Chapitre 6 | 3

"This one's for the turn down,

The experts at the fall.

Come on friends, get up now,

You're not alone at all."

Comes And Goes – Greg Laswell. (En média).


— Donc après la beaucoup trop grande salle de bain dans laquelle une simple cabine de douche aurait pu suffire, je te présente ma beaucoup trop grande chambre, s'enthousiasme exagérément Willow.

Un peu surpris par le sarcasme évident qui se dégage d'elle, je la dévisage. Pourquoi semble-t-elle aussi amère de pouvoir habiter dans un tel endroit ? C'est plein d'espace, c'est beau, c'est bien placé, ce duplex donnerait envie à plus d'un New-Yorkais.

— T'aurais préféré habiter dans un placard à balais ?

— Si ça avait pu me permettre de pas avoir l'impression de me faire acheter, je crois que oui, souffle-t-elle. Mais bon, au moins, j'ai ce que j'ai toujours rêvé d'avoir dans ma chambre : un pan de mur entier sur lequel je peux écrire.

Elle se tourne vers le lit et je me rends compte que ce que j'avais pris pour de la peinture noire est en fait un tableau. Un mur entier sur lequel on peut laisser des messages à la craie. À la fois émerveillé et impressionné, je ne remarque pas tout de suite la nostalgie qui traîne sur le visage de Willow.

— Il n'a même pas pris la peine d'écrire quelque chose pour mon arrivée... murmure-t-elle un peu trop bas pour que ça me soit réellement adressé.

— Qui ça ?

La Française tourne la tête vers moi et reste interdite quelques secondes. Je ne sais pas si elle se demande si c'est une bonne idée de me répondre ou si elle ne s'attendait juste pas à ce que j'entende sa réflexion, mais sa confusion est flagrante.

— Mon grand-père, finit-elle par articuler. Quand j'étais petite, j'avais un petit tableau chez moi, et quand il venait à la maison, il s'arrangeait pour débarquer pendant que j'étais à l'école et écrivait « bienvenue dans ta chambre, Willow » à la craie blanche. C'était sa façon à lui de me dire qu'il était là, qu'il m'aimait. Bien souvent il se cachait quelque part dans la maison et je me précipitais dans chaque pièce pour le retrouver après avoir vu son message. Mais là, rien. Comme si je n'étais pas vraiment la bienvenue.

Je fronce les sourcils, puis baisse le nez. Avoir la sensation que notre présence pose problème, d'être de trop, je sais ce que c'est, et même si je ne connais pas Willow, je n'ai pas envie qu'elle ressente une chose pareille.

— T'as des craies quelque part ?

La blonde me scrute de longues secondes, avant de lâcher ma main pour se diriger vers l'une des deux tables de nuit pâles pour regarder dans un tiroir, puis dans l'autre, avant d'en sortir un paquet de craies blanches et de me le tendre. Un petit rictus en coin, j'ouvre la boite en plastique, retire mes chaussures et grimpe sur son matelas sans lui demander son avis. Ahurie, Willow ne réagit pas, elle se contente de m'observer avec une curiosité méfiante. Un bâton clair entre les doigts, je m'approche du mur et trace des lettres majuscules avec application. Une fois terminée, je descends du lit pour admirer mon œuvre.

— « Bienvenue à New York, la Française »... chuchote Willow, en fixant mon écriture maladroite.

Après un instant de contemplation, elle se tourne vers moi, les yeux brillants.

— Merci, Raven. Merci beaucoup... souffle-t-elle alors que je jurerais voir des larmes pointer le bout de leur nez. Bon, on la continue cette visite ?

Sa voix manque un peu d'assurance, mais je fais comme si je n'avais rien entendu et la laisse me faire traverser la pièce pour m'arrêter devant deux portes fermées. Sur l'une d'entre elle, un dessin de chaussons de danse nous nargue dans sa couleur dorée alors que sur l'autre, ce sont des patins argentés qui nous défient.

— Qu'est-ce qu'il y a là-dedans ? demandé-je sans savoir à quoi m'attendre.

— Aucune idée.

Abasourdi, je me tourne vers elle, mais Willow reste fixée sur les deux mystérieuses salles.

— Gauche ou droite, Raven ?

— Droite, proposé-je par automatisme, toujours concentré sur elle.

Lentement, elle s'avance vers la porte aux chaussons, puis abaisse la poignée. La Française pénètre à peine dans la pièce, y allume la lumière et fait un pas en arrière pour se remettre à côté de moi. Devant nous, une salle toute en longueur aux murs recouverts de miroirs apparaît. Au sol, un parquet clair et lisse reflète la lueur tamisée qui s'échappe de plusieurs ampoules DEL aux formes énigmatiques et Willow paraît s'émerveiller. Son regard passe des miroirs aux barres de ballet amovibles qui coupent presque l'espace en deux et un sourire caresse ses lèvres roses.

— Si ici c'est une salle de danse, alors là...

Willow blanchit et lâche la poignée pour se placer face à la deuxième porte mais ne l'ouvre pas. Elle reste là, sans esquisser le moindre mouvement, à sonder les patins d'un air incertain.

— Alors ici, c'est forcément...

Son ton faible s'éteint alors qu'elle ouvre la deuxième porte. Contrairement à tout à l'heure, la Française ne prend pas la peine d'allumer la lumière. Elle paraît même paralysée à l'entrée de ce qui ressemble trait pour trait à une petite patinoire, le froid en moins. Willow s'aventure dans la pénombre et s'accroupit sur la matière artificielle qui remplace la glace pour l'effleurer de sa paume. Dawn a toujours rêvé d'une patinoire synthétique pour s'entraîner à la maison...

— Raven, je peux te poser une question ?

La voix de Willow s'érafle et je me fige.

— Tu peux toujours essayer.

Elle lâche un rire sec alors qu'un reniflement parvient jusqu'à moi. Merde, est-ce qu'elle pleure ?

— Où est-ce que t'as appris à te battre, comme tu le fais ?

Je serre les dents.

Avec le Russe, dans la rue.

— J'ai pris des cours de self-défense.

Mon mensonge résonne dans mon esprit comme une erreur, pourtant je n'ajoute rien. Qu'est-ce que je pourrais bien lui dire d'autre ? Que j'ai appris sur le tard à force de me battre ? Qu'il a bien fallu que j'apprenne si je voulais pas que les coups me tuent ? Ça ne ferait que provoquer davantage de questions auxquelles je n'ai pas envie de répondre.

— Et si tu en avais l'occasion, tu serais prêt à en donner à une étrangère ?

— Une étrangère un peu infirmière sur les bords ?

Willow pouffe et cette fois son rire est sincère. Elle se lève, se retourne et sort de la patinoire. Ses yeux sont rouges, ses joues humides, mais ses traits semblent se détendre à mesure qu'elle se rapproche de moi.

— Un truc comme ça, oui.

— Je crois pas, dis-je en me mordant l'intérieur de la joue pour endiguer mon sourire. Je pense que j'aurais besoin de connaître un minimum mon élève, pour lui donner les bons conseils.

Amusée, la blonde hoche la tête et fait mine de réfléchir.

— Ah... Tu aurais besoin de savoir deux, trois trucs sur moi... enfin, sur ton élève ?

— Ce serait plus facile pour travailler, raillé-je.

— Je vois... Des trucs un peu nuls, quoi ?

Malgré mes efforts, je souris franchement et Willow emprunte le même chemin.

— Par exemple.

La Française acquiesce de nouveau, puis tourne les talons. Elle se dirige vers les escaliers sans un regard pour moi, avant de s'arrêter devant la première marche.

— Jaune.

— Jaune ? répété-je, hébété.

— Ma couleur préférée, c'est le jaune. 


_________________


Salut tout le monde, comment ça va ? 

Moi, je suis toujours malade alors je galère un peu à bosser sur mes bouquins, mais j'avance doucement. Des tas de choses se dessinent, des tas de choses deviennent de plus en plus concrètes, alors je lâche rien. 

J'avoue que cette partie du chapitre, je l'aime bien. J'ai adoré l'écrire et j'espère que vous allez tout autant aimer la lire. 

D'ailleurs, comme ça, par curiosité, c'est quoi votre couleur préférée, à vous ? 

L'idée d'avoir une pièce de danse et une pièce de patinage, bonne ou mauvaise idée, selon vous ? On dit merci le grand-père ou pas du tout ? 

En parlant du grand-père, son absence, on en pense quoi ? ça cache un truc ? C'est simplement un con ? 

Et la musique, alors, vous en pensez quoi ? J'adore cette chanson, je trouve qu'elle mérite tellement plus d'attention qu'elle n'en a. 

Voilà, voilà, c'est tout pour moi. Je vous laisse pour aujourd'hui, et on se retrouve mardi pour la suite ! 

Prenez bien soin de vous, les potes. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top