Ranmaru traverse les rues d'Inazuma d'un pas pressé. La nuit est déjà tombée, le froid lui colle à la peau, le silence a de quoi l'oppresser. Sa mère va probablement s'énerver si elle apprend qu'il est sorti à une heure pareille. Enfin, si elle s'en rend compte. Ca l'importe peu, de toute façon. L'adolescent aux cheveux roses n'a qu'une destination en tête : le parc de la tour.

Lorsqu'il y parvient enfin, quelqu'un l'attend déjà. Sur son téléphone, il lève les yeux en entendant les pas de Ranmaru s'approcher et sourit.

- Enfin de retour parmi la civilisation moderne ?

Le plus âgé sourit à son tour et lâche un rire amusé. Oui, normalement, les lettres, c'est fini. Même s'il n'est pas certain de pouvoir communiquer de vive voix de suite, il a récupéré cet objet magique qu'est son téléphone, bien plus pratique et rapide. Comme le lui ont si bien dit ses amis, il doit faire à son rythme, sans se mettre la pression.

Soudain, Masaki s'approche pour le prendre dans ses bras. Cela surprend Ranmaru, car de ce qu'il sait, le plus jeune n'est d'ordinaire pas très friand des gestes affectifs. Ce dernier s'explique :

- Moi aussi je tiens beaucoup à toi, alors t'as plus intérêt à penser le contraire, ok ?

L'étreinte dure quelques secondes réconfortantes mais hélas bien trop courtes à leurs yeux. Lorsqu'ils se séparent, Ranmaru hoche la tête pour répondre à Masaki. Puis, il ferme les yeux. Inspire. Une fois. Une deuxième, juste pour être sûr. Tout ira bien, il se répète. C'est Masaki. Il l'a dit lui-même, ça ne peut être que lui, et personne d'autre.

Une troisième inspiration, juste au cas-où. Ses lèvres s'ouvrent, ses cordes vocales vibrent, le son devenu presque étranger résonne dans ses oreilles.

- Merci.

Masaki écarquille les yeux de stupeur. Puis, son habituel regard joueur se teinte d'émotion, et son sourire narquois devient sincère. Car tant qu'il s'agit de Ranmaru, il n'a pas peur de montrer ses véritables sentiments.

- C'est normal Ran. Je suis... ton ami, tu peux toujours compter sur moi.

Toutefois, Ranmaru secoue la tête. Il essaye de nouveau de parler, or, cette fois, les mots refusent de sortir. C'est bien ce qu'il craignait, il est encore trop tôt. Sa conversation avec Atsushi lui revient alors en mémoire. Si la parole lui fait défaut, les gestes peuvent parler pour lui.

L'adolescent aux cheveux roses s'approche de nouveau du plus jeune. Il pose une main sur son épaule, l'autre sur sa joue. Ses gestes sont lents, prudents, craintifs presque. Il veut s'assurer que, si le défenseur aux yeux dorés souhaite reculer, il ait le temps de le faire. Masaki n'en fait rien. Au contraire, il passe ses bras autour des épaules du plus grand et déclare alors :

- Vas-y, je vais pas te repousser.

Ranmaru clôt l'espace entre eux et l'embrasse. Chaque mot, chaque ligne, chaque paragraphe écrits pendant ces vacances prennent tout leur sens d'un seul coup. Ranmaru n'a pas choisi d'écrire à Masaki par hasard. Et Masaki n'a pas lu ses lettres avec attention et cherché à le réconforter par hasard. Dans le désarroi auquel ils faisaient face, ils se sont instinctivement cherchés, et ont fini par se trouver.

Lorsqu'ils se séparent, les deux adolescents se plongent dans le regard de l'autre. Ranmaru réalise alors une chose : il a déjà tenu l'une de ses résolutions ; celle d'exprimer ce qu'il souhaite réellement. Ce qu'il souhaite, c'est de réussir à confier ses tracas plus souvent, au lieu de s'enfermer dans la solitude par peur de déranger. Ce qu'il souhaite, c'est d'être aux côtés de Masaki. Ce dernier lui demande d'ailleurs :

- Ran, tu veux sortir avec moi ?

Une inspiration. Une deuxième. Une troisième. Nul besoin d'avoir peur. Masaki est là, Masaki l'écoute, et Masaki ne l'abandonnera pas. C'est pourquoi Ranmaru sait qu'il peut parler sans crainte :

- Oui. Je t'aime, Masaki.

Et voilà, la deuxième résolution est tenue.