L'enclume
L'enclume à l'allure forte et à la tête basse.
Le forgeron la voit quand il s'en sert de support.
Un petit orphelin errant entend les coups de sa masse.
Et toute la forge tremble tellement il y va fort.
Bien forte à l'air l'enclume, mais elle est pourtant frêle.
À servir de béquille pour les épées du forgeur, elle s'épuise.
Tout ses sens sont en éveil, mais très vite s'emmêlent.
Elle ne sait pas, elle ne sait rien, alors elle s'amenuise.
Et lui, forgeron, que ressent-il ?
En battant le fer de ses gestes habiles.
Sent-il monter la colère à chaque coup ?
Ou du plaisir, qui sait, sans qu'il ne l'avoue.
Pourquoi frappe-t-il l'enclume, qu'a-t-elle fait
Pour mériter tel sort ? Rien, c'est un fait.
Alors que le forçat élucubrait l'épée
Qui souhaitait mort, l'enclume pleurait.
Et toi, petit orphelin, que vois-tu ?
En scrutant le forgeron qui se démène
Pour édifier cet objet tordu.
Tu ne vois que des étincelles vilaines.
Tu trouves ça beau, toutes ses couleurs
Qui reluisent sur le visage du forçat en sueur
Et s'envolent dans ses yeux de feu. Ces crachats sont
Pour toi un beau spectacle, pour l'enclume
Une affliction.
Et vous, la forge, qu'entendez-vous ?
Le bruit sourd des coups de massue
qui rebondissent sur les murs et
S'évanouissent dans l'air drue
Et froid de ce lieu maudit. Elle crie,
Elle crie, elle sanglote, l'enclume ;
Et le soir, sans bruit demeure
Dans la forge, dans l'amertume,
Son cœur.
Et moi, dans tout ça, qu'ai-je fait ?
Rien, car je ne suis qu'une enclume.
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