☁ Chapitre 32 ☁
Lauren et Maureen ne s'étaient pas adressées la parole depuis leur dernière altercation. Chacune d'entre elles restaient sur ses positions. Elles étaient bien trop fières pour faire le premier pas, pour aller essayer de renouer le contact avec l'autre. Le froid qui règnait entre elle depuis environ 3 ans devint plus glacial qu'avant, alors qu'il s'était presque adouci après la discussion téléphonique Paris-Londres.
La rêveuse trouvait sa soeur égoïste. Elle n'arrivait plus à lui faire confiance après tout ce qu'elle lui avait fait subir. Après son manque flagrant de soutien dans la jungle du collège et du lycée. Elle avait l'impression d'être un simple objet qui allait aider sa jumelle en temps de crise, et que celle-ci allait jeter quand tout irait mieux.
La sociable ne comprenait pas ce qu'elle avait fait de si méchant à sa soeur. Elle trouvait qu'elle n'avait fait que rendre la monnaie de sa pièce à Lauren. Elle se sentait vexée et abandonnée alors que sa soeur refusait de la soutenir dans un des moments les plus compliqués de sa vie. Elle recevait des insultes par SMS, à cause de la soi-disant tromperie qu'elle aurait faite subir à Steven. Sa seule vraie amie se trouvait être Allison, la seule qui était de son côté, dans cette histoire. Maureen avait finalement moins de véritables compères que sa soeur, qui, elle, en avait trois, apparemment... Les autres personnes qu'elle considérait comme ses amis n'étaient en fait bon qu'à lui tenir compagnie quand tout allait bien. Cette constatation mit un grand coup à son égo. À bien y regarder, sa jumelle était bien mieux entourée qu'elle-même. Elle en regrettait presque d'avoir voulu aider son double, en allant voir Monsieur Tourel, pour lui faire changer d'avis sur elle.
Cependant, même si Lauren n'avait pas envie de soutenir moralement sa jumelle, elle n'oubliait pas sa promesse. Elle allait mener son enquête, car elle n'avait qu'une parole. Mais c'est tout ce qu'elle allait faire. Car elle, elle s'était battue seule.
***
Théo n'avait pas oublié son rendez-vous à la bibliothèque avec sa nouvelle amie. Il était même arrivé le premier, sans affaires scolaires, mais au moins, il était là. Devant la porte de l'établissement municipal, à attendre, une cigarette non-allumée entre les doigts. Lauren, quant à elle, avait pris tout ce qu'elle pouvait. Son livre d'histoire, ses cahiers d'histoires de seconde et de première, sa trousse, des feuilles... Même si elle était venue avec la motivation de questionner le jeune homme sur sa soeur, et de se rapprocher encore un peu plus de lui, la note qui les attendait pour cet exposé ne devait pas être ignorée. Ils allaient devoir travailler. Trouver un petit temps pour faire ce foutu travail. Elle n'en avait pas envie. Et lui non plus. Ils auraient aimé seulement discuter l'un avec l'autre. Ils allaient sûrement devoir se revoir avant la reprise des cours pour finir. Ils le savaient déjà alors qu'ils n'avaient même pas encore commencé.
- «Je t'attendais, pour l'allumer.» Commença l'adolescent en se penchant vers Lauren pour lui faire la bise. Elle venait de poser son sac au sol et de se planter devant lui. À chaque fois qu'elle avait un contact physique avec lui, cela lui faisait bizarre, alors que lui était habitué à taper la bise toute la journée pour dire bonjour.
- «Merci...» Répondit la jeune fille. Elle se baissa pour ouvrir son cartable et en sortit son propre paquet, celui que Léa lui avait acheté à Londres, et qui était désormais presque vide. Elle plaça une dose de nicotine entre ses lèvres. Le jeune homme entreprit de la lui allumer avec son briquet qui ne fonctionnait pas très bien. Il faisait des étincelles mais la flamme avait du mal à apparaître, ce que le fumeur justifia par le besoin d'aller en acheter un autre. Il enflamma ensuite - difficilement - sa propre cigarette et rangea le petit objet dans sa poche. Tous ces gestes étaient très instinctifs, ils faisaient désormais partis du quotidien de Théo et Lauren, d'une mauvaise routine qu'il avait acquise. Le jeune homme aspira de la fumée, avant de souffler celle qui n'était pas allée jusqu'à ses poumons, au visage de la lycéenne. Celle-ci ferma les yeux et afficha un petit rictus. «Qu'est ce que tu essayes de faire là? Tu veux que je devienne aveugle.» Demanda-t-elle avec une nouvelle aisance qu'elle assimilait peu à peu.
- «Je t'ensorcèle. Un peu de fumée et, hop, je te contrôle.» Répondit-il en secouant sa clope près du visage de la timide plus si timide, telle une baguette magique.
- «Tu es bizarre...» Elle avait les sourcils froncés et elle secouait la tête alors que le sorcier arrêta son petit jeu.
- «Pas autant que toi.»
- «Peut-être, mais tu fais peur. Moi je suis bizarre, c'est sûr, mais je n'effraye personne.»
- «Je t'effraye?»
- «Tout à fait.»
La jeune fille tapota doucement sur sa clope afin de faire tomber les cendres tandis que le lycéen la regardait faire, le sourire aux lèvres. Depuis leur rencontre, il se disait souvent qu'il l'aimait beaucoup et qu'il avait été bien bête d'écouter ce que les autres disaient à son sujet. Lauren était adorable, il était heureux de la compter dans son cercle d'amis. Il ne comprenait pas un tel isolement de sa part.
- «Je pense que si je te faisais réellement peur, tu serais partie en courant, le premier jour, dans la ruelle. Mais t'avais besoin d'un ami comme moi, c'est pour ça que tu es restée. Je te fais rire, franchement t'as tout gagné.»
- «Ça doit être ça...» Continua-t-elle avec une ironie non dissimulée.
Les deux jeunes se mirent à rire aux éclats, le lycéen ne pouvait pas tenir une discussion sans y placer une once d'humour qui n'appartenait qu'à lui. Mais la Keller reprit son sérieux bien vite. Il ne fallait pas qu'elle perde de vue son objectif du jour: l'enquête. Elle décida alors de débuter sa tâche le plus vite possible, plus vite ce serait fait et plus vite elle allait pouvoir passer à autre chose. Cela ne l'enchantait pas, mais elle avait promis.
- «Il faudrait que je te parle, plus sérieusement.»
- «Je pense que ta vie serait bien morne, sans moi.» Poursuiva-t-il, toujours sur le ton de la plaisanterie, n'ayant pas saisit le changement de sujet imposé par son amie.
- «T'as les chevilles qui gonflent, là, non?»
- «Pas vraiment...»
- «Mais il faudrait vraiment que je te parle.» Réitèra la soeur jumelle de Maureen, en aspirant de nouveau. Elle souffla ensuite vers le ciel, et la fumée s'éloigna, menée par l'air frais d'Octobre. Cela lui rappelait son enfance, quand elle soufflait en hiver, quand le froid était intense, et que l'air sortant de sa bouche était visible. Comme tous les gamins, elle disait qu'elle fumait. Cela la faisait rire, à l'époque.
- «Et sinon? Tes vacances à Londres? Tu ne m'as pas raconté.» Il la regardait dans les yeux alors que la taille de sa clope diminuait à vue d'oeil. Il ne se rendait pas compte qu'il n'avait pas écouté son interlocutrice pour la deuxième fois. Il eut donc du mal à saisir l'éclat de voix qui suivait.
- «Théo !»
- «Tu ne veux pas me décrire tes vacances?»
- «Si ! Mais pas maintenant. Je suis sérieuse, c'est important. J'ai des questions à te poser.»
Le jeune homme jeta son mégot à terre et l'écrasa de la pointe du pieds avant de le pousser dans la bouche d'égout. En faisant ça, il se persuadait qu'il respectait la planète. Il fut vite imité par la rêveuse qui essayait d'avoir l'air grave. Il comprit qu'il devait prêter attention à ce qu'elle allait dire, car quelque chose la tracassait.
- «Elles sont à propos de quoi? Tes questions si importantes?»
- «Ma soeur...»
- «Maureen ?» Demanda-t-il l'air béat, presque choqué. Il s'attendait à tout sauf à parler de l'autre mademoiselle Keller.
- «Et bien, oui.»
- «Mais pourquoi elle? Tu ne veux pas me parler de tes vacances plutôt?»
- «Tu changes encore de sujet. Ça te dérange de parler d'elle?»
- «Non, c'est juste que je ne comprends pas trop. Tu ne l'aimes pas, ta soeur, n'est ce pas? Pourquoi tu t'intéresses à elle, tout à coup?»
- «Ce n'est pas que je ne l'aime pas...»
- «C'est que tu adores cracher sur elle !»
- «Elle aussi, fait pareil. Sauf qu'elle le fait auprès de beaucoup plus de personnes que moi. Et je te signale que toi non plus, tu ne l'aimes pas beaucoup.»
- «C'est vrai, je t'ai déjà dis que je trouvais qu'elle faisait trop sa princesse. Tu vois, je viens de trouver assez de raisons pour éviter de parler d'elle.»
- «S'il te plaît. Trois ou quatre questions puis on passe à autre chose.»
Théo hocha la tête, il acceptait de coopérer, mais pas dehors. L'air devenait de plus en plus frais et les deux jeunes seraient bien mieux à l'intérieur, même si ils allaient devoir parler bien moins fort. Il attrapa le sac de sa camarade pour le lui porter jusqu'à la table où ils allaient s'installer. Il monta les escaliers, de vieux escaliers en pierre qui menaient à la porte automatisée, seul élément moderne de cet ancien bâtiment. La bibliothèque était ouverte jusqu'à 18h30, c'est ce qui était noté sur la grande plaque accrochée au mur extérieur du bâtiment. Normalement, cela devrait leur laisser assez de temps pour discuter et, au moins, commencer leur exposé. Ils passèrent devant une des deux bibliothécaires, une jeune femme d'une trentaine d'années. Elle était passionnée par les livres, l'écriture et la lecture depuis son plus jeune âge et, en plus de son métier, elle s'adonnait à l'écriture d'un roman dès qu'elle était de retour chez elle. L'adolescente le savait car elle avait pris l'habitude de discuter avec elle quand elle se rendait dans ce lieu. Ce lieu qu'elle appréciait beaucoup. Il sentait les vieux livres et elle y pouvait être au calme, tranquille. Ce n'était pas une grande lectrice, certe, mais dès qu'elle souhaitait lire quelque chose, c'est ici qu'elle venait le chercher. Là-bas, les tables n'étaient pas collées les uns aux autres, mais éparpillées un peu partout, entre les différentes étagères. Sûrement pour que les gens ne puissent pas se déranger entre eux. Les deux amis s'installèrent sur le bureau le plus proche des livres historiques. Celui près de la grande verrière les tentait aussi, mais ils devaient au moins faire mine de travailler. Ils étaient assis, l'un en face de l'autre, les affaires de Lauren éparpillées sur la table.
- «On peut discuter?»
- «Pose-moi autant de questions que tu veux.»
- «Est ce que tu as entendu des choses sur Maureen, ces derniers temps?»
- «Des choses? Ah ça, oui, on en entend des choses, sur Maureen. Et pas que ces derniers temps... Enfin, au début, c'était gentil, hein. Des remarques sur son comportements, sa manière d'être. Mais c'est sûr que depuis que Steven l'a larguée, ça parle encore plus. Durant les dernières fêtes, son nom était sur toutes les bouches. J'avais envie de leur demander si ils ne la considéraient pas comme leur reine pour parler d'elle, tout le temps, comme ça. En plus, elle ne s'est pointée nulle part pendant les vacances. Les gens pensent qu'elle ne vient plus car elle est coupable.»
- «Ils pensent qu'elle est couplable de quoi?» Lauren connaissait déjà la réponse, mais elle voulait être sûre qu'ils parlaient bel et bien de la même chose.
- «T'as dû en entendre parler, toi aussi. On dit que Steven serait cocu. Qu'elle l'aurait trompé depuis un mois ou un peu plus.»
- «Oui, j'en ai entendu parler.»
- «Il y a tellement de noms qui sont passés. Augustin le terminal, un gars d'un autre lycée, un ami d'enfance... J'ai même entendu Monsieur Tourel, tu sais, le surveillant et Allison aussi... C'est n'importe quoi, les gens de ce bahut touchent le fond.»
- «Je suis d'accord.»
- «Encore, c'est possible pour certains noms mais...»
- «Je ne pense pas qu'elle est trompée Steven. Elle est amoureuse de lui, je crois.»
- «...il y en a, c'est n'importe quoi. Je ne porte pas ta soeur dans mon coeur mais sortir des "Allison" ou des "Monsieur Tourel", c'est juste pour la salir, elle et ceux qui sont accusés. Regarde, Tourel, il peut être viré pour ça. Et Allison, heureusement que je suis bien plus compréhensif que Steven et que je ne pense pas comme lui. Je ne sais pas si Maureen l'a vraiment trompé mais si ce n'est pas le cas, comme tu le penses, il a mal joué. Je préfère donner toute ma confiance à ma copine plutôt qu'écouter les ragots. Le pire c'est que c'est pas la première fois et que les gens continuent d'y croire dur comme fer...»
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Bonjour bonjour !
Une petite note d'auteur pour vous remercier de vous accrocher malgré les longs temps d'attente et pour vous annoncer qu'il ne reste pas beaucoup de chapitres (je pense 5, en comptant l'épilogue, tout au plus).
Alors que pensez-vous de ce chapitre?
- Ambre ❤
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