Chapitre 17 - Ni oui ni non
Les immenses portes de la cité d'Adamasia se dressent devant nous. Hauts de plusieurs dizaines de mètres, les deux battants nous surplombent, recouverts de motifs et de diamants plus gros les uns que les autres. Au centre de l'arche se dessine un imposant motif de tortue faite de la même pierre précieuse. Des tours et des tourelles encadrent l'étroite muraille de marbre crème qui ceinture la ville. Dans les tons rouges et blancs casé, la forme de l'édifice me rappelle étrangement le Taj Mahal et ses toits arrondis.
― Wahou, s'émerveille Romain juste derrière moi.
Avec un léger sourire aux lèvres, Thalion saute habilement de Tango pour se diriger vers l'enceinte de la citadelle. Snoderim fait de même et je les imite avant d'être rappelée par mon compagnon de voyage.
― Laurie ? Tu peux m'aider ?
Je lève les yeux au ciel en pivotant vers Romain, toujours assis sur le dos de Plume Noire. Je le rejoins en deux enjambés sans faire de commentaire. L'estropié doit passer sa jambe cassée de l'autre côté de l'animal et s'appuyer sur moi pour descendre en douceur, mais tout ne se passe pas comme prévu et il me tombe dessus, m'entraînant dans sa chute.
Je pousse un petit cri de surprise avant de me retrouver par terre et peste à l'intention du fautif.
― Fais gaffe un peu, tu veux qu'on ait tous les deux un membre en moins ?
― Oh ça va hein, c'est toi qui étais pas stable, réplique-t-il en se relevant difficilement.
― L'atterrissage est à revoir on dirait, pouffe Snoderim un peu plus loin.
Romain lui tire la langue comme un gamin de cinq ans, ce qui a le mérite de faire rire un peu plus la Gnomide.
― C'est comme ça ? Assène-t-elle. Eh bien ne compte pas sur moi pour te porter aujourd'hui !
Elle croise les bras en s'éloignant à la suite de Thalion qui a presque atteint les portes d'Adamasia depuis qu'on perd du temps.
― Snoderim ! Attends, c'était une blague ! Tente Romain.
Mais la princesse continue son chemin comme si elle n'avait rien entendu. Je ricane en passant devant Romain qui me fait son air suppliant.
― Me regarde pas comme ça toi, dis-je. Tu l'as cherché, débrouille-toi maintenant.
Et je m'élance vers la cité en le laissant clopiner tout seul.
Quand je l'atteins, je me sens toute petite face à la gigantesque porte en pierre et me demande s'ils vont vraiment l'ouvrir juste pour nous.
― C'est la Testuda, m'explique GTI en pointant la tortue géante en diamant. Elle peut vivre des millénaires et accumule des connaissances tout au long de son existence.
― C'est pour ça que les Centaures l'ont prise comme symbole ? Demandé-je.
Snoderim hoche la tête avant de me répondre.
― Les Centaures sont les gardiens de tous les savoirs. Ils possèdent d'ailleurs la plus grande bibliothèque de tout le continent.
― Je pourrais aller la voir ? Je m'enquiers, enthousiaste.
― Sûrement, sourit la princesse.
Nous n'avons pas le temps d'en dire plus qu'un raclement se fait entendre ; une porte bien plus petite que prévu s'ouvre face à nous, exacte réplique de celle dans laquelle elle est encastrée. Un Centaure au pelage brun apparaît.
― A qui ai-je l'honneur ? Demande-t-il de sa voix grave.
― Prince Thalion, fils d'Atanatar le sage et héritier de la couronne de Chrysocolia, se présente CSE.
― Princesse Snoderim du royaume de Smaragdia, enchaîne la Gnomide.
― Nous sommes accompagnés des humains Laurie Dumont et Romain Leroy, continue l'Elfe en nous désignant.
― Et nous souhaitons voir le roi Cosmos et la reine Isidore, termine finalement l'être végétal.
À croire qu'ils ont répété leurs phrases par cœur ces deux-là. Je dirige mon regard vers Romain qui nous rejoint tant bien que mal en s'appuyant sur Plume Noire.
― Veuillez me suivre, déclare solennellement le Centaure-majordome.
Il nous conduit dans une salle de bal proportionnelle à la porte d'entrée décorée de chandeliers de cristal et de couleurs douces. Partout, des plantes vertes grimpent sur les murs, rajoutant une petite touche naturelle à la pièce. Difficile de contempler le plafond tant il est haut et j'en viens à me demander comme ils ont bien pu accrocher les lustres. Après une succession de couloirs tous plus somptueux les uns que les autres, nous arrivons finalement dans une salle d'attente digne de Versailles et patientons pendant que notre guide s'en va chercher le roi et la reine.
― Tous ces kilomètres dans un château immense pour se retrouver à attendre dans une pièce à peine plus petite que le hall, grogne Romain.
― Tu trouves toujours une excuse pour te plaindre toi pas vrai ? Vérifie Snoderim avec malice.
― C'est pas toi qui as dû faire tout le chemin sur un seul pied, rétorque-t-il.
Nous restons quelques minutes sans rien dire avant que le Centaure ne revienne pour nous conduire dans les appartements du roi. Sur le trajet, je prends pitié de Romain et le soutient jusqu'à ce qu'on arrive devant une magnifique porte assez large pour laisser passer aisément n'importe quel Centaure.
J'observe discrètement la pièce dans laquelle nous débouchons en écoutant d'une oreille distraites les présentations que Thalion et Snoderim font une nouvelle fois.
La chambre des souverains est bien plus naturelle que les murs lisses et immaculés des couloirs et de la salle de bal : on semblerait rentrer dans une forêt vierge s'il ne restait pas quelques parcelles de marbre beige apparents. Le parterre est littéralement en terre recouverte de la pelouse la plus garnie qui soit – on dirait un tapis – et des lianes parcourent le plafond comme le contour des fenêtres. Le lit lui-même est fait en tout en végétal. Assis à même le sol, pour ne pas dire couchés puisque ce sont des chevaux, deux Centaures prennent le thé – ou quelque chose qui y ressemble – accoudés à une table basse aux angles biscornus.
― Mais je vous en prie, prenez place à nos côtés, propose la reine Isidore.
― Avec grand plaisir, sourit Snoderim.
J'aide Romain à s'asseoir avant de m'installer à sa droite. Hum... Vraiment très confortable cette pelouse ; je valide.
― Eh bien, je vous écoute, déclare posément le roi Cosmos en buvant une gorgée de contenu de sa tasse.
L'estropié du groupe nous lance un regard d'avertissement pour nous rappeler que c'est lui qui parle avant d'entamer son discours passionné :
― Nous... Nous sommes... venus...
Aïe, il a le stress. Ce n'est pas très étonnant face à un couple de Centaures royaux venant d'un autre monde... Je pose une main rassurante sur l'avant-bras de Romain et lui adresse un petit mouvement de tête accompagné d'un regard encourageant. Mon ami inspire un grand coup avant de recommencer.
― Comme vous le savez sûrement, les Elfes sont en guerre contre les Ogres depuis de nombreuses années. Ceux-ci étaient leurs alliés et se sont retourné contre eux sans raison apparente et, connaissant leurs points faibles, Atanatar le sage pensait stopper cette menace avant qu'elle ne prenne de l'ampleur.
Nous fixons tous Romain avec intérêt, même Thalion semble lui porter une attention inhabituelle : il est en plein dans l'improvisation !
― Laurie et moi venons de la Terre, et nous n'avons pas demandé à nous retrouver ici ; c'est mon père qui nous a envoyé en prétendant que nous étions la dernière chance du royaume de Chrysocolia. Il est bien sûr introuvable et a même réussi à berner la reine Mathilda... Nous n'avons donc aucune information supplémentaire.
Je remarque que CSE serre anormalement la mâchoire à ses propos ; il n'apprécie sans doute pas que Romain parle de la lettre si tôt, ou le terme « dernière chance »...
― Nous ne savons pas en quoi nous pourrons aider les Elfes, mais il y a une chose dont nous sommes sûrs ; tous ces innocents ne méritent pas de mourir et nous ferons tout pour arrêter le massacre qui est en train de se jouer. Les Elfes n'ont peut-être pas osé vous demander de l'aide pendant ces douze longues années, mais je ne suis pas des leurs et c'est moi qui vous affirme que tout est encore possible si les nations se rassemblent.
― Votre discours est très inspiré jeune homme, commente la reine.
J'échange un sourire avec mon ami qui est assez fier de lui maintenant que le stress est retombé.
― Depuis la nuit des temps, toutes les formes de vies cherchent à affirmer leur puissance ; les animaux vivent en hiérarchies, les prédateurs cherchent à courir plus vite que leurs proies, les êtres intelligents bâtissent des empires et tentent de conquérir ceux des autres...
J'observe notre interlocuteur sans comprendre l'intérêt de ce cours d'histoire, mais GTI nous avait prévenus qu'ils avaient tendance à déblatérer leur science peut importe le sujet de conversation.
― Nous autres, les Centaures, nous avons appris que le plus grand pouvoir est l'acceptation de l'autre et de ses différences. Nous respectons le territoire des autres peuples et n'asseyons en aucun cas de le leur ravir.
Il semble avoir fini et je n'ai toujours pas saisi le rapport. Mes amis sont dans le même cas que moi, vu leur air étonné. Aller réfléchis, réfléchis avant que vous ne passiez tous pour des débiles... Soudain, une petite lumière s'allume dans ma tête ; j'ai compris.
― Vous refusez d'entrer en guerre parce que vous respectez les Ogres même s'ils attaquent les Elfes sans raison ? Je clarifie.
― C'est en effet une façon de voir la chose.
― Même s'ils ne suivent pas votre propre principe d'acceptation des peuples ? Je m'étonne.
― Justement, toutes les ethnies ne sont pas évoluées de la même manière que nous, affirme Cosmos, toujours impassible.
Il commence à me taper sur les nerfs avec son calme imperturbable. Les autres assistent à la scène sans prendre la peine d'intervenir, bien que Thalion me paraît sur le point de le faire. En revanche, Snoderim approuve mes propos d'un coup d'oeil entendu.
― Même s'ils tuent des innocents ? J'assène.
L'être mi-cheval mi-humain ouvre la bouche pour répondre, mais se ravise et baisse les yeux, n'osant plus me regarder en face. CSE semble très mal à l'aise et m'adresse des « pssst pssst » absolument pas discrets.
Je profite de son silence pour continuer sur ma lancée :
― Si c'était votre peuple qu'ils attaquaient, les laisseriez-vous faire sans réagir simplement parce qu'ils pensent différemment ?
L'air dans la pièce est tendu au maximum, mais je reste stoïque ; je ne suis pas là pour accuser le roi et ses méthodes mais pour lui ouvrir les yeux. Thalion a enfin abandonné son manège de sifflements et se contente de me lancer ses meilleurs regards noirs. Alors que je les lui rends et me déconcentre, le Centaure répond un « non » presque inaudible, je l'ai peut-être même imaginé.
― Non, vous avez raison, dit-il plus haut. Je ne peux pas laisser des innocents perdre la vie si j'ai la possibilité d'agir.
Il relève la tête et m'adresse un sourire aimable que je me fais une joie d'imiter.
― Mais je ne veux pas vous faire de faux espoirs, j'ai besoin de l'avis de nos alliés, déplore-t-il.
― Les Faunes, ajoute habilement Isidore.
Le roi hoche la tête.
― Je ne peux pas entrer en guerre sans leur accord, car ils seront directement impliqués. Vous disposerez soit nos deux armées, soit aucune.
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Hello !
(flemme de trouver une langue aléatoire)
J'ai enfin finit le chapitre 17, j'espère qu'il vous a plu !
Est-ce que vous aimez les Centaures ?
Allez, j'ai même pas d'autres idées de questions...
Le chapitre prochain arrivera dans un délai indéterminé
<3
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