Chapitre 4 | 1
"Trying my best, nobody showed me
Which way to go, I didn't know.
Hating my past, I found the old me.
Bullet proof vest, my only clothing."
Alcatraz – Oliver Riot. (En média).
Je revérifie mon travail une fois. Deux fois. Trois fois. Ça m'a l'air bon. Fier de mon œuvre, je rabats le capot de la vieille Berline bleue dans un claquement brutal qui attire l'attention du client sur moi. Son air stressé me met mal à l'aise, alors je lève mon pouce dans sa direction en espérant qu'il ne va pas venir me demander comment se porte son petit bijou. Devant mon signe encourageant, l'expression contrarié de ce mec aussi frêle que barbu se transforme en un soulageant impressionnant.
— Ouais, ouais, de rien. Mais surtout, ne viens pas me remercier. Par pitié reste où t'es et contente-toi d'aller régler la note, marmonné-je.
Un rire mélodieux s'anime derrière moi, et je fais volte-face, le sourire aux lèvres.
— Wow, mais c'est que ça bosse dur ici ! Tu t'en es foutu partout, en plus, me taquine la voix claire de la silhouette que je pourrais reconnaître entre mille.
Interloqué, je jette un œil à mes mains sales, puis à mon débardeur, et mon cœur rate un battement. Oh non, merde, c'est pas vrai. Des taches de cambouis ruinent le blanc immaculé du vêtement en coton. Je me précipite vers le petit lavabo au fond du garage pour m'efforcer de rattraper la catastrophe, mais je crois que quoi que je fasse, ce soir, je vais dérouiller.
— Si tu veux, je peux tenter un truc pour récupérer ton vieux machin, me propose le même ton familier que tout à l'heure.
Tendu, je me tourne vers Maxxie, qui a encore une fois su lire mon angoisse dans mes gestes pressés, avant de retirer mon haut pour le lui tendre.
— Tu peux toujours essayer, mais je suis mort de toute façon... lâché-je en imaginant la réaction de Jack et Kristen quand je rentrerai dans cet état.
L'air inquiet, mon petit Moineau fait la moue.
— Occupe-toi de tes mains et retrouve-moi à la bagnole dès que t'as fini. Je dois bien avoir un débardeur blanc moche à te filer pour donner le change.
Trop stressé pour répondre à la provocation de Maxxie, je me contente d'acquiescer en l'observant s'éloigner. Sans faire attention à la douleur diffuse qui parcourt mes phalanges, je m'acharne sur la substance noire qui refuse de vraiment quitter mon épiderme déjà amoché. Je frotte, je gratte, je récure... je suis à deux doigts de m'arracher la peau. Putain, pourquoi j'ai pas mis mes gants ? Après quelques minutes un peu vaines, je finis par lâcher l'affaire, et vais prévenir Joachim que je dois partir. Tout sourire, ce dernier pose ses outils, s'essuie les mains sur sa salopette kaki, puis s'approche de moi en sortant une enveloppe pliée en deux de sa veste.
— Ah, je te cherchais, mec ! J'avais peur que tu sois déjà parti. Tiens, voilà ta paye.
— Merci Jo, murmuré-je.
Reconnaissant, je caresse le papier d'un doigt sans oser plonger mon regard dans celui de Joachim. Il ne le sait pas, mais ces trucs vont peut-être me sauver la vie.
— Tu veux pas que je t'embauche dans les règles ? T'es plus doué que la plupart de mes apprentis.
Ses yeux noirs me transpercent, et je baisse la tête sur ce que je tripote nerveusement.
— Je peux pas Joachim... Ja... Mon oncle ne voudra jamais, marmonné-je, la gorge serrée.
— Ben quand t'auras les couilles d'envoyer chier ce connard, tu me passes un coup de fil, soupire-t-il. Si quelqu'un doit t'avoir dans sa boîte, ce sera moi, t'as trop de potentiel, Raven.
Silencieux, j'opine avec un rictus poli. À force de toujours refuser ses propositions, mon patron frauduleux risque de me virer de son établissement à coup de pied et je ne peux pas me permettre de perdre ce job... cet argent.
— Allez, bouge de là, y'a quelqu'un qui t'attend, je crois, renchérit-il avec un sourire dépravé.
Je secoue la tête.
— Tu t'imagines trop de trucs, ricané-je en me dirigeant vers la sortie. Y'a rien entre Max' et moi.
Sceptique, mon supérieur me laisse savoir qu'il ne croit pas une seule seconde à mon histoire, mais je ne l'écoute pas. De toute façon, quand ce type a une idée dans le crâne... Je fourre l'argent dans la poche arrière de mon jean noir avant de grimper dans la petite voiture grise de Maxxie, qui fait un doigt d'honneur à mon interlocuteur.
— Tu crois que si je t'embrasse avec fougue devant son nez, il va nous lâcher avec ses idées de romance foireuse ? me demande-t-il en mimant un baiser langoureux.
— Tu rêves, pouffé-je.
Amusé, mon meilleur ami souffle du nez, remet son bandana violet en place puis démarre sa citadine. Dans l'habitacle, les chansons de Mod Sun s'enchaînent, pourtant l'atmosphère s'alourdit de plus en plus. Une fois en bas de chez lui, Maxxie coupe le moteur puis expire bruyamment.
— Je te préviens, c'est pas la joie là-haut, m'avertit-il en tirant sur le frein à main.
— Ton coming out s'est mal passé ?
Le regard cristallin de mon petit moineau s'évanouit sur le volant alors que la déception semble envahir son visage.
— Pas pour tout le monde. Ma sœur a été super, par exemple. Elle m'a demandé mes pronoms et m'a dit qu'elle utiliserait plus « il » que « iel » parce que c'était plus facile pour elle. Elle a pas bien compris que les deux me vont, je crois. Elle avait l'air de se sentir coupable de pas bien comprendre le pronom neutre... j'ai rien pu faire pour la rassurer, même quand je lui ai dit que de toute façon, les gens avaient tendance à ne jamais l'utiliser, ça n'a pas fonctionné.
— Du Melody tout craché, ça, murmuré-je avec bienveillance.
Maxxie acquiesce, mais semble totalement désemparé.
— Léo m'a demandé si on allait me couper les seins, lâche mon meilleur ami à brûle pourpoint.
Surpris, je le dévisage, et il se met à rire.
— C'est ça les gosses, pas de filtres...
Il rigole, mais je sais qu'il se sent mal, je le vois dans ses yeux.
— Et tes parents alors ?
Les traits de Maxxie se crispent et il ravale un sanglot.
— Ma mère m'a dit que c'était qu'une phase et qu'elle allait m'aider à en sortir. Elle veut m'envoyer chez un psy privé qu'elle connaît bien pour que je redevienne « coquette comme avant et que j'arrête de m'inventer des problèmes pour me rendre intéressante », crache-t-il en mimant des guillemets avec ses doigts.
J'hallucine, putain.
— Et puis mon père... Bon bah il me croit pas. Il m'a dit de cesser mon délire, que si j'étais vraiment transgenre, je serais un mec ou une meuf mais que j'aurais pas de bizarrerie comme la non-binarité. Je sais qu'il comprend pas le concept, qu'il arrive pas à saisir ce que c'est qu'un mec trans non-binaire, et je lui en veux pas, mais il m'a dit que j'avais intérêt d'arrêter avec mes conneries si je voulais encore habiter sous son toit et ça je sais pas si je pourrai lui pardonner. J'ai peur, Raven, j'ai peur de finir à la rue...
La voix de Maxxie déraille et je passe mon bras autour de ses épaules.
— Mais non, bien sûr que non, tu finiras pas à la rue. On trouve toujours quelque chose, tu te souviens ? On trouve toujours quelque chose.
Mon petit moineau acquiesce en posant sa tempe sur mon biceps et sa tristesse me fait bouillir. Quelle bande d'enfoirés. Les poings serrés, je me concentre sur ma respiration pour ne pas exploser et dire des choses que je pourrais regretter.
— Et moi qui croyais avoir une famille pourrie, reprends-je dans une tentative désespérée d'alléger l'ambiance.
— Ah non, je te rassure, ta famille est encore plus mal foutue que la mienne ! ricane mon ami.
Ça, je te le fais pas dire.
Soulagé par son regain de positivité, je lui souris.
— Bon, quand faut y'aller, faut y'aller ! ajoute-t-il en tapant sur ma cuisse.
Déterminé, il sort de la voiture d'un seul coup et fait de grands gestes pour que je me bouge. Un peu sonné par toutes ces émotions, je dois prendre sur moi pour le suivre sans remettre le sujet sur le tapis tandis qu'on pénètre dans le hall de l'immeuble. Plus raide que jamais, Maxxie déverrouille sa porte d'entrée et une mini tempête d'énergie nous accueille.
— Oh, Raven ! s'exclame Léo avant de fixer mon torse tatoué quelques secondes. Pourquoi t'as pas de tee-shirt ?
— Bouge de là, tête de nœuds, le bouscule Maxxie pour se frayer un chemin dans le couloir étroit qui mène aux trois chambres.
Je tire la langue à l'enfant surexcité, avant de passer devant lui pour m'abriter dans le refuge minuscule de mon meilleur ami. Ce dernier tente de refermer la porte derrière nous, mais son petit frère est aussi rapide que son ombre.
— Dis, Raven, c'est quand que tu m'apprends à me battre ? Je vais bientôt entrer au collège, j'ai besoin de connaître des trucs !
— Qui t'a dit que je savais me battre, moi ?
Maxxie crache un rire cynique, puis fait déguerpir son frangin qui gémit un instant mais trouve très vite une nouvelle occupation.
— Quand est-ce que tu vas arrêter avec ça ? me lance-t-il en fouillant dans son armoire en bois beige.
— Arrêter avec quoi ? demandé-je innocemment.
Je me jette sur son lit une place en détaillant les posters de célébrités punks et de slogans anarchistes au-dessus de ma tête, pour ne surtout pas avoir à faire à la réaction de la seule personne sur cette planète à qui je ne peux pas mentir.
— Les mensonges... Et les combats aussi. Tu vas finir par te faire tuer.
— Tu sais que je peux pas faire ça, Max'...
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Coucou tout le monde, comment ça va ?
Comme vous avez pu le remarquer, il y a un changement de point de vue (qui, je l'espère, vous plaît) et j'aimerais que vous me disiez, maintenant et à l'avenir, si le fait que je ne le mentionne pas vous pose un problème. J'aime bien l'idée de ne pas le mentionner, c'est quelque chose que j'ai fait sur Je N'ai Plus Peur, mais vu qu'ici les points de vue seront un peu disposés aléatoirement, n'hésitez pas à me dire si ça vous perd plus qu'autre chose. En général, j'essaie de faire en sorte qu'on comprenne vite qui parle (d'autant que là c'est un point de vue masculin et un point de vue féminin donc les accords changent) mais si jamais je ne le fais pas assez bien, dites-moi !
Bon, bon, bon... on est content de rencontrer Raven ? Enfin de le rencontrer vraiment, avec son point de vue et ses pensées ?
Pourquoi c'est si grave qu'il se soit taché, vous pensez ? Est-ce que ça a un rapport avec cet argent dont il semble avoir tant besoin, selon vous ?
Et Maxxie, alors, on lea trouve comment ? Sa situation ? Sa famille ?
La musique, pour une fois, n'est pas très connue (enfin je crois pas) et j'ai adoré la découvrir. Elle vous plaît ?
Voilà, voilà, c'est tout pour moi, on se retrouve samedi pour la suite !
En attendant prenez bien soin de vous, les potes.
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