Nous rejoignons les Griffons qui nous ont attendu sagement dehors.

― Sa mère le gazon, je peste en arrivant à leur hauteur.

― Je ne connais pas cette insulte, mais je suis totalement d'accord, approuve Thalion en grinçant des dents.

― C'est un vieux croûton aigri paresseux, je continue.

― Ça va on se calme, nous intime Romain d'une voix calme.

― Pourquoi ? Tu le défends ? Je lui demande en le fusillant du regard.

― C'est pas ce que j'ai dis, se défend mon ami.

― Eh bien, on aurait dit, je réponds du tac au tac.

― Maintenant il faut que j'envoie un message au château, annonce Thalion en se prenant la tête dans les mains. En plus de ne pas leur apporter d'aide, ce message va démotiver les troupes.

Il donne un coup de pieds rageur dans le sable, ce qui ne soulage en rien sa colère. Je n'ai jamais vu Thalion submergé par la colère comme ça. C'est vrai que je ne le connais que depuis trois jours, mais il s'est passé tant de choses, tant d'épreuves en si peu de temps... et à chaque fois, il était là pour savoir comment réagir avec son calme imperturbable et ses réflexes d'Elfes. J'en veux à ce Nain qui se dit roi et qui laisse crever tout un peuple sans tenter quoi que ce soit. Il ne lèverait pas le petit doigt pour un Elfe dans la détresse.

― Tu permets ? Demande assez brusquement le prince à Tango.

Le Griffon incline la tête et son maître lui arrache une plume. Je regarde Thalion avec des yeux ronds, oubliant momentanément ce roi de merde.

― Qu'est-ce que tu fais ? Le questionne Romain qui l'observe lui aussi.

― J'envoie un message à ma mère.

Sans plus nous donner d'explications – il faut croire qu'il ne tient son rôle de Guide Touristique Inter-galaxies qu'en cas de bonne humeur – il prend la petite plume de duvet dans le creux de ses mains et l'approche de ses lèvres. Il chuchote alors pendant quelques minutes avant de relâcher la plume, désormais porteuse non pas d'un message d'espoir comme nous le voudrions, mais d'une amère déception.

La plume s'envole, virevolte de plus en plus haut, avant de partir dans le sens opposé au vent, vers la royaume de Chrysocolia.

― Que fait-on maintenant ? Je murmure, presque plus pour moi-même que pour obtenir une réponse.

― Nous allons voir les Gnomes, répond Thalion après un regard noir au palais de sable. Nous devons tout tenter, même si c'est pour obtenir une litanie de « non ».

― C'est ce qui va arriver si nous agissons toujours de cette manière. Enfin, si TU agis toujours de cette manière, commence Romain en lançant un regard irrité au prince.

― Que veux-tu dire par là ? Le questionne Thalion d'un air méfiant.

― Je veux dire que tu as tout fais, involontairement bien sûr, pour que le roi dise non.

― C'est absurde ! s'exclame l'Elfe avec indignation. Pourquoi je ferais une chose pareille ?

― INVOLONTAIREMENT, reprend le garçon en appuyant sur chaque syllabe. Je ne t'accuse pas de quoi que ce soit.

― J'avais l'impression pourtant, réplique CSE.

Il s'approche de Romain d'un pas menaçant, sa patience déjà mise à bout par un certain roi des Nains, mais ce dernier de bouge pas d'un millimètre devant son adversaire plus grand et plus athlétique. Je préfère m'interposer entre les deux avant que les nerfs de Thalion ne lâchent.

― Ho là, on se calme, dis-je, les bras tendus de par et d'autre. Thalion, Romain ne t'a absolument pas accusé de saboter l'expédition d'accord ?

J'attends qu'il abdique avant de faire un signe de tête à mon ami pour qu'il continue.

― Je pense simplement que tu n'as pas utilisé la bonne méthode, explique-t-il en regardant le prince droit dans les yeux. C'était beaucoup trop cérémonieux et officiel. Et un peu prétentieux aussi. (Thalion serre la mâchoire) Pour le convaincre, il faut lui rappeler que c'est une quête de cœur ; on ne fait pas ça pour le royaume, mais pour ses habitants, on ne fait pas ça pour exterminer les Ogres, mais pour protéger des innocents. Il faut lui expliquer que c'est possible et pourquoi, pas lui promettre des choses sans même lui dire quoi.

― Il ne m'a pas laissé le temps de parler de toute façon, se justifie le prince.

― C'est vrai, mais il a ses raisons. Et elles sont valables.

― Ne pas perturber « le fleurissement économique de son royaume », par exemple ? J'ironise en entrant dans le débat.

Romain soupire pour rester calme.

― Non.

― Alors pourquoi ? Crache Thalion.

― Il a raison quand il dit que votre royaume est en perdition (le prince le fusille du regard), enfin, rends-toi à l'évidence ! Pourquoi chercheriez-vous de l'aide si la situation n'était pas désespérée ? J'ignore ce qu'est un Ogre, et encore plus si c'est un guerrier au combat, mais tout le monde en parle comme d'une machine de guerre. Ce n'est pas toi qui disais que les Nains ne sont pas faits pour les champs de batailles ? Qu'ils devaient compenser ? C'est normal qu'il ne veuille pas entrer dans cette guerre. Ce serait tout simplement un suicide collectif !

Thalion reste silencieux quelques minutes, réfléchissant à ses paroles. Il trouve finalement un argument pour se justifier :

― Son avis était déjà tranché, et il aurait dit non peut importe ce que j'aurais pu trouver à dire.

― Alors pourquoi as-tu tenté de le convaincre jusqu'à la dernière seconde ? Réplique mon ami, un léger sourire en coin.

Romain a vraiment pensé à tout. CSE semble être arrivé à la même conclusion que moi, car il ne répond rien et tourne les talons avant de grimper sur le dos de Tango et de s'envoler.

꧁꧂

Maladroitement installée sur la croupe de Plume Noire, je fixe un petit point noir au loin : Thalion et Tango.

Après leur départ, nous nous sommes débrouillés pour grimper tous les deux sur le dos du Griffon aux couleurs d'ébènes, essayant de rattraper le fuyard malgré sa longueur d'avance.

Je pense quand même qu'il a largement eu l'occasion de nous semer, et que s'il avait voulu le faire, il serait déjà loin. C'est un bon point, j'imagine.

― Il boude toujours, tu penses ? Je demande à Romain, autant pour connaître son avis que pour avoir l'impression d'agir.

― Sûrement, répond mon ami dans mon oreille pour que je l'entende malgré le vent.

Je rougis sans vraiment d'explication, à part qu'il me semble soudain beaucoup trop près.

― Son égo n'a pas aimé avoir tort, continue-t-il sans se rendre compte de mon trouble. Il n'y a plus qu'à attendre qu'il l'admette.

― Ok monsieur le psychologue, je souris avant de changer de sujet quelques minutes plus tard. Dommage qu'on ne soit pas resté chez les Nains.

― Pourquoi ?

― Pour éviter la viande de Coquecigrue.

― Ah oui mince ! S'exclame Romain. On fait demi-tour ?

Nous rions de bon cœur, qu'est-ce que ça peut faire du bien après les tensions de l'après-midi.

꧁꧂

Nous rattrapons Thalion quand il se pose pour la nuit et le repas se déroule dans un quasi-silence. Nous n'avons même pas fait de blagues sur la viande séchée de Coquecigrue, bien qu'elle soit toujours aussi dure et sèche.

Je dors paisiblement grâce à la peau de Catoblépas qui me protège des nuits glaciales du désert, mais je me réveille avec la bouche et les cheveux pleins de sable.

J'ouvre péniblement les paupières et me redresse, encore à moitié endormie, pour découvrir Thalion s'affairant autour du feu éternel. Ne sachant pas s'il est décidé à parler, je déplace mon couchage pour m'asseoir à ses côtés et regarder danser les flammes.

― Tu devrais te recoucher, m'informe-t-il gentiment. C'est tout juste l'aube et Luxia se lève tôt en cette saison.

Soulagée qu'il ne boude plus, je ne cherche pas à en savoir plus sur les saisons du monde de l'Imaginaire malgré les questions qui pointent déjà le bout leur nez et préfère me recoucher.

Je reste longtemps immobile. À peu près deux heures à la louche, mais impossible d'en être sûre, car ni moi ni Romain n'avons de montre et nos téléphones sont déchargés. Inutile de la demander à Thalion, ils comptent le temps différemment ici et ça ne me donnerait pas d'ordre d'idée. Il a bien essayé de m'expliquer comment ils comptaient le temps qui passe, mais je n'ai pas retenu.

Ce qui est sûr, c'est que j'ai eu le temps de penser à des dizaines de choses, et pour chacune, de me poser des centaines de questions dessus. J'exagère à peine. À peine.

Toujours est-il que quand le prince décide qu'il est temps de déjeuner, Luxia est bien plus haute dans le ciel que ce qu'elle n'était, mais je ne pense pas qu'il soit plus de neuf heures. Nous nous installons tous les trois autour du feu éternel et les Griffons s'allongent à nos côtés.

― Bon, annonce Romain en baillant, quand on sera chez les Gnomes ce soir, c'est moi qui parle d'accord ?

Il nous pointe d'un doigt accusateur comme si nous allions protester. Nous hochons la tête à l'unisson et il approuve :

― Bien. Si je n'arrive pas à convaincre les, disons, quatre prochains royaumes, on pourra reprendre la méthode de Thalion.

― Oui papa ! Je m'exclame.

Même le prince Elfe rit et le reste de la matinée se déroule dans la bonne humeur sans qu'on ne reparle plus des événements de la veille.

Après avoir pique-niqué nos éternels sandwichs à la viande séchée de Coquecigrue à l'ombre d'un arbre solitaire, nous volons encore pendant de longues heures. Le désert aride se change peu à peu en garrigue, puis en forêt verdoyante. Des collines et des vallées s'alternent régulièrement recréant le paysage des Pyrénées.

Je suis montée sur Plume Noire avec Romain parce que j'ai plus de chance de parler avec lui et CSE n'a pas fait d'objection. Nous avons donc pu discuter dès que la force du vent nous le permet sans qu'on ait une extinction de voix demain.

Cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas raconté notre vie respective et je ne sais donc pas vraiment ce qu'il lui est arrivé depuis la quatrième. Il m'apprend donc qu'il fait du karaté depuis ses 5 ans et qu'il était maintenant ceinture marron. Sa jeune sœur Émilie a arrêté la danse classique après avoir fait de l'anorexie et rempli dorénavant son temps libre de nombreux tableaux à l'acrylique.

Je lui explique continuer la chorale, en plus des cours de chants individuel. J'ai aussi abouti dans plusieurs de mes projets d'écriture, comme un recueil de poésie commencé en sixième et un roman fantastique entamé en quatrième. Je lui parle aussi de ma légende sur le phénix et des étranges coïncidences que j'ai observées entre cette histoire sortie de mon imagination depuis plusieurs semaines et les légendes Elfes.

꧁꧂

Bonum mane les amis ! (vous voulez quelle langue la semaine pro?)

La dispute est bien? J'en fais pas des caisses? 😕

On comprend l'avis des persos (surtout Laurie)?

Est-ce que vous aviez compris le titre du chap avant de lire? 😁

Est-ce que les infos qu'on apprends sur Romain et Laurie sont intéressantes? utiles? le chapitre n'est pas très long, je pourrais peu-être rajouter des trucs, mais j'ai pas d'idées...

Il n'y a pas de couac pour l'instant? C'est cohérent avec le début?

Est-ce que c'est pas lourd les description à chaque fois qu'ils se déplacent à dos de Griffons? Parce que j'ai l'impression de dire toujours pareil... C'est soit parce que c'est le cas, soit parce que j'ai écrit les 4 derniers chapitre (7, 8, 9, 10 et 11) en une semaine et que même moi j'en avait marre de mon livre à la fin... Bref, je sais pas si ça se ressent ou pas...

Bon voilà voilà, la suite dans vendredi! bisous! 😘