Chapitre 1
Ce sont les premiers rayons de soleil qui lui firent réaliser qu'elle ne pouvait pas simplement se laisser périr sur cette branche. Lorsque le jour fut bien présent, elle descendit de son arbre et s'arma d'une grosse branche, puis se tourna vers la forêt, bien décidée à trouver un abris.
Après une longue heure de marche dans un silence religieux, Sharone finit par trouver une cabane de bûcheron. Sans réfléchir, elle se jeta presque sur la poignée, mais au moment où elle allait l'abaisser, une longue plainte lui arriva aux oreilles, assourdies par les parois de la cabane. Elle se figea. Presque aussitôt, elle s'abaissa et se dirigea vers la fenêtre pour observer à l'intérieur. Un contaminé, sans doute le propriétaire des lieux, errait dans la grande pièce.
Celle-ci semblait d'ailleurs avoir été victime d'un ouragan, certains meubles étaient renversés, la vaisselle était brisée au sol et du sang traînait sur le parquet, laissant des traînées écarlates à chaque fois que le bûcheron marchait dedans.
L'instinct de survie de Sharone lui souffla que quoiqu'il arrive, elle ne pouvait pas rester sans abris, elle devait entrer. Pour cela, il lui fallait l'éloigner de la cabane.
Elle entrepris un tour du terrain et sur le perron à l'arrière, elle trouva une énorme bûche dans laquelle était plantée une hache. Même si elle s'était persuadée ne pas en avoir besoin, elle l'arracha par précaution et continua son tour. Un peu plus loin, dans un petit cabanon, se cachait un groupe électrogène et des bidons d'essence. Un sourire se dessina sur son visage fatigué, du soulagement.
Finalement, elle retourna sur le porche à l'entrée, accroupi, tendant l'oreille.
Son cœur fit un bond dans sa poitrine quand elle se rendit compte que plus un son n'était audible. Alors, doucement, elle leva la tête vers la fenêtre au dessus de son épaule et se figea d'effroi. Le malade était juste là, derrière la vitre, à l'observer consciencieusement.
Elle se mit à craindre chaque mouvement, que se passerait-il si elle bougeait ? Allait-il briser la vitre à la seule force de ses bras pour la dévorer comme dans les film ou allait-il se désintéresser d'elle ?
Alors qu'elle puisait dans ses dernières forces pour trouver le courage de bouger, la main de l'infecté se posa brusquement sur la vitre. D'un bond, elle descendit du porche et tomba en arrière, surprise et profondément effrayé par ce geste.
C'est seulement à ce moment là que l'homme bougea, semblant essayer de la rejoindre. Et Sharone en était persuadée, peu importe le temps qu'il lui faudrait, il ne cessera pas avant d'y arriver.
« Tue-le ! » lui hurlait son esprit.
-C'est un être humain !
« Tu sais que c'est faux ! »
De toute façon, il lui fallait faire un choix rapidement. Les bois n'étaient pas sûr. Soit elle tuait un malade qui n'avait plus vraiment d'espoir de guérir, soit elle se trouvait un arbre où se cacher. Mais jusqu'à quand ?
Alors, elle se glissa doucement jusqu'à la porte en prenant soin de rester au maximum hors du champ de vision de l'homme, hache bien en main. Droite comme un I, derrière la porte, elle tendit la main vers la poignée et l'abaissa. Dans un grincement sinistre, la porte s'ouvrit.
Un gémissement retentit de plus en plus fort tandis que des pas semblaient se traîner jusqu'à elle. Hache en l'air, à la seule force de ses maigres bras, elle priait que tout se finisse vite, bien décidée à s'abriter dans cette maisonnette.
Ce n'est que lorsqu'elle aperçu la tête de l'infecté dépasser de la porte qu'elle senti toute sa conviction s'envoler.
« J'en suis incapable... » a-t-elle alors pensé.
Le bûcheron se tourna vers elle, et pour la première fois, elle se surpris à observer son plus-que-probable agresseur.
Un voile blanchâtre couvrait ses yeux et chaque veines et artères semblaient avoir été dessinées à même sa peau au feutre violet. Des craquelures se cachaient par endroit, menaçant de s'ouvrir plus à chaque mouvement. Une morsure dont la blessure était béante était presque fièrement affichée sur son biceps gauche.
« Comme il doit souffrir... »
Ce fut la seule chose à laquelle elle était capable de penser présentement.
Elle ne pensait même pas à la mort qui semblait lui tendre les bras, ni à ces ongles sali par le sang qui se tendaient dangereusement vers elle. Ce n'est que quand elle vit ses dents, bien humaines, un peu jaunâtres, s'approcher de sa peau qu'elle eût un éclair de lucidité.
« Cours ! »
Et c'est ce qu'elle fit.
Sharone parvint à s'éloigner de l'infecté et courir aussi vite qu'elle le pouvait, la fatigue et la hache rajoutant du poids à ses jambes déjà lourdes de nervosité.
Seulement, l'homme aussi savait courir. Il n'était pas spécialement rapide, pas plus qu'un humain moyen, mais si Sharon était sûre d'une chose, c'était qu'elle n'avait aucune chance à la course d'endurance.
Les larmes lui montaient aux yeux. Elle repensa à sa sœur, ses parents, que leur étaient-ils arrivé ? Elle se promit de les appeler si elle en ressortait vivante.
Son esprit se dirigea ensuite vers son petit ami, sans doute transformé lui aussi, sacrifié pour elle. Et la dernière personne à laquelle elle se permis de penser fut son chien, Tit-Bob, qui n'avait pas eu de chance, lui non plus, voulant prouver sa loyauté, il avait aussi perdu la vie. Et plus elle pensait, plus le désespoir l'envahissait.
Non, il en était hors de question. Elle ne voulait pas mourir. Pas maintenant, pas avant d'avoir compris. Elle ne finirait pas comme son fidèle Tit-Bob.
Seulement, elle sentait aussi la fatigue l'envahir. Les pas du bûcheron se rapprochaient. Lui ne semblait pas la ressentir, la fatigue.
« Quelle veine. »
Alors, dans une dernière lueur d'espoir, elle se tourna brusquement, levant sa hache.
Elle ne pensait pas que ça serait aussi rapide. Aussi facile.
La hache s'enfonça dans sa nuque et le bûcheron s'effondra.
Elle avait survécu, pourtant, une violente nausée lui pris et elle ne pu la refouler. En même temps, elle pleurait. Il lui semblait que même hier, elle n'avait pas tant pleurer. Même hier elle ne s'était pas sentie aussi misérable.
- Qu'est-ce que j'ai fais ! a-t-elle laissé échappé.
Quand bien même son esprit lui hurlait qu'elle avait réussi, qu'elle était vivante, elle ne pouvait regarder autre chose que le cadavre qui était à ses pieds.
Oui, elle avait survécu, mais à quel prix ?
Elle tentait de se consoler en se disant que ses souffrances étaient ainsi abrégées, mais rien n'y faisait.
Elle avait assassiné quelqu'un.
Alors, la forêt ne lui avait jamais semblé aussi sombre. Tout autour d'elle semblait la juger coupable d'un crime qu'elle n'aurait jamais voulu commettre.
- Ce n'est pas un crime de vouloir vivre !
Une vague d'angoisse lui serra le cœur. Elle craignait que d'autres malades, attirés par le meurtre d'un des leurs, ne viennent et ne le vengent, ou qu'un humain, bien saint d'esprit, ne vienne et ne la punisse pour son crime.
Pleurant, tremblante, incapable de faire un pas sans vaciller, elle arracha la hache du corps de sa victime et se traîna jusque dans la cabane où elle s'enferma, bloquant toutes les issues à l'aide des meubles qu'elle trouvait avant de tomber à genoux au milieux d'une des pièces, ses jambes ne la portant plus.
Dans ses mains demeurait l'arme du crime. Effrayée, comme si la hache allait l'attaquer elle aussi, elle la jeta loin d'elle. L'arme glissa sur le plancher et Sharon se retrouva dos à un coin de pièce, qui, emportée par son chagrin, s'endormit après de longues heures de lamentation, la tête dans les genoux.
Ce fut une vibration dans sa poche de veste qui la réveilla. Son téléphone.
Elle l'avait complètement oublié avec tous ces événements.
C'est alors qu'une lueur d'espoir naquit au creux de son estomac. Elle regarda immédiatement qui l'appelait et les larmes lui montaient aux yeux. C'était sa sœur.
- Sarah...
- Sharone, mon dieu ! J'arrive enfin à te joindre ! a sangloté l'aîné au bout du fil. Dis moi que tu vas bien et que tu es en sécurité !
- Je suis en sécurité... Je me suis réfugiée dans une cabane de bûcheron...
En repensant au-dit bûcheron, sa gorge se serra et elle préféra détourner l'attention.
- Et toi, et les parents ? Vous allez bien ?
- J'ai été prise en charge par l'armée. Ils nous ont emmené dans un camps pendant un moment, et on va bientôt aller dans un endroit ultra-sécurisé. Nos parents ont moins eu de chance... Ils sont infectés eux aussi...
- Oh non...
- Les militaires les ont assassinés, ils m'ont dit qu'il valait mieux ça qu'une vie de souffrance à errer sans but... Pitié, fais attention à toi...
- Ne t'inquiète pas pour moi... Je vais bien pour le moment.
- S'il te plaît, essaie de trouver un camp militaire où te réfugier, on se retrouvera bien à un moment !
- Je vais essayer.
- Je dois te laisser, tiens moi au courant. Je t'aime.
- Moi aussi...
Elle laissa tomber son bras le long de sa jambe, les jambes toujours repliées contre son buste. Si le monde s'effondrait toujours, le siens pouvait tenir encore un peu : sa sœur allait bien. Son regard se porta sur l'heure de son téléphone. Il était presque dix-sept heure, inutile de partir maintenant, elle n'avait aucune idée de où aller pour trouver un camp de réfugiés, elle se ferait prendre par la nuit. Elle se contenta de faire le tour de la maisonnette, fouillant toutes les pièces. La cabane était plutôt grande et possédait un étage avec deux pièces : une chambre et une salle de bain. Elle fut rassurée de voir que son refuge était fourni en eau et en électricité, et trouva quelques conserves de légumes, de la viande provenant sans doute de sa chasse et des bocaux de nourriture stérilisée. Elle trouva également des vêtements propres, des bougies, une lampe de poche, un couteau de chasse et deux fusils, une carabine et leurs munitions.
Décidément, ce bûcheron-chasseur était bien logé, une chance pour elle.
Une fois sa visite terminée, elle décida de briser des meubles qu'elle jugeait inutile, comme des placards à qui elle arrachait les portes pour les clouer aux fenêtres ne possédant pas de rideaux pour cacher la vue. Avant la tombée de la nuit, son refuge était devenue une forteresse.
Bien qu'en sécurité et emmitouflée dans des draps chauds, elle ne parvint pas à dormir cette nuit là, en proie à d'affreux sanglots ou des cauchemars les rares minutes où elle parvenait à fermer les yeux.
Le lendemain, aux premiers rayons de soleil, elle refit le tour de la propriété, armée de sa hache. Elle ne découvrit rien de plus, bien évidemment.
Il lui fallut un peu de courage pour s'avancer loin du propriétaire. Elle avait rempli un sac à dos de munitions et d'une conserve et s'était armée de la carabine. Elle n'avait bien évidemment pas abandonnée sa hache qui, bien qu'actrice d'un traumatisme, semblait être devenue l'image de la cruauté qu'elle était capable de faire preuve.
Pour la première fois depuis le début de la catastrophe, elle s'aventura hors de sa clairière et sa forêt. Lorsqu'elle retrouva la route, elle hésita un instant à s'y avancer. C'était une route de campagne, la seule chose qu'il y avait à l'horizon était des champs, rien pour se cacher avant une dizaine de minutes de marche. L'appel de sa sœur lui donna du courage, se disant que si elle trouvait un militaire, il l'aiderait à la retrouver.
C'est ainsi qu'elle partit vers la ville.
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J'avais la fleeeemme d'attendre un mois entre la publication du prologue et celle-ci, alors comme on a changé de mois je me hâte de le poster aujourd'hui.
J'essaierais de tenir un rythme de un chapitre tous les premiers du mois.
J'espère que ce chapitre vous a plu, et au mois prochain !
[01/11/2019]
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