Chapitre 13 - Tutela ligno

Un Gnome aux allures de bougainvillier nous dévisage avec étonnement dans la pièce éclairée de vert.

― Ces jeunes gens souhaitent te parler, explique Iverbyl.

― Très, bien, souris Gob. Mais installez-vous, installez-vous...

Il tire des sièges en bois clair et les place autour d'une petite table en demi-lune assortie avant de nous faire signe de nous asseoir.

― Qu'est-ce qui vous amène par chez nous ? Questionne gentiment le roi en posant ses coudes sur le bureau.

Je parcours la pièce du regard, pour remarquer Iverbyl qui nous dévisage d'un air étonné.

― Une seconde... commence-t-elle en fronçant les sourcils, coupant ainsi l'interrogatoire de son mari. Vous êtes humains ?

Je retiens ma respiration, comme si elle venait de m'accuser de quelque chose de grave. Ça les dérange qu'on soit des étrangers ? Stop au racisme s'il vous plaît.

Non plus sérieusement, ça pose peut-être un vrai problème. J'échange un regard gêné avec Romain.

― C'est vrai ! Remarque le roi. Vos oreilles !

Je porte instinctivement les mains à mes oreilles irrévocablement rondes et grimace en voyant l'air contrarié de Thalion.

― C'est extraordinaire ! Achève Gob à notre grande surprise. J'ai toujours rêvé de vous rencontrer ! Enfin, pas vous personnellement, mais des humains en général. Votre mode de vie est si différent du nôtre.

Il nous regarde tour à tour avec des yeux d'enfant émerveillé, attendant peut-être qu'on lui raconte notre vie au lycée ou les embouteillages quand on part en vacances.

― Comment se fait-il que vous soyez ici ? Questionne la reine Iverbyl, bien plus terre-à-terre que son exubérant mari.

Romain leur expose rapidement la situation puis hausse les épaules en signe d'impuissance.

Puis vient le moment où Romain doit expliquer notre présence ici, à Tutela ligno. Je lui adresse un sourire encourageant. Il a écrit son discours dans son cahier de brouillon et le connais presque par cœur à force de le répéter. Je souris intérieurement ; il est fou ce mec, toujours à rechercher la perfection, la petite bête qui pourrait tout faire rater ou le micro-détail en plus qui pourrait tout changer. Je n'aimerais pas être dans sa tête, ça doit être bien trop ordonné pour moi.

― Nous venons quémander votre aide... débute mon ami.

― Ce n'est pas trop tôt ! S'exclame le Gnome, à notre grand étonnement.

― Q-que... Quoi ? Balbutie Romain, coupé dans son élan diplomatique.

Gob échange un coup d'œil complice avec sa femme, avant de poursuivre :

― Cela fait des années que nous envoyons des pétales de lys à la reine pour lui proposer notre aide, sans jamais obtenir de réponse.

Thalion regarde le souverain la bouche grande ouverte, incapable de prononcer un mot. On dirait un poisson rouge.

― Nous n'avons rien reçu... hasarde le prince, toujours déconcerté.

― C'est bien ce que nous nous sommes dit, affirme la reine en hochant gravement la tête.

― Ils ont été interceptés, complète son mari avec conviction.

L'Elfe approuve, déjà perdu dans ses pensées. Il aurait dû sauter de joie ; les Gnomes acceptent d'office d'entrer en guerre aux côtés des Elfes. Mais cette menace supplémentaire complique encore les choses.

Gob se gratte le menton et ses sourcils couleur fougère ne forment maintenant plus qu'une ligne horizontale.

― Repérer un pétale de lys entre Tutela ligno et le château de Chrysocolia est quasiment impossible, commence-t-il.

― Ce qui signifie que le traître se trouve au départ, ou à l'arrivée, complète sombrement Thalion.

Cette révélation jette un froid sur l'assemblée, nous sommes à deux doigts de nous soupçonner mutuellement. Les membres royaux se renferment dans leur silence, sûrement en train de réfléchir à la potentielle identité de l'espion.

C'est plus difficile pour Romain et moi qui n'avons passé que quelques heures au château des Elfes et venons d'arriver chez les Gnomes. Qui avons-nous rencontré déjà ? Thalion ; si c'est lui le traître, il aurait mieux fait de faire sauter toute sa famille... y a peu de chances. Mathilda ? Pareil c'est la reine, et se sera la même réponse pour Astal. Il me reste donc Calion, l'Elfe aux allures de vautours et... c'est tout. Mais ils sont déjà bien suspects tous les deux. Il y en a un qui se cache sous une cagoule de gangster et l'autre qui ressemble à un oiseau charognards. Après, ce n'est pas sa faute, on ne choisit pas la tête que l'on a... Mais quand même, je ne l'aime pas trop, il a un petit air faux-cul.

― Je n'ai pas vraiment de pistes à vous proposer... hasarde Gob en rompant le silence pesant qui s'était installé dans la pièce.

― Moi non plus, enchaîne Thalion. Nous avons confiance dans chaque Elfe qui vit au château.

― Il y aurait quand même quelqu'un, tente Iverbyl en regardant son mari d'un air désolé.

― Non, répond-il catégoriquement. Nous en avons déjà parlé, Kognack est lavé de tous soupçons.

Je jette un coup d'œil complice à Romain et pouffe à la découverte de ce nom purement Gnome. Heureusement qu'il y a CSE pour rattraper le niveau ; le prince préfère aller droit au but et demande immédiatement :

― Qui est Kognack ?

― C'est le promit de notre fille Snoderim, s'empresse de répondre le roi, coupant l'herbe sous le pied d'Iverbyl.

― Oui enfin promit, ne va pas exagérer, rien n'est officiel, marmonne la Gnomide.

― C'est comme si ça l'était ! Tu dis ça seulement parce que son grand-père a trahi le royaume il y a 460 ans et qu'ils étaient très proches, rétorque l'autre.

― Tu peux parler, riposte la reine, tu l'aimes simplement parce que c'est un bon partit, qu'il est doué, intelligent, attentionné, blablabla...

J'assiste à l'échange avec un sourire amusé. Voir un couple royal se disputer pour une raison aussi banale me paraît presque décalé et plutôt comique. RJS (Rabat-joies de Service pour ceux qui auraient oublié) en revanche, semble très gêné de se retrouver ici. Il se racle subrepticement la gorge. Les deux êtres végétaux semblent se rappeler de notre présence.

― Hum... oui, revenons-en au sujet qui nous intéresse, admet le roi. Donc, si je comprends bien, votre but principal est de réunir les royaumes dans la lutte contre les Ogres pour éradiquer cette menace une bonne fois pour toutes ?

― C'est ça, confirment les deux garçons d'une seule voix.

― Ce qui pourrait nous aider à les convaincre, poursuit-il, c'est de montrer l'engagement des autres rois ralliés à votre cause.

― Oui, mais comment ? je le questionne, me doutant qu'il a une petite idée de sa réponse.

― Si un Gnome important vient avec vous, un porte-parole vous accompagnant pour nous représenter... je pense que se serait suffisant pour faire pencher la balance en votre faveur, et très utile pour discuter stratégie.

Je hoche la tête et les garçons semblent d'accords avec moi.

― Ça me paraît être une très bonne idée, affirme Thalion avec enthousiasme.

― Si tu proposes Kognack... menace la reine.

― Mais où vas-tu chercher tout ça ? S'étonne faussement le roi. Je pensais à Snoderim moi ! Si elle est d'accord bien sûr.

La reine soupire, mais préfère changer de sujet et s'adresser à nous :

― Vous comptez rester ici pour la nuit quand même ?

― C'est le mieux, je pense, confirme CSE.

― Ils pourraient dormir à Tugurolumnia... propose Gob.

La reine hoche la tête en signe d'assentiment.

― C'est une cabane dans l'arbre protecteur, explique-t-il en réponse à notre air interrogateur.

― Trop bien ! S'exclame Romain.

Nous rions suite à sa remarque enthousiaste et le roi nous indique qu'il est l'heure de manger.


Nous les suivons donc jusqu'en bas de la montagne.

Et oui, la famille royale descend dîner avec les villageois tous les jours.

On est ravis.

Non, ce n'est pas ironique.

Juste un peu.

Beaucoup.

Surtout qu'après, il va falloir remonter.

De nuit.

...

N'osant pas nous plaindre en présence des maîtres des lieux, nous prenons notre mal en patience depuis le Tutela ligno, jusqu'au village d'émeraude. C'était un grand effort pour Romain qui s'est retenu tout le trajet, grâce aux regards assassins de CSE, certes... mais ça mérite quand même une médaille !

Tous les soirs, l'entièreté du village Gnome se rassemble autour d'une grande table ronde, dans une ambiance joyeuse et bonne enfant. En faisant ça, ils me font un peu penser aux repas de fêtes dans Astérix et Obélix. Sauf qu'il n'y en a pas un qui se met à chanter faux...

Je rencontre donc toute la famille royale, c'est-à-dire Snoderim, l'aînée aux allures de rose délicate mais enthousiaste, Ludmen et Vokka, les deux jumeaux et enfin Smelmell, la mère de Gob. Snoderim et Kognack sont inséparables, sous le regard attendri du roi et celui suspicieux de la reine.

― Et donc, chez vous, vous êtes éduqués publiquement ? Demande le promis de la princesse après que nous lui eûmes expliqué le principe de « l'école ».

― Oui... on peut dire ça comme ça, je hasarde.

― Chez nous, ce sont les parents qui s'occupent de ça.

Romain hausse les épaules.

― Bien sûr, les parents nous éduquent, mais il y a des choses qu'on apprend tous ensemble avec un professeur comme les maths ou le français, explique patiemment mon ami.

― Comme c'est étrange, s'étonne Kognack, nous, nous n'avons pas besoins d'apprendre ce genre de chose, ça nous vient naturellement.

― Vous avez bien de la chance, dis Romain avec déception.

― Comment c'est possible ? Je m'interroge.

― Nous sommes connectés avec le Tout, m'apprend le Gnome. Ainsi, il suffit de se concentrer pour avoir accès à la connaissance de tous les êtres vivants.

Je cligne deux fois des yeux d'un air stupide et Romain semble tout aussi perdu que moi.

― Le « Tout » ? je répète, espérant que ça m'aiderait à comprendre ; c'est un échec, indéniablement.

― Oui, confirme notre interlocuteur. Toutes les réponses, toutes les solutions existent là, quelque part, en attendant qu'on en ait besoin. Il suffit de savoir les recevoir.

― Ah.

― Je ne pense pas qu'on soit capables de faire ça, nous les humains, conclu Romain. Juste une théorie, comme ça...

Kagnock semble un peu déçu, mais se tourne vers Snoderim qui vient de lui demander s'il revoulait de l'héliotrope.

― Ne vous inquiétez pas, nous chuchote Thalion qui a suivi la conversation discrètement. Seuls les Gnomes sont capables de faire des choses pareilles. Je pense que c'est grâce à leur connexion avec les plantes et la nature en général.

Je soupire. Décidément, l'Homme n'est pas aussi doué qu'il le prétend.


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Καλημέρα les amis!

(Est-ce que je suis aller sur google trad pour traduire bonjour en grec?... Bien sûr)

Alors, pour ce chapitre un tout petit peu plus court, j'ai pas vraiment de doutes, et donc de questions à vous poser, si ce n'est: Est-ce qu'on comprends bien leur résonnement? (au sujet des pétales de lys, etc.?)

Sinon, je vous embête pas plus avec mon blabla (pour un fois) et, à vendredi!

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