Chapitre 7 | 2
"Small voice in the choir,
Guess I never dared to know myself.
Kept my heart beat quiet, no."
Capital Letters – Hailey Steinfield. (En média).
Je n'ai pas le temps de la prévenir que je ne suis pas toute seule qu'elle est déjà fourrée dans la cuisine à sortir des assiettes pour le petit-déjeuner. À la hâte, je referme la porte et me précipite vers le balcon mais me rends compte avec stupeur qu'il est vide. Hébétée, je vais jusqu'à faire plusieurs fois le tour de la petite plateforme comme si Raven pouvait miraculeusement réapparaître, avant de rentrer et de rester pétrifiée par les traces de sang qui tachent la clarté du canapé. Comment est-ce que je vais expliquer ça à Granny ? Et puis il est passé où, Raven ?
— Bah alors, Poulette, ça va pas ? On dirait que t'as vu un fantôme...
Mes paupières papillonnent alors que mon regard fait des allers-retours frénétiques entre le tissu devenu rouge foncé et les pupilles curieuses de mon aïeule. Les sourcils froncés, cette dernière s'approche du sofa avec circonspection et son air change brusquement. Pour la discrétion, on repassera, Willow.
— Oh, tu as eu un accident, ma chérie ?
Un accident ?
— T'en fais pas, ma grande, reprend-elle, c'est naturel. On va nettoyer ça, et ce sera comme neuf, tu verras !
Oh, ce genre d'accident...
Un peu rassurée par le lien qu'elle vient de faire sans que je n'aie à lui mentir et sa bienveillance incroyable, je souffle un peu.
— Merci, Granny, articulé-je, toujours crispée.
Est-ce que Raven est parti sans que je le voie ? Non, impossible, il aurait été forcé de passer devant moi et de croiser Granny. Est-ce qu'il est caché à l'étage ? Mais pourquoi est-ce que je n'ai pas entendu le moindre bruit quand il est monté, alors ? Est-ce qu'il est si discret que ça ? Et puis comment je vais le faire sortir, moi, maintenant ? Je ne sais pas combien de temps ma grand-mère va rester ici, et même si d'un côté je n'ai pas envie de le faire poireauter là-haut pendant des heures, je ne me vois pas le faire redescendre comme si de rien était. Ça ferait beaucoup trop de choses à expliquer, à justifier. Je sais, enfin, j'ose espérer que Granny n'est pas le genre de personne qui le jugerait au premier coup d'œil, pourtant je préférerais malgré tout que cette rencontre n'ait pas lieu de cette façon. Raven ne mérite pas que la seule chose qu'on aperçoive de lui soit la violence qui émane de ses blessures. Il mérite qu'on s'attarde aussi sur ce garçon qui a pris une craie et qui a fait ce que mon grand-père a oublié : il m'a donné l'impression d'être la bienvenue. D'avoir ma place quelque part au milieu de cette métropole si impressionnante.
— Bon, je repasse à la maison pour aller chercher le savon solide que ton père m'a envoyé l'année dernière, ce truc est magique, rien ne lui résiste ! Je ne sais pas où il l'a trouvé, mais si tu l'as au téléphone, dis-lui d'en glisser dans un colis, pour moi. Ou bien de venir lui-même m'en donner un peu. Ça fait tellement longtemps qu'il n'est pas venu en Amérique ! Dis-lui qu'il me manque, tiens, aussi, au passage. Quoi je pourrais l'appeler moi-même...
Préoccupée par la disparition du Corbeau, j'opine par automatisme sans avoir la moindre idée de ce que ma boule d'énergie préférée est en train de me raconter. Elle parle, elle parle, elle parle encore et j'ai presque l'impression de voir ma mère qui part dans l'un de ses monologues interminables. Comme elle, elle se fiche de savoir si je lui réponds ou non et comme elle, elle passe du coq à l'âne en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Un léger rictus s'invite sur mes lèvres tandis que j'imagine maman aux côtés de sa belle-mère mais elles disparaissent toutes mes deux de mes pensées quand le claquement de la porte retentit pour m'éjecter de ma rêverie. Il me faut quelques secondes pour réaliser ce qui se passe, mais une fois que j'ai repris contenance plus rien ne m'arrête ; je fonce vers les marches noires que je grimpe quatre à quatre.
Pressée, je passe toute ma chambre au peigne fin. Je m'accroupis et fouille sous le lit. Je soulève la couette puis le plaid qui la recouvre. Je regarde derrière la commode, derrière la table de nuit et finis par arrêter les frais pour me diriger vers la porte fermée de la salle de bain. Quand j'y pénètre, je me rends compte que la lumière est encore allumée, mais que rien ne semble avoir bougé. J'enjambe le bazar ensanglanté qui s'étend du sol jusque dans les deux lavabos clairs, sonde la pièce du regard et recommence à chercher dans les endroits les plus improbables de la pièce. Comme une idiote, j'entre dans la cabine de douche aux parois pourtant transparente, jette un œil à l'intérieur de la baignoire de loin puis fais le tour de celle-ci. Assis contre le marbre blanc, Raven sursaute au moment même où je pousse un cri de surprise en l'apercevant.
— Oh, la vache !
Le Corbeau ricane, et je croise les bras avec sévérité alors que mon cœur est à deux doigts d'exploser.
— Mais c'est pas drôle, j'ai failli avoir une attaque ! m'écrié-je alors qu'il lève les mains vers le plafond.
Devant son air innocent, mon stress s'évanouit et j'éclate d'un rire franc qui fait écho au sien. Je ne sais pas ce que je trouve si drôle mais cette bonne humeur me fait du bien. Elle m'aide à dédramatiser, à apaiser l'angoisse qui me tiraille depuis de longues minutes et, étrangement, partager ce moment avec quelqu'un me soulage. À cet instant, devant cette baignoire, je ne suis plus la fille des journaux qui a perdu la totalité de ses amis. Je ne suis qu'une fille normale qui arrive encore à pouffer, à glousser, à se fendre la poire avec un jeune de son âge. Je ne suis qu'une gamine qui parvient à passer un bon moment en compagnie d'une autre personne sans se sentir coupable d'être en vie, sans avoir envie de disparaître, sans ressentir cette boule acide qui lui tord le ventre toute la journée, et j'aimerais pouvoir le rester.
— Je suis désolé, souffle-t-il alors que notre hilarité s'estompe, je ne voulais pas t'attirer d'ennuis, alors je suis monté en espérant que personne se ramènerait à part toi.
Attendrie, je lui souris mais me souviens aussitôt que Granny n'est pas partie pour longtemps et l'empressement saccade de nouveau chacun de mes gestes. J'attrape le poignet de Raven et l'oblige plus ou moins à se relever.
— Ma grand-mère est retournée chez elle pour aller chercher quelque chose, argué-je en le poussant presque vers la sortie. Alors je ne te mets pas dehors mais...
Amusé, le Corbeau s'arrête dans l'embrasure de la porte, puis fait volte-face. Incapable d'anticiper son mouvement, je me cogne contre son torse musclé et ma voix s'efface sur-le-champ. Le rouge me monte aux joues. C'est pas possible d'être aussi empotée !
— ...Mais tu me fous dehors, lâche-t-il, espiègle.
À quelques centimètres de lui, je peux sentir son souffle se déposer sur ma joue alors qu'il baisse le nez vers moi. Son sourire est joueur, pourtant j'ose à peine respirer.
— Relaxe, la Française. Je plaisante, murmure-t-il au creux de mon oreille. C'est déjà gentil d'avoir fait... tout ça. Merci, Willow.
Son ton est solennel, son visage plus sombre, et ses remerciements me laissent soudain un goût amer dans la bouche. Intriguée par ce changement d'atmosphère si brutal, je scrute chaque détail que son expression émue m'autorise à distinguer et ce que je crois y voir me cloue au sol. J'ai la douloureuse impression qu'il ne s'attendait pas à ce que je lui offre mon aide, comme si une main tendue lui était complètement étrangère, comme si... comme s'il ne pensait pas en valoir la peine. Au moment où il comprend que je tente de le décrypter, un rictus infime se dépose sur un coin de ses lèvres et il place deux doigts sur sa tempe comme une espèce de salut militaire puis tourne les talons. Ses pas sont feutrés, discrets et il prend bien soin de vérifier que personne n'est en bas à mesure qu'il descend les escaliers. Plantée dans la pénombre de ma chambre, je reste là, raide comme un piquet, à l'observer sans parvenir à prendre sa suite.
— Raven ! le retiens-je presque dans un cri désespéré.
Le Corbeau s'arrête, se retourne et fronce les sourcils. Je ne sais pas ce que j'ai, je ne sais pas ce qui m'arrive, mais je refuse de me dire que cette parenthèse de ma vie touche à sa fin. Il me fait me sentir tellement... tellement normale, tellement comme avant, que je donnerais n'importe quoi pour ressentir ça encore un peu. Juste quelques minutes de plus.
— Est-ce que... Est-ce qu'on se reverra ?
Son air soucieux laisse place à une gaieté malicieuse alors qu'il me sourit de nouveau.
— Parce que t'as envie de revoir l'étranger qui a débarqué chez toi en pleine nuit, la Française ?
Avant, ce genre de ton confiant, effronté, presque provocateur m'aurait cloué le bec. J'aurais baissé les yeux et j'aurais fait ce que mon grand-père m'a toujours appris : je n'aurais pas fait de vague, j'aurais su me tenir pour préserver mon image lisse d'athlète parfaite sans le moindre écart de conduite. Mais aujourd'hui, avec lui, j'ai envie que la nouvelle Willow voie le jour alors je rentre dans son jeu.
— Il a des cours à me donner, non ?
Raven hausse un sourcil mais son sourire s'agrandit.
— C'est vrai, ça. Faut croire qu'on va être condamné à se supporter encore un peu, lâche-t-il en reprenant sa route.
Une fois en bas des marches, il relève une dernière fois la tête dans ma direction.
— T'auras qu'à préparer d'autres informations croustillantes à propos de toi et venir m'en parler dans le Nid Aux Oiseaux. Si ta couleur préférée c'est le jaune, qui sait ce que je pourrais apprendre d'autre.
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Coucou tout le monde,
Comment ça va ? Ici ça va, je suis désolé de ne publier que maintenant, hier je n'ai pas eu le temps et aujourd'hui, je me suis occupé de la correction de mon livre pour le remettre en vente sur Amazon et je ne pensais pas que j'aurais autant de soucis, donc ça m'a pris trois fois plus de temps que ce que je n'aurais cru.
Du coup, j'ai enfin terminé, Et si l'espoir s'éteint est corrigé (il y avait 6 ou 7 fautes) et la nouvelle version sera disponible dans trois jours. Je ne dis évidemment pas ça pour que vous le rachetiez si vous l'avez déjà, c'est simplement à but informatif. Si avoir un livre avec 6 ou 7 fautes ne vous dérange pas, ne le rachetez surtout rien, rien n'a changé dans le livre en dehors des fautes et des polices d'écriture (parce qu'Amazon m'a refusé les précédentes sans que je ne sache pourquoi).
Sinon, vous comprenez que Raven ait eu ce réflexe de se cacher ? Ou alors ça cache un truc, pour vous ?
Vous pensez qu'il va vraiment lui donner des cours de self-défense ?
Et la musique, alors, on aime bien ?
Voilà voilà, c'est tout pour moi. On se retrouve jeudi pour le chapitre suivant. En attendant prenez bien soin de vous les potes.
À très vite.
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