Oh, tu verras

Je suis venu au monde,

Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas comment.

C'était il y a trois ans, j'ouvrais mes yeux marron

Pour contempler sa ronde que je ne comprenais pas.


Ça ne tournait pas rond.

Maman, d'un œil brillant contemplait les lilas.

Elle me disait parfois avec un grand sourire :

"Tu verras, mon garçon", je ne vis rien pourtant.


J'ai de vagues souvenirs,

de ce petit vallon où j'ai vécu ma vie,

Où depuis tout petit, sous les branches du chêne

Je venais m'assoupir au rythme des saisons.


L'âme déjà en peine,

Je flânais dans le coin quand brillait le soleil,

Cueillant les fruits vermeil d'un cerisier en fleurs

Qui poussaient par dizaines du soir jusqu'au matin.


Aujourd'hui j'ai bien peur,

Que rien n'ait survécu, que tous les fruits soient morts,

Que sous un mauvais sort, le vallon ne soit plus là

Pour supporter mon cœur car il a disparu.


Oh, tu verras,

Comme me disait ma mère quand elle vivait encore,

Quand elle faisait l'effort de vivre encore une fois,

Qu'elle aimait ses lilas à ne plus savoir qu'en faire.


Oh, tu verras,

Je regrette le printemps où les fleurs renaissent

Sans être tenues en laisse par la mort et ses lois,

Je hais tout ses lilas qui furent encore un temps.


Oh, tu verras,

L'été comme un éclair passe et ne brille plus,

Je préfère vivre reclus loin de toute cette joie,

Et si je reste là c'est pour attendre l'hiver.


Oh, tu verras,

L'automne et ses victimes, la saison qui dénude,

Je hais cette solitude qui me fait devenir las,

J'entend sonner le glas de ces feuilles qui s'abîment.


Oh tu verras,

C'est l'hiver que voilà, il n'est là que pour moi,

Son manteau de verglas m'emporte avec effroi

Dans un sombre trépas à mesure que je tombe.


Tu feras graver ma tombe,

"À vécu toute sa vie mais sans jamais la vivre",

À la manière d'un livre racontant mon histoire

Des fleurs aux catacombes en lettres de marbre gris.


Car je n'ai plus d'espoir.

Même si le printemps vient je ne renaîtrai pas,

Ou alors pas comme ça, pas comme je le devrai,

Des pétales tout noirs fanés en un rien de temps.


Les fleurs du cerisier,

Jadis d'un rose pâle virent d'un gris éclatant,

Les fruits deviennent blancs sans que l'on ne sache pourquoi

Et le vallon renaît avec beaucoup de mal.


Oh, tu verras,

Même s'il persiste il est déjà trop tard,

La vie lui a fait tare et la plaie restera,

Il ne reviendra pas même s'il résiste.


Oh, tu verras,

Maintenant c'est à ton tour d'ouvrir tes grands yeux ronds,

Ma mère avait raison, j'ai vu tous ses lilas,

De la vie au trépas, croyant vivre toujours.


Oh, tu verras,

Les mêmes désillusions que t'offre ainsi la vie,

Tu sera démuni comme moi autrefois,

Et alors tu vivras le cœur plein de questions.


Oh, tu verras,

En cherchant des réponses, tu tomberas de haut,

Droit au fond d'un tombeau où ton nom trônera

Et dont tu seras roi des rats, des vers, des ronces.


Oh, tu verras,

Oh, tu verras.

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