Chapitre 8 | 1
"And I stumbled down to the stomach of the town
Where the widow takes memories to slowly drown.
With a hand to the sky and a mist in her eye she said:
Don't you cry for the lost,
Smile for the living."
Passenger – Life's For The Living. (En média).
J'inspire. J'expire. Et je souffle encore. Ça va bien se passer. Mes doigts jouent entre eux et j'ai l'impression d'y voir toute la nervosité que j'essaie d'esquiver depuis que je suis montée dans la voiture de Monsieur Jefferson. Les yeux maintenant fixés sur les bâtiments qui ne défilent plus, je reste paralysée. Aller, Willow, tu peux le faire. Je pose la main sur la poignée de la portière mais ne parviens pas à l'ouvrir. Pourquoi est-ce que je suis stressée, comme ça ? Participer aux Jeux olympiques, pas de problème. Faire un gala de danse devant des milliers de personnes, les doigts dans le nez. Par contre entrer dans un bar et discuter avec le patron, c'est au-dessus de mes forces ? Quel genre de paradoxe je suis, au juste ?
— Vous n'avez pas à vous en faire, Willow. Le patron verra votre potentiel en à peine quelques minutes, me rassure Miles en se retournant vers moi.
— Mais quel potentiel ? Je n'ai aucune expérience professionnelle, je n'ai jamais travaillé de ma vie...
Mon chauffeur fronce les sourcils.
— Mais vous êtes une grande championne, Willow. C'est un métier comme un autre, le sport. Ça vous a forcément appris des valeurs très importantes pour le monde du travail tel que ce patron le connaît.
— Qu'est-ce que vous voulez dire ? le questionné-je d'une petite voix.
J'ai beau chercher, je n'arrive pas à voir où il veut en venir. Je n'ai jamais vécu que pour mes deux passions, je ne sais pas ce que c'est de devoir se lever chaque jour pour faire autre chose que ce que j'aimais le plus au monde.
— Le sport, à un si haut niveau que le vôtre, ça oblige à apprendre l'assiduité. Notamment pour les entraînements. Ça vous donne le sens des responsabilités aussi, devoir manger et dormir correctement, ne pas trop abuser de la fête ou des substances qui pourraient vous éloigner du chemin de l'excellence. Et j'imagine que pour réussir dans un milieu aussi exigeant, il faut savoir être déterminé et à l'écoute. À l'écoute de soi, mais à l'écoute des coachs aussi. Savoir se remettre en question quand on fait des erreurs, quand on ne fait pas le bon geste... D'ailleurs d'après ce que j'ai compris, vous étiez rarement seule, que ce soit sur la glace ou sur scène, donc je suppose que vous avez l'esprit d'équipe et que vous savez travailler avec les autres. Sans compter qu'un bon sportif se doit d'être fair-play et d'avoir un minimum de contrôle de lui-même, surtout quand il perd ou qu'il se retrouve face à plus fort que lui. Et tout ça, Willow, ce sont des qualités indispensables chez un employé. Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais vous savez déjà travailler, parce que c'est ce que vous avez fait toute votre vie.
Un peu abasourdie, je ne trouve rien d'intelligent à lui répondre. Et s'il avait raison ? Et si je pouvais me servir de tout ce que j'ai appris au cours de mes années de championnats pour réussir dans autre chose ? Requinquée, je remercie Miles, prends une nouvelle inspiration et sors enfin du crossover. Face à la devanture du Nid Aux Oiseaux, j'hésite encore quelques secondes, me retourne vers mon chauffeur qui n'est toujours pas parti, et ce dernier me fait un petit signe de la tête pour m'encourager. J'opine avec reconnaissance et finis par pénétrer dans l'établissement. Plus vivant que la dernière fois, le bar est jonché de clients. Certains boivent une boisson chaude devant leur ordinateur ouvert, d'autres mangent déjà alors qu'il est tout juste onze heures, mais la plupart ont l'air serein et paraissent avoir dans mes âges. Granny avait raison, cet endroit a vraiment l'air d'un repère pour les jeunes. D'un refuge.
— Bonjour ! me lance chaleureusement la jolie rousse que je reconnais tout de suite. Oh, mais je t'ai déjà vue, toi, t'es la petite protégée du Corbeau !
Le rouge me monte aux joues. Sa petite protégée ?
— Ça va mieux ? Tu veux une table ? Ou tu préfères t'installer au bar ?
Je la dévisage alors qu'elle me sourit de toutes ses dents, et comprends avec un cran de retard qu'elle ne peut pas savoir que je ne suis pas là pour passer du bon temps. Un peu mal à l'aise, je sonde les environs à la recherche de Raven, histoire de me donner un peu de force mais ne l'aperçois nulle part. Si ça se trouve, il n'est même pas de service aujourd'hui... Un peu désemparée, je me reconcentre sur la rousse et puise dans le peu de ressources que mon angoisse n'a pas encore rongées pour lui offrir cet air poli que je maîtrise à la perfection. Celui que je réserve aux journalistes sportifs et aux caméras.
— À vrai dire, j'ai rendez-vous avec Dav... enfin, je veux dire, Monsieur Langlois. Est-ce que tu sais où je pourrais le trouver ? lui demandé-je avec une voix bien plus contrôlée.
— Oh, oui, bien sûr ! Juste après le comptoir, il y a une porte réservée au personnel. Tu passes par là et à droite il y a un ascenseur, tu montes et tu verras, ça te mène directement devant son bureau.
— D'accord, merci beaucoup, lâché-je, soudain sous pression.
— Pas de soucis ! Et, t'en fais pas, il est doux comme un agneau.
Elle m'offre un petit rire de connivence que je lui rends pour la forme et suis ses indications à la lettre. Dans l'ascenseur qui fait un bruit affreux, je me repasse toutes les questions clichées que j'ai lues sur internet et auxquelles je m'attends à devoir répondre. Je reformule toutes les réponses que j'ai déjà répétées des dizaines de fois dans mon esprit, comme une poésie que j'aurais peur d'oublier une fois devant le professeur. Une petite sonnerie retentit et mon cœur tressaute. Devant moi, un couloir apparaît, et après un instant de paralysie, je finis par sortir de la cabine pour me diriger vers une porte fermée sur laquelle est gravée « D. Langlois » dans une police d'écriture noire et épaisse.
— Allez, Willow... murmuré-je en m'apprêtant à toquer. Tu rentres, tu souris, tu lui dis ce qu'il veut entendre, et tu décroches ce job.
— Entre, Willow, je t'en prie, résonne une voix grave à l'intérieur de la pièce.
Sidérée, je sursaute. J'observe autour de moi comme une idiote à la recherche de quelqu'un ou d'une caméra de surveillance, mais ne trouve rien. Peu importe. Sans me laisser le temps de réfléchir, je pénètre dans la salle et tombe nez à nez avec un homme d'une soixantaine d'années qui me couve d'un regard bienveillant. Derrière lui, le soleil new-yorkais m'envoie quelques-uns de ses rayons à travers la grande fenêtre, comme s'il cherchait à me mettre en confiance. Sur ma gauche, une immense bibliothèque remplie de livres de toutes sortes me surplombe de toute sa hauteur alors que le mur de droite, lui, est recouvert de photos, de petits mots, de dessins et de diplômes un peu accrochés n'importe comment.
— Bonjour, me salue gentiment monsieur Langlois, installe-toi.
— Bonjour, mais comment est-ce que vous avez su...
Ma voix s'éteint. Moins polie, tu meurs. Bien joué, Willow. De petites rides marquent les coins des yeux de l'ami d'enfance de Granny alors qu'il pouffe, visiblement attendri.
— J'ai entendu l'ascenseur et je n'attendais personne d'autre que toi.
— Oh.
Un peu honteuse, je prends place sur l'une des deux chaises en bois verni sans ouvrir la bouche. Au moins, comme ça, je ne dirais pas d'âneries. Le soixantenaire fouille dans l'un des nombreux pots à crayons que contient son immense bureau foncé puis attrape un porte-formulaire noir. Une feuille blanche est coincée sous la pince en métal, et j'ai l'horrible impression d'être sur le point de passer un examen oral que je n'ai pas assez bien préparé.
— On va passer au vif du sujet, si ça ne te dérange pas ?
Les traits de cet homme sont doux, il respire la bonté, pourtant je ne peux pas empêcher ma gorge de se serrer d'angoisse quand j'acquiesce sans conviction.
— D'abord, j'aimerais en savoir un peu plus sur toi. Je voudrais que tu te présentes.
— Je m'appelle Willow. Willow Hamilton. J'ai dix-neuf ans, et je suis née en France. Ma mère est française, mais mon père est originaire de New York, ce qui fait que je suis parfaitement bilingue.
Monsieur Langlois prend des notes, puis relève le nez vers moi quand j'arrête de parler.
— Continue, ne fais pas attention à ce que j'écris, m'enjoint-il.
Je le dévisage, presque paniquée. Qu'est-ce que je pourrais bien lui dire d'autre ? Je n'ai rien à raconter sur moi, je ne suis pas quelqu'un d'intéressant.
— Qu'est-ce que tu aimes, dans la vie, Willow ? Qu'est-ce que tu as fait avant de te retrouver ici, dans ce bureau, à postuler ? reprend-il pour m'aider.
— J'aime... J'aime le sport. J'en ai beaucoup fait. Je n'ai fait que ça en plus de mes études, et je crois que ce que je préfère, ce qui m'a permis d'aller si loin dans ce domaine, c'est ma dévotion. J'aime me dévouer à ce que je fais. Me donner à fond. J'aime ce que ça m'apprend de moi mais aussi des autres.
Mon honnêteté me surprend, ce n'était pas du tout ce que j'avais prévu de dire en arrivant ici. Mon interlocuteur sourit, gribouille quelques mots sur sa feuille, puis plonge ses prunelles dans les miennes.
— Si tu devais me donner quelques-unes de tes qualités et quelques-uns de tes défauts, tu me dirais quoi ?
Je réfléchis un instant. Cette question, je l'avais anticipée, j'avais même une liste de réponses toute prête dans ma tête, pourtant rien ne me vient ; comme si je venais de tout oublier. Le stress a englouti l'intégralité de ma préparation. Je ne sais plus quoi dire. Je vais me ridiculiser. Du calme, Willow. Respire. Tendue, je prends une profonde inspiration et tente de me rappeler des mots de Miles, de la sensation d'accalmie qu'ils ont provoquée dans ma poitrine quelques minutes plus tôt.
— Je suis quelqu'un d'assidu qui aime découvrir de nouvelles choses. Avec mes années de compétition, j'ai appris l'esprit d'équipe et je suis donc largement capable de m'intégrer dans un groupe, de m'adapter à son organisation. Je suis aussi passionnée, quand je fais quelque chose, je ne le fais jamais à moitié donc je ne manque jamais d'énergie. Ce qui pourrait me faire défaut, ce serait mon manque d'expérience, je pense. Et probablement mon manque de confiance en moi. Je crois toujours que je vais mal faire, donc je stresse beaucoup et ça peut me conduire à commettre des erreurs.
Le soixantenaire hoche la tête.
— Mais j'apprends vite, et je suis déterminée, motivée, ajouté-je comme si j'avais peur qu'il s'arrête sur mes côtés négatifs.
Peut-être que j'aurais dû commencer par mes défauts...
— Pourquoi souhaites-tu travailler ici, Willow ?
Je fronce les sourcils, mais ne me dégonfle pas. Tout va bien, je sais ce qu'il faut répondre à cette question. Je sais quel genre de réponse est attendue. Je peux le faire.
— Pour apprendre. Pour enrichir mon expérience professionnelle et me lancer dans la vie active. Mais aussi parce que le concept de votre établissement me plaît énormément. Je pense qu'y travailler pourrait beaucoup m'apporter, mais je suis aussi persuadée qu'il est possible que moi aussi, je puisse lui apporter quelque chose. Notamment à l'aide de ma bonne humeur et mon contact facile avec la clientèle.
Monsieur Langlois lâche un petit rictus que je n'arrive pas à analyser et mon estomac se noue. Est-ce que j'ai dit une aberration ? Est-ce que je suis trop restée dans les clichés ? Si ça se trouve, à trop vouloir bien faire, je n'ai déblatéré que des généralités et il ne me pense pas honnête...
— Et si on recommençait depuis le début et qu'on arrêtait un peu le baratin habituel ? lance-t-il en perdant son sourire.
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Coucou tout le monde,
Comme promis, je suis à l'heure, aujourd'hui ! Avant de commencer le blablatage, je voudrais remercier toutes les personnes qui ont mis un peu du leur pour soutenir l'annonce que j'ai faite sur Twitter. Merci à toutes les personnes qui ont partagé, qui m'ont encouragé et qui m'ont même déjà affirmé qu'elles achèteraient mon nouveau livre. Merci beaucoup pour votre soutien, vraiment. J'essaierais de vous tenir au courant ici des ouvertures des différents packs de pré-commandes et de la sortie du livre et du eBook sur Amazon, si vous le souhaitez. Mais je tenais à vous remercier ici aussi. Merci de tout cœur de croire si fort en mon travail, même quand vous ne savez pas dans quoi je vous embarque.
Sachez que j'ai déjà commencé mon troisième livre. Mon troisième recueil. Celui-ci ressemblera plus à ce que vous connaissez et que vous aimez de moi. Et sachez aussi que j'ai un plus gros projet qui avance de plus en plus. Alors merci d'être là, je ne vous décevrai pas, pas avec tout ce qui arrive.
Voilà, voilà, la séquence émotion est passée alors passons au blablatage.
On est d'accord avec le discours de Miles ? Qu'on peut avoir du potentiel sans avoir fait d'études et sans avoir jamais travaillé ?
On pense quoi de David Langlois, au premier abord ? (Même si vous l'avez déjà entrevu).
Vous trouvez que Willow s'est bien débrouillée ou cette fin sent mauvais ?
La musique, pas du Kodaline cette fois, vous en pensez quoi ? Je l'ai découverte en écrivant ce livre. J'aime bien Passenger, c'est tout doux.
Voilà voilà, c'est tout pour moi. Je termine juste à temps, je dois déjà repartir. Encore merci pour votre soutien autant sur mes histoires ici que sur mes livres papiers ou eBook. J'espère qu'on fera encore un gros bout de chemin ensemble.
Prenez bien soin de vous les potes.
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