'ailleurs regorger des dangers les plus divers qu'il puisse exister... Je dois le faire comprendre à Romain pour qu'il me ramène chez moi.

― Comment on rentre ? Je demande d'un ton sec.

― Quoi ? Marmonne-t-il.

― Tu as très bien compris. Qu'est-ce qu'on fait pour retourner chez nous ?

Le garçon brun me regarde comme si j'arrivais d'une autre planète.

― On... on ne peut pas.

― Quoi ?!

― Je ne sais pas comment réactiver les pendentifs. Je n'ai eu des informations que pour venir ici.

Je respire un grand coup et me rassoit. Je n'avais pas remarqué que j'ai bondi sur mes pieds.

Je me prends la tête à deux mains et tente désespérément de mettre mes idées au clair. Je n'ai pas souvent mal à la tête, mais là, c'est insoutenable. J'attrape mon sac à dos posé un peu plus loin. Pour une fois que j'ai pensé à prendre une bouteille d'eau. Je m'en féliciterai presque. Presque. Mais je suis trop stressée pour ça.

Une fois que j'ai assez bu pour avoir envie de faire pipi, j'ose un regard en direction de Romain. Celui-ci m'observe, inquiet.

― Vas-y, explique.

J'en conviens, ce n'est pas très courtois, mais je ne suis pas d'humeur à faire des belles phrases construites. Il s'en doute sûrement, car il ne fait aucun commentaire et commence son récit.

― Hier je suis allé à la boulangerie pour prendre une baguette de pain et...

Je le coupe par un regard qui signifie clairement « abrège ».

― Bon enfin bref, j'ai croisé un mec bizarre et il m'a donné les pendentifs et une lettre que je devrais ouvrir quand je serai chez moi. Au début, je me méfiai, mais... j'ai reconnu l'écriture de mon père sur l'enveloppe alors je l'ai ouverte.

Il avait hésité quelques secondes à la mention de son père. En y repensant, je crois me souvenir d'une rumeur comme quoi son père était parti. Après les rumeurs, ça ne veut rien dire.

J'attends qu'il continue, mais il attrape lui aussi son sac de cours dont il en sort une enveloppe décachetée. Il en extrait une feuille un peu froissée apparemment vierge et me la tend.

Je la déplie d'une main tremblante pour y découvrir un texte écrit en pâte de mouche beaucoup plus long que ce que je m'imaginai.

« Romain,

J'ai besoin de toi. Un peuple entier a besoin de toi. Il existe un monde parallèle perdu dans l'univers et ses habitants sont en grand danger.

Demain matin, prends les deux colliers et donnes en un à Laurie Dumont. Son cœur est pur et elle est essentielle pour atteindre le but. Son rôle est primordial.

Pour changer de monde, mettez les chaînes à votre cou et posez les symboles l'un contre l'autre. Tu devras prononcer la formule suivante : « Accipe nos in terra imaginationis » et vous serez immédiatement transportés dans l'autre monde. Une fois là-bas, suivez la route en direction du « Soleil levant ». Des Elfes viendront à votre rencontre.

Je n'ai pas beaucoup de temps, car le messager qui doit t'apporter ma lettre est très occupé.

En tous cas, sache que je t'aime fort et que c'est par nécessité que je te demande de venir. C'est la même chose pour ton amie Laurie, je ne voulais pas vous entraîner là-dedans et vous exposez au danger, mais je ne peux plus faire autrement, je n'ai pas le choix. Je vous attendrais là-bas.

Je t'en prie, fais-moi confiance.

Papa »

Une vague de rage me submerge.

― Super, j'ironise. Autant d'informations qui ne nous apportent que des questions supplémentaires. Comment tu as pu faire ce qu'il te demandait ? Ça aurait très bien pu être la lettre d'un psychopathe qui imite l'écriture de ton père... Et, dans tous les cas, il parle de nous exposer au danger, ça ne présage rien de bon. Il faut être fou pour croire à une lettre pareille et encore plus pour faire ce qu'il y est écrit ! J'arrive pas à croire que tu m'es entraînée là-dedans ! Autant tu fais ce que tu veux de ta propre personne, autant je ne suis pas un objet. Je ne me suis pas engagée et j'aurais bien aimé avoir des infos avant de partir on-ne-sait-où, sans aucun moyen de revenir. Ça ne te dit rien l'instinct de conservation ? Et si c'était un piège ?

Romain se ratatine un peu plus à chacun de mes mots. On dirait l'Homme le Plus Malheureux du Monde et pourtant, je n'arrive pas à le plaindre. Son attitude soumise, comme s'il acceptait une colère méritée, me sors par les yeux. J'aurais largement préféré qu'il réplique, qu'il me remette à ma place. Pourquoi ? Parce que ça voudrait dire qu'il est sûr de lui. Qu'il sait pourquoi il a pris la décision de m'entraîner dans ce délire et de s'y jeter lui-même.

Et tout ce que je vois, c'est un petit garçon prit en faute. Il a agi sur un coup de tête et n'a pas réfléchi que ça pourrait tout aussi bien être un piège. Il doit s'en rendre compte maintenant alors que je lui balance ces vérités à la figure.

J'ai donné tout ce que j'avais dans ma réplique et ma colère est retombée. Je n'ai plus envie de rien. Je ne vois même plus de lueur d'espoir qui me permettrai de me battre pour retrouver mon chez moi.

― Non. Ce n'est pas un piège.

Je sursaute tant je ne m'attendais plus à ce qu'il intervienne.

― Et comment tu peux le savoir ?

― Je le sens au fond de moi. Dès que j'ai lu cette lettre, j'ai eu confiance. Je n'ai pas remis en cause ce qu'elle disait une seule seconde.

En parlant, il s'était légèrement redressé, prêt a affronté une nouvelle saute d'humeur. Mais j'ai fini.

― Bon, qu'est-ce qu'on fait alors ? J'imagine qu'on leur fait confiance jusqu'au bout et qu'on marche vers le « Soleil levant » ?

Romain plante son regard le mien.

― Sauf si tu ne veux pas.

Je soupire et regarde autour de moi. Un sentier sépare l'orée de la forêt d'une plaine verdoyante.

― On a pas vraiment de plan B...

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Alors, vous vous y attendiez?

Bizarre la lettre, non? 😈

Romain et Laurie arriveront-ils à trouver les elfes?

D'ailleurs, à quoi ressemblent-ils?

La suite pour la semaine prochaine 👋👋

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