☁ Chapitre 35 ☁
Cela faisait deux mois que la première année de collège avait débutée. Lauren était assise sur un banc de la cour de récréation du collège. Elle était seule, Sarah était rentrée chez elle pour manger. La petite brune enfonça ses mains dans les poches de son manteau. Elle était inquiète, elle ne voulait pas aller toute seule à la cantine. Elle cherchait timidement des yeux une tête connue.
- «Salut !»
Lauren leva la tête. Une fille de son âge était debout près d'elle.
- «Salut...» murmura la petite timide.
- «T'es toute seule ? Ça tombe bien car moi aussi !» s'exclama la fille en s'asseyant à côté d'elle.
Son entrain fit sourire Lauren. Cette fille avait l'air d'être son total opposé, elle n'avait pas sa langue dans sa poche.
- «Moi c'est Pauline, et toi ?»
- «Lauren. Tu vas manger avec des amies ?»
- «Bah non ! Je viens de te dire que j'étais toute seule. Mais on va manger ensemble !»
- «Ah, euh, d'accord.» fit Lauren avec soulagement.
A cet instant, un groupe de filles traversa la cour. Toutes surexcitées, elles parlaient fort, riaient en rejetant leurs longs cheveux en arrière comme des mini stars de télévision. Pauline les regardait avec attention.
- «Oh waw ! Y'en a une qui te ressemble comme deux gouttes d'eau, c'est fou. C'est ta sœur jumelle ?» interrogea-t-elle en désignant une fille aux cheveux bruns détachés dans le dos.
Lauren avait gardé les yeux baissés. Elle reconnaissait le rire de Maureen entre mille. D'ailleurs, elle connaissait tout par cœur chez sa sœur jumelle, son double. Pourtant depuis l'entrée au collège, elle avait la désagréable impression de s'éloigner d'elle. A moins qu'elle ne fut influencée par la dispute qu'elles avaient eue quelques jours auparavant ?
- «T'as l'air triste, ça va pas ?» s'étonna Pauline.
- «Je me suis disputée avec Maureen...» murmura Lauren qui avait besoin de se confier, les larmes lui montaient aux yeux.
- «C'est elle ? Ta soeur jumelle ?»
Lauren hocha la tête en reniflant. Pauline lui prit la main.
- «Elle doit être méchante pour te faire pleurer comme ça. Toi tu es toute gentille, ça se voit. Je t'ai déjà vu dans les couloirs et tu souris tout le temps ! Je suis sûre que c'est pas de ta faute. Tu dois pas te laisser faire. Ignore la ou sois méchante avec elle, toi aussi. Ça va lui faire comprendre, j'en suis sûre.»
Choquée, Lauren releva la tête. Pauline la fixait, un petit air suffisant sur le visage.
- «Mais...» répondit-elle d'une voix tremblante «Je ne peux pas faire ça... On va se réconcilier, on se réconcilie toujours.»
- «Désolée mais à mon avis c'est fini ça, Lauren. Si ta sœur commence comme ça, elle ne va pas s'arrêter là ! Elle va se faire des amis et elle va t'oublier. Regarde, elle t'a laissée toute seule aujourd'hui ! Alors qu'elle t'as vue, en plus. Ce n'est pas parce que vous êtes jumelles que tu dois lui ressembler. Vous êtes deux personnes différentes, elle l'a compris elle ! Alors toi aussi, laisse Maureen et deviens Lauren. Pour commencer, il faut te distinguer d'elle.»
Pauline retira alors l'élastique à son poignet et entreprit de rassembler en queue de cheval les mèches brunes qui tombaient dans le dos de Lauren.
Lauren ne bougeait plus. Ses mains étaient crispées sur les accoudoirs du fauteuil. Ces mots, Pauline les lui avait répété tous les jours depuis. Elle s'était faite une place dans la vie de Lauren en creusant l'écart entre les jumelles. Lauren avait peu à peu délaissé Maureen au profit de sa nouvelle meilleure amie. Finalement c'était Lauren qui s'était éloignée de sa sœur en premier. Pas l'inverse.
- «...et elle a osé proféré de tels mensonges ! Non mais, sérieusement pour qui se prend-t-elle? Elle a brisé mon couple. Tu te rends compte? Elle a brisé mon couple alors que tout allait bien entre nous ! Jalouse comme elle est, je suis sûre qu'elle amoureuse Steven. Ah oui non mais c'est sûr et certain. Eh bien non, en fait ! C'est le mien, il m'aime, je l'aime et je vais le prouver haut et fort devant toutes ses langues de vipère de ce lycée pourri et...» continuait Maureen avec véhémence.
Mais Lauren ne l'écoutait plus. Pauline l'avait poussé à s'éloigner de sa soeur jumelle. Et Lauren, heureuse de trouver une oreille attentive à ses plaintes, n'avait rien fait pour l'en empêcher. Mais voilà, les minuscules remords qu'elle ressentait depuis toutes ces années étaient aujourd'hui si nombreux que la rêveuse se sentait une fois de plus perdue, dans son propre salon. Avant, dans quels bras pleurer la traîtrise de sa soi-disant meilleure amie si ce n'étaient ceux de Maureen ? Mais que sont Lauren et Maureen à présent, sinon des étrangères vivant sous le même toit ? Comment regarder Pauline dans les yeux à nouveau tout en sachant quels mensonges elle était capable de proférer ?
- «Wow. Lauren ? Ça va ?»
Maureen avait cessé son monologue vengeur. Elle regardait sa jumelle, une petite lueur d'inquiétude dans les yeux.
Lauren s'était mise à trembler un peu. Elle pensait connaître Pauline mieux que sa propre jumelle. Pourtant une chose était claire, Maureen était totalement amoureuse de Steven. Même elle ne peut faire semblant à ce point avec ses sentiments, contrairement à Pauline. Sa vue se brouillait. Et si c'était Pauline qui avait répété à tout le monde son amitié avec Jérémy ? Elle était la seule à qui Lauren en avait parlé, en plus de Sarah. Et Sarah ne ferait jamais ça. Au moins, Lauren pouvait être sûre de ça. Il n'y avait plus de doutes. C'était Pauline qui avait, une fois de plus, semer la discorde entre deux personnes. Lauren avait perdu son amitié avec le surveillant à cause de celle qu'elle appelait sa meilleure amie. C'en était trop, beaucoup trop de révélations pour un simple après-midi. Lauren fondit en larmes. Aussitôt, des bras l'entourèrent et la serrèrent très fort, un peu trop fort. Lauren n'eut pas le temps d'être surprise. Instinctivement, elle se cramponna au cou de Maureen, agenouillée près d'elle.
- «Je suis désolée. Maureen, je suis vraiment désolée. Je sais pas si tu me crois mais c'est vrai, je suis désolée...» répétait Lauren d'une voix entrecoupée de sanglots.
Et d'un coup, elle déballa tout ce qu'elle avait sur le cœur depuis toutes ces années. Elle parla ainsi sans interruption, la tête posée sur l'épaule de sa jumelle, essayant tout de même de maîtriser les larmes qui coulaient sur ses joues.
- «C'est de ma faute, tout ça. Si on s'est éloignées, toutes les deux. Tu étais tellement aimée au collège et encore maintenant. Je crois que j'avais l'impression que tu m'abandonnais au profit des autres. Alors qu'en fait, je me rends compte qu'avec le recul, c'était peut-être moi qui t'ai laissée de côté. Pauline en a joué pour me séparer de toi, mais je sais que ce n'est pas une excuse, j'ai été vraiment naïve. Je me sentais tellement nulle comparée à toi. J'avais l'impression que tu en jouais, que tu te moquais de moi, que tu me rabaissais, et tout ça. Tout a l'air si facile pour toi, tu es sûre de toi, tu arrives à être méprisante avec les gens qui le mérite et sympathique avec les autres, je crois. J'étais tellement en colère contre toi, et triste à la foi car tu commençais déjà à me manquer. Même si je ne voulais pas me l'avouer, il me semble que tu me manques toujours...» finit-elle par avouer dans un souffle, la tête basse.
Elle se sentait idiote et ridicule, à tout lâcher comme cela, alors qu'elle aurait pu comprendre et essayer de régler cette histoire bien avant.
Maureen ne disait rien. Elle se contentait de tenir sa jumelle dans ses bras. Elle essayait d'assimiler le flots de paroles qui était venu à elle.
- «Moi aussi. Excuse-moi, Lauren. Je suis aussi désolée de la tournure que les choses ont pu prendre. Je comprenais pas vraiment pourquoi tu m'avais plus ou moins abandonnée au collège. Au début, je pensais que c'était à cause de nos disputes avant de me rendre compte que tu ne comptais pas revenir. Ensuite, j'ai eu vent de certains trucs. Comme quoi tu me traitais de sans cœur, d'égoïste, et même bien pire que ça. Je t'ai détesté pour tout cela. Je me suis demandée pourquoi la personne qui parlait peut-être le plus mal de moi était celle qui devait m'être le plus proche. Alors oui, je ne mâche pas mes mots, oui je suis rancunière, oui j'ai peut-être plus de défauts que de qualités. N'oublie quand même pas que cette haine est partie de toi, à la base. Même si je te l'ai bien rendue. Mais maintenant c'est fini, ou tout du moins on peut essayer que ça se finisse. Tu n'es pas une de ces pauvres filles sans cervelles dont le lycée regorge, tu es ma sœur jumelle, mon double. Et ce qui arrive aujourd'hui...»
- «C'est la preuve que notre rancœur débile fondée sur des malentendus doit prendre fin.» Termina Lauren en relevant la tête de l'épaule de Maureen.
Cette dernière acquiesça. La rêveuse leva alors les yeux vers le visage qu'elle voyait tous les matins dans le miroir de la salle de bain.
- «Cette histoire aura au moins le mérite de nous envoyer sur le chemin de la réconciliation.» soupira Lauren.
- «Elle a bien fait plus que ça ! N'oublie pas que tu vas pouvoir virer une peste de ta vie et que je vais enfin pouvoir me défouler sur quelqu'un. Elle va regretter d'être née et de s'être attaquée à moi, je te le dis ! Elle va fuir le lycée, on la verra encore moins qu'avant.» déclara Maureen en se levant et en relevant sa jumelle. Lauren secoua la tête d'un air désabusé.
- «Absolument pas excessive dans tes propos...»
- «Oh mais j'ai toujours fais pair avec l'excès. Tu me connais.»
Soudain, une image s'imposa dans l'esprit de Lauren. Regardant sa soeur qui passait ses doigts dans sa chevelure bouclée, elle se demandait si elle devait en parler à sa soeur alors qu'elles venaient à peine d'essayer de se réconcilier. Cependant, la rêveuse ne pouvait pas rester sans réponses, elle se disait qu'il valait mieux tout mettre à plat le même jour.
- «Maureen?»
- «Oui?»
- «Je peux te poser une dernière question? Mais je ne voudrai pas t'énerver...»
- «Vas-y, c'est bon. Je ne vais pas m'énerver, promis.»
- «Je t'ai vue dans la voiture de Jérémy, tu sais, le surveillant. C'était il y a plusieurs semaines. Qu'est ce que tu faisais avec lui ?»
La réponse ne se fit pas attendre. Cela se voyait que Maureen n'était pas gênée par la question de sa soeur.
- «Je suis rentrée de force alors qu'il était sur le point de démarrer. Je me suis assise sur le siège sans lui demander la permission. T'aurais vu sa tête ! Non, parce qu'il fallait que j'ai une petite discussion avec lui. Même si je venais une énième fois de me disputer avec toi, je voulais savoir ce qui justifiait qu'il t'abandonne comme ça après t'avoir promis monts et merveilles.»
- «Qu'est-ce que...» bafouilla Lauren en écarquillant les yeux. «Tu savais que j'étais amie avec lui ? Et qu'il m'a laissé tomber du jour au lendemain?»
- «J'avais remarqué, oui. Je ne suis pas née de la dernière pluie.»
- «Mais pourquoi tu as fais ça?»
- «J'avais remarqué que tu étais encore plus renfermée que d'habitude, ces derniers temps. Et mine de rien ça m'a fait de la peine. J'aurai dû te prévenir que c'était un peu risqué de devenir amie avec un beau et jeune surveillant mais j'avais peur que tu le prennes mal. En tout cas, j'ai mieux compris sa distance avec toi quand il m'a expliqué que votre proximité était remontée aux oreilles de la direction. D'ailleurs pas besoin d'être un génie pour comprendre que c'est encore ton Adeline qui a fait le coup ! On va aller lui tordre le cou à cette vipère. Ce sera marrant.»
- «De toute façon, c'est certainement mieux comme ça. Je ne veux pas lui attirer d'ennuis. Ce serait con.» Murmura Lauren en haussant les épaules, sans relever que Maureen s'était encore trompée de prénom pour son ex-amie.
- «Détrompe-toi, apparemment il regrettait beaucoup de ne plus te parler. Il a dit qu'il savait que tu n'étais pas bien et il voulait t'appeler pour te prouver qu'il ne t'oubliait pas. Je lui ai conseillé d'attendre que tu te sois calmée. On sait ce que c'est une Lauren en colère ! Mais il est un peu peureux ton pote. J'espère qu'il va prendre son courage à deux mains et qu'il te proposera de vous voir en face ! Franchement à part Sarah, tes amis c'est pas ça, hein. Mais le prend pas mal, bien sûr.»
Les deux moitiés se prirent dans les bras. Comme avant. Mais ce n'était pas le monde à l'envers non, au contraire. Le monde était de nouveau à l'endroit.
*****
Lauren arrangea son oreiller et y posa sa tête. Elle repensa au repas qu'elle avait partagé avec sa famille quelques instants plus tôt. Pour la première fois depuis longtemps, elle avait eu l'impression d'un vrai repas de famille. Seules Maureen et elle avaient réellement pris conscience de la fissure que leur mésentente causait. A présent, cette fissure était comblée.
Soudain, quelqu'un frappa à la porte de la chambre de Lauren. Deux petits coups rapides, deux petits coups rapides puis deux coups lents.
- « Tu peux entrer !» fit doucement Lauren en se redressant rapidement.
Ce code secret, elle l'a inventé avec Maureen quand elles étaient enfants. Mais depuis le collège, elles ne l'utilisaient plus que très rarement. Justement, sa soeur jumelle poussa doucement la porte de la chambre.
- «Lauren ? Je vais sur Paris demain. Ça fait vraiment trop longtemps que j'ai pas fait de shopping. Tu veux venir avec moi ? Pour fêter notre pré-réconciliation?»
Lauren sourit. Si Maureen allait faire du shopping, c'était qu'elle se sentait définitivement mieux ! Et cela faisait bien longtemps qu'elles n'étaient pas sorties que toutes les deux.
- «Désolée...» répondit-elle cependant. «Je dois voir Théo, demain. Normalement il vient ici. On doit absolument terminer notre exposé pour lundi.»
- «Je ne sais pas ce qui m'horrifie le plus, que tu préfères le travail au shopping ou que cet énergumène vienne ici !» répondit Maureen en levant les yeux au ciel. «Enfin... Je vais devoir me faire à tes amis bizarres. Ah ! Au fait, tu avais oublié ton téléphone en bas. Au moment où je l'ai pris, il y a eu un message qui s'est affiché. Un truc du genre "Ma vengeance sera terrible". Charmant.»
- «Ça doit être Théo.» fit Lauren avec un petit rire.
- «Qu'est ce que t'as encore fait ?»
Pour toute réponse, Lauren lui fit un signe de tête et tapota d'une main la place à côté d'elle sur le matelas, un petit sourire sur les lèvres.
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