Les trois amis étaient assis sur le lit de Ruby, pour réfléchir à qui pourrait être le véritable coupable. Ils émirent quelques idées, mais aucune ne fut concluante. Mia écarta les mèches brunes qui lui cachaient la vue. Elle devait se concentrer pour résoudre cette enquête.

— Nous ne sommes même pas sûrs de l'avoir déjà rencontré, soupira Ruby. Ça pourrait bien être une des personnes aux yeux ambrés qui ferait semblant d'être contrôlée pour qu'on ne la suspecte pas. Ou alors un total inconnu.

— De toute manière, on ne pourra pas deviner son identité, intervint Liam. Nous n'avons pas assez d'informations pour l'instant. Surveillez bien la couleur des yeux des personnes. S'ils sont ambrés, il ne faudra pas leur faire confiance. Cela voudra dire qu'ils sont contrôlés par cette mystérieuse personne.

— Le pire, c'est qu'on pourrait ne pas le remarquer, affirma Ruby. Quelqu'un pourrait très bien mettre des lentilles de contact d'une couleur différente pour ne pas être soupçonné.

Devant l'expression interdite de ses amis, elle rajouta :

— Ce sont de fines couches de plastique de différentes couleurs à poser sur les yeux. Elles peuvent permettre de voir sans lunettes ou de changer la couleur de ses yeux pour un moment. Comme je sais que votre monde est très avancé technologiquement, je me demande pourquoi elles n'existent pas.

— Nous n'avons jamais besoin de lunettes dans notre monde, expliqua Mia. Et la couleur des yeux n'a pas beaucoup d'importance, je pense que c'est pour cette raison qu'il n'y en a pas.

Ruby acquiesça puis prit sa tête dans ses mains. Elle avait l'air abattue, et Mia ressentait la même chose qu'elle. Leurs découvertes ne servaient plus à rien maintenant qu'ils savaient que Robert Slivy n'était pas coupable. Sa fille déclara d'un air abattu :

— De toute façon, ce n'est pas notre plus grand souci pour l'instant. Il faudrait d'abord qu'on pense à s'enfuir. Nous n'avons aucun matériel sur nous, et il n'y a aucune porte de sortie.

Elle vérifia le contenu de ses poches pour prouver ses dires. Cependant, elle en sortit un petit objet avec surprise.

— Ils m'ont laissé ma bague cassée !

— Ils ne l'ont sans doute pas prise pour cette raison, supposa Mia. Elle ne sert plus à rien maintenant.

— Peut-être qu'elle pourrait être réparée, la contredit Liam. Je pourrais tenter de le faire, ça ne doit pas être si compliqué.

Ruby, peu convaincue, tenta de coller ensemble les deux parties de l'anneau. Comme elle s'en doutait, cela n'eut aucun effet.

— Regarde, elle ne marche toujours pas. Ça m'étonnerait qu'on puisse la refaire fonctionner.

— Je voulais être forgeron avant, rétorqua le jeune homme. Avant que je sois déclaré Inanimé. Je pense pouvoir faire quelque chose, laisse moi essayer.

Elle hésita quelques secondes, puis tendit l'objet à son ami. Celui-ci le saisit et commença à le soupeser et à le faire tourner entre ses doigts. Mia détourna de lui son attention et demanda à Ruby de faire de même.

— Il va avoir besoin de concentration pour la réparer. Enfin, s'il y arrive. Sans matériel, ce sera compliqué pour lui. En tout cas, il faut le laisser tranquille pour qu'il fasse de son mieux.

Liam acquiesça pour confirmer ses paroles et se mit soudainement sous sa couverture, malgré la chaleur de la pièce. Avant que Mia ne lui pose la question, elle remarqua le regard que Ruby lançait à une des caméras. Elle avait oublié qu'ils étaient surveillés et qu'ils devaient faire attention à leurs paroles et leurs gestes. Heureusement, son ami y avait pensé et s'était caché pour que leurs geôliers n'aient aucun soupçon.

Soudain, un bruit de cloche résonna dans la pièce. Une voix préenregistrée déclama :

— Extinction des feux dans cinq minutes. Je répète, extinction des feux dans cinq minutes.

La lumière commença à baisser légèrement et Mia se rendit alors compte qu'elle venait des murs. C'était donc ceux-ci qui les avaient éclairés depuis leur arrivée.

Elle échangea un regard entendu avec Ruby et celle-ci rentra dans sa couchette. Ils devaient se reposer pour espérer se rappeler des événements récents. Aucun des trois amis n'avait retrouvé la mémoire de ce qu'il s'était passé ces dernières semaines.

Mia réutilisa la technique de la couverture, pour ne pas voir la pièce du bas à travers le sol en verre. Lorsqu'elle fut dans son lit, elle rabattit sa couverture sur elle, juste au moment où la lumière s'éteignit.

Il fallait absolument qu'elle se repose pour être au meilleur de sa forme lorsqu'elle tenterait de s'enfuir. Elle réfléchit à un plan pour ce faire durant une bonne partie de la nuit, mais sans succès. Elle finit donc par sombrer dans un sommeil tumultueux.

***

Le lendemain matin, la jeune fille fut réveillée en douceur par la clarté des murs qui augmentait progressivement. Elle profita encore quelques instants de la douceur des draps. En effet, la texture était bien plus agréable que celle du sol sur lequel elle avait dormi pendant le début de la mission.

Elle finit par cligner des yeux, essayant de les garder ouverts malgré la vive lumière qui lui brûlait les rétines. Au bout de quelques secondes, elle remarqua que ses amis étaient déjà levés. Ruby semblait perdue dans ses pensées tandis que Liam tentait encore de réparer la bague magique.

Mia s'assit sur son lit, soudainement découragée. Malgré ses réflexions durant la nuit, elle n'avait trouvé aucun plan d'évasion. Elle avait évalué toutes les possibilités, mais cette pièce n'avait aucune issue et avait été construite pour enfermer des prisonniers.

Cependant, quelqu'un entrerait forcément à un moment ou à un autre. Cette personne utiliserait une entrée, qui pourrait devenir leur porte de sortie.

Pour l'instant, il fallait attendre. Une minute, une heure, une journée... Cela pourrait durer longtemps. Mais c'était la seule solution possible, et elle n'avait pas le choix. Elle s'allongea sur son lit, résignée.

Plus tard dans la journée, Mia fut réveillée par un étrange bruit venant du sous-sol. Sur le qui-vive, elle jeta un coup d'œil à la pièce du bas. Une porte qu'elle n'avait pas remarqué venait de s'ouvrir. Une issue potentielle.

Mais ce n'était pas tout : un homme venait d'entrer dans leur prison. Elle mit quelques instants à le reconnaître. C'était le père de Ruby, et ses yeux étaient toujours d'une belle couleur ambre. Si leurs découvertes étaient vraies, cela voulait dire qu'il n'était pas lui-même.

Mia décida de prévenir ses amis de cette arrivée. Elle n'avait aucune idée de ce que voulait Robert Slivy, et elle se sentait plus forte avec des alliés à ses côtés. Elle leur fit signe puis Liam se releva de son lit. Ruby, qui n'avait toujours pas son fauteuil roulant, s'assit difficilement dessus avec l'aide du jeune homme.

Ils observèrent tout trois l'homme qui les jaugeait du regard. Il se déplaça lentement pour se placer au centre de la salle, exactement sur la pupille du gigantesque œil qui ornait le sol. Une colonne de lumière jaillit de la mosaïque tel un geyser pour rejoindre l'ornement similaire situé sur le plafond de la pièce du haut.

Mia eut un frisson d'angoisse, effrayée par cet éblouissement soudain. Elle aperçut des marches illuminées se créer pour former un escalier brillant. Le père de Ruby le monta tranquillement, sans aucune trace de surprise. Son visage impassible était recouvert d'une barbe de quelques jours et ses cheveux mal coupés n'avait pas été coiffés. Peut-être est-il préoccupé par quelque chose d'important...

Lorsqu'il finit de gravir les escaliers, Robert Slivy avait traversé la plaque de verre qui semblait pourtant indestructible. Il s'arrêta complètement et, d'un simple geste de sa main, la vive lumière s'éteignit. L'homme se trouvait à présent au même étage qu'eux.

— Ce merveilleux système ne marche que dans mon sens, se moqua-t-il. Vous ne pourrez pas l'emprunter pour vous enfuir.

Mia grinça des dents : c'était exactement ce à quoi elle avait pensé. Son adversaire dut remarquer son expression car il eut un sourire amusé. Énervée, la jeune fille se mit en position d'attaque, ses deux poings protégeant son visage déterminé. Maintenant que leur ennemi était devant eux, elle n'arrivait plus à retenir sa colère.

Elle s'avança de quelques pas, puis serra sa main. Elle reprit son souffle, concentra toute son énergie et sa frustration dans son geste. Enfin, elle brandit son poing qu'elle envoya de toutes ses forces vers son ennemi. Les sourcils froncés, elle laissa échapper un grognement de colère lorsque son coup fut dévié. Autour du père de Ruby venait de s'élever un champ de force qui avait stoppé la puissante attaque.

— Ça ne sert à rien, prit la peine d'ajouter Liam. Tu risques de te faire mal si tu continues.

Pourtant, Mia continua d'attaquer son adversaire. Ses coups étaient de plus en plus puissants, cela étant dû à sa rage de ne pouvoir le toucher. Elle savait que c'était une erreur de dépenser ses forces, mais elle avait besoin de déverser la colère qu'elle avait accumulé. Le sourire de son opposant la poussait à faire de son mieux pour percer le champ d'énergie. Sans résultat, malheureusement.

Au bout de plusieurs minutes de lutte désespérée, Mia s'écarta, transpirante et s'assit sur son lit. Elle n'avait pas l'habitude de laisser échapper ses sentiments comme ceci. Elle s'assit sur son lit, regrettant soudainement ses actes. Elle s'aperçut qu'elle avait même oublié le sol transparent et son vertige. Par prudence, elle s'écarta du bord de la couchette.

— Qu'est-ce que tu veux ? lança alors Ruby. Tu n'es pas venu ici pour nous narguer, je suppose ?

Mia soupira de soulagement en voyant que son amie ne semblait plus trop affectée par la trahison de son père. Celle-ci affichait un visage confiant, preuve qu'elle s'en était bien remise. Son père la toisa puis laissa finalement échapper :

— Je vous propose de coopérer avec nous. Vous avez du potentiel et vous pourriez nous être utiles en jouant les agents doubles.

— Nous n'avons toujours presque aucun souvenir de ce qu'il s'est passé, argumenta Liam.

— À part celui de votre sale gueule, pesta Mia.

Aucune réaction de la part de son adversaire, si ce n'est un haussement de ses sourcils.

— Rendez-nous notre mémoire, et nous pourrons réfléchir à une alliance, proposa Ruby d'un air confiant.

La jeune Passeuse de Rêves jeta un regard noir à son amie. Allait-elle vraiment sacrifier leur amitié ? Mais elle perçut son regard appuyé, et elle réussit à se maîtriser. Cela faisait sans doute partie d'un de ses plans. Mia hocha donc la tête et ayant l'air intéressée par la proposition. Malgré ses piètres talents de comédienne, cela semblait marcher. Robert Slivy acquiesça et annonça :

— Je reviendrai dans quelques heures, le temps que vous vous remettiez. Attention, ça va faire très mal.

Mia s'allongea directement sur son lit, s'attendant à recevoir une grande douleur. Un flash de lumière éclaira alors la pièce, si rapidement qu'elle eut à peine le temps de la remarquer. Puis la souffrance survint, et elle dut se faire violence pour ne pas crier. Elle ne voulait pas donner cette satisfaction à son ennemi, même si elle ne pouvait empêcher son corps de trembler.

Puis les images défilèrent dans sa tête les unes après les autres. Cette fois-ci, elle laissa échapper un gémissement de souffrance. En ce moment, elle aurait préféré mettre fin à sa vie que de subir cette douleur.

Malgré tous ses efforts pour rester lucide, la jeune fille sombra peu à peu vers l'inconscience.

***

Une violente migraine la clouait à son lit. Heureusement, ses souvenirs étaient maintenant intacts. Elle se rappelait de tout. Cependant, leur adversaire avait eu raison de dire que la douleur serait atroce. Elle en ressentait encore les effets avec des maux de tête.

Mia se concentra pour ouvrir les yeux, malgré sa fatigue. Sa vue étant toujours brouillée, elle eut du mal à deviner qui était la personne se tenant devant elle. Lorsqu'elle la reconnut, elle bondit vivement en arrière.

Le père de Ruby était déjà revenu les interroger. La jeune fille se releva brusquement, ignorant sa souffrance. Puis, lorsqu'elle remarqua son expression, elle se rassit. En effet, l'homme restait debout, les yeux clos, comme déconnecté de la vie réelle. Aucune menace potentielle.

Ses amis étaient déjà réveillés et discutaient à voix basse. La jeune fille les appela pour les prévenir de son réveil. Peut-être était-ce le moment d'attaquer leur ennemi tant qu'il était endormi ?

— Je suppose que vous êtes prêts à discuter de notre future collaboration, fit alors une voix rauque.

Mia sursauta. Robert Slivy avait ouvert ses yeux ambrés sans qu'elle s'en rende compte. Liam et Ruby avait l'air aussi étonné qu'elle. Avant qu'un des trois ne prenne la parole, il continua :

— Vous avec intérêt à accepter mon offre. De toute façon, vous croyez vraiment pouvoir m'échapper ? Vous ne pouvez rien contre moi.

— Nous avons réussi à survivre assez longtemps dans votre repaire sans nous faire prendre, se défendit Ruby. On a réussi à réunir assez d'indices pour savoir qui était le véritable coupable – c'est-à-dire vous.

Mia lui jeta un regard interrogateur avant de comprendre. Son amie ne voulait pas faire savoir à leur véritable ennemi, qui contrôlait Robert Slivy, qu'ils l'avaient démasqué.

— Ce n'est pas grâce à vous, se moqua-t-il. Lorsque vous avez déclenché l'alarme, vous êtes tombé sur une toile d'araignée qui s'est collé sur vos vêtements. J'ai donc pu vous repérer et vous pister grâce à un de mes gadgets. C'était un jeu d'enfant. J'ai après demandé aux employés de jouer le jeu. Tout ce que vous avez trouvé, c'est grâce à moi. Vous vous êtes jeté dans la gueule du loup.

— C'est pour ça que la mission paraissait si facile, souffla la jeune fille, horrifiée.

Elle se souvenait du regard que lui avait lancé Noah lorsqu'elle s'était cachée dans son bureau. Elle avait alors pensé que ne pas les dénoncer était une simple bonté du jeune homme. Elle aurait pu deviner la manigance à ce moment là. Grossière erreur.

— La seule chose que je n'avais pas prévu, c'était le passage secret dans l'aquarium, leur expliqua le père de Ruby. Mes chers assistants – le chef Maskri et sa femme – m'ont en caché l'existence. D'ailleurs, je devrai penser à les éliminer pour m'avoir caché des informations aussi capitales. Bref, je pensais vous piéger mais vous m'avez échappé.

Mia pensa avec amertume que c'était bien la seule chose qui avait marché. Ils n'arriveraient jamais à s'enfuir. S'ils n'avaient même pas réussi à échapper à la vigilance de Robert Maskri, comment se sauver d'ici ? De toute façon, s'ils réussissaient à sortir de la prison, ils n'arriveraient pas à rejoindre leur monde. À moins que...

— Vous voulez dire que vous nous suivez depuis notre entrée du monde des Rêves ?

— Vous n'arriverez pas à ressortir par le même moyen que vous êtes entrés. Tous mes employés recevront le sérum AntiRêves, dès ce soir. Et il sera bientôt commercialisé, donc vous n'aurez pas le temps d'en avertir votre charmant Grand Conseil. De plus, il est impossible de traverser les rêves dans cette prison.

Malgré son angoisse de savoir que le sérum serait distribué, la jeune fille afficha un sourire victorieux. Grâce à son mensonge, elle venait de trouver un moyen de s'enfuir.

Tout n'était pas perdu.

Hello tout le monde !
J'espère que vous avez apprécié ce chapitre (lent à être publié, mais plus long que les autres = 2600 mots).
Je vais essayer d'écrire plus pendant les vacances, et peut-être pouvez-vous espérer la suite pour le 25 décembre (cette fois je vais essayer de me motiver 🎁).
Voilà quelques petites questions :
1 : Que pensez-vous du plan de Mia ?
2 : Avez-vous deviné quel est son mensonge ?
3 : Pensez-vous que nos trois amis vont réussir à s'enfuir ?
Faites chauffer vos méninges et dites-moi toutes vos théories (même les plus farfelues) =>
Réponse au prochain chapitre !
Valentine P. 🎄✨