Chapitre 2 | 2
"Mama, come here,
Approach, appear.
Daddy, I'm alone,
'Cause this house don't feel like home."
Unsteady – X Ambassadors. (En média).
Le crossover s'arrête devant un bâtiment que je ne connais pas et Miles vient m'ouvrir la portière.
— Mademoiselle, dit-il en m'invitant à sortir de ma cachette.
— Willow, grogné-je.
Un peu étonnée, j'observe la porte verrée qui me fait face avant d'entendre une voix rauque s'élever derrière moi.
— Ma chérie !
Je me retourne d'un geste, et me précipite vers ma grand-mère, qui trottine jusqu'à moi, pour me réfugier dans ses bras.
— Granny... murmuré-je, le nez dans son pull jaune.
— J'espère que je ne t'ai pas trop fait attendre, ma puce. Ce qui te sert de grand-père m'a prévenue si tard qu'il ne pourrait pas venir te chercher que ton avion avait déjà atterri quand j'ai pu me libérer.
Amusée par son vocabulaire et son ton exaspéré, je souris contre elle.
— Bon, on va pas rester plantées dehors comme des cruches ! Allez, viens, je vais t'accompagner là-haut et je vais te préparer une bonne boisson chaude, me somme-t-elle en posant ses deux mains sur mes épaules pour me regarder. Et un petit quelque chose à manger, regarde-moi ça, tu as la peau sur les os, ma petite-fille !
Je lève les yeux au ciel, mais ne réponds rien. L'énergie débordante de cette femme au caractère bien trempé m'avait manqué. Voir ses traits marqués par le temps et ses yeux d'un noir intense m'apaise. Sous son énorme sweat, ses grosses lunettes rondes et son baggy en jean se cache un petit bout d'humain qui a toujours su me rappeler que peu importe où j'étais, peu importe où j'allais, un refuge m'attendait au creux de ses bras, de ses mots et de tout ce qui pouvait maintenir notre lien si fusionnel. Et encore une fois, elle me prouve que mon cocon de sécurité n'a pas bougé. Même après des années sans l'avoir serrée contre moi, même après des semaines sans lui avoir donné de nouvelles, elle est là. Elle m'accueille. Elle m'aime.
Une fois avoir survolé les quatorze étages grâce à l'ascenseur le plus vaste que j'ai jamais vu, ma grand-mère sort un trousseau de clés pour ouvrir une porte d'entrée marron et me précéder dans un appartement meublé ultra moderne.
— Merde alors, il a pas fait dans la dentelle, lance mon accompagnatrice, soufflée.
Je hausse un sourcil alors qu'elle grimace.
— Enfin, je veux dire, zut alors !
Monsieur Jefferson dépose mes bagages dans l'entrée tandis que je balaie la pièce lumineuse des yeux. Devant moi, un long canapé beige se dresse face à un home cinéma gigantesque, mais je prête à peine attention à eux, trop médusée par la vue sur Central Park que m'offre l'immense baie vitrée donnant sur un balcon aussi spacieux qu'une véritable terrasse. Mon Dieu, c'est trop. C'est beaucoup trop. Lorsque je me retourne pour comprendre ce qui est en train de se dérouler devant mon nez, je me rends compte que ma grand-mère a déjà disparu dans la pièce de droite. Curieuse, je suis les bruits de placard et entre dans une cuisine aussi immaculée que la salle de vie. Les murs blancs contrastent considérablement avec le mobilier d'un noir de jais somptueux, et je me surprends à penser qu'en plein jour, cet endroit droit resplendir de clarté tant les fenêtres sont grandes.
— Tiens, ma grande.
Ma grand-mère me tend un mug noir affublé d'un « I love New York » affreusement cliché qui m'arrache un nouveau sourire. Je porte le liquide fumant à mes lèvres puis remercie les cieux d'avoir inventé le chocolat chaud.
— Granny, qu'est-ce que c'est que cet endroit ? demandé-je en me dirigeant vers une chaise grise qui entoure une longue table en bois de la même couleur. Grandpa a déménagé ?
— Déménagé ?
Mon aïeule se met à rire.
— Non, bien sûr que non, quelle drôle d'idée ! Son palace lui manquerait bien trop. À côté de sa maison, ton duplex, c'est du pipi de chat ! Quoi qu'il m'a promis qu'il logerait dans son appartement de l'Upper East Side durant le premier mois de ton installation ici pour que tu te sentes entourée. Tu n'as qu'à traverser Central Park pour te rendre chez lui ; je lui ai dit qu'il aurait pu te trouver une petite place à ses côtés pour te rassurer un peu, mais monsieur aime montrer qu'il a de l'argent, que veux-tu ? Alors sous couvert de te rapprocher de Julliard qui doit être à quelques minutes d'ici, il t'offre ça ! s'écrie-t-elle en tournant sur elle-même pour désigner cet endroit.
Noyée par le nombre incalculable d'informations que je reçois à la minute, mon cerveau bloque, et je scrute ma grand-mère, abasourdie.
— Oh, mais ne me regarde pas comme ça, ma poulette. Même si ton grand-père traîne avec sa cuillère en or dans la bouche, admets que c'est un joli cadeau de bienvenue ! Et puis, si jamais tu veux venir me voir, j'habite juste après la Cathédrale St John, presque dans le centre de Harlem. Je donnerai mon adresse à ton chauffeur, tu pourras venir me voir quand tu veux, et une chambre sera toujours prête à t'accueillir si ton château de princesse manque un peu de chaleur humaine et de bons petits plats, ajoute-t-elle plus en douceur.
Silencieuse, je hoche la tête sans savoir comment réagir.
— Excusez-moi, mademoiselle Hamilton, avez-vous besoin de quoi que ce soit d'autre ?
Le temps d'une seconde, je reste hébétée devant Monsieur Jefferson, qui attend patiemment que je sorte de ma torpeur.
— Oh, euh, non, je ne crois pas, bafouillé-je. Combien est-ce que je vous dois ?
Je me débrouille pour repérer mon sac à dos, mais Miles me coupe dans ma lancée.
— Non, mademoiselle. C'est votre grand-père qui m'a engagé, il paie chacune de mes courses. D'ailleurs, voici ma carte.
Il trifouille dans la poche intérieure de sa veste de costume, puis me tend un petit rectangle en carton bleu marine sur lequel se trouve son numéro de téléphone.
— Vous pouvez me contacter n'importe quel jour, à n'importe quelle heure, votre grand-père m'a chargé de vous conduire où il vous plaira, reprend-il.
— Merci beaucoup, Monsieur Jefferson, murmuré-je.
— Appelez-moi, Miles, Mademoiselle, je vous en prie.
— Appelez-moi Willow, dans ce cas, rétorqué-je, un sourire dans la voix.
Miles semble retenir un léger rire avant de lever deux mains coupables en l'air.
— Je tâcherai de faire un effort, made... Willow.
— Merci, Miles.
Cette fois, mon chauffeur pouffe avec discrétion.
— Puis-je disposer ?
— Oh, évidemment ! Désolée, je... je ne voulais pas vous retenir, bégayé-je, embarrassée.
— Willow, c'est mon travail, vous savez, me rassure-t-il, visiblement amusé.
Après nous avoir saluées, mon aïeule et moi, Monsieur Jefferson quitte l'appartement et je prends soudain conscience de l'absurdité de la situation. Qu'est-ce que je vais faire d'un chauffeur ?
— Tu veux que je dorme ici, cette nuit, ma puce ? me propose ma grand-mère, me sortant de mes pensées.
— Non, non, ça va aller. Je crois que si je veux m'habituer à mon nouveau chez moi, il va falloir que je prenne mon courage à deux mains pour y rester un peu seule, affirmé-je sans être bien certaine que ce soit réellement ce que je veux.
— Tu en es sûre ? Tu peux venir à la maison, aussi, si tu préfères.
Je secoue la tête en sentant ma gorge se serrer, et deux bras protecteurs m'entourent avec tendresse.
— Comme tu préfères, ma chérie. Je vais te laisser te reposer, alors. Je passe te voir demain matin et ça, par contre, c'est pas négociable, renchérit-elle contre moi.
Je glousse dans son cou, mais le cœur n'y est pas. Mais pourquoi est-ce que j'ai envie de pleurer ?
— Mon numéro de téléphone et mon adresse sont dans le petit carnet orange à côté du téléphone fixe. Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu m'appelles ou tu viens me voir, d'accord ? Même si c'est à quatre heures du matin.
Ma grand-mère me relâche tandis que je lui réponds par la positive en me forçant à sourire.
— Ça va aller, ma grande ?
— Oui, Granny, ne t'en fais pas. Je suis juste épuisée. Je crois que je vais appeler papa et maman, puis j'irai dormir.
— C'est une merveilleuse idée, repose-toi bien. Je reviens te voir demain avec un petit-déjeuner digne de ce nom, et toi, tu m'envoies un pigeon voyageur si tu as besoin de quelque chose.
— Promis, ricané-je.
— Bien, je te laisse alors.
Elle m'embrasse sur le front, me répète encore une fois qu'elle est là si jamais quelque chose ne va pas, puis finit par passer la porte de mon cadeau de bienvenue. Un peu dépassée par les événements, j'ouvre la baie coulissante menant au balcon et observe le ciel qui s'assombrit. Une brise fraîche se lève sur l'atmosphère si spéciale de la métropole et mes émotions s'effondrent enfin sur mes joues. Pourquoi je n'ai pas demandé à Granny de rester ? Je n'ai pas envie d'être toute seule ici. Je ne veux pas être livrée à moi-même dans la jungle colossale que représente Manhattan. Désabusée et éreintée, j'éclate en sanglots. Je déverse toute ma peur, toute ma tristesse, toute ma détresse sur cette terrasse bien trop luxueuse. Je laisse la douleur m'écorcher, je me laisse saigner jusqu'à ce que l'hémorragie se calme.
Frigorifiée et encore plus à bout de forces, je décide de rentrer pour dormir un peu, quand mon téléphone se met à sonner. Ni une, ni deux, je décroche.
— Je sais, je sais, j'avais promis de ne pas m'inquiéter, d'ailleurs ton père m'a dit d'attendre encore un peu avant de te harceler d'appels, mais je n'ai pas pu m'en empêcher. Je ne t'ai pas payé un forfait USA pour rien, après tout... Comment tu vas mon cœur ? Le vol s'est bien passé ? Tu es bien installée, chez ton grand-père, il t'a trouvé une petite place chez lui ? Oh ! Et tu n'es pas trop fatiguée ? Tu as pu dormir un peu dans l'avion, j'espère ! Je sais que tu n'as pas fermé l'œil de la nuit avant le voyage, il ne faudrait pas que tu t'écroules d'épuisement et puis...
— Maman. Je vais bien, chuchoté-je dans un mensonge éhonté.
J'entends mon père rire à l'autre bout du fil alors que mon moulin à paroles angoissé préféré soupire.
— Je suis épuisée, mais je vais bien, ajouté-je en tentant de contrôler ma voix éraillée.
— Tu es bien installée ?
C'est le moins qu'on puisse dire.
— Oui, l'appartement est très grand, Granny l'adore, dis-je sans réfléchir.
— Ta grand-mère est passée chez Scott ? s'étonne ma mère.
Lorsque le prénom de son beau-père sort de sa bouche, je me mords l'intérieur de la joue. Bravo, Willow, déjà une gaffe à ton actif.
— Non, pas vraiment, elle...
— Il n'était pas là, n'est-ce pas ? Il n'a même pas pris la peine de se déplacer, crache mon père avec mépris.
Respire.
— Ce n'est pas très grave, papa, le chauffeur était adorable et Granny m'a dit que je pouvais passer la voir quand je voulais, même en plein milieu de la nuit. J'essaierai d'aller dire bonjour à grand-père dans la journée de demain...
— Comment ça, tu vas aller lui dire bonjour ? Tu n'es pas avec lui ? s'étrangle ma mère.
— Non, bien sûr que non, connaissant le tout-puissant Scott Hamilton, il lui a loué, voire acheté un endroit pour dormir, s'énerve mon père. Quel co...
— De là où je suis, j'ai une vue imprenable sur Central Park ! m'exclamé-je avec beaucoup trop d'entrain. Miles, mon chauffeur, m'a offert une petite traversée quand on se rendait dans l'Upper West Side pour que je m'installe ici, et ça a l'air incroyable. Je vais passer toute ma vie là-bas !
J'entends mon père exhaler sa colère et je sais que désormais, il va prendre sur lui pour ne pas gâcher mon arrivée en Amérique déjà bourrée d'imprévues.
— C'est super mon ange, tu nous enverras des photos, hein ? s'enthousiasme ma mère, un pincement dans la voix.
— Oui, promis, maman. Mais d'abord je crois que je vais aller dormir un peu, je suis exténuée.
— De toute façon, à New York, c'est presque l'heure d'aller se coucher, il doit être quoi ? 20 heures trente ? Quelque chose comme ça.
— Oui, il est bientôt 21 heures, ici. Ce qui veut dire que chez vous...
Mon cerveau carbure quelques instants pour essayer de calculer l'heure qu'il peut bien être en France, en vain.
— ... C'est aussi l'heure de dormir, grimacé-je alors que mon père se moque de mes talents incontestables pour les mathématiques.
— On va aller se coucher, oui. Mais je voulais absolument avoir de tes nouvelles avant de dormir, se justifie ma maman.
— De toute façon, elle n'aurait pas fermé l'œil, si elle n'avait pas attendu de t'avoir au téléphone ! la taquine son mari.
— Bonne nuit alors, murmuré-je, le cœur moins lourd.
— On t'aime, me lancent-ils en chœur.
— Moi aussi, je vous aime.
Mes parents raccrochent, mais je reste encore quelques minutes avec l'appareil collé contre mon oreille. Les entendre se chamailler m'a fait du bien. J'ai l'impression que malgré tout, certaines choses sont restées les mêmes. Mon existence toute entière est bouleversée, j'ai tout à reconstruire, tout à imaginer, mais les fondations de ma forteresse en ruine sont toujours aussi solides qu'avant.
N'ayant pas le courage de monter les marches sombres pour découvrir ma chambre, je m'allonge sur le tissu du canapé et enclenche l'une de mes playlists sur mon smartphone. Bercée par le timbre de voix si particulier de mon chanteur favori, je me détends alors que mes paupières engloutissent mon arrivée mouvementée aux États-Unis.
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Salut tout le monde,
J'ai presque failli oublier qu'on était samedi et que je devais poster un chapitre aujourd'hui... J'espère qu'il vous plaira même s'il arrive un peu tard. D'ailleurs c'est à partir du prochain chapitre que les aventures commence vraiment, j'ai hâte de voir vos réactions...
Du coup, vous trouvez cette arrivée aux US comment ? Vous pensez que Willow va tenir la coup dans ces conditions ?
D'ailleurs, à votre avis, elle va faire quoi Willow, ici ? Comme étude/métier ? Vous l'imaginez s'occuper comment ?
Vous l'avez vue venir, cette question : La grand-mère, on l'aime bien ?
Bon, la chanson est ultra connue, mais je la trouve efficace. Je l'aime beaucoup. Et vous ?
Et voilà, c'est tout pour moi, on se retrouve mardi pour la suite et pour un peu d'action...
En attendant prenez bien soin de vous les potes.
Hydratez-vous, protégez-vous, vos tatouages et vos cicatrices du soleil, et n'oubliez pas que vous êtes bien comme vous êtes.
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