Chapitre 12 - Le sentier des lys
― Je ne sais pas exactement où se trouve le village, il va falloir se poser pour le chercher ! Nous crie Thalion pour couvrir le vent.
― Ok ! Je hurle en levant le pousse.
Les Griffons plongent en piqué dans la végétation et nous nous retrouvons bientôt en plein milieu d'une forêt touffue. La canopée est si dense qu'on ne voit plus le bleu du ciel et le peu de lumière qui parvient à filtrer au travers du feuillage se tinte de vert.
― Waow, s'extasie Romain. On se croirait en Amazonie.
― Qu'est-ce ? Demande le prince.
― Une très grande forêt tropicale dans notre monde. Tellement grande qu'on l'appelle le « poumon de la planète », lui explique mon ami d'un ton mystérieux.
― Pourquoi ? s'étonne Thalion.
― Parce que c'est les arbres qui nous fournissent l'oxygène pardi !
L'Elfe hausse un sourcil, comme si Romain venait de prononcer une absurdité.
― La plupart de l'oxygène ne vient pas des végétaux, mais des phytoplanctons présents dans l'océan.
― Peut-être, concède Romain. Je suis nul en SVT.
Thalion renonce visiblement à demander ce qu'est la « SVT » et nous continuons notre avancée en silence. Pas à pas, je progresse parmi les plantes diverses, parfois étonnement grande, parfois étrangement petites. Je respire l'air pur, renfermant l'odeur des belles fleurs colorées et de la terre humide. Le bruissement de l'eau claire qui se faufile dans cette jungle sauvage parvient à mes oreilles et m'apaise.
― Dans tous les livres que j'ai lus, les Gnomes habitaient dans des petits terriers près de la rivière Lysandra, explique le prince.
Je scrute chaque recoin des sous-bois en espérant apercevoir un signe de civilisation pendant que nous suivons le cours d'eau. Pourtant, tout ce que je vois, c'est le dos de Thalion qui marche devant moi.
La nuit tombe et nous dormons sur place avant de poursuivre notre recherche toute la matinée suivante.
En début d'après-midi, j'ai l'impression que nous allons bientôt atteindre la mer tellement la distance parcourue depuis hier est grande et je me demande si on ne s'est pas trompés de vallée quand Plume Noire s'arrête pour humer l'air. Je manque de le percuter et sourit quand il s'élance pour traverser le ruisseau.
― Par là ! Je m'écris, même si les autres l'ont déjà remarqué.
Avec précipitation, nous retirons nos chaussures et nos chaussettes avant de remonter le bas de notre pantalon.
L'eau ne semble pas très profonde à première vue, mais elle m'arrive aux mollets et les galets glissent sous mes pieds. Heureusement qu'elle n'est pas froide, parce que sinon, je serrais montée sur le dos de Tango pour traverser.
J'aperçois de l'eau qui gicle du coin de l'œil droit et me retrouve mouillée jusqu'au t-shirt.
― Romain ! Je hurle en me retournant vers lui.
Car oui, c'est lui, il n'y a aucuns doutes là-dessus.
Il tente de prendre un air coupable devant mon regard furibond, mais il est quand même très content de lui. Non, mais je rêve !
Je donne un coup de pied dans l'eau pour tenter de l'asperger à mon tour. Il s'éloigne en courant et évite mon attaque. Je le poursuis dans un concert d'éclaboussures et de cris.
― Je suis trempée espèce de dindon bigleux ! Fils de poulpe !
Mon ami rie aux éclats et nous tournons en rond dans la rivière qui n'est pas si large que ça.
― Autruche anorexique ! Cartoplépas !
― Catoblépas ! Me corrige Romain en se retournant.
Très mauvaise idée que de courir en arrière sur des galets immergé. Il ne lui faut pas longtemps pour se prendre un caillou dans le talon et basculer, les fesses en direction du sol. Son sourire se décompose et ses bras s'agitent en tous sens.
Je le rejoins juste à temps pour saisir ses mains et ralentir sa descente. Il pèse son poids cependant, et je ne réussis qu'à amortir sa chute.
J'explose de rire à la vue d'un Romain hébété assis dans l'eau, la bouche grande ouverte.
― Tu devrais voir ta tête !
Je rigole toujours en lui tendant la main pour l'aider à se relever et il m'imite en découvrant ses habits non pas mouillés, ni trempés, mais bel et bien inondés.
― Vengeance, mouhahaha ! Dis-je avec un rire que je voudrais démoniaque.
― Espèce de sadique ! M'insulte faussement Romain.
― Qui c'est qui a bien failli se péter le coccyx ? J'ironise en prenant un air supérieur. Un merci ne serrait pas de trop !
Mon ami ouvre la bouche pour répondre, mais une voix s'élève depuis la berge.
― Bon vous venez les amoureux ? Nous lance le Rabat-Joie de Service, RJS pour les intimes.
Nous échangeons un regard surpris et je rougis en me rendant compte que j'ai toujours les mains de Romain dans les miennes. Nous nous écartons précipitamment l'un de l'autre avant de rejoindre la rive comme si de rien n'était, non sans avoir pris une teinte chair de pastèque entre-temps.
Plume Noire et Tango s'agitent en nous montrant la direction à suivre, pressés qu'on les suive. Ils nous entraînent un peu plus loin dans le sous-bois et, après quelques plantes vertes supplémentaires, nous découvrons un dallage de pierre violettes ; de la sugilite.
Des milliers de lys parme courent de parts et d'autres du chemin et je me penche pour les examiner. Leurs fleurs sont particulièrement grandes, trois fois la taille de ma main, et leurs six pétales se séparent en deux à chaque extrémité.
― C'est le sentier des lys ! S'exclame GTI. Il relie le village des Gnomes au château d'émeraudes.
― Super ! ...On part par quel côté ? S'interroge Romain, indécis.
― Aucune idée, répond Thalion.
― Ça nous aide pas beaucoup ça.
Mon ami se gratte le menton en regardant alternativement à droite et à gauche.
― Plus qu'une seule solution, j'interviens.
Le prince me lance un regard interrogateur, mais Romain semble comprendre.
― La plouf, sourit-il.
Je hoche vivement la tête et récite :
― « Une poule sur un mur
qui picote du pain dur
picoti picota
lève la queue
et puis s'en va »
― Par là ! Crie Romain avant de prendre à gauche sans plus attendre.
RJS soupire, affligé par notre manque de maturité, mais nous suit tout de même sur le sentier dallé.
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Nous arrivons finalement dans un espace un peu dégagé. Çà et là, de grands arbres ornés de portes cachent l'entrée de profondes cavités souterraines, demeures des Gnomes.
Ses habitants stoppent momentanément leur activité pour nous regarder passer avec une curiosité bienveillante. Ils semblent entièrement constitués de matière végétales, me faisant un peu penser aux tableaux d'Arcimboldo. Mais de un mètre de haut. Et vivants.
― Que puis-je faire pour vous ? Nous demande timidement un Gnome à la peau couleur photosynthèse.
― Nous souhaitons une audience auprès du roi Gob et de la reine Iverbyl.
― Il vous faut gravir la montagne, nous informe l'être végétal, visiblement ravi de pouvoir nous aiguiller. Il suffit de suivre le sentier des lys sacrés.
Sur ce, il pointe un doigt noueux, comme des lierres entrelacés et portés par la même force vitale, vers la route que nous venons de quitter.
― Merci, dis-je avec un grand sourire devant l'expression déprimée de Romain et celle fermée de Thalion.
― On est partis du mauvais côté. Génial, bougonne Romain en faisant demi-tour.
Toujours en train de se plaindre celui-là. C'est lui que j'aurai dû appeler Grincheux en fait.
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― Il ne plaisantait pas quand il a dit « gravir la montagne », ronchonne Romain en s'essuyant le front d'un revers de la main.
Effectivement, nous avons parcouru un escalier escarpé et avons maintenant une vue panoramique sur la forêt qui s'étend au-delà de ce que je suis capable de voir.
― Et ? Le questionne Thalion d'un air supérieur. Tu es fatigué ?
― Je vois pas où est le problème, se vexe mon ami – il croise les bras sur sa poitrine. On marche toute la journée, on traverse des rivières, on escalade des falaises, on combat des dragons et des loups mutants ! Oh ! On est pas des athlètes olympiques nous !
Je ris sous le regard désespéré du prince Elfe.
― Tu perds pas une occasion de te plaindre toi, pas vrai ? Lui demande-t-il.
― Je ne me plains pas souvent... proteste le garçon en me jetant un regard interrogateur.
― Si, je réponds, tout sourire, tous les jours. Mais c'est bien, ça m'évite de le faire.
― Alors c'est comme ça ? S'offusque Romain.
Sans attendre la réponse à sa question rhétorique, il prend un air hautain et nous tourne le dos. Je pivote à mon tour pour apercevoir un arbre immense marquant la fin du sentier des lys.
Ses racines soulèvent la terre pour apparaître au grand jour et ses branches s'élèvent assez haut pour toucher le septième ciel. Il dégage un sentiment de puissance tranquille, comme s'il pouvait soulever des montagnes sans bouger d'un cheveu. Le végétal semble être la source même de la magie du lieu, les teintes de tout son être rayonnant dans l'obscurité de la forêt.
Une porte presque invisible gravée de motifs étranges se dessine en son tronc, aussi grand que celui d'un baobab plusieurs fois centenaire. En son centre, on peut apercevoir une émeraude taillée en forme de feuille étoilée, un peu comme celle d'érable ornant le drapeau du Canada. Elle est encerclée des mots « Tutela ligno », sûrement le nom du domaine.
― L'arbre protecteur, m'informe le latiniste en suivant mon regard.
Thalion s'avance en bombant le torse vers le monument avant d'être rattrapé et bousculé par Romain.
― T'as oublié ? C'est moi devant, s'exclame-t-il en le dépassant.
― Il a pas boudé longtemps, je remarque.
Le prince hoche la tête avant de lancer à Monsieur Ronchon :
― Comment oublier ? Tu me l'as répété 657 fois depuis ce matin.
Mon ami souri d'un air satisfait avant de toquer. Il paraît ridicule de taper si faiblement sur une porte aussi épaisse pour alerter des gens qui sont de l'autre côté, mais il n'y a pas vraiment d'autre solution.
― J'arrive, j'arrive ! Chantonne une voix essoufflée un peu plus loin.
Nous nous retournons d'un bloc pour apercevoir une Gnomide accourant dans notre direction.
― Vous cherchez ? Nous demande-t-elle en régulant sa respiration.
― Le roi Gob et la reine Iverbyl, la renseigne courtoisement Thalion.
― C'est moi-même.
― Vous êtes deux ? S'exclame Romain avec des yeux ronds comme des billes.
Thalion se frappe le front du plat de la main et j'éclate de rire, suivie de près par la reine des Gnomes.
― Quoi ? Le dédoublement de personnalité ça existe, explique le brun. Et les trans aussi.
Romain nous regarde d'un air incrédule, comme si sa remarque était sérieuse, avant de se joindre nous.
― Allons voir mon mari, propose la Gnomide, toujours souriante.
Pas besoin de clés pour entrer dans le château des Gnomes, la porte est ouverte comme celle d'un moulin et personne n'attend d'éventuels intrus à l'intérieur. J'ai bien essayé de chercher des caméras de surveillance, mais il faut croire que les Smaragdiens n'ont pas d'ennemis. Et me rappeler que la technologie humaine n'a pas lieu d'être dans ce monde de conte de fées ne serait pas une mauvaise idée.
La reine Iverbyl, qui nous a assuré qu'on pouvait l'appeler par son nom et la tutoyer, nous conduit dans les profondeurs de la terre, l'arbre multicentenaire n'étant que la façade du palais.
Les galeries souterraines se succèdent, éclairées par des Feux de Fées, non pas bleus comme chez les Elfes mais verts émeraude. Je me demande si elles ont la même signification chez ces deux peuples...
La Gnomide atteint une porte ronde comblant l'entièreté du tunnel et toque avant de pousser le battant pour nous laisser entrer.
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Hey Hey !
Bon... j'imagine que vous êtes tous désespéré par Romain? il s'est surpassé dans ce chapitre 🤣
En tout cas, j'espère que l'histoire du sentier, où ils arrivent au village pour repartir dans l'autre sens, vous avez compris? Parce que j'ai modifié (de base ils y avait pas de sentier des lys) et donc je sais pas si c'est très clair tout ça...
Et, aussi extraordinaire que ça puisse paraître, je n'ai pas d'autres doutes!
Voilà, donc aujourd'hui, pas de questions (youpi)
A part ça, pour que vous vous représentiez mieux les gnomes...
Voici un des tableaux de Giuseppe Arcimboldo:
Et là, vous vous dites: "elle est tarée, elle confond des gnomes et des paniers de légumes!"
Non, non, pas du tout.
Mes Gnomes ont étés comparés à cette... œuvre d'art, MAIS, ils sont beaucoup plus beaux et beaucoup moins... légumes.
En fait, je me les imagine un peu plus comme dans GDCP:
Et voici... Flori!
Et oui, désolée! Je pouvais pas faire autrement que m'inspirer de Shannon Messenger pour ces personnages. Pourquoi?
Parce que quand on me dit "Gnome", je m'imagine Flori, pas un nain de jardin.
Bon, sur ce, à mardi!
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