Chapitre 18 - Passé
― On peut savoir ce qu'il se passe ?
Les sourcils froncés et les mains sur les hanches, Snoderim apostrophe Thalion dès la sortie du palais alors que l'Elfe nous distance pour rejoindre Tango. Il fait mine de s'occuper de son Griffon sans répondre.
― C'est évident voyons, ricane Romain. Il boude parce que Laurie et moi on a réussi à convaincre un roi de se joindre à nous et pas lui !
― C'est faux ! Réplique l'intéressé piqué au vif.
― Alors quoi ? Je le nargue en avançant difficilement sous le poids de Romain.
CSE se retourne enfin pour nous faire face :
― Je suis simplement outré par vos arguments plus que risqués qui auraient pu conduire à un conflit supplémentaire !
― Dis celui qui a failli déclarer la guerre aux Nains, raillé-je. Fais pas genre Thalion, on s'en souvient.
― Aucun rapport, rétorque-t-il en croisant les bras. Tykuhm a manqué de respect au peuple Elfe.
― Il avait totalement raison, assène Romain. En plus, c'est toi qui l'a provoqué en le traitant comme un moins que rien.
Le prince s'apprête à riposter quand il est coupé par la Gnomide :
― Le roi est de notre côté maintenant. On va pas passer des heures là-dessus non-plus ? Il nous reste encore beaucoup de route jusqu'au royaume des Lutins.
Après quelques argumentations, nous avons en effet mis en place un plan d'action : pendant que nous continuons notre route pour convaincre les autres souverains, les Centaures envoient un messager chez leurs alliés pour se mettre d'accord et nous faire ainsi gagner un temps précieux. Comme il est encore tôt dans l'après-midi, il a été décidé que nous partions sans tarder. Dommage, je ne suis même pas rentrer dans la bibliothèque géante remplie de livres ancestraux... Heureusement que Snoderim a pensé a m'en subtiliser un. Enfin, elle a juste demandé à Isidore quoi...
RJS n'était pas super content d'ailleurs ; c'est un gros bouquin qui pèse lourd et nous on voyage à dos de Griffon blablabla.
Thalion profite de cet instant de silence pour nous re-tourner le dos, ce qui a pour mérite d'irriter la princesse. Elle le rejoint avec aigreur et je crois entendre un « tous des gosses » s'échapper de ses lèvres.
J'échange un regard amusé avec Romain qui a, lui aussi, entendu la boutade de notre amie.
― Allez, action ! Lui dis-je, CSE va nous abandonner sur place si on est pas prêts dans deux minutes.
― Il serait trop content de nous laisser ici, rit l'estropié en se mettant en mouvement.
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Je sursaute quand Romain me chuchote dans l'oreille alors que je ne l'avais pas senti se rapprocher :
― Regarde.
Je me retourne presque pour apercevoir un magnifique couché de Luxia, le plus beau depuis que nous sommes arrivés. Le dégradé de jaune au bleu roi en passant par l'orangé qui me fait face est tout simplement parfait. Quelques nuages épars agrémentent ce magnifique tableau et les étoiles naissent peu à peu à l'horizon.
― J'observais souvent les étoiles avec mon père, murmure faiblement le garçon avant que sa gorge ne se serre.
― Il regarde peut-être les mêmes astres en pensant à toi, tenté-je.
― Peut-être...
Je ne vois pas son visage, tourné vers le ciel, mais je pourrais presque percevoir des larmes dans sa voix. Est-ce mon imagination ?
― Mais d'où ?...
Cela reste notre question ultime, incessante. Personne ne semble avoir de réponse ; ni les Elfes, ni les Gnomes, et nous, encore moins.
― Aucune idée, je souffle.
― Tout ça n'a aucun sens, peste-t-il. Pourquoi nous ramener ici pour nous laisser nous débrouiller ? Il avait promis qu'il nous attendrait !
― Il a peu être eu honte, hasardé-je.
― C'est pas une raison.
― Je sais... Mais c'est comme ça, parfois on a pas le temps de réfléchir avant d'agir, et après c'est trop tard ; la machine est lancée.
― Hum, grogne mon ami, peu convaincu.
― Ou alors il a une raison primordiale qu'il ne peut pas encore te révéler. On le saura bien un jour.
― J'en doute. Moi, je crois qu'il nous a définitivement abandonné ici. Encore une fois.
Ne sachant quels mots utiliser pour le soutenir, je pose ma pomme réconfortante sur son avant-bras, sa main tenant fermement les crins de Plume Noire. Il se retourne lentement vers moi et je crois apercevoir, malgré la faible luminosité, une larme poindre au creux de sa paupière.
― Que c'est-il passé ce jour-là ? Je demande doucement.
― C'était un matin comme les autres, raconte tristement mon ami. Mon père nous a amenés à l'école, Émilie et moi, et le soir, quand ma mère est venue nous chercher, il était introuvable, injoignable. Sur la table du salon, il nous avait laissé une lettre où il expliquait que ce n'était pas de notre faute, qu'il avait des responsabilités et qu'il devait partir. Pour un temps indéterminé. Dès le lendemain, elle est allée au poste de police ; ils lui ont dit que ce n'était pas la peine, qu'en France, un Homme majeur peut disparaître quand il le souhaite, qu'ils ne feraient rien. Alors on a mené des recherches chez tous ses amis, puis auprès les gens qu'il connaissait. Rien. Personne n'avait de nouvelles. Il a disparu, tout simplement.
― Romain je... Je suis désolée.
― Tu n'as pas à l'être.
Je ne sais plus quoi dire. Mon cœur souffre pour mon ami, mais je suis incapable de le réconforter. Le silence se fait pesant quelques minutes alors que nous survolons les forêts endormies du royaume de Chalcedonia.
― Et dire que cinq ans plus tard, il m'envoie une autre lettre tout aussi incompréhensible, s'emballe soudainement le garçon. Même pas capable de me parler en face !
C'est la première fois que Romain me parle à cœur ouvert comme ça, et je nous trouve rien à dire pour le soutenir, alors je le laisse parler, impuissante.
― Et t'entraîner là-dedans ! Pourquoi ?
― Parce que mon cœur est pur apparemment, j'articule, me souvenant de l'étrange réalité.
― Mais ça n'a aucun sens ! S'énerve-t-il. Et personne ne prend deux minutes pour nous expliquer tout ce qu'il se passe dans ce monde de fou !
― On le saura bien à un moment ou à un autre, je tente sans trop y croire.
Je me tourne lentement vers lui. Alba éclaire son visage triste et ses joues reflètent ses rayons blancs, imprégnées de larmes silencieuses. Ses pupilles aussi brillent dans l'obscurité, et je ne peux plus les quitter du regard.
― Quand ? M'interroge-t-il, désemparé.
― Aucune idée, je murmure amèrement en détournant les yeux.
Ne sachant plus quoi ajouter, je me tourne vers Luxia, qui n'est plus visible ; seule la couleur légèrement orangée du ciel nous permets encore distingué sa position. Alors que je me perds dans la contemplation des étoiles, un chuchotement attire mon attention :
― Je suis désolé Laurie.
― Pourquoi ? Je m'étonne en jetant un regard interrogateur au garçon assis derrière moi.
― Pour tout, répond-il tristement. C'est aussi ma faute si tu es ici.
Je soupire, désespérée par tant d'affligement.
― Romain, commencé-je, peu importe comment on est arrivés, maintenant qu'on est ici on va faire tout notre possible pour aider à restaurer la paix. Et pour survivre. Je sais que tu t'en veux et que tu le caches. Moi je t'en veux pas, alors arrête.
Je lui lance un regard persuasif, mais mon ami n'a pas le temps de répondre que Thalion intervient, criant d'un peu plus loin :
― La nuit est tombée depuis longtemps déjà ! On va se poser ici !
Nous avons parcouru la plus grande distance possible, le but étant d'atteindre le Trait des Glaces avant la nuit. À l'intérieur même du royaume Lutin se trouve une zone froide appelée Terre de Glace. La frontière entre cet univers glacial et les autres forêts du Monde de l'Imaginaire est si palpable qu'elle est dessinée sur les cartes de Thalion.
Nous avions donc décidé de passer la nuit à l'orée de la démarcation pour avoir le temps de rejoindre le palais de Chacedonia dans la journée, quand les températures seront un peu plus clémentes.
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Extrait de l'« Histoire de l'Univers », volume 3 : « Le Monde de l'Imaginaire », édition latine simplifiée que les Centaures m'ont prêté :
« Chapitre 3 : L'évolution des êtres
La Terre était seule, jusqu'à ce que le Phénix Créateur décide de la cloner, en quelque sorte, pour créer le Monde de l'Imaginaire sur le même modèle. En effet, le but n'était pas d'imaginer de toutes pièces ou de faire apparaître un univers de nulle part, mais bel et bien de donner une seconde chance aux humains en reprenant leur existence de zéro.
Tous les éléments naturels (roches, faune, flore, etc) était donc, au moment de la Séparation, les mêmes sur les deux continents et dans les deux océans.
Le Phénix étant moins puissant que Dieu lui-même, cet astre est bien plus petit que la Terre et ne comporte que deux continents de taille réduite.
Vivant dans deux lieux différents, les espèces animales et végétales ont peu à peu évolué différemment. Une corne a par exemple poussé sur le front des chevaux, en faisant ainsi des Licornes et une légende sur Terre, au même titre que les Alphins et les loups, initialement membres de la même famille.
La magie du Phénix Créateur toujours présente dans notre monde, a affecté les mutations génétiques des êtres vivants, les dotant de capacités inexistantes sur Terre. Cette énergie a aussi permis à certaines espèces de devenir un croisement inter espèces comme les Centaures, les Griffons ou encore les Coquecigrues.
Mais la génétique n'est pas la seule a évolué et, parallèlement, les civilisations changent, les cultures s'éloignent et la langue se modifie.
Le latin, langue parlée dans la région où vivait le Phénix lors de la Séparation, devint la langue couramment parlée par chez nous, avant de se transformer au fil des ans pour devenir un latin quelque peu modifié et qui serait très mal compris par les latinistes de l'époque.
Certains Hommes ont fait le voyage par des moyens qui nous sont encore inconnus, ramenant chez eux des légendes fantastiques et des créatures extraordinaires (pour les Terriens) dans la parfaite illégalité. »
Je termine ma lecture le cerveau en surchauffe après tant d'informations censées m'éclairer. Elles le font bien sûr mais provoquent aussi un amoncellement supplémentaire de questions sans réponses. Malgré une très forte envie de continuer ma lecture, je me décide à dormir et à préserver mes forces pour les aventures de demain. En plus je me tuais les yeux avec la lampe torche de Romain, alors c'est mieux de continuer plus tard.
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Coucouuu !
Je vous publie vite fait le chap 18
j'espère que le passage d'histoire au sens historique (vous avez compris) n'était pas trop long
dites-moi s'il y a quoi que se soit : des idées, des remarques, des questions...
<3
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