☁ Chapitre 31 ☁
-«Tu as raison... Je ferai mieux de demander à Allison de m'aider.» Maugréa Maureen alors qu'elle se mit à renifler avant de se moucher.
Lauren se mit à réfléchir. Qu'est ce que ça allait lui coûter d'aider sa soeur? Rien... Cependant, qu'allait-elle gagner après cela? Peut-être rien. Sa jumelle allait sûrement la lâcher comme une vieille chaussette dès qu'elle n'allait plus avoir besoin de son aide. La rêveuse ne voulait pas être prise pour une conne de nouveau. Or, elle imaginait une possible réconciliation entre elle et sa soeur. Une complicité retrouvée et une vie beaucoup plus facile. Lauren s'imaginait déjà affronter la jungle lycéenne avec son double. Elle avait l'habitude de beaucoup rêver, d'être dans les nuages à longueur de journée. Et là, elle avait bel et bien conscience que c'était un rêve, le futur qu'elle espérait. Cependant une petite lueur d'espoir persistait, au fond de son coeur. Et si elle laissait une chance à Maureen? Dans ce cas, celle-ci pouvait la saisir et retrouver sa soeur ou bien redevenir égoïste et perdre à jamais sa jumelle. C'était quitte où double. Et, enfin, Lauren serait fixée sur les vraies envies et la vraie personnalité de l'adolescente. Elle n'allait plus avoir besoin de se poser de multiples questions à longueur de journée. Elle allait pouvoir arrêter de souffrir de cette situation. Dans tout les cas, cela lui permettrait de passer à autre chose.
- «Maureen, attend...» Intervint la Keller alors que la lycéenne s'apprêtait à raccrocher.
- «Quoi?»
- «Je vais peut-être t'aider.»
- «Oh Lauren tu...»
- «Non. Je vais essayer. Je ne promets rien. Je n'ai pas vraiment d'amis là-bas. Je n'ai pas d'amis là-bas, même, donc c'est sûr que je ne vais pas me faire des ennemis en t'aidant. Mais justement, je n'ai pas non plus énormément de personne à qui demander quoi que ce soit. Je ne leur parle jamais, je ne vais pas commencer pour toi. Je déteste parler aux gens que je ne connais pas trop. Alors je vais peut-être trouver qui a lancé cette rumeur mais tu vas devoir compter sur toi-même pour te racheter une image auprès des autres.»
- Merci...»
Lauren ne répondit pas. Elle ne pouvait pas répondre "de rien", la formule qui suivait habituellement un remerciement. Non, elle ne le pouvait pas car c'était faux. L'adolescente ne souhaitait pas rien en retour. Elle voulait être mieux traitée par sa soeur, rencontrer ses amis. Avoir un coup de pouce pour enfin avoir une vie sociale. Elle voyait son propre intérêt derrière cette aide en toute apparence gratuite.
- «Rentre à la maison maintenant... Ordonna calmement la jumelle de Londres. Elle avait entendu des voitures derrière sa soeur et avait donc conclu que celle-ci se trouvait dans la rue.
- «Oui... Je... Vais prendre le bus ou appeler maman. Je suis un peu loin de la maison, je crois. Je suis complètement partie à l'opposé en sortant de chez Steven. J'espère qu'elle ne va pas me poser trop de questions.»
- «Sinon tu n'as qu'à lui dire la vérité.»
- «Je vais y aller.»
C'est ainsi que Maureen raccrocha sans crier gare. Lauren regarda longuement son téléphone sans comprendre. Elle venait d'assimiler trop d'informations en même temps. Elle venait d'avoir une vraie discussion avec sa jumelle. Elle venait d'apprendre sa séparation. Elle venait d'accepter de l'aider à faire quelque chose qu'elle n'allait sûrement pas réussir à faire. Puis on lui avait raccroché au nez. Elle était totalement perdue. En fin de compte, même si une réconciliation allait probablement être possible, elle aurait préféré que cet appel n'eût jamais lieu. En plus, maintenant, elle était perdue dans les rues de Londres.
Il ne faisait pas bien chaud dehors. La jeune fille se demandait si sa soeur et le psychopathe étaient en train de la chercher. Elle jeta un oeil sur son portable, 3 appels manqués provenant de Léa. Elle était sûrement en train de s'inquiéter.
Lauren, quant à elle, s'inquiétait aussi. Pour sa jumelle. Et pour ce qui allait arriver plus tard.
***
-«J'ai vraiment aimé cette semaine passée avec toi, petite soeur.»
Le départ - ou plutôt le retour - de Lauren était imminent. Son séjour à Londres était passé très vite tant Léa avait trouvé de multiples choses à faire. Des visites, des balades, des sorties nocturnes... Bien des occupations qui avaient permis à la jeune fille de remplir son esprit la journée. Malheursement elles ne lui permettaient pas d'oublier sa jumelle la nuit. C'était lors des moments où elle devait dormir que tout les problèmes du moment et ceux qui allaient arriver faisaient leur apparition dans la tête de la rêveuse. Ce qui lui avait causé des nuits plutôt agitée.
Ce fut quand elle boucla enfin ses valises, qu'elle ressentit la fatigue qu'elle avait accumulée. Elle était presque pressée de rentrer à Paris pour pouvoir tirer cette histoire au clair. Ce que Maureen avait raconté à sa soeur avait presque réussi à lui gâcher ses vacances. Peut-être que c'est ce que recherchait la populaire, finalement? Pourrir l'esprit et les vacances de sa soeur. Maureen était peut-être toujours aussi vicieuse, elle n'avait sûrement pas changé en une semaine.
- «C'était vraiment génial. Tu vas me manquer.
- Je viendrai à Noël de toute façon. Aller, dépêche-toi. Le train va partir sans toi. Et puis Bastian m'attend. Il doit aller à un rendez-vous.»
Lauren câlina sa soeur. La seule chose qu'elle était heureuse de quitter, à Londres, était Bastian. L'aversion qu'elle avait cultivée pour lui dès son arrivée, ne s'était pas tue. Au contraire, elle le détestait de plus en plus et de jour en jour. Elle espérait bien ne jamais le revoir et ne comprenait toujours pas comment Léa faisait pour l'apprécier. Cependant, ce n'était plus son problème. Elle rentrait sur Paris et allait pouvoir oublier son prénom pour toujours.
Le train qu'elle devait prendre allait bientôt partir, alors elle fit une dernière bise à sa soeur avant de monter à l'intérieur pour un voyage d'environ 3 heures.
***
Quand elle descendit du train, Lauren regarda un peu partout. Elle ne savait pas qui avait été mandaté pour l'accueillir, donc elle ne savait pas qui chercher. C'est avec une grande surprise qu'elle s'aperçut. Son propre reflet, sa propre image, au loin, à l'autre bout du quai. Elle avait l'impression de se voir, avancer vers elle-même. En réalité, c'était Maureen. Qui, pour la première fois depuis trois ans, n'avait pas bouclé ses cheveux le matin mais les avait laissé lisses. Elle n'était pas maquillée, non plus. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'était pas sortie, ainsi, au naturel. La rêveuse était étonnée. Elle savait bien que cette séparation et ces rumeurs allaient avoir des conséquences sur sa soeur, mais elle n'imaginait pas un tel changement sur le plan physique. La timide aurait presque dit qu'elle se laissait aller. Et la connaissant, c'est ce qu'elle essayait sûrement de faire. Enfin, elles étaient face à face. Et de nouveau, comme il y avait très longtemps, il était possible de confondre les jumelles Keller. C'est ce que fit très rapidement remarquer Caroline Keller, si heureuse de voir ses filles identiques comme quand elles étaient enfants.
- «Oh ! Vous êtes si jolies toutes les deux. Comment se sont passées tes vacances, ma petite chérie?»
- «Très bien. C'était cool. Je suis contente d'avoir vu Léa et d'avoir pu visiter Londres.»
- «Tu nous raconteras ça plus précisément ce soir, à la maison. Je dois aller faire les courses, je vais vous déposer avant. Je ne pense pas que ça vous intéresse. Il n'y a personne, à la maison. Les petits sont toujours chez papy et mamie. Et Julianne, je ne sais pas. Mais elle n'est pas là. Aller, on y va.»
La mère de famille commença à avancer vers la sortie de la gare. Elle était pressée et prenait donc un peu d'avance par rapport à ses deux filles qui se retrouvaient plus tranquilles pour parler.
- «Tu n'es pas allée chez papy et mamie? Je ne m'en suis pas rendue compte quand tu m'as appelée.»
- «J'ai réussi à négocier. La condition était que je ne sorte pas tous les jours. Je suis pas sortie du tout.» Répondit Maureen, la tête baissée.
- «Et... Pourquoi... Ce changement? Ou plutôt, retour en arrière?» Demanda Lauren en passant sa main devant sa jumelle, de haut en bas, pour lui montrer qu'elle parlait de sa coiffure et de son absence totale de maquillage. Maureen avait supprimé la totalité de ce qui permettait de les différencier. Mise à part les vêtements de celle qui avait beaucoup d'amis, ceux-ci étaient toujours beaucoup plus colorés que ceux de sa soeur.
- «J'avais pas envie de me faire belle. Je me maquillerai et me coifferai bien quand je retournerai au lycée.»
La rêveuse ne savait pas comment réagir face à la dernière phrase de son double. La populaire n'avait peut-être pas l'intention de blesser sa soeur mais c'est pourtant ce qu'elle réussit à faire. Derrière cette phrase insouciante, l'adolescente comprenait que sa jumelle ne se trouvait pas belle au naturel et que par conséquent, qu'elle ne trouvait pas l'autre lycéenne belle non plus, celle-ci ne cherchant jamais à se camoufler. Lauren était partagée entre l'énervement et la compassion. Par cette simple phrase, Maureen venait de dévoiler un manque de confiance en soi qu'elle s'était toujours efforcée de cacher. Justement, celle-ci se rendit compte de ce qu'elle venait de dire. Elle ouvrit la bouche puis la referma. Elle cherchait comment s'expliquer.
- «Désolée... Je... Je... Ne voulais pas dire ça...»
-«C'est bon. J'ai compris.»
Un vent de malaise souffla entre les deux soeurs tandis qu'elles étaient en train de rejoindre leur mère qui les attendait déjà dans la voiture. Elles ne se regardaient plus dans les yeux et se contentaient d'avancer, dans la gare, dans le parking... Une fois devant le véhicule de leur mère, elles ne se regardèrent que quelques secondes pour savoir qui allait prendre quelle place. Et comme d'habitude, c'est Maureen qui monta devant, laissant à Lauren le soin de s'asseoir derrière.
Le voyage en voiture fut long, à cause des multiples embouteillages, mais se fit pourtant très calmement. Les jumelles ne s'étaient pas parlées depuis le quiproquo et Caroline, bien trop stressée par l'heure qui avançait et qui diminuait le temps qu'elle avait pour aller au supermarché, n'avait pas décoché un mot. Une fois devant leur demeure, le docteur Keller ne prit même pas la peine de s'arrêter et laissa descendre ses deux filles au beau milieu de la rue.
- «On va devoir parler.» Annonça enfin Lauren, tirant sa valise jusqu'à la porte d'entrée alors que sa jumelle était en train de l'ouvrir.
Maureen hocha la tête. On aurait dit que c'était elle, la plus timide des deux. La rêveuse pénétra à l'intérieur de sa maison qu'elle n'avait pas vue durant une semaine. Elle ne lui avait pas tant manquée que ça, cette baraque trop grande pour être conviviale.
- «Tu vas ranger tes affaires maintenant?»
- «Je pense, oui. Comme ça se sera fait...»
- «Je peux t'accompagner?»
- «Où ça?»
- «Dans ta chambre. Comme ça je pourrai mieux te raconter pendant que tu videras ta valise.»
- «D'accord. Mais, dis-moi. Est-ce que je t'intéresse vraiment? Je ne crois pas. Je crois que tu as juste besoin de moi pour t'aider. Si tu n'avais pas eu de problèmes, tu ne serais pas revenue vers moi.»
- «Pas du tout ! C'est absolument faux. Tu sais très bien que tu me manques.»
- «Et toi tu dois savoir que j'ai du mal à y croire. Mais que ce soit le cas ou non, ne t'inquiète pas. Je t'aiderai. J'ai un coeur, moi.»
- «Lauren ! Ne dis pas ça ! J'en ai un, moi aussi.»
- «Peut-être...»
- «Tu ne me crois pas?!»
- «J'attends de voir. J'espère que tu comprends bien que je ne peux pas t'accorder ma confiance avec tout ce qui s'est passé. Tout ce que tu m'as fait.»
- «Arrête de me reprocher ça ! Arrête ! Tu sais très bien comment tout a commencé. Tu le sais très bien ! Mais ça, tu ne le dis jamais.»
- «Ce n'est pas le sujet.»
- «Tu vois, c'est toujours pareil. Tu ne racontes qu'une partie de l'histoire. J'en ai marre, Lauren ! Avec toi, tu n'es jamais fautive. Arrête de faire l'ange, je t'en supplie. Montre ton vrai visage, parfois.»
- «Cette semaine, je vais à la bibliothèque pour faire l'exposé d'histoire-géo. Si tu t'en rappelles, je le fais avec Théo. Je lui poserai des questions sur toi. Je commencerai mon enquête à partir de ce moment là. Je sais ce que l'on dit sur toi, je ne sais pas si c'est vrai. Et je m'en fou. J'ai pas besoin d'en savoir plus. Donc maintenant, laisse-moi tranquille. Je vais aller défaire ma valise. Tu n'as qu'à regarder la télévision. On ne peut pas avoir une vraie discussion toutes les deux. Il faut se rendre à l'évidence. On ne s'entend pas et on ne s'entendra jamais.»
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