Prologue

Comment en étaient-ils arrivés là? Les secondes s'écoulaient de leurs yeux larmoyants. Les minutes pulsaient dans leurs veines. L'écoulement incessant et régulier du sang était la seule preuve de vie. Un tableau de nature morte. Yeux dans les yeux. Souffle contre souffle.

Cette scène digne des pires peintres n'avait cependant rien d'abstraite. Aussi étrange et fascinant que cela pouvait être, il en ressortait une douce mélodie. Un violoniste jouait ses meilleurs accords. La gamme résonnait au creux de leurs coeurs morts depuis des années. Le rythme allait-il parvenir à raviver cette flamme d'humanité?

La monnaie d'échange était simple. Cependant, aucun son n'osait quitter le foyer de leurs lèvres. Une seule fausseté et tout s'écroulerai. Tel un funambule suspendu dans le vide, ils jouaient avec le feu ardent du pardon. Coincés entre le réel et l'illusion, entre la vie et la mort, ils ne savaient plus où donner de la tête. Toutes notions avaient disparues depuis trop longtemps. Le temps. Depuis quand étaient-ils ici? Combien de temps restait-il avant le dénouement? Au final toute leur vie avait toujours tournée autour du temps. Il les contrôlait, il les manipulait.

Le temps est vicieux.

Le temps est beau.

Le temps est cruel.

Le temps est amoureux.

Jouant avec eux tels des pantins de bois, il avait finalement obtenu ce qu'il souhaitait depuis tout ce temps. Cette étape cruciale allait décider de leur avenir plus ou moins proche, allait réparer chacune de leurs erreurs passées. Leur permettre un renouveau. Et pourtant, le temps s'écoulait sans que personne n'ose bouger.

La peur de l'inconnu. Sans nos souvenirs nous ne sommes rien. La chose à laquelle chaque humain tient le plus est sa propre mémoire. Elle le définit. Elle le guide lors des moments de doute. Elle l'empêche de sombrer. Elle représente sa vie, son futur et son présent. Elle est sa propre bible. L'homme n'a pas peur de la mort, il a peur de l'oublie. Il a peur de ne plus se souvenir. Car après tout, si l'on disparaît, personne ne sera présent pour écrire notre mémoire.

Trente minutes.

La voix de l'horreur venait d'heurter durement leurs tympans. Leur rappelant que le temps était de l'agent. Il leur fallait agir. Dans quelques instants ce serait finit. La prochaine fois que leurs yeux s'ouvriront, un monde nouveau leur sourira. Un monde où le temps ne sera plus compté.

C'est à cet instant précis qu'il vis ses lèvres s'entrouvrirent. Elles tremblaient. Elles l'absorbaient. Il les contemplais, complètement éblouie par leur beauté. Ce rose digne des plus belles fleurs. Ces petites fissures preuve d'une légère sécheresse. Ce fameux toc qu'il avait de se les mordre dès que la situation devenait trop dense. Etait-ce la dernière fois qu'il verrais tout cela?

Et pourtant, malgré toute la volonté qu'il pu mettre, le son de sa voix lui parvint. Il lui heurta de plein fouet. Il était temps de se faire face. Il ne pouvais plus fuir. Alors durant ces dernières minutes il l'écouterai. Il lui pardonnerai. Et il lui offrira le temps dont ils avaient manqué.

Sa décision était prise.

« Ce n'est pas l'homme qui arrête le temps, c'est le temps qui arrête l'homme.»

Mémoires d'outre tombe (Livres I à XII), Livre de Poche, p. 301. - Chateaubriand

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